Nous étions en automne. Marie venait de recoudre un bouton de gilet. L'aiguille fine lui avait déjà perforé l'index. Une perle vermeil coula délicatement le long de sa main. Marie soupira et alla chercher un mouchoir pour nettoyer sa blessure. Elle s'arrêta un moment devant la grande fenêtre de sa chambre pour contempler le spectacle désolant des feuilles mortes tombant des arbres. Elle les regarda se détacher tout d'abord au moindre coup de vent, fragiles et légères comme un pétale de rose puis débuter tout doucement leur course silencieuse vers le sol qui les attendait. Elle observa avec attention la danse macabre de leur chute au son d'une fanfare muette.

Bizarrement, ces feuilles lui faisaient penser à la mort. Cet instant où l'on quitte la vie pour dériver lentement loin de tout ce que l'on connaissait. Marie s'assit  sur le sol froid. Et, petit à petit, elle se laissa aller avec les feuilles. Elle sourit. Qui avait dit que les morts ne ressentaient rien ? Au contraire, elle ressentait tout. Elle savourait avec grand plaisir la valse des feuilles mortes qui était devenue sienne. Elle savourait chaque instant de la vie qu'elle avait laissé. Elle était ivre de sensations. Elle était elle. Elle était Marie.

Quand le vent s'arrêta, elle était couchée sur les carreaux beiges. Son petit corps était froid mais tout son être dansait avec les feuilles à présent.

L'automne était finalement une belle saison.