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- Je veux pas rentrer ! se plaint Isidore en traînant des pieds.

Ses amis s'activent, le poussent dans l'ascenseur tout en lui tapotant frénétiquement le dos. Isi' est dans un état amoché. Il dégage des ondes mauvaises, insultant tous ceux qui osent l'approcher tout en balançant des absurdités. Selim, un des rares qu'il a acceptés d'écouter, l'aide à sortir de l'immeuble. Derrière, Anatole, que le brun n'a pas vu de la soirée, appelle un taxi.

Léonard est resté. Finalement, il a réussi à pécho quelqu'un cette soirée et semble vouloir concrétiser. Selim lui a passé une capote avant de partir : ça l'énerve quand Léo' n'est pas vigilant.

Nuit noire complète, avec quelques lampadaires qui brillent peu glorieusement. Selim soupire, il va encore vivre une nuit blanche. Il se demande pourquoi on blanchit la nuit quand elle est pleinement vécue, alors que tout ce que l'on voit les yeux ouverts, ce ne sont que d'immenses parts de pénombres.

- Il dort où ? demande Selim à Coline, qui vient de sortir de chez Mona avec Angèle.

La blonde hausse les épaules, légèrement agacée par l'attitude de son petit ami.

- Je sais pas, il a paumé ses clefs. Je devais dormir chez lui en plus.

Elle n'ose même pas regarder son copain dans les yeux. Mais Selim veut aider : Isidore a l'air peiné par son manque d'attention.

- Vous pouvez venir chez moi. Les chambres de mes frères sont libres.

Anatole, toujours à l'écart avec sa petite amie, refuse d'un ton sec pour l'autre couple :

- Merci Selim mais y a de la place chez moi, ça ira.

C'est la première fois qu'il lui adresse la parole de la soirée. Tiens, il connaît encore mon nom. Le garçon aux cheveux de jais, qui dépasse tout le monde d'une bonne tête, prend la relève pour soutenir l'autre blond en train de s'écrouler. Tout le monde reste muet sur le trottoir, trouvant la situation incongrue et déroutante.

À cinq, comme autrefois.

Il n'y a jamais vraiment eu de cohésion de groupe, mais quand même, Selim ne se sent pas à sa place.

- Moi je veux dodo chez Selim ! meugle Isidore en levant les bras.

Le brun craque un sourire, tout en essayant de raisonner son quasi-frère. Coline ose enfin rire légèrement, tout en croisant les yeux des Selim. OK, ils ont fait la paix, d'une certaine façon. C'est rassurant. Mais quelque chose scintille, et ça lui pince le cœur.

- Bon, bah, je vais vous laisser. 'lut.

Pour ne pas finir mal à l'aise, le brun s'éclipse vers son vélo. Il marche intimement convaincu qu'il n'a plus sa place auprès de cette bande d'amis. C'est tant mieux, non ?

Dévalant une pente, il se sent revigoré, respirant à pleins poumons. L'air fouette son visage, c'est formidable mais brutal.

Mais la lune le fait un peu bader, lui rappelant la discussion avec Co'.

Selim se sent ordinaire et con de tout analyser aussi précisément. Chaque détail compte dans sa tête. Mais non, il ne devrait pas... Il doit se concentrer sur les contours grossiers de chaque geste, pour ne pas se perdre lui-même. Aucun regard brillant ne doit l'affecter, aucun signe d'affection ne doit le faire espérer. Rien n'a changé.

Dehors, il repense à cette nuit blanche mais noire, noire mais blanche : cette nuit teintée de nuances.

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