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Ce soir, après être rentré de son service, Selim est crevé. Il a cassé des verres et s'est trompé dans plusieurs commandes... ça l'agace énormément et brusque son côté perfectionniste. Il ne supporte pas de faire les choses mal. Alors que le brun s'apprête à se réfugier dans sa chambre, son père l'appelle, du salon.

- Quelque chose ne va pas 'pa ?

Le père lui montre la télé, encore bloquée sur une autre source que celle reliée à la box TV. Selim l'aide, tout en s'asseyant sur un fauteuil. Les deux restent silencieux tout au long de l'opération. Comme d'habitude, son père se paume très vite dès qu'on sort de ce qu'il connaît de la télé classique.

- Alors Selim, le travail ?

- Moyen, mais ça paie bien.

Le jeune homme n'ajoute pas grand chose, à court de mots. Il ne sait jamais quoi dire à son père, préfère toujours laisser les autres passer du temps avec lui en général, tout en l'observant de loin. Même quand il lui rendait très souvent visite à l'hôpital, il se calait dans un coin, tout en ouvrant un bouquin. Son père a toujours été très pudique avec lui, ne lui offrant jamais de compliments ou mots gentils.

Malgré tout l'amour et le respect que Selim ressent pour sa figure paternelle, leurs discussions virent toujours sur des reproches adressés au fils, sur son manque de volonté et d'ardeur, comparés aux autres frères. Ils n'ont rien à voir, caractériellement. Et pour éviter d'être froissé, Selim passe le plus de temps possible à éviter son père tout en le notifiant malgré tout de sa présence et de son soutien.

- Merci. Je comprends jamais rien à cette télécommande.

- Bon, je vais dans ma chambre.

Le père refuse, le force à se rassoir.

- Regarde avec moi le match. Y a un Classico ce soir.

Selim, claqué et essoré par le boulot, obéit maussadement. Le « oui » bref lâché, il fixe l'écran. Quelques buts du Real. D'autres du Barça. Bref, il n'arrive pas à suivre.

- Selim, écoute-moi. Pour ton salaire d'été, tu devrais aider ton frère pour qu'il achète une maison.

Ça commence.

- Non, il peut s'en sortir seul. Soan a un boulot.

- Tu dois l'aider. Tout le monde doit le faire dans notre famille, même Jasmine veut contribuer avec le baby-sitting. Moi je n'ai pas encore repris le travail, donc tu devrais faire preuve d'altruisme et donner autant que tu peux Selim. C'est ce que je t'ai toujours appris.

- Je dois payer mes vacances papa.

Il baisse le son de la télé, tousse légèrement pour s'échauffer la voix :

- Regarde comme t'es égoïste. Tu parles de vacances alors qu'un enfant va naître dans la famille. Ses conditions de vie ne t'importent pas ? La famille, ça se serre les coudes. Tu ne penses toujours qu'à toi. Moi j'ai toujours soutenu financièrement ma famille restée au bled, tout au long de ma jeunesse.

Selim écoute, culpabilise, hésite à envoyer un message à sa bande de potes pour annuler leurs plans en août. Mais il se ravise à la dernière minute, se souvenant que son père a toujours été injuste avec lui, en a toujours attendu plus qu'avec les trois autres.

- Je vais aller dormir.

- Réfléchis-y.

Dans son lit, quelques minutes plus tard, Selim se sent encore moins bien. Papa est vivant, il est là. Mais qu'est-ce qu'il est distant... malgré ces quatre ans passés à l'accompagner dans son combat. Quatre ans à le voir essayer d'en finir avec le cancer, mais jamais Selim n'a reçu une preuve d'affection explicite. Le brun soupire. Il n'aime pas trop ce type de journée, où il se sent sale intérieurement et frustré. Il essaie de repenser aux moments récents qui lui ont fait du bien pour ne pas être déprimé, le soleil... ou la discussion à la fenêtre. Selim essaie de se vider tant bien que mal la tête.

Puis une notification soudaine. Un texto d'Isi' en détresse :

« Je crois que Coline va rompre mec. Faut que tu m'aides. »

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