Anté-antépénultième

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*Dortos*

Appuyé contre l'encadrure de la porte, tourné vers l'intérieur de la chambre, j'avais les yeux rivés sur le lit, où dormaient deux personnes. D'un sommeil profond, probablement paisible, certainement très long. Non loin, dans la pièce d'à côté, j'entendais Frigiel s'entretenir avec Newtiteuf au téléphone. Je n'entendais cependant, ni ne cherchais à entendre, le moindre mot.

Sans un mot, j'avançai finalement vers le lit, observant Arm' et Blondie entrelacés ; si le premier n'avait pas d'autres marques visibles que celles de la veille, qui étaient assez fines, la seconde avait le visage entièrement violet, et je voyais les veines de son cou saillir sous la peau, indigo de même.

Doucement, je les séparai, et les allongeai, l'un à côté de l'autre, sur le dos. Ça ne servait à rien de faire ça ; ça n'avait même pas de sens. Mais je ne me sentais pas de rester sans rien faire. En détournant un instant les yeux, je vis que les deux invités avaient laissé leurs vêtements de la veille pliés, en petit tas, dans un coin. Je vins les chercher, fouillai dedans, sans gêne.

Il me faut quelque chose, un indice, n'importe quoi.

Je sentis soudain quelque chose de dur dans une poche ; pris d'espoir, je l'attrapai et le tirai. Avant de soupirer de déception. Un bête téléphone. Celui de Blondie, d'ailleurs.

Je mis le portable de côté, et continuai mon inspection. Au bout de cinq minutes, pourtant, je dus me rendre à l'évidence : il n'y avait rien. Rien d'autre que deux téléphones éteints.

Leurs couteaux à chacun ont disparu, notai-je. Ça paraît normal, je suppose.

- Hé, Dortos !

J'entendis un bruit m'indiquant que Frigiel avait raccroché le téléphone. Je fourrai les portables dans ma poche, par réflexe, et répondis :

- Oui ?

- On est attendus chez NT dès que possible.

- Et Pepper ?

- En vie, partie se promener.

- Kim ?

- Aucune nouvelle.

Je hochai la tête - à moi-même, Frigiel ne pouvant pas me voir de l'autre côté d'un mur - et partis rejoindre mon ami dans l'entrée. Je le trouvai déjà prêt à partir, en chaussures, veste en jean sur le dos.

- Ça te va bien, remarquai-je.

- Oh ? merci, fit Frigiel avec un sourire. Tu sais ce qui t'irait bien, toi ?

- Je m'attends à tout, marmonnai-je.

- Un kigurumi de panda !

Frigiel me fit un grand sourire d'enfant ravi, les yeux brillants. Je ne savais pas quelle image avait pu lui traverser la tête, mais le connaissant, ce n'était rien de très catholique ; rien que d'y penser à mon tour, le rouge me monta aux joues. Je me flagellai mentalement : jamais, jamais je ne m'y ferais, décidément...

- T'es tout rouge, c'est trop chou.

- A-arrête de penser à voix haute !

Un rire moqueur accueillit ma dernière réponse, réduisant bien mon autorité à néant. Frigiel se rapprocha de moi, posa ses mains sur mes joues, et m'embrassa gentiment le front.

- N'essaie même pas de faire semblant d'être autoritaire, mon chou, tu t'épuises pour rien.

Sur ce, il recula, me fit un petit signe de main, puis tourna les talons et fit mine de sortir.

- Hé, attends ! l'arrêtai-je. Tu vas où comme ça ?

- Bah, chez NT, répondit-il comme si c'était l'évidence même. On est attendus, je viens de te le dire. Faut qu'on se regroupe tous, discuter des trucs bizarres de cette nuit. Enfin, encore plus bizarres que les jours précédents.

- Mais, et Pepper ?

- Newtiteuf a dit qu'il l'appellerait.

- Ah...

- Suis-moi quand tu seras prêt !

Je tentai de protester, mais Frigiel me fit son plus beau clin d'oeil. Et partit en fermant la porte.

Quelle insouciance, franchement... je ne sais pas si c'est ce qui m'énerve ou ce que j'aime chez lui.

Maugréant contre les mauvaises manières de mon ami, j'enfilai à mon tour chaussures et veste ; avant de partir, je jetai un coup d'oeil vers la porte entrouverte de la chambre où j'avais laissé Blondie et Arm'. Je secouai la tête : il n'y avait plus rien à faire pour eux.

Je sortis donc, fermai la porte à clé, et pris une grande inspiration en me retrouvant dehors. Un regard rapide m'apprit que Frigiel ne m'avait vraiment pas attendu. Un rustre, cet homme.

Je planifiai rapidement mon itinéraire dans ma tête, vérifiai la carte pour confirmer, puis me mis en route. L'appartement de Newtiteuf n'était pas si loin.

J'ai comme l'impression que cette réunion ne servira pas à grand-chose, malgré tout... on n'est plus que quatre, cinq dans le meilleur des cas - si tant est que Kim en vie signifie le "meilleur des cas". De quoi est-ce qu'on pourra parler ? Qu'est-ce qu'on pourra faire de plus qu'émettre des hypothèses, et attendre notre fin tous ensemble ? Parce que de toute évidence... comme j'en avais l'intuition... c'est déjà trop tard.

Perdu dans mes pensées, je ne prêtais plus attention au chemin que je suivais ; aussi fus-je surpris de me retrouver à l'orée de la place centrale, pas du tout sur mon chemin de base. Je lâchai un petit juron contre mon manque d'attention, et m'apprêtais à faire demi-tour, quand quelque chose - ou plutôt quelqu'un - surgit de derrière l'obélisque noire. Je ne fus pas long à reconnaître sa silhouette.

- Pepper !

Elle tressauta, parut chercher d'où venait ma voix ; quand elle me vit enfin, elle me fit un petit signe de la main. Je courus vers elle alors qu'elle marchait à ma rencontre. Dès que je fus suffisamment proche d'elle pour mieux voir son visage, j'eus un pincement au coeur.

Elle avait beau arborer un large sourire, des larmes coulaient sans discontinuer sur ses joues.

- Pepper... tu...

- Oui, oui, je pleure. Je sais. N'y fais pas attention, c'est juste... un réflexe. Pour Clémence et Arman, tu vois...

- Je suis désolé, soufflai-je.

- De quoi ? Tu n'y es pour rien. Tu allais où, au fait ?

C'est incroyable, cette capacité qu'elle a de réussir à parler normalement après ce qu'elle vient d'apprendre.

- Chez NT... il a demandé à ce qu'on se réunisse tous.

- Ah oui, je le savais, en fait.

- Tu restes ici ?

- Non non. J'avais juste un peu de mal à trouver la volonté de bouger, à vrai dire... mais bon, vu que tu es là, ça tombe bien, on se tiendra compagnie.

Sous-entendu : je lui tiendrais compagnie. Elle ne l'avait pas formulé mais j'en étais pratiquement sûr.

Nous partîmes donc, dans la bonne direction. Un silence s'était installé entre nous, rythmé par les bruits réguliers de nos pas, et par des bruits de choc provenant d'un sac à dos noir que Pepper portait sur une épaule. Tiens, on marchait avec le même rythme... détail inutile, au demeurant. Pourtant, plus nous avancions, plus ça me stressait. Au point où je me sentis obligé de briser le silence :

- Est-ce que tu as réfléchi au sens de ces coups de cloche, cette nuit ?

- Hmm ?

- Je te demandais, répétai-je, comment tu interprètes les deux séries de coups de cloche, cette nuit.

- Je ne les ai pas entendus, à vrai dire.

Je me tournai vers elle, surpris, et elle m'adressa un petit sourire contrit.

- En même temps, précisa-t-elle, je dormais très profondément, paraît-il. Mais Julien, lui, il les a entendus.

- Ah.

Je me mordis la lèvre.

Ça remet en cause mes théories, du coup.

- Pourquoi ? fit Pepper d'un ton posé. Tu y as réfléchi aussi, n'est-ce pas ?

- Oui... mais du coup, peut-être que ça ne colle pas.

- C'est-à-dire ?

- Je suis parti de deux principes. Le premier, c'est que la cloche, systématiquement, indique que le mal frappe. Le second, c'est que la personne qui va être frappée n'entend pas la cloche, c'est ce qu'il s'est passé avec Arm' hier.

- Ce serait logique, acquiesça Pepper.

- C'est là que ça se complique. Je pense que Blondie et Arm' sont... ont été...

- Sont morts, me coupa Pepper. Te fatigue pas à chercher d'autres formulations.

- D... d'accord, balbutiai-je, décontenancé. Donc, je pense qu'ils sont morts en même temps. Sinon, l'un se serait réveillé à cause de la cloche et pas l'autre, et il aurait forcément réagi à la mort de son compagnon... ils étaient tous les deux dans le même lit, ils ne pouvaient pas rater "ça". Par conséquent, et selon moi, l'une des séries de coups a annoncé leur mort à eux deux...

- Et l'autre, c'est la mort de Kim.

- C'est juste une théorie, précisai-je. On ne sait pas si elle est morte.

- Elle l'est.

Je m'arrêtai, choqué. Pepper émit un petit rire sans joie, et continua :

- Crois-moi, elle l'est.

- Pepper, hoquetai-je, est-ce que tu l'as...?

- Je ne l'ai pas tuée ! s'exclama-t-elle vivement. Je suis juste allée à son appartement, et je l'y ai trouvée. C'est le mal qui l'a eue. Elle était violette.

Je repris ma marche, rattrapant Pepper qui ne s'était pas arrêtée. Dans ma tête, cependant, je doutais beaucoup.

Ça coïncide avec mes suppositions, hmm. Peut-être un peu trop.

- De base, qu'est-ce que tu allais faire chez Kim ? interrogeai-je ma camarade.

Celle-ci ralentit un peu le pas, l'air de réfléchir. Ça ne me mit que plus sur mes gardes ; même si depuis le début, Pepper n'avait pas particulièrement l'air d'être une tueuse, je préférais me méfier des apparences. Après tout, je ne pensais pas non plus que Kim aurait tué son petit ami.

Pepper finit par soupirer bruyamment, et lâcha :

- Est-ce que tu as trouvé les portables de Blondie et Arm' ?

- En quoi ça répond à ma question ?

- Tu verras bien assez tôt. Tu les as trouvés ?

- Juste celui de ta soeur, mentis-je.

- Tu l'as sur toi ?

- Oui...

- Donne.

Méfiant, je plongeai la main dans la poche droite de mon jean, en sortis le téléphone de Blondie et le tendis à Pepper. Alors qu'elle le prenait, je vérifiai discrètement que l'autre, celui d'Arm', était toujours dans une poche arrière.

- Regarde, ordonna la brune. C'est très simple.

Elle appuya juste sur un bouton, pour allumer le téléphone. Je m'attendais à l'écran de verrouillage, mais à la place, l'écran vira au blanc, et une lettre en noir s'y afficha. I, lus-je.

Qu'est-ce que ça veut dire ?

- Ils sont tous comme ça, fit Pepper. Quand quelqu'un meurt, une lettre s'affiche sur son portable. Je l'ai remarqué avec ceux de Maxime et Brioche, mais je l'ai oublié juste après... c'était stupide. Je suis sûre à 100% que les lettres ont un sens. Et c'est pour ça que je suis allée voir Kim, parce que je savais qu'elle avait des téléphones. Sauf que, quand je suis arrivée... je l'ai vue morte. J'ai récupéré ce qu'elle avait, et je suis partie.

- Je vois...

Mes doutes sur Pepper quasiment dissipés, je pris le téléphone d'Arm' dans ma poche, et le tendis à mon interlocutrice.

- Tiens, fis-je. Autant que tu centralises.

- Tu l'avais sur toi et tu ne me l'as pas dit ?

Je haussai les épaules.

- Simple méfiance de base.

Pepper fit une petite moue vexée, mais finit par tendre la main vers le portable que je lui donnais. Au moment de le prendre cependant, elle se figea. Je haussai les sourcils.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Elle parut ne pas m'entendre, et je lus dans ses yeux une frayeur grandissante. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre.

Avec un sourire, je pris mon propre portable, et le posai dans sa main, avec celui d'Arm'.

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