Chapitre ④⑨

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Bonsoir les amis ! ^-^

Voici un nouveau chapitre d'Océan ! Mais avant toute chose, je tenais à vous expliquer une scène qui n'a pas été correctement comprise dans le chapitre précédent (d'où l'intérêt de lire les Interludes... T-T). Dans le chapitre précédent, Jimin regarde Jungkook, et ce dernier lui adresse un hochement de tête ; cette scène fait référence à l'Interlude II, où on a le pdv de Jimin, et dans lequel ce dernier se fait acculer contre un mur par Jungkook qui lui chuchote "faible" dans l'oreille. Cela étant, dans le chapitre 48, Jimin se tourne vers Jungkook et semble attendre une sorte d'approbation pour accepter de porter plainte contre ses harceleurs (= donc de prendre son courage à deux mains), et lorsqu'il croise le regard de Jungkook, il recherche en fait ce que Taehyung a toujours recherché aussi : une sorte de protection, de réconfort, de la part de quelqu'un de "plus fort" (tout ça est évidemment métaphorique). Le fait que Jungkook hoche donc la tête réfère à un "oui" silencieux, comme pour dire à Jimin, après l'avoir insulté de faible, "oui, tu peux le faire". Ça fait écho avec toutes les fois où Jungkook a aidé Taehyung à être fort. Cette fois, il a aidé Jimin. Voilà voilà ^^

Je vous conseille de mettre la musique en média durant votre lecture ! 


Bonne lecture ~ ♥


********************************


Je ne sais même pas où je vais.

Après avoir couru, couru, couru, je me suis retrouvé au centre-ville, avec la sensation que je hais le plus au monde : celle qui nous procure une impression d'être au cœur de la nuit, alors même qu'il ne pourrait être que dix, quatorze ou vingt heures.

Il ne fait plus si froid. Je chemine depuis une heure, peut-être plus, devant les vitrines illuminées sous le crépuscule, parmi les passants qui me paraissent trop heureux pour être aussi malheureux que moi - le grand égocentrisme de la souffrance -, faufilé dans quelques ruelles dangereuses, comme si le vide, un trou béant dans mon corps, m'efforce de chercher une sensation forte pour me prouver que je suis encore en vie.

Durant mon voyage, j'ai même cru m'être réellement donné la mort, ce soir-là, en haut des escaliers, tant l'absence de mon être se reflétait dans les yeux qui m'esquivaient malgré les corps qui me percutaient. La vue rivée sur les dalles humides de pluie à laquelle j'ai échappé, j'ai pourtant senti le poids de mes chaussettes mouillées ; et elles sont parfaitement sèches. J'ai pensé que je faisais ce que tout le monde fait, à savoir alourdir la douleur déjà présente pour la rendre plus concrète. Sinon, on devient fou.

Donc les chaussettes mouillées, l'impression qu'on m'ignore, que le ciel tombe sur moi, que la lune va se décrocher et me trancher la gorge. Tout ça. Requestionner l'existence, comme si un seul obstacle de la vie remettait tout en cause.

Penser non, mais là, c'est vraiment horrible, c'est vraiment grave, ce qui m'arrive n'arrive à personne et je mérite qu'on s'apitoie sur mon sort jusqu'à la fin des temps. Imaginer qu'on me regarde de là-haut, qu'on se dise le pauvre, cet humain-là, on le fait vraiment souffrir.

J'ai fini par tout lâcher, et mes fesses se sont posées sur un banc d'un parc pour enfants. Je me suis dit, en me voyant de l'extérieur puisque la nouvelle avait écrasé mon âme et m'avait bazardé de mon propre corps, que je ressemble à ces personnages, dans les films, qui vivent un quelconque évènement atroce et qui s'installent sur un banc perdu, à la tombée de la nuit, attendant la sentence pour échapper à l'affrontement.

J'ignore, surtout, mon téléphone qui ne cesse de vibrer depuis vingt minutes. On s'est aperçu de mon absence.

Et si c'est lui, qui me contacte, je ne pourrais pas le supporter. Pas tout de suite.

Quand j'en prends conscience, mes doigts se paralysent comme face à une terreur nocturne. Le vent du soir, plus frais, souffle dans ma nuque, soulève délicatement mes cheveux longs, que je n'ai pas encore fait couper, qui me barrent presque totalement la vue, et mon sang se fige dans mes veines. Mon corps ne veut plus répondre. La panique s'empare de moi. C'est le téléphone. C'est l'idée de saisir ce téléphone, d'entendre sa voix, de le revoir, de le regarder dans les yeux, après ça, qui me tétanise.

Mes iris sont figés sur les jeux pour enfants. Un toboggan rouge, des barres métalliques bleues torsadées dans tous les sens, des petits vaisseaux spaciaux d'un côté et de l'autre d'une poutre dure, comme une balance, ainsi que ce sol qui comporte d'innombrables minuscules petis cailloux mous.

Ma bouche s'entrouvre, laisse échapper un souffle froid. Je n'ai que mon uniforme. Je tremble comme une feuille, peut-être à cause de ma chute, de mon coma, aussi, mais non, parce que Jungkook m'a rattrapé. Parce qu'il m'a réceptionné. Parce qu'il a sacrifié une partie de son corps pour que le mien ne s'éteigne pas.

Je crois que mes yeux sont exorbités. Heureusement, personne n'est là, personne ne me voit. Je suis seul face à ma faute. Voilà. C'est ça. C'est ma faute, bien sûr que ça l'est, et je ne veux pas d'un quelconque discours de qui que ce soit, quelque chose de généraliste, non, ce n'est pas ta faute, tu n'étais pas bien, ou non, c'était plus fort que toi, ou pire, non, tu n'as rien demandé à Jungkook, il l'a fait seul.

Je me hais. Profondément, je me hais. C'est tout ce que je sais, là, tout de suite, seul sur ce banc mouillé.

Je ne suis pas certain que je suis en train de pleurer. Qu'est-ce que ça change ? Est-ce que je chiale ? Est-ce que Jungkook voulait vraiment faire carrière dans le sport ? Est-ce qu'un démon de la nuit va venir me voler mon téléphone, me tabasser, me tuer ? Est-ce qu'il voulait faire carrière dans le basket, alors ? Voulait-il me cacher tout ça pour ne pas que je me sente coupable ? Je souris. Un sourire gigantesque. Dire que beaucoup ont peur d'un garçon si gentil.

Mon sourire s'élargit tellement qu'il se brise, comme un élastique sur lequel on aurait tiré trop fort. Ma paralysie passe, j'agrippe le banc en bois, plante mes ongles sous les planches en m'imaginant tous les chewing-gum collés ou les araignées qui doivent y résider.

« Je me suis ouvert en tombant au bord de la piscine. »

Connard.

Connard, connard, connard. Je te déteste. Je te hais. Je voulais seulement partir, c'était ma décision, c'était personnel, c'était intime, et regarde ce que tu t'es fait, regarde ce que tu t'es infligé, juste pour un pauvre type qui se faisait harceler, et pour quoi, par amour ? Et si on se sépare, un jour, tu pourras retrouver quelqu'un, mais jamais tu ne pourras nager de nouveau. On a qu'une épaule gauche. Une seule. Des comme moi, il y en a des millions.

Rageusement, j'extirpe mon téléphone de ma poche quand il sonne encore. Mon cœur bat si fort que je ne serais pas étonné de son explosion. Ce serait une libération.

— Je te déteste.

Taehyung ! Taehyung, putain, à quoi tu joues ?!

Non, ça ne marchera pas. C'est à moi d'être en colère.

— Je ne veux pas te parler, je gronde, la voix étouffée.

Ma main fait trembler l'appareil si fort que ça pourrait se voir depuis la rue d'en face.

Écoute-moi, tu-

— Non.

Je m'en fous, putain, je veux pas être sportif de haut niveau !

— Menteur.

Il est dehors. Je peux l'entendre au son des voitures qui passent.

Taehyung, s'il te plaît, reviens.

— Je ne compte pas me suicider si ça peut te rassurer.

Le ton sarcastique de ma voix me provoque un frisson.

Putain, wow, répond-il, abasourdi.

Mon coeur se serre. Je vais trop loin. En tout cas, je m'en rendrais compte si la haine, que je ressens envers ma propre existence, n'était pas si violente.

— Je... Je raccroche.

Non ! Non, s'il te plaît, Tae !

— J'ai besoin d'être... D'être seu-

Moi j'ai besoin de toi.

Ma main cesse de s'agiter. Sa respiration est saccadée.

Je m'inquiète tellement, s'il te plaît, dis-moi où tu es si tu ne veux pas bouger. Taehyung, dis-moi où tu es.

Mes yeux se ferment. Après une inspiration, je lui murmure quelques mots, et coupe l'appel. La tête baissée, les épaules tendues, je fixe mes cuisses pour éviter de le voir arriver. Il s'écoule une quinzaine de minutes avant que des pas précipités ne se fassent entendre.

J'ai à peine le temps de me lever qu'un corps se plaque dans mon dos. Le souffle court, Jungkook pose le front contre ma nuque, tandis que je ne lutte pas une seconde entre ses bras, et me détends dans sa prise pour lui faire comprendre que je ne compte plus lui échapper.

— Quoi... Quoi que tu dises, rien, rien ne p-pourra me consoler..., je murmure, bouleversé.

— Je sais.

Il me berce doucement contre lui, tandis que mes yeux se ferment, que mon nez plonge dans son bras qui entoure mes épaules, que j'inspire la senteur de ses vêtements qui est imprégnée de celle de son corps. Sa bouche caresse mes cheveux. Son nez s'y faufile, comme à son habitude. Dans la sombre nuit qui tombe, Jungkook ne me lâche pas, si ce n'est pour raffermir sa prise sur mon ventre et mon torse quand une pensée négative doit l'assaillir.

Lorsque mes paupières se relèvent, je perce le noir du regard. Une larme roule sur ma pommette, s'écrase contre sa manche de gilet à capuche ébène.

Je ne sais pas ce qui me prend, mais le sanglot qui monte jusqu'à ma gorge est si puissant que je cherche à sceller mes lèvres en les pressant contre son vêtement. Et je ne sais davantage comment il comprend puisque, soudain, Jungkook pose sa main entière sur le bas de mon visage pour recouvrir ma bouche.

Ainsi, je peux crier sans un bruit.

Contre sa paume, ma voix pousse puissamment, je pleure, son autre bras ceinture ma taille avec plus de fermeté pour m'éviter de tomber à genoux. Il plaque davantage son front contre ma nuque découverte, et continue seulement de me bercer calmement, son attitude se contrastant comme blanc et noir avec la mienne, dévastée, bouleversée, presque brisée.

Quand mes cordes vocales vibrent trop fort, elles décident de s'éteindre sans prévenir pour se faire remplacer par des larmes interminables, si bien que je me demande si un Océan ne réside pas, tout entier, dans mon corps.

Je mets du temps à me calmer. Dès lors que mes membres gainés se détendent, Jungkook recule d'un pas et s'affale sur le banc en m'emportant avec lui. Mes fesses s'échouent entre ses cuisses sur le bois humide. Il relâche mes lèvres pour m'entourer de nouveau, bras compris, des siens. Il gonfle ses muscles par la même occasion, non pas pour m'emprisonner, mais pour que je sente la sécurité qu'il m'apporte, qu'il m'a toujours apportée.

— Ça fait du bien ? Chuchote-t-il dans le creux de mon oreille.

Aucune ambiguïté n'accompagne ses mots, pas même ses murmures graves ne me paraissent autres que ce qu'ils sont : du réconfort.

— C'est toi q-qui devrais crier, je bégaie, encore chamboulé.

Je tremble légèrement, parce que crier à plein poumons demande une énergie insoupçonnée.

— Non, moi, je vais bien, répond-il.

— Ne joue pas à ça avec moi...

— Je ne joue à rien. Je n'ai pas perdu un bras.

— Peu importe, le résultat est le même. Tu...

Je ferme les yeux.

— ...Tu ne peux plus nager, ni... Ni jouer au basket, et...

— Et ?

— Tu aimais ça. Tu aimais l'eau.

— Je peux toujours y entrer.

Ma tête pivote légèrement. Je la lève et rencontre ses yeux noirs, baignés de sincérité.

— Tu voulais être un nageur professionnel.

— Mmh, non.

Silence. Il regarde devant nous, pensif.

— Quand je suis dans l'eau, ce que j'aime le plus, c'est m'allonger sur elle, ou l'utiliser comme une couverture.

Malgré la beauté de ses mots, je ne démords pas.

— Tu mens... Je t'ai vu, à la compétition, j'ai-

— Monsieur Jang voulait que je participe à ces compétitions pour les articles faits sur l'école. J'y prenais plaisir. Mais pas un plaisir incommensurable. Par contre, je me sens réellement bien quand je suis seul, quand il n'y a personne, et que je peux faire ce que je souhaite avec une étendue d'eau.

Ses pupilles se mettent à briller. Abasourdi, je le dévisage autant que je l'écoute me partager ses pensées.

— ...Une rivière, la piscine, l'océan... Peu m'importe. J'aime seulement sentir la pression de l'eau sur ma peau, comme si elle cherchait à m'engloutir.

Sa voix perd en sonorité à mesure qu'il parle, parce que ce sont ses yeux qui reflètent sa passion.

— C'est comme un voile dangereux.

Il lève un bras pour glisser deux doigts sur ma joue, du bout de ceux-ci, si bien que je peux détecter ses ongles courts.

— Ça te caresse. Ensuite, tu décides si tu veux être entouré du voile...

Ses quatre phalanges flattent ma pommette.

— ...Ou si tu veux qu'il t'étouffe.

Il pose son index sur mes lèvres entrouvertes.

— C'est ce que je préfère. Couler. Regarder la surface s'éloigner. Quand je suis au fond, elle devient mon ciel...

Cette fois, il touche les cheveux sur ma tempe.

— ...Et personne n'a besoin d'être à hauteur du ciel pour respirer.

Ses mots font stagner l'air dans mes poumons. Je crois qu'il le notifie puisqu'il passe la main sur mon torse, comme pour silencieusement m'indiquer d'expirer, ce que je fais, pendu à ses lèvres qui se remettent à calmement remuer :

— Tu veux que je te montre ?

Je le dévisage, interloqué.

— Quoi... ?

— Viens.

— Quoi ? Mais-

— Viens avec moi.

Je n'ai pas le temps de réfléchir ; il me pousse à me lever, doucement mais fermement, puis attrape mon poignet. Je regarde son épaule couverte de son manteau. L'adrénaline de ma précédente découverte revient de plus belle.

— Ne réfléchis pas. C'est comme ça, et c'est tout, me dit-il, le regard par-dessus sa blessure.

Je me pince les lèvres et détourne mon attention de son visage, de ses traits redéfinis par les lampadaires qu'on croise, pour pleurer silencieusement. J'ai la sensation qu'on fait marcher mon corps mais pas moi. Je me vois le suivre, les pas précipités, emporté par sa passion qu'il veut me montrer le soir où j'apprends que je la lui ai partiellement retirée.

— Je vais vivre avec ça toute ma vie, Jungkook, je murmure, les yeux rivés sur mes pieds qui foulent le béton.

— Avec moi, tu veux dire ?

Vivement, je relève la tête pour distinguer, dans la nuit, qu'il a de nouveau pivoté vers moi. Il m'adresse un clin d'œil, je rougis, puis on accélère le pas.

Quand Seontaeg réapparaît devant nous, je la maudis silencieusement. Pourtant, je la pénètre une énième fois.

Jungkook, inarrêtable, motivé par l'excitation de confier quelque chose qu'il n'a, je suppose, jamais eu l'occasion de confier à qui que ce soit, ignore mes larmes et me fait gravir les marches jusqu'à l'internat.

Devant nos chambres, il attrape mes joues et m'embrasse promptement, feignant de ne pas sentir mes pommettes trempées.

— Prends ton maillot de bain, joli garçon.

Un sourire timide, éteint, fend mes traits qui n'arrivent plus à s'illuminer. Je m'exécute, puis l'on se retrouve là où on s'est laissés. Il reprend ma main, et le sentiment de liberté qu'il ressent, ce soir, qui déborde de lui et qui coule jusqu'à moi, me pousse à l'écouter, à faire ce qu'il veut pour ne rien gâcher.

De toute manière, il sait que je pleure, mais il a décidé de l'ignorer. Alors ça me va, si je peux rester à ses côtés sans me forcer à sourire, il m'est possible de le suivre.

L'odeur du chlore infiltre mes narines lorsqu'on pénètre dans la piscine de l'école. Il verrouille derrière lui, ce qui est strictement interdit, puis se déshabille devant les gradins. Je fais de même, mollement, les yeux rivés sur son attelle qu'il ôte.

Mon cœur décélère, puis bat à tout rompre lorsque j'aperçois sa cicatrice. Un demi-cercle parfait, qui entoure l'épaule, là où on l'a probablement examiné.

— Pourquoi... Jungkook, p-pourquoi...

Il s'agenouille devant l'eau, seulement vêtu de son maillot, et y trempe la main. Il mouille sa nuque, soupire de bien-être. Ses muscles se bandent quand il se redresse. Je m'approche, le pas traînant, aussi peu habillé que lui. Quand il notifie le bonnet, dans mes mains, il l'attrape et le relâche au sol. Ses doigts passent dans mes mèches, si profondément que ça me pousse à lever la tête.

— Ne cache pas tes cheveux.

Je ferme les yeux, les dents serrées, et deux autres larmes dégringolent sur mes joues. Il les essuie des pouces sans dire un mot, probablement conscient de la limite de ces derniers, du fait qu'aucun d'entre eux, pour une fois, n'est suffisant pour me réconforter.

Pourtant, malgré ma peine, lui n'arbore qu'une expression sereine depuis que nous avons quitté le parc. Un maigre rictus ne quitte pas ses lèvres. Et ses yeux brillent davantage lorsqu'il les pose sur la surface de l'eau.

C'est ça. C'est ce qui le définit, là, à cet instant. La sérénité.

Il se relève, puis tend sa main vers la mienne. Mon regard dérive vers son épaule balafrée.

— Tu étais là, je souffle, la voix étranglée.

Je glisse mes doigts au creux de sa paume. Avec une lenteur mesurée, il m'attire à lui pour m'accueillir contre son torse. Sa bouche frôle l'ossature de mon nez.

— Oui.

Ma tête ploie sous la souffrance qui me frappe, mais il la relève en cherchant mes lèvres. Ses bras entourent délicatement mon corps, ses mains se joignent dans mon dos, et même si je sais ce qu'il va faire, même si ça m'effraie, je ne bouge pas, plaçant une confiance aveugle en son désir.

— Dis-moi pourquoi tu t'es f-fait ça ? Je sanglote, incapable de m'en remettre.

Il hausse délicatement les épaules, sa bouche fond contre mon oreille.

— À ton avis, susurre-t-il.

Je n'ai que le temps d'inspirer avec surprise.

La seconde suivante, l'eau nous aspire. Jungkook a basculé en arrière sans me lâcher. Le froid mitraille ma peau de piqûres invisibles, tandis que mes tympans se noient avant mes poumons. Ces derniers se sont gonflés automatiquement, mon instinct de survie qui m'a auparavant joué des tours ayant décidé de ne plus se faire passer pour obsolète.

Dans l'eau, je papillonne des yeux, le chlore brûle ma rétine mais c'est assez supportable pour ne pas clore les paupières et continuer de le regarder. Tandis que je me laisse couler, nos deux poids ensemble traînant nos corps vers le fond, Jungkook me relâche doucement, s'éloigne un peu, la nage habile. Il veille à ne pas regagner la surface pour rester à mes côtés, car je ne sais pas comment faire de l'amas que forment mes membres une planche efficace pour remonter.

Une main se dépose contre ma joue, l'autre glisse sur mes yeux, qui me remercient lorsque la douleur piquante du chlore est soulagée. Ses doigts se faufilent dans ma nuque, puis il pousse à peine, m'entraînant dans les méandres de la piscine, jusqu'à ce que mon dos en caresse le fond.

L'ombre qu'il projette sur moi, car son corps imposant cache la lumière de la surface, est reposante. J'ignore mes poumons qui réclament de se gonfler pour apprécier toute la douceur de la pulpe de son pouce contre mes lèvres entrouvertes.

Il n'y a plus rien qui existe. Plus rien à part l'eau qui m'entoure, qui m'engloutit, aussi, mais qui doit sentir ma confiance, puisqu'elle n'essaie pas de le faire de manière effrayante.

C'est là. C'est là que je comprends ce qu'il veut dire.

Les profondeurs sont comme un animal féroce, prêt à attaquer à la moindre contrariété. Mais si l'on s'avance sans crainte, alors il se retrouve désarçonné. Dès lors, il est même possible, je crois, d'en faire son allié.

Jungkook dépose ses lèvres contre les miennes, sans hâte ni intensité, puis se détache de moi et disparaît. Je le sais, parce que la lumière est revenue. Et elle ne m'a pas spécialement manqué.

Les yeux toujours clos, je tends doucement la main vers la surface, non pas pour l'atteindre, mais pour essayer d'attraper l'ombre qui me couvait comme on cherche, le matin, à tirer la grosse couverture qui nous confère un sentiment de chaleur et de sécurité.

Il me fait attendre. Je fronce les sourcils, mes phalanges se crispent, mais je patiente sans broncher. Une bulle s'échappe de mes lèvres, je commence à me noyer, mais je me concentre pour ne pas paniquer. Je sais qu'il sera là pour m'aider à remonter.

Les quelques légers courants créés précédemment par nos mouvements ne cessent de me frôler, je griffe doucement le fond du bout de mes ongles courts, tandis que le besoin d'être de nouveau drapé par son corps se fait de plus en plus ressentir. Mon cœur bat à tout rompre à cause du manque d'air.

C'est seulement quand je serre les dents, la gorge nouée du besoin de respirer, qu'il saisit ma main. Je rouvre vivement les yeux et, brusquement, il m'embrasse. Bien plus fort. Je hoquette, un spasme traverse mon torse, Jungkook me tire à la surface et quand je sors la tête de l'eau, je ne cherche même pas à inspirer ; je l'attire à moi et lui saute au cou, comme si mes poumons n'étaient pas vidés, comme si le manque d'oxygène ne troublait pas mes capacités à respirer.

Il gronde contre ma bouche, lui aussi essoufflé mais sans me repousser, et attrape le dessous de mes cuisses pour me plaquer contre le bord de la piscine. Nos soupirs se mêlent, mes mains s'attachant à ses joues, les siennes grimpent de mes jambes à mes fesses, et soudain, le souvenir de notre tout premier baiser me revient en tête.

— Jungkook, je dis audiblement, enivré de sa personne.

Avec une force insoupçonnée, il pousse mon bassin vers le haut jusqu'à réussir à me faire tomber contre le sol, là où, quelques mètres plus loin, jonchent nos vêtements qu'on a précédemment arraché. Je n'ai pas le temps de réfléchir qu'il imite ses mouvements de quelques mois plus tôt ; il me chevauche. Je halète contre sa bouche qui ne me laisse aucun répit. Il me manque tellement d'air que l'entièreté de mon torse brûle, mais le besoin viscéral de l'avoir contre moi est plus urgent que toute autre nécessité, même vitale.

Quand bien même nous sommes trempés, il ne juge visiblement pas l'eau assez adéquate pour son dessein, et suce deux de ses doigts devant mes yeux vitreux.

Cependant, lorsqu'il passe la main dans mon maillot de bain, qu'il tente de rejoindre mon intimité pour me redécouvrir, ici, au beau milieu de la piscine de l'école, le malaise s'empare de moi. Bouleversé, je secoue la tête.

— Non, je chuchote, la voix cassée.

Il cesse de bouger, puis ôte immédiatement ses doigts.

Je pose mon front contre sa clavicule qui me survole, mais je sens qu'il cherche mon regard, alors je le lui accorde. Là, il constate mes yeux gorgés de larmes, prêtes à couler, mais qui, pour une raison qui m'échappe, stagnent dans ma sclérotique.

— Je... Je suis désolé.

Il comprend que je ne m'excuse pas pour mon refus, mais pour son épaule. Je l'entends soupirer, comme s'il acceptait finalement d'en parler.

— Taehyung.

— Non, Jungkook, tu ne peux pas utiliser ce ton-là, pas quand-

— C'est pour mes parents que je faisais tout ça.

Mes mots meurent dans ma gorge. Lentement, Jungkook se décale, pour s'allonger à mes côtés sur le sol humide de la piscine. Il me dévisage, positionné sur le flanc, tandis que je demeure sur le dos mais que ma tête pivote vers la sienne.

Ses yeux se perdent sur mon torse nu.

— Je voulais prouver que mon trouble me définissait pas. Que j'étais capable de faire plein de choses, et de les faire bien. Le basket, la piscine, les compétitions, les bonnes notes... Je crois que je m'en fous. Surtout depuis que je te connais.

Les miens s'écarquillent.

— Mes parents sont pas méchants. Mais ils savent pas élever un enfant correctement, encore moins un gosse avec des problèmes de colère. Je les entendais souvent parler au téléphone, ou à des invités, parfois à mes grands-parents, aussi cons qu'eux.

— Qu'est-ce qu'ils disaient... ?

— Qu'ils avaient peur que j'arrive à rien dans la vie à cause de mes impulsions. Mais c'était même pas méchant, même pas malveillant, c'était juste... Ils ont pas cherché à m'aider, ils se sont laissés dominer par l'inquiétude. Sauf que quand on est gosse, chaque parole d'un parent peut rester. Surtout quand on se sent pas assez. On veut pas inquiéter plus, alors on fait en sorte d'apaiser les craintes, et ça donne jamais rien de bon au final.

— Tu... Tu as commencé à faire tout ça pour qu'ils pensent que... Que tu avais un avenir ?

— Ouais, mais pour moi-même, aussi.

Je fronce les sourcils. Il lève le regard sur le plafond.

— J'ai mis du temps à comprendre mon TEI, et à l'époque, je pensais comme mes parents : je me disais qu'il fallait que je me perfectionne dans plusieurs trucs au cas où je me faisais virer plus tard à cause des crises, enfin des conneries comme ça.

— Jungkook, c'est terrible...

— Pas tant que ça. J'ai aimé faire du basket, j'aime les sciences, et j'ai découvert ma passion pour l'eau.

— Le basket... Mon Dieu, tu ne peux plus en faire non plus, je-

Il me fait taire en inclinant le visage vers le mien. Je serre les dents. Ses iris sont doux.

— C'était ma décision.

— Menteur... Tu... Tu n'as pas eu le temps de réfléchir, je m'en souviens, maintenant, tu... Tu es arrivé, tu m'as demandé de ne pas le faire, de ne pas s-sauter, je...

Ma main droite recouvre mes lèvres quand je prends conscience de ce qu'il a vu. Il m'a vu tomber. Bon sang, il m'a vu sauter, il... Il m'a vu tenter de me suicider.

Je me blottis vivement contre lui, mais ça ne me semble pas suffisant, alors je grimpe sur son corps et me colle au sien de la tête aux pieds. Il entoure ma taille de ses bras ruisselant de gouttelettes d'eau au chlore. Je niche mon nez contre sa gorge.

— Je suis désolé, je suis désolé que tu aies vu ça, mon Dieu...

Il ne répond pas, laissant entendre tout le silence de sa souffrance passée. Il ne peut pas me rassurer là-dessus.

Cependant, l'instant suivant, je sens la caresse de ses doigts dans le creux de mes reins. Quand je redresse un peu la tête, je découvre qu'il a les yeux clos, et les traits détendus.

— Jungkook... ?

— Reste contre moi, quémande-t-il, sans relever les paupières.

C'est en entendant ses mots, en observant ses gestes, que je comprends que ça lui va. Tout ça.

— Ne me mens pas, je t'en supplie, je chuchote en posant la joue sur son pectoral droit.

— Je ne mens pas. Je ne souffre pas. J'ai même jamais été aussi heureux que maintenant.

Sa voix tombe dans les graves à mesure qu'il parle. Une de ses mains plonge dans mes cheveux et les coiffe du bout des doigts, délicatement.

— Je suis bien, là..., murmure-t-il, comme s'il se le disait à lui-même.

Ça a le don de me surprendre. C'est la première fois qu'il est ainsi. Son corps, sous moi, se relâche, tandis qu'il me cajole de plus en plus lentement, jusqu'à simplement survoler la peau de mon dos, et effleurer les mèches longues de mes cheveux.

Il ne s'endort pas. Il profite. Simplement. Alors moi aussi. Malgré ma peine, malgré la cicatrice sur son épaule, malgré ma découverte, malgré tout ce qui s'est passé, je me laisse aller dans ses bras, contre la chaleur qui émane de son épiderme, parce que c'est ce qu'il me demande silencieusement depuis qu'il est venu me rejoindre, dans le parc.

Ne plus se soucier de rien, maintenant que tout est fini.

Je crois que c'est ce qu'il laisse entendre depuis tout-à-l'heure. De part, notamment, la manière dont il n'est pas réceptif à ma douleur, comme si elle n'avait pas lieu d'être pour lui.

Alors, pour une fois, j'essaie de ne pas penser.

Pour lui, j'essaie.

**

C'est le réveil de Jungkook qui m'extirpe du sommeil ce matin. Je reprends conscience au creux de ses bras. Il gémit, mécontent de me sentir bouger contre lui. Hier soir, nous nous sommes couchés sans nous doucher, laissant seulement l'air des couloirs rafraîchir nos corps trempés sur le chemin de la chambre, dans laquelle l'odeur de chlore a fini par trôner.

Dans le lit, contre son torse chaud, je me suis endormi très tard, et lui aussi ; j'avais eu besoin d'encore un peu, de beaucoup de ses mots pour me rassurer. Avant de sombrer dans un profond sommeil, engendré par une intense fatigue, Jungkook a murmuré d'innombrables choses, la bouche frôlant mon oreille.

J'ai pleuré. Encore. C'est sorti seulement quand l'on s'est retrouvés au lit, dans le noir de la nuit, l'un contre l'autre. Il n'a cessé d'embrasser mes larmes, tandis que j'ai fini par caresser, du bout des doigts, la cicatrice sur son épaule visible grâce à la maigre luminosité que nous avait offert la lune. Finalement, en silence, il m'a raconté des choses précises de son enfance. Il m'a confié que devenir chercheur le tentait beaucoup. Que le métier de professeur ne le rebutait pas non plus. En tout cas, il m'a fait comprendre à quel point les compétitions sportives étaient en second plan.

Hier, j'avais la sensation de contenir un Océan entier, à l'intérieur. À force de pleurer, je crois que je l'ai entièrement tari.

— Quelle heure ? Grommelle-t-il.

Je m'étire et il en profite pour flatter mon ventre découvert. Les yeux plissés, je me penche vers la table de nuit et saisis mon téléphone. Quand je le consulte, je vois deux choses.

L'heure, bien entendu.

Mais surtout un message.

— ...Heu...

Jungkook grogne un « mmh ? » mi-éveillé, mi-endormi.

— Rien, je souffle, le cœur affolé.

C'est mal le connaître.

— Qu'est-ce qu'il y a ? S'enquit-il.

— Rendors-toi.

Je pose mon appareil, trop tard ; Jungkook pivote vers moi, puis jette un œil à l'écran que j'ai à peine le temps de verrouiller avant qu'il ne fronce brusquement les sourcils.

— Putain, j'ai bien lu ?

— Non, je-

— Montre-moi.

— C'est bon, Jungkook, tu n'as pas à...

— Montre, s'il te plaît, insiste-t-il, la voix plus ferme.

Je soupire discrètement et lui tends ce qu'il me réclame, les lèvres pincées. Il lève le téléphone à hauteur de son visage, je me cale contre lui pour lire ce qu'il lit.

@teil._

Salut Taehyung, j'ai cru comprendre que tu allais mieux. J'ai l'impression que c'est tout ce que je sais dire, mais je suis désolé. Je ne réclame pas de discussion. Je voulais simplement te souhaiter un bon rétablissement.

Je suis désolé de vous avoir causé tant de tort.

Bonne continuation.

Je tends le visage vers Jungkook. Il serre les dents, ainsi que ce qu'il tient, le regard assombri.

— Jungkook-

— Non.

— Je ne voulais pas t'inciter à... Quoi que ce soit. Mais est-ce que tu m'autorises à lui répondre ? À lui parler ?

Il se redresse, relâchant mon téléphone sur le matelas. Sa chaleur m'échappe si vite que j'en frissonne.

— Non.

Peiné, parce que j'ai bien compris à quel point Teil doit se considérer comme l'unique coupable, je détourne mon attention sur mon smartphone abandonné dans les draps. Jungkook contourne le sommier pour saisir ses vêtements, qu'il enfile un à un, comme décidé.

Lorsqu'il sent le poids de mon interrogation silencieuse, il se tend, puis fait volte-face vers le lit. Ses pupilles, noires au possible, passent de mon visage au téléphone échoué.






— C'est moi qui irai lui parler.









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Normalement, ce chapitre était l'avant avant dernier... Mes prédictions s'avèrent juste pour l'instant : le chapitre 51 sera très probablement le dernier chapitre d'Océan... :(

Qu'avez-vous pensé de celui-ci les amis ? ^-^


En attendant la fin, si je peux me permettre une suggestion : profitons des derniers moments de cette aventure ensemble, si vous le voulez bien, sans se soucier de la fin. De toute manière, Jungkook et Taehyung d'Océan continueront de vivre leur vie par la suite, comme tous les personnages de toutes les histoires du monde (j'y crois!) ♥... ^^


Je vous dis à bientôt pour le prochain chapitre les amis, prenez grand soin de vous, passez une bonne semaine. Gros bisous ♥ 

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