— Non, pas ce week-end, je dois sortir avec Julien. (...) Oui, dès que je peux. (...) Moi aussi, à bientôt.

Tamara raccrocha et contempla pensivement son téléphone, où la photo de sa sœur s'affichait encore. Elle n'arrivait pas à comprendre pourquoi elle avait encore retardé le moment de lui annoncer sa grossesse. Elle n'avait plus l'excuse de devoir attendre d'avoir terminé le troisième mois pour faire connaître la bonne nouvelle à son entourage. Elle était désormais dans sa quatorzième semaine. Ce n'était pas non plus par peur de ce qu'en dirait Cosima. Elle n'ignorait pas que sa sœur penserait qu'elle faisait une erreur, mais cela n'avait jamais empêché Tamara de n'en faire qu'à sa tête et d'assumer ses choix.

Tamara savait qu'il fallait qu'elle ne tarde pas trop. Que dirait Cosima en se rendant compte qu'elle lui avait dissimulé une nouvelle de cette importance ? Elle comprendrait immédiatement que c'était la raison pour laquelle Tamara retardait semaine après semaine sa visite à Dijon. Quelle conclusion en tirerait-elle ? Elle se demanderait pourquoi Tamara avait attendu aussi longtemps pour lui en parler. Sans doute croirait-elle que Tamara avait honte de sa grossesse ou la regrettait.

C'était faux, bien entendu mais... pourquoi Tamara n'arrivait-elle donc pas à partager son bonheur avec sa sœur ? Pourquoi n'était-elle pas pressée de lui annoncer qu'elle allait de nouveau être tante ? Si Cosima n'appréciait pas François, au moins elle ne reportait pas cette inimitié sur Julien, qu'elle considérait avant tout comme le fils de Tamara. Sans doute serait-elle heureuse de voir sa famille s'étendre, même si elle désapprouvait le choix du père de l'enfant.

Au fond, Tamara savait pourquoi elle reculait le moment. C'est parce qu'elle n'arriverait pas à opposer à la réprobation de sa sœur le bonheur sans mélange qui était le sien quand elle avait défendu sa décision de vivre avec François. Elle n'était pas transportée par la présence de cet enfant dans son ventre. Elle n'était pas persuadée que sa vie allait être meilleure grâce à lui. Elle n'arrivait pas à vivre pleinement cette grossesse et avoir confiance en elle en tant que mère.

Cette prise de conscience lui rappela son entretien avec la sage-femme qui lui avait offert une écoute bienveillante. Elle fouilla dans son sac, jusqu'à ce qu'elle retrouve la carte de visite que la praticienne lui avait donnée en lui conseillant de se faire aider pour surmonter son passé. Avec détermination, elle saisit son téléphone pour prendre un rendez-vous.