— Ton père a simplement suivi sa piste, poursuivit Tamara. Il a enquêté sur mon père, s'est rendu compte qu'il était impossible de le retrouver. Du coup, il s'est demandé pourquoi sa collection semblait avoir été dispersée, et qui pouvait bien vouloir la reconstituer. Il s'est intéressé à tous ceux qui avaient croisé sa vie, et il a fini par tomber sur le nom de ma mère qui, durant quinze ans, a été son seul modèle. Quand il a découvert qu'elle avait eu deux filles, dont les prénoms correspondaient aux nôtres, le doute n'était plus permis.

— C'est vrai que vos prénoms sont très originaux. Je ne les avais jamais entendus, avoua Julien.

— Tu n'as jamais entendu parler de la peintre Tamara de Lempika ? s'étonna sa mère. Ni de Cosima Wagner, la femme du musicien ?

— Euh, peut-être, je ne sais pas.

— Bon, c'est pas grave. Il se trouve que j'ai eu une éducation particulièrement versée vers les arts.

— Pourquoi tu ne portes pas le nom de ton père ? voulut savoir l'adolescent, davantage passionné par son histoire familiale que par l'étendue des lacunes de sa culture.

— Il ne nous a jamais reconnues et mes parents n'étaient pas mariés. Ce n'est pas par manque de sentiments : mon père nous aimait énormément toutes les deux et il n'a jamais remplacé Maman. Mais il n'estimait pas très intéressantes les choses terre-à-terre comme le mariage ou la reconnaissance de paternité.

— Et à propos de paternité, je suis arrivé quand dans cette histoire, moi ?

— J'étais déjà en prison quand j'ai réalisé que j'étais enceinte de toi.

— Tu dis ça comme si c'était euh... inattendu.

— Ça l'était. J'espérais un jour avoir des enfants avec ton père, mais pas dans ces conditions. J'étais stupide et égoïste, mais pas à ce point.

Elle vit qu'il accusait le coup.

— Julien, dit-elle doucement, je sais que j'ai tout gâché et que rien ne s'est passé comme nous l'aurions souhaité. Mais je peux t'assurer que, lorsque tu as été conçu, ton père et moi étions très amoureux l'un de l'autre. L'idée d'avoir un enfant ensemble nous aurait comblés de joie. Ça a été un grand bonheur d'apprendre ton existence. J'étais triste de ne pas pouvoir t'offrir le foyer que tu méritais, mais très heureuse que quelque chose de beau sorte de ce gâchis. Et maintenant que tu es devant moi, je sais à quel point j'ai eu de la chance.

Elle le regardait avec tellement d'amour qu'il se sentit réconforté. Mais cela ne répondait pas à sa question principale :

— Pourquoi tu n'es jamais venue me voir ?