Pour la centième fois, Tamara fit défiler son album de photos sur son ordinateur. À sa demande, Julien lui avait envoyé par mail des images de lui à tout âge. En les regardant, elle le voyait grandir en accéléré.

Après toutes ces années, Tamara avait l'impression de s'approprier l'enfance de son fils.

Le visage de François n'apparaissait sur aucun des clichés. Cependant, Tamara reconnaissait parfaitement ses bras et ses mains, servant de berceau au bébé ou posés sur l'épaule du petit garçon. Ces témoignages de présence paternelle lui faisaient chaud au cœur.

Elle revint à la première photo, celle de Julien nouveau-né dans les bras de son père. Les souvenirs l'envahirent.

Tamara avait eu les premières contractions, juste après le petit-déjeuner. Quand elle avait perdu les eaux, vers midi, on l'avait admise à l'infirmerie de la prison. Il était plus de seize heures quand le transfert sécurisé vers l'hôpital avait enfin été organisé. Elle se rappelait peu des heures qui avaient suivi, longues et douloureuses. Seul lui restait l'agacement de l'interne qui trouvait que son escorte mettait trop de temps à détacher les menottes qui la solidarisait à son brancard.

Ce n'est que le lendemain en fin d'après-midi que son fils était né. La sage-femme l'avait avertie que si le travail n'avançait pas dans l'heure qui suivait, ils seraient obligés de terminer en césarienne. Finalement, dans un état d'épuisement total, Tamara avait réussi à expulser l'enfant. Puis elle s'était endormie, vaincue de fatigue.