Ils s'étaient peu vus les premiers jours et s'étaient parlé encore moins.

Le premier dîner, celui du mardi soir, avait été éprouvant pour François. Il n'arrivait ni à la regarder ni à lui parler. Heureusement, Julien discutait pour deux, et sa mère lui donnait suffisamment la réplique pour conférer à la soirée un semblant de normalité.

À la fin du repas, cependant, les choses s'étaient un peu gâtées. Quand François s'était levé et avait commencé à débarrasser la table, Tamara avait elle aussi rassemblé les couverts dans le but de l'aider. L'idée de ranger la cuisine en sa compagnie lui avait paru insupportable. Sans pouvoir s'en empêcher, François avait lancé un « Je m'en occupe ! » avec une telle hargne qu'elle en avait eu un mouvement de recul.

François avait vu le regard indigné de son fils, avant que Tamara ne se reprenne et prévienne toute protestation en demandant à Julien si ce n'était pas l'heure du coucher de soleil. Ils avaient quitté la cuisine sans relever l'incident, le laissant honteux et furieux — sans savoir exactement contre qui.

Le mercredi, Tamara et Julien avaient vécu de leur côté, sans croiser François avant la fin de journée. François avait préparé le repas avant leur retour, et personne ne lui avait proposé d'aide, ni pour le service ni pour débarrasser. Conscient qu'il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même, il n'avait pas demandé à son fils de mettre la main à la pâte. Il n'avait rien dit durant le repas malgré les regards de reproche que lui avait jetés Julien. Il n'avait pas beaucoup mangé non plus.

Le troisième jour, quand François rentra de la plage en fin de matinée, il rencontra les deux autres qui en revenaient aussi, manifestement dans l'idée de déjeuner sur place. Tamara suggéra rapidement à Julien d'aller manger dehors, sans doute pour laisser le champ libre à François. Ce dernier décida de faire amende honorable et proposa :

— Je peux préparer un petit quelque chose pour nous trois. Vous mettrez la table.

Il fit cuire des pâtes et ouvrit une boite de sauce tomate. À sa demande, Julien vida les melons. Tamara disposa le couvert en parlant avec l'adolescent. Désirant faire plaisir à son fils, François fit un effort pour participer à la conversation, même s'il ne s'adressa pas une seule fois directement à elle.

Après avoir avalé rapidement sa glace, Julien indiqua :

— Faut que j'y aille, les copains doivent déjà attendre. Papa, tu sais où est le ballon de volley ?

— Il était sur le balcon hier soir.

— Je ne vais pas tarder non plus, déclara Tamara en se levant, sans doute pour éviter de se retrouver seule avec François.

Elle posa son assiette dans l'évier et sortit sur les traces de son fils. François commença à débarrasser la table. La porte d'entrée claqua violemment indiquant que Julien — et sans doute sa mère —  étaient sortis.

François remplit l'évier pour y faire tremper la vaisselle. Au moment où il prenait l'éponge nettoyer la table, un bruissement le fit se retourner.

Tamara se dressait sur le seuil de la cuisine.