Il la repéra, nonchalamment appuyée sur sa moto, dès qu'il arriva aux abords du parking de la gare. Il lui envia son allure décontractée, lui dont le ventre était noué et qui était rempli d'appréhension à l'idée de ne pas la convaincre. Il jugea cependant qu'elle devait être aussi nerveuse que lui et que, même s'ils arrivaient tous les deux à faire illusion, ils se connaissaient trop pour se tromper mutuellement.

Il se gara et alla vers elle. Il vit son corps se tendre et sa tête se pencher légèrement alors qu'il s'approchait, ce qui conforta son opinion sur leur ressenti commun.

— On va prendre un café ? proposa-t-il directement.

— Ça marche, accepta-t-elle.

Ils jetèrent leur dévolu sur la brasserie la plus proche et s'y rendirent en silence. Ils prirent place à une table un peu à l'écart. À peine assise, Tamara demanda comme si elle n'avait pas de temps à perdre :

— Tu voulais me parler ?

— Je voudrais qu'on se revoie, exposa-t-il sans détour.

— Pour quoi faire ? riposta-t-elle.

— Pour mieux nous connaitre.

Elle lui jeta un regard méfiant.

— Et après ? insista-t-elle.

— Je n'exclus aucune possibilité.

Il vit ses lèvres trembler avant qu'elle ne baisse les yeux. D'une voix étouffée, elle opposa :

— Nous avons déjà essayé.

— Non, affirma-t-il. Moi, je n'ai pas essayé. Je me suis laissé porter par les évènements sans chercher à voir au-delà. Maintenant, je veux voir si on a une chance.

Il la sentit plus tendue que jamais pendant qu'elle demandait après un petit silence :

— Pourquoi maintenant ?

— Parce que je me sens mal depuis qu'on ne se voit plus.

Elle le dévisagea sans pouvoir cacher sa stupéfaction. Il soutint son regard et ce fut elle qui rompit le contact visuel. Il vit que ses joues s'étaient colorées tandis qu'elle tentait d'appréhender tout le potentiel de sa confession. Il joua la franchise :

— Je ne sais pas trop où ça peut nous mener. Je ne sais pas vraiment ce que j'éprouve pour toi, c'est très confus dans ma tête. Mais je sais qu'on s'y est mal pris, qu'on a tout fait dans le désordre et j'aimerais qu'on recommence tout du début. Pour le moment, j'ai l'impression qu'on a fait un énorme gâchis. Je ne parle pas de ce qui s'est passé il y a quinze ans, mais de ces derniers mois.

— On risque de se faire beaucoup de mal, souffla-t-elle.

— Moi aussi j'ai la trouille, et je comprendrais que tu préfères qu'on en reste là, assura-t-il.

À ce moment, une serveuse arriva avec une carte. François commanda deux cafés et elle repartit. Tamara avait les yeux dans le vague et il la laissa à ses réflexions.

— Et Julien ? finit-elle par demander.

— Il est en dehors de ça et doit le rester tant qu'on ne sait pas où on va, répondit fermement François.

— Concrètement, c'est quoi pour toi recommencer du début ?

— Nous revoir pour discuter, aller au ciné, nous promener... Comme si on venait de se rencontrer.

— Je ne sais pas, murmura Tamara.