Cela allait trop vite. Depuis quinze ans, Tamara luttait contre l'espoir que François s'intéresse de nouveau à elle. La première rupture l'avait laissée comme un pantin dont on avait coupé les fils et seule sa grossesse avait réussi à la sortir de son apathie. Plus récemment, leur dernière séparation avait été dure à surmonter, alors même qu'elle ne s'était fait aucune illusion sur les sentiments qu'il lui portait.

Chacune des phrases qu'il prononçait faisait naître en elle un espoir fou qui ébranlait l'épaisse muraille derrière laquelle elle se protégeait depuis si longtemps. Elle luttait de toutes ses forces pour maintenir ses défenses en place, effrayée par la violence de ses sentiments qui ne demandaient qu'à s'épanouir. Elle savait que si elle les libérait avant qu'il ne soit prêt à les recevoir, elle perdrait ce qui lui restait de dignité.

— Je ne sais pas, entendit-elle s'échapper de ses lèvres.

— Est-ce que je peux considérer que tant que tu ne t'enfuis pas en courant, c'est au moins d'accord pour aujourd'hui ? demanda-t-il.

Elle commit l'erreur de lui faire face et elle se sentit fondre à l'intérieur. Si elle restait encore une minute en sa compagnie, elle aurait autant de volonté qu'une serpillère. Il fallait qu'elle parte immédiatement. Elle rassembla ce qui lui restait de raison et s'apprêta à se lever.

Ses jambes refusèrent de bouger.

La serveuse revint avec leur commande. Elle posa les tasses et la note sur la table avant de les laisser. François ne sembla pas la remarquer. Il regardait Tamara intensément, attendant sa réponse. Elle devait au moins lui dire qu'elle avait besoin de réfléchir et qu'ils en reparleraient par téléphone. Loin de lui, elle pourrait discuter avec davantage de discernement. Elle tenta de parler, mais les mots restèrent bloqués au fond de sa gorge.

— Comment en es-tu venue à travailler dans un garage ? lui demanda-t-il la prenant de court.