Partie 2

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Je rouvre lentement les yeux, avec un mal de crâne persistant. Ma situation me semble confuse ; en baissant le regard, je vois un truc vert juste sous mon nez, et encore en-dessous, c'est comme si la ville défilait sous mes pieds...

Pourtant, j'ai beau battre des paupières, la vue ne change pas. Je suis en train de voler à des dizaines de mètres au-dessus de la ville. Et je sens tout à fait le vent dans ma figure, qui me confirme que je suis lancée à toute vitesse.

Paniquée, je commence à gigoter, arrêtée tout de suite par une ferme injonction :

- Bouge pas, sinon tu vas tomber.

- Mais... hein ? Mais on vole ?!

- Non, toi, tu ne voles pas. T'es une adulte. Les adultes peuvent pas voler.

Je m'apprête à répliquer mais un brusque courant d'air me surprend, m'arrachant un petit cri de peur ; je renonce à toute contestation et m'accroche à la tunique du gamin, qui me porte sur son dos. Et qui vole... qui vole vraiment. J'ai l'impression d'être en plein rêve.

Mais après tout... vu ce qu'il m'a dit, n'est-ce pas le cas, en fait ?

- On est dans ton rêve, là ?

- Pas encore, répond-il. On est encore dans l'entre-deux.

- C'est quoi, l'entre-deux ?

- Tais-toi, tu m'ennuies.

Dans la situation où je suis, je n'ai pas vraiment d'autre choix que d'obéir. Je n'ai aucune idée de s'il est capable de me lâcher dans le vide si j'insiste trop, et je n'ai honnêtement aucune envie d'essayer. Je ferme donc mon clapet encore une fois, me contentant de risquer, de temps à autre, un petit coup d'œil par-dessus l'épaule de l'enfant, pour regarder un peu le paysage. C'est beau à en couper le souffle, mais également plutôt effrayant... moi-même qui n'ai pas le vertige d'habitude, je me sens bizarre.

Soudain, l'enfant s'arrête dans son vol, et je m'écrase encore un peu plus contre son dos, agrippant sa tunique comme si ma vie en dépendait. Ce qui est un peu le cas en ce moment. Je l'entends pouffer, se moquant visiblement de moi ; il le confirme :

- Poule mouillée.

- J'y peux rien, j'ai jamais volé comme ça, moi...

- Enfin, peu importe. On est arrivés là où je le voulais. Regarde cette fenêtre...

Il me lâche d'un bras, et par réflexe, je me crispe un peu plus ; du doigt, il me pointe un balcon sur lequel donne une fenêtre ouverte. Je regarde par là, plisse les yeux. Il me semble voir une petite silhouette, à l'intérieur, recroquevillée au pied d'un mur.

Doucement, le gamin plane jusqu'au balcon, et y pose le pied. Je lui chuchote :

- Attends, on va nous voir, non ?

- Non, affirme-t-il simplement.

Sur ce, il me lâche, et je mets à mon tour les pieds au sol. Je me décroche de lui pour me rapprocher, lentement, de la petite forme à l'intérieur de la maison. Pas après pas, je vois que c'est une enfant, qui ne doit même pas avoir 10 ans, assise contre son mur, les jambes repliées et entourées de ses bras. Elle a de longs cheveux noirs, ondulés, qui retombent sur ses épaules et dans son dos. En m'accroupissant face à elle, je vois qu'elle pleure ; mais je distingue aussi des bleus tous frais sur ses bras et ses jambes dénudés.

- Qu'est-ce qui lui est arrivé...? fais-je à moi-même.

Le petit blond prend un moment avant de répondre :

- Elle, elle s'appelle Eugénie. Elle a été réveillée au milieu de la nuit par des cris qui venaient de la chambre de ses parents. Elle a d'abord eu peur, puis elle a repris courage, et elle est allée voir ce qu'il se passait. Tu sais ce qu'elle a vu, quand elle a poussé la porte de sa chambre ?

- C'étaient... ses parents ?

- Oui, acquiesce-t-il. Son père, soûl, qui frappait sa mère jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse. Et Eugénie, elle a vu tout ça. Son père a remarqué sa présence. Elle a tenté de s'enfuir, mais il l'a rattrapée, et il lui a fait promettre de se taire, en la frappant, la menaçant de la tuer. Elle a fui dans sa chambre dès qu'elle a pu, mais les coups, ils sont restés...

- C'est affreux...

- Les adultes font des choses affreuses. Le père de Charles ramenait des femmes chez lui et leur faisait l'amour là, dans sa chambre, juste à côté de celle de Charles qui entendait tout de l'autre côté du mur. La mère de Mickaël lui faisait réciter ses leçons face au mur, dos à elle, et dès qu'il se trompait, il se prenait des coups de bâton. Les parents d'Amélie ne faisaient pas du tout attention à elle, la nourrissaient juste assez pour qu'elle ne meure pas de faim ni de soif, et l'enfermaient dans un placard quand elle se rebellait.

Je me retourne vers le petit blond en vert, qui s'est appuyé contre le bord du balcon et regarde Eugénie avec compassion. Je souffle :

- Tous ces enfants... tu les connais ? Et comment tu connais tout ça ?

- Maintenant, ils ont tous fui tout ça, eux et beaucoup d'autres. Ils ont trouvé leur place dans mon rêve. Les adultes ne leur feront plus jamais de mal.

Je remarque qu'encore une fois, il n'a pas répondu à ma question. Mais après tout, s'il tient les adultes en si faible estime et qu'il me considère comme telle, je comprends son attitude...

Je reviens à Eugénie, la regarde attentivement, le cœur brisé. Elle semble si fragile, et en proie à une telle douleur, que je n'ai envie que de la prendre dans mes bras et l'arracher à sa famille ignoble.

- Je comprends ce que tu ressens...

Je sursaute en même temps que la petite fille, et comme elle, je regarde tout autour de moi pour voir d'où provient la voix cristalline qui vient d'éclater, surgie de nulle part. Soudain, quelque chose de minuscule et brillant, surgi de la fenêtre où se dresse mon petit blond insolent, apparaît et se rapproche doucement d'Eugénie. Je m'écarte, fascinée, du chemin de cette petite lumière.

En la regardant de plus près, je réalise que c'est en fait une minuscule créature qui semble humaine, aux traits d'une petite fille, en robe verte et pieds nus, et aux cheveux blond platine relevés en chignon. Son visage ressemble beaucoup à celui du garçon blond, d'ailleurs, en version féminine. De son dos partent deux ailes fines et translucides, comme des ailes qui libellule, qui lui permettent de voler.

Étonnamment, l'image a quelque chose de familier pour moi, mais je ne saurais pas mettre le doigt dessus.

Eugénie regarde la petite fée, les yeux écarquillés, pleins de surprise et d'émerveillement ; puis elle demande, d'une petite voix intimidée :

- Qui es-tu ? Une fée ?

- Oui, acquiesce la petite créature ailée. Mon prénom, c'est Tinkerbell... mais tous mes amis m'appellent Tink.

- Je peux t'appeler Tink, moi ? interroge Eugénie, timidement.

- Bien sûr !

La noiraude sourit faiblement, sourire auquel répond la fée. Elle essuie les larmes qui coulent encore sur ses joues, et questionne encore :

- Que fais-tu ici, petite fée Tink ?

- Je venais te voir, Eugénie.

- Tu connais mon prénom ?

- Je suis une fée !

Eugénie rit doucement, amusée.

- C'est vrai... les fées savent tout.

- Oh, non, pas tout... mais pas mal de choses, dit Tinkerbell fièrement.

Eugénie tend la main, et la fée vient s'y poser, avant d'ajouter doucement :

- Je sais aussi ce qu'il s'est passé avec tes parents...

La petite fille tressaute, et des larmes reviennent remplir ses yeux. Tinkerbell insiste :

- Je suis désolée pour toi, je comprends ta tristesse...

- J'ai peur, petite fée ! s'écrie Eugénie. Papa m'a dit de me taire, sinon... sinon... sinon je finirai comme Maman !

- De quoi rêves-tu, Eugénie ?

L'intéressée paraît surprise de la question.

- De quoi je rêve ?

- Oui, je te demande de quoi tu rêves, Eugénie...

- De quoi je rêve...

Elle prend un instant pour réfléchir, et de lourdes larmes dévalent à nouveau ses joues. C'est d'une voix entrecoupée de sanglots qu'elle finit par dire :

- Je rêve... je rêve de pouvoir m'enfuir loin d'ici... je ne veux plus avoir peur de Papa... Maman m'a dit qu'il a commencé à boire quand je suis née, et Papa a dit qu'il ne voulait pas de moi, alors... je ne veux plus les voir... je veux partir...

- Et si on réalisait ton rêve ?

Eugénie a un petit rire désabusé.

- Ce serait si beau...

- On peut le faire, tu sais ! Il existe un autre monde que celui-ci... un monde sans adultes, où il n'y a que des enfants, et où l'on s'amuse toute la journée, et le lendemain, et le surlendemain, et plus encore !

- Mais... et mes devoirs ?

- Tu n'as pas à les faire ! Si tu viens avec moi, on ne reviendra jamais, jamais ici !

- Et mes parents ?

- Tes parents ?

Eugénie s'apprête à dire quelque chose, puis se ravise, et sa voix n'est qu'un murmure quand elle répond à Tinkerbell :

- Ils seront mieux sans moi, n'est-ce pas...?

- Tu seras mieux sans eux, aussi... allez, viens, suis-moi. Relève-toi, et allons au pays où les rêves se réalisent !

Eugénie hésite un instant, fixant la fée droit dans les yeux. Enfin, elle se relève, titubant sur ses petites jambes couvertes d'ecchymoses. Tinkerbell s'envole vers la fenêtre, fait signe à la petite fille de la suivre. Je vois d'ailleurs l'enfant blond s'écarter, laissant le balcon à Eugénie. Un mauvais pressentiment me prend, et je lui crie :

- Hé, qu'est-ce que la fée va lui faire faire ?

- Regarde juste, m'ordonne-t-il.

Eugénie suit Tinkerbell jusqu'à la rambarde. La fée sourit, et dit :

- Monte sur la rambarde.

- Quoi ?

- Fais-moi confiance.

Eugénie s'étonne mais obéit. Paniquée, je me relève et me précipite vers elle, alors qu'elle s'assoit sur le bord du balcon et fait passer ses petits pieds de l'autre côté. Je tente de l'attraper par le poignet, mais mes doigts la traversent.

- Qu'est-ce que ça veut dire ?!

Je crie le nom d'Eugénie, mais elle ne m'entend pas. Par contre, le blondinet a un large sourire aux lèvres. C'est vers lui que je me tourne, en hurlant :

- Qu'est-ce que c'est que ça ? Qu'est-ce que tu vas lui faire faire ? La fée, tu la contrôles, non ? Tu ne vas quand même pas...

- Saute, Eugénie.

Mes yeux s'écarquillent d'horreur, et je me tourne vers les deux fillettes. L'enfant a l'air tout aussi apeurée, et bafouille :

- Mais non, je... je vais m'écraser ! Je ne peux pas !

- Fais-moi confiance, Eugénie. Tu ne vas pas t'écraser. Saute, avec tout ton courage, et envole-toi !

La lueur dans les yeux de la noiraude passe de la peur à la détermination. Réalisant mon impuissance, je recule d'un pas, l'angoisse au ventre. Juste à côté, contemplant la scène, le blond sourit toujours. Enragée, je me précipite vers lui, tente de le saisir au collet ; il m'échappe d'un petit bond qui le propulse à deux mètres de hauteur, le laissant planer comme ça, hors de ma portée. Je lui lance, terrorisée :

- Mais t'es qui au juste ?!

- En tout cas, pas un peureux comme toi, stupide adulte. Regarde au lieu de te faire pipi dessus !

- Tu me demandes de regarder une fillette sauter d'une fenêtre ?! T'es taré !

- Tu es comme les autres en fait, égocentrique, incapable de faire confiance, et tu m'insultes en plus...

J'allais répliquer que c'est lui qui a lancé les insultes, mais un mouvement d'air, juste à mon côté, me fait taire.

Eugénie a sauté.

Affolée, je me précipite à la rambarde, me penchant par-dessus jusqu'à presque tomber, tendant désespérément la main vers l'enfant qui chute ; mais il n'y a rien que je puisse faire pour la retenir. C'est déjà trop tard.

Je reste figée alors que le temps semble se ralentir. Au milieu de la chute d'Eugénie, j'ai même l'impression qu'il s'arrête ; le monde se déforme alors, l'obscurité se pare de couleurs vives. Un éclair de lumière m'agresse les yeux, m'obligeant à fermer les paupières.


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