Partie 4

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Peter Pan guide les enfants le long de la plage, et moi derrière, jusqu'à une crique circulaire, qui doit bien faire une ou deux centaines de mètres de large. Le sable s'arrête pour laisser la place à la mer ; l'étendue circulaire d'eau se situe au pied d'une falaise de pierre rosée, et quelques rochers dépassent de la surface, luisant au soleil. Peter arrête les enfants là et fait signe à Eugénie de le rejoindre au bord de l'eau. La fillette s'exécute ; je la suis de près, curieuse de voir ce qu'il va se passer.

Le spectacle ne me déçoit pas.

Peter Pan marche jusqu'au bord de l'eau, jusqu'à avoir le bout des bottes immergé, puis clame dans une langue inconnue et mélodieuse :

- Oë, Nisneïs ! Esi aü jisi ?

Instantanément, la surface de l'eau s'agite en plusieurs points ; je vois sortir de l'eau de belles créatures mi-humaines, mi-poisson. Il y a une blonde aux cheveux ondulés et à la queue verte, une rousse en bleu, une brune en orange, et encore plus, toutes de couleurs différentes. Seul point commun qu'elles partagent : ce sont toutes de petites filles, et la plus vieille semble avoir à peine 12 ans.

Les sirènes - ou devrais-je dire les Nisneïs ? - sortent de l'eau pour s'asseoir sur les rochers, et c'est la blonde qui prend la parole, s'adressant à Peter Pan :

- Xi esi jisi, Peter. Voni vü rameä e heni ?

- Viï cea aüystim.

Il se tourne vers Eugénie, la montre aux sirènes d'un geste de la main, puis continue dans une langue compréhensible :

- Je vous présente Eugénie. Elle vient d'arriver, elle ne connaît pas encore notre petit coin de paradis...

À la fillette justement, il ajouta :

- Les sirènes parlent une langue qui leur est propre, je pense que tu l'as remarqué, mais elles parlent aussi notre langue. Si tu veux, tu peux apprendre la leur, au fil du temps passé ici ! C'est vraiment facile, en vrai.

Eugénie hoche la tête, impressionnée. Les sirènes, la regardant, lui font de petits signes de main, auxquels elle répond timidement. La rousse s'exclame :

- Hé, ne sois pas timide, viens !

Eugénie s'approche du bord de l'eau ; elle est accueillie par une foule de sourires.

- On lui chante un chant de bienvenue ?

- Oh oui ! "Ximdün juni", ce serait bien !

Les sirènes se regardent, puis hochent la tête d'un commun accord ; elles entament un chant doux et mélodieux, dans leur langue si particulière. Je ferme les yeux pour apprécier leurs voix. Toutes différentes, elles s'accordent magnifiquement bien. Certes, j'entends parfois quelques imperfections, comme une note mal tenue ou une autre qui sonne faux ; mais ce sont aussi ces petites erreurs qui sont jolies.

Au bout de quelques minutes, la chanson s'achève sur deux notes grave et aiguë simultanées. Un bref silence s'ensuit, rapidement rompu par les applaudissements des enfants, et les sifflets de ceux qui savent siffler. Eugénie reste baba pendant un moment, puis se joint au choeur d'applaudissements. Moi-même, je tape fervemment dans mes mains, impressionnée par cette performance.

Je laisse ensuite les enfants commenter la chanson, discuter avec les sirènes ; certains hasardent quelques mots dans l'autre langue, d'autres la maîtrisent tout à fait, d'autres encore ne la parlent pas du tout. C'est le cas d'Eugénie, ce qui ne semble pas déranger les sirènes, qui lui parlent naturellement et tout amicalement. J'écoute les conversations d'une oreille, quand quelque chose attire mon attention. Il y a un petit garçon qui s'est écarté du groupe, et qui semble essayer de faire oublier sa présence, réfugié entre deux saillies rocheuses.

Je m'approche de lui pour le détailler : il n'a l'air ni plus âgé ni plus jeune que la moyenne du groupe, soit environ 8-9 ans. Ses cheveux sont châtain clair, longs, lui arrivant aux épaules. Il porte d'ailleurs quelques petites tresses discrètes, agrémentées de plumes et de perles. Cependant, outre cette coiffure originale, il n'a rien d'autre de spécial : contrairement à la majorité des autres enfants qui sont déguisés, lui ne porte qu'un large t-shirt blanc et un pantacourt couleur sable, et il est pieds nus. Il arbore par ailleurs une expression indéchiffrable : je ne saurais dire s'il réfléchit, s'il rêve, ou s'il déprime en ce moment.

Peter Pan interrompt sa conversation avec une sirène en le remarquant ; il s'excuse auprès de la fille-poisson, et va voir le garçon solitaire. Celui-ci a un petit sursaut en voyant son leader s'approcher, et je sens qu'il s'applique à camoufler quelque chose. Étrange...

- Anaël ?

- Salut, Peter, répond le garçon avec une nonchalance feinte.

- Tu ne viens pas t'amuser avec nous ? Les Nisneïs ont décidé d'organiser une petite fête pour Eugénie, et tous ceux qui veulent chanter peuvent participer. Tu as une belle voix, tu ne veux pas y prendre part ?

- Oh, ne dis pas ça, marmonne Anaël. Elle n'est pas si belle que ça, vraiment.

- Pas de fausse modestie, elle est magnifique ! Ce n'est pas la raison pour laquelle tu te tiens à l'écart, je le sais.

La perspicacité de Peter est redoutable ; Anaël semble mal à l'aise. Je suis de plus en plus persuadée qu'il cache quelque chose. Il ment, donc... les propos de Peter sur son monde parfait résonnent encore à mes oreilles. Pas de mensonge, disait-il ?

- Ça... ça me met mal à l'aise d'être avec tout le monde, Peter.

Le blond secoue doucement la tête, l'air désemparé. Il jette un regard furtif derrière lui, vérifiant que personne n'écoute - de fait, il n'y a personne à part moi, mais j'ai un peu abandonné l'idée qu'on me remarque - avant de glisser à Anaël, à voix basse :

- Tu sais que tu peux tout me dire... si tu ne veux pas en parler ici, que dirais-tu de ce soir, sur la plage la plus au sud de Neverland ? On sera plus tranquilles, les autres seront couchés.

- ... d'accord. Merci, Peter.

- C'est naturel, sourit Peter. Je m'inquiète pour chacun d'entre vous.

Anaël acquiesce doucement.

- Est-ce que je peux... partir un peu ?

- Comme tu le veux.

- J'y vais, alors...

Peter Pan hoche la tête et part vers les autres, non sans jeter un regard compatissant à Anaël. Le châtain tourne les talons et part en direction de la forêt. Je reste un instant à réfléchir, puis je me décide à suivre Anaël.

Nous entrons ainsi dans une forêt dense et humide, un fouillis d'arbres, de lianes, de pierres et de buissons en désordre qui rend le passage difficile. Ça l'est d'ailleurs autant pour moi que pour le garçon qui, malgré sa petite taille, doit surveiller ses cheveux pour ne pas qu'ils s'accrochent aux branches. Je parviens donc à progresser au même rythme que lui, sans le perdre de vue. Nous arrivons ainsi à une petite clairière dégagée, au milieu de laquelle se trouve un grand arbre desséché, sans une seule feuille, et dont le tronc est criblé de trous. Je le devine creux, au bruit que fait le vent en arrivant dessus.

Anaël regarde l'arbre et ses multiples trous, puis décide d'aller s'asseoir à son pied, adossé au tronc. Là, il ramène ses genoux sous son menton, prend ses jambes entre ses bras, et perd son regard dans la forêt vierge en face. Je reste un moment à l'observer avant de me décider à le rejoindre, m'asseyant à côté de lui.

Jetant un regard au garçon, je lance, priant pour que le Peter Pan qui m'entend réponde :

- Je croyais qu'il n'y avait pas de malheur dans ton monde parfait, Peter ?

Sa voix me parvient dans l'instant :

- Il n'y en a pas... normalement.

- Qu'est-ce que tu comptes faire pour Anaël, du coup ?

- Ce n'est pas évident ? Je vais chercher à comprendre pourquoi il n'est pas heureux, et y remédier. C'est tout.

- Et si... je dis bien "et si", mais et si tu ne pouvais pas y remédier ?

- Au cas où tu ne le savais pas, je peux faire ce que je veux de ce monde entier. Il n'y a rien qui m'est impossible en soi, c'est mon rêve après tout.

- Et si ce qu'Anaël voulait, c'était le quitter, ce monde ?

Peter Pan se tait. J'insiste :

- C'est possible après tout, non ? Si sa volonté de départ n'était pas vraiment de quitter le monde réel, s'il s'est rendu compte trop tard qu'il n'était pas prêt à rester éternellement à Neverland ? Qu'est-ce que tu ferais, Peter Pan ? Toi et ton monde parfait qu'on ne peut pas quitter, qu'est-ce que vous feriez ?

Silence encore. J'attends de longues secondes, mais aucune réponse ne vient. Je crie :

- Réponds ! Tu n'en sais rien, c'est ça ? Ça n'est jamais arrivé ? Ou c'est déjà arrivé, et tu ne veux pas me dire ce qu'il se passe ?

L'absence totale de réaction me confirme que je n'aurai pas de réponse à ma question. Ça ne fait que monter mon inquiétude d'un cran : quelle est la vérité, pour qu'elle ne puisse pas m'être dévoilée ?

Je tourne les yeux vers Anaël, qui reste prostré. Il me semble qu'il n'y ait qu'une seule et unique façon de trouver ma réponse, après tout...

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