Épines

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Marc se réveilla le lendemain en milieu d'après-midi. Sa pommette endolorie lui rappela son altercation nocturne. Il prit une douche et tenta d'oublier ses frasques de la veille. Le souvenir de sa partie de baise avec Marlène lui laissa un goût amer. Mais pas autant que l'image de Scipion et d'Annabelle cachés derrière la tenture d'un club malfamé. Il chassa ses affreuses réminiscences et préféra se rappeler les quelques instants de connivence partagés avec la jolie brune. En temps normal, il aurait fait en sorte d'oublier cet épisode infect de sa vie. Mais un élan le poussait de toutes ses forces vers Annabelle. Et la véritable raison de cette obsession le dépassait :était-ce par amour ou parce qu'il voulait percer à tout prix son secret ? Il ne voulut pas s'épancher sur la question, de peur de se trouver face à ses propres démons. Il alluma son ordinateur et lança plusieurs recherches sur le net. Il recoupa les bribes d'information qu'il avait en sa possession. Il savait qu'Annabelle et Ludivine étaient originaires de la ville et qu'elles étaient liées depuis le lycée à cinq autres filles, dont deux portaient un tatouage identique. Scipion avait aussi parlé d'un pacte qui les unissait.

Au bout de trois heures d'enquête sur son écran, Marc avait consulté assez d'articles pour démêler l'écheveau. Il déduisit lui-même la troublante conclusion. Il quitta son studio pour se rendre de nouveau chez les deux gothiques.

— Je sais tout, Annabelle. Marlène ne s'était pas trompée : je n'avais rien compris. Je suis à la fois désolé pour tout ce qui vous est arrivé, et convaincu qu'il n'est pas trop tard pour vous arrêter.

Annabelle,les yeux rougis, écoutait en silence l'aveu de Marc. Le jeune homme avait imprimé de nombreux extraits issus des rubriques de faits divers de journaux régionaux. Il avait étalé les documents sur le lit ; il avait insisté pour s'enfermer dans sa chambre puisqu'il ne souhaitait pas que Marlène assiste à sa démonstration. Annabelle sanglotait alors qu'il retraçait pas à pas sa propre histoire.

— Vous étiez sept copines à l'internat du lycée Notre Dame des Carmes. Un soir, en première, vous avez fait le mur ensemble pour assister à un concert. Des garçons à peine plus âgés vous ont convaincues de passer un peu de temps avec eux après le spectacle ; vous ne vous êtes pas méfiées. L'un d'eux avait une camionnette et vous avait promis de vous ramener. Ils vous ont fait fumer et boire et puis ils ont cherché à abuser de vous. Vous vous êtes débattues et ils vous ont laissées sur la route. Mais ils ont gardé l'une d'entre vous : Rosine. On l'a retrouvée le lendemain soir, inconsciente dans un talus de ronces. Ils l'avaient violée et frappée, puis jetée du camion en marche. Elle n'est plus retournée à l'école. Deux mois plus tard, elle s'est tiré une balle dans la tête avec le pistolet de tir de son père. Après cela, ta famille et celle de Ludivine ont déménagé. Je suppose que c'était pour vous séparer des autres victimes. Un peu avant de passer son bac, Mélodie a fugué et s'est jetée sous un train. Un an jour pour jour après le suicide de Rosine.

L'année suivante, ce fut le tour de Viviane, à l'autre bout de la France. Ses parents l'avait fait interner en psychiatrie ; ils avaient compris qu'elle finirait elle aussi par attenter à ses jours.L'article dit qu'elle a reçu la visite de camarades de classe. L'un d'entre eux lui aurait peut-être fourni une lame de rasoir pour se trancher les veines. C'était vous, n'est-ce pas ?

Annabelle hocha la tête, écrasée par la douleur des souvenirs. Marc poursuivit.

— Il y a deux ans, les quatre survivantes regagnaient la ville de leur calvaire. Marine s'est injecté une dose fatale d'héroïne. Les enquêteurs ont conclu au suicide, puisque son corps ne présentait aucune trace d'autres piqûres. Enfin, il y a un mois, Ludivine mourrait sous tes yeux.

Marc fit une pause, guettant une réaction de la jeune fille. Comme elle restait muette, il essaya de la faire parler.

— Quand vous est venue l'idée du pacte ?

— Tout de suite, à la mort de Rosine. On s'est réunies toutes les six après l'enterrement et on a tiré au sort l'ordre de passage. Mélodie ne voulait pas être la dernière. Elle disait qu'elle n'aurait pas le courage d'attendre six ans. Elle a échangé sa place avec Marlène. On a décidé alors que Marlène serait notre gardienne et qu'elle veillerait sur nous toutes. C'est elle qui a tenu la main de Mélodie quand le train lui est passé dessus. C'est aussi elle qui a donné la lame de rasoir à Viviane, et encore elle qui a préparé la seringue de Ludivine. Elle était déjà la plus forte et la plus déterminée à l'époque. Dans la camionnette, elle avait même dit qu'elle était prête à se laisser faire sagement si on nous laissait toutes partir. Mais ces types ne voulaient pas d'une gamine docile. Ils ont pris la plus fragile et ils l'ont brutalisée comme des sauvages. La rose et les épines, c'est en souvenir d'elle, pour nous rappeler la douleur qu'elle a endurée dans sa chair. C'était l'idée de Viviane, mais elle n'a pas eu le temps de se faire tatouer : ses parents l'ont placée en HP dès sa majorité.

— Pourquoi toute cette mise en scène ?

— On se sentait toutes responsables. Rosine ne voulait pas nous accompagner, elle préférait rester pour surveiller notre escapade et faire diversion en cas de contrôle de la surveillante. On a insisté pour qu'elle vienne. Plus tard, nos parents se sont rejetés la faute ; certains se sont battus entre eux. D'autres ont voulu porter plainte contre l'école. En fait, ils étaient tellement occupés à se déchirer qu'ils n'ont jamais compris ce qui était en train de se passer. Avec la distance et le temps, nos parents n'ont même pas fait le lien entre les autres suicides. Ils ont préféré oublier. Il faut dire que nous avons tout fait pour les rassurer : des études et des petits copains, des vies idéales d'étudiante, en apparence. Jusqu'à maintenant...

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