[Eldarya] De la Poudre aux Yeux

Màu nền
Font chữ
Font size
Chiều cao dòng

Commande d'OS réalisée pour Analah.

Taille de l'OS : OneShot


*****


Analah était assise sur une des échelles coulissantes de la bibliothèque, à potasser un codex sur la botanique et ses propriétés magiques, quand elle perçu des éclats de voix dans le couloir. Elle fronça d'abord les sourcils, s'offusquant qu'on puisse faire autant de raffut devant un lieu de tranquillité, puis elle reconnu les voix. Il s'agissait d'Ezarel, son chef de Garde auto-proclamé sublime dieu elfique et de Nevra, le vampire carrément canon à la tête de la Garde Ombre.

Délaissant son ouvrage passionnant, la demoiselle entreprit de s'approcher de la grande porte de la bibliothèque. Celle-ci était pourtant massive, les deux hommes devaient sacrément s'enguirlander pour qu'elle les entende aussi clairement. Ne souhaitant pour le moins du monde se faire pincer par son tyran de supérieur, la jeune fée glissa une mèche de ses cheveux sombres derrière son oreille et vient accoler cette dernière sur le battant en bois.

-Non, c'est non ! scandait Nevra. Et puis quoi encore ? Tu m'as pris pour un de tes larbins ? T'as qu'à demander à un de tes minions !

-Ils sont tous très occupés à travailler sur des projets que tu ne comprendrais même pas, expliquait l'elfe en conservant un calme déconcertant.

-J'en ai rien à faire. J'ai d'autres Jipinku à fouetter plutôt que d'aller crapahuter en forêt pour tes conneries. Débrouille-toi !

Sur quoi, Analah entendit les pas furieux de Nevra s'éloigner à peine étouffés par ses ronchonnements. Elle tentait encore de deviner la direction que le vampire prenait pour aller faire sa curieuse après coup, quand la poignée luisante de la porte se mis à tourner. Elle ne fut pas assez rapide pour s'éloigner avant que la double porte s'ouvre à quelques centimètres de son nez. Analah retenait encore sa respiration quand les yeux d'Ezarel se posèrent sur elle.

Le type aux cheveux bleus ne dit rien et se contenta de plisser les paupières. La jeune fée de la nature ne savait plus où se mettre. Elle se doutait qu'une punition l'attendrait pour avoir osé écouter aux portes. Elle allait encore devoir nettoyer tous les béchers et les fioles du laboratoire jusqu'à ce que tout brille. Ses épaules s'affaissèrent quand Ezarel ouvrit la bouche, mais ce n'était pas la remontrance à laquelle elle s'attendant qui survint.

-Tu vas peut-être m'être utile, toi.

Les yeux plein d'espoir, prête à jurer "tout ce que tu voudras !" si ça pouvait lui éviter la corvée de vaisselle, Analah inspira un grand coup pour encourager son supérieur à poursuivre.

-Suis-moi, ordonna-t-il. On va voir Miiko.

Quelques minutes plus tard, les deux Absynthes patientaient fièrement dans la Salle du Cristal, face à une Miiko fulminante. D'un geste discret, elle renvoya Jamon qui s'éclipsa sans un mot. Ezarel entreprit de donner les détails de sa conversation avec Nevra à la kitsune. Comment il lui avait si gentiment demandé d'accomplir une mission pour lui, et comment, en sale goujat, il avait osé refuser en lui jetant toutes sortes d'obscénités à la figure.

-Alors que j'ai été si délicat et prévenant envers lui, je lui fournit tout le matériel nécessaire... se plaint Ezarel, un air hautain sur le visage.

-Il ne s'en tirera pas comme ça, gronda l'Étincelante.

Analah tentait tant bien que mal de suivre cette discussion qui n'avait ni queue ni tête. Quelle mission ? Ezarel n'avait pas été si prévenant et Nevra pas si obscène... Et quel rapport tout ceci avait à voir avec elle ? Ezarel comptait-il se servir d'elle comme témoin ? Elle ne pouvait en aucun cas appuyer les dires de son chef. Elle n'avait rien entendu qui puisse approuver ou démentir sa version.

La voilà confrontée à un dilemme : corroborer la déclaration de son chef et perdre les chances de se rapprocher de Nevra ? Ou la démentir et prendre le risque de subir les foudres du narcissique Seigneur du Mal ?

Finalement, n'était-il pas trop tard pour opter pour la corvée de vaisselle ?

-Oh vous êtes sérieux, là ? grince la douce voix du vampire à l'autre bout de la pièce.

Analah eut à peine le temps de retrouver ses esprits que le beau ténébreux se fit jeter dans la vaste salle comme un malpropre par Jamon. Aussitôt, l'ogre referma les lourdes portes derrière lui pour empêcher quiconque de fuir. Bien qu'elle ne refusait jamais quelques instants en compagnie du bel Ombreux, sur ce coup-ci, Analah aurait bien aimé être une petite souris pour s'extirper de cette situation.

-Ezarel m'a rapporté ton refus, tonna Miiko, tandis que Nevra arrivait à la hauteur du petit groupe.

-Et comment ! Tu pensais vraiment que j'allais me plier à ses caprices de petit roi du monde ?

Un règlement de compte. Aussi discrètement que possible, la jeune fée s'éloigna d'un pas pour ne pas être prise comme bouclier par son sadique de supérieur. S'apprêtant à ce que sa réaction soit approuvée par la chef de l'Étincelante, Nevra arborait fièrement un large sourire . Mais quelle fut sa surprise quand les sourcils froncés de la kitsune se rejoignirent pour ne former qu'une seule et même ligne de mécontentement.

-Nevra, tu vas me faire le plaisir d'accéder à la demande d'Ezarel.

-Q-quoi ?!

-Tu as très bien entendu, fanfaronna l'elfe. Tu vas donc, à la nuit tombée, aller me cherche mes petites fleurs, dans la Forêt Profonde.

Nevra en tombait des nues. Analah aussi, elle ne connaissait pas encore la mission qu'Ezarel tentait de lui attribuer. Mais le ridicule de la tâche la fit sourire.

-Mais pourquoi moi ? Je suis pas un Absynthe, c'est ton boulot, ça, d'aller cueillir des plantes.

-Sauf que de nuit, répliqua l'elfe en levant un doigt pour faire taire son collègue, il pourrait y avoir des créatures qui m'attaqueraient et je...

-Et alors ? s'enquit Nevra en haussant un sourcil. Tu sais pas te battre ? T'es une chiffe-mole, c'est ça ?

-Tu vois ? Encore des obscénités, souffla l'elfe vers la kitsune.

Analah se trouvait là, sans savoir quoi faire, ou quoi dire. Tout ce qu'elle espérait c'est que personne ne remarque sa présence, qu'on ne lui demande pas d'approuver une version ou une autre. Elle ne souhaitait qu'une chose : qu'on oubli même jusqu'à son existence. Pour quelques heures, du moins.

-Pour répondre à ta question, reprit Ezarel, je ne vois pas pourquoi j'irais prendre le risque de salir mes vêtements nobles alors que toi, tu as l'habitude de fricoter avec les bestioles qui trainent dehors.

-Mais je vais te les faire bouffer tes fring...

-Ça suffit ! gronda Miiko.

La salle toute entière en trembla. Analah se ratatina sur elle-même et se fit toute petite.

-Nevra, tu iras chercher cette foutue fleur. La potion que va en faire Ezarel est de la plus haute importance ! Je ne tolèrerai pas un échec de ta part, est-ce bien clair ?

-Hmphr, je sais même pas à quoi elle ressemble ta pauv' fleur, alors...

Le sang de la jeune fée ne fit qu'un tour. Elle comprit.

-C'est pourquoi je t'attribue ce guide champêtre, sourit l'elfe d'un air machiavélique en désignant une Analah implorant l'Oracle de l'achever sur le champ. Elle est très douée dans son domaine, tu verras...

*****

Et ce fut ainsi qu'Analah se retrouva à accompagner le terriblement sexy vampire dans sa mission de cueillette. Ce dernier fulminait et proférait des menaces toutes plus tordues les unes que les autres à l'encontre du chef des Absynthes.

-Tu as conscience qu'il ne peut pas t'entendre depuis l'Allée des Arches, s'amusa la demoiselle.

-C'est pas contre toi, je t'assures, mais j'ai vraiment d'autres choses à faire.

-Comme fomenter ta vengeance contre mon chef de Garde, par exemple ?

Nevra esquissa un sourire :

-Tu m'aiderais ?

-Et risquer de l'avoir sur le dos jusqu'à la fin de mes jours ? Certainement pas, refusa Analah. Par contre... je peux te suggérer quelques idées.

-Génial, on se voit dans ma chambre après notre mission, glissa le vampire avec un clin d'œil.

Comment Nevra avait-il réussi à faire dévier la conversation pour amener la jeune fille dans sa chambre ? Analah n'eut pas le temps de rougir d'embarras qu'une voix juvénile les appelait de loin. En se retournant, ils constatèrent que Chrome courait, hors d'haleine pour les rattraper.

-Faites qu'il se tape pas l'incruste, ronchonna Nevra avant que son jeune Ombreux ne soit à portée.

-Je le trouve mignon, moi, chuchota la jeune fée.

Et elle n'en revint pas d'avoir dit ça à voix haute, ou comment bousiller toutes ses chances avec son vampire préféré en quelques secondes. Nevra ne sembla pas relever, trop pris qu'il était par la venue du loup-garou.

-Ahh, j'ai réussi à vous avoir, souffla ce dernier, les mains sur les genoux.

-Tss, qu'est-ce que tu veux ? On allait partir en rendez-vous romantique, là...

Une goulée d'air se coinça dans la gorge d'Analah. Même si c'était un bobard, elle ne put s'empêcher de rougir comme si c'était bel et bien un rencart de prévu. Quoique, passer la nuit avec Nevra en forêt, pour cueillir quelques fleurs... ça pouvait vite tourner en rendez-vous galant s'ils en terminaient vite avec la mission.

-Pas de ça avec moi, Nevra. Je sais que vous partez en mission, genre super difficile, se moquait le jeune loup. Tu vas tellement en baver, c'est une mission qui te met tout à l'honneur, ça.

-Arrête tes conneries, qu'est-ce que tu veux ?

-Quand je vais dire ça aux autres membres de la Garde, pouffait-il.

-Chrome. Pas un mot, ou je t'éventre et je te pends par les tripes, menace le plus grand des Ombreux. Maintenant que j'ai ton attention, que veux-tu ?

-Vous donner ça, dit-il en tendant une arme des plus ridicules.

En voyant le sourcil haussé de son chef, Chrome se sentit obligé d'expliquer :

-C'est un fléau en bois de cèdre et ça, indiqua-t-il en pointant son doigt vers la sphère au bout de la chaine, c'est une boule à mite géante.

-Humm, ce truc, ça sert à... commence Analah, ayant une vague idée de l'utilité de la chose.

-Ça pourrait vous être utile, on sait jamais, la coupa Chrome.

A peine eut-il remis la fameuse arme entre les mains des missionnaires, qu'il repartit à grandes enjambées vers le QG. Ce fut donc le pas las, que Nevra sortit par la Grande Porte, accompagné d'Analah, tandis que la nuit poignait à l'horizon.

-Franchement, il a vraiment besoin de nous y envoyer la nuit ? ronchonnait une fois de plus Nevra tandis qu'ils s'enfonçaient dans l'obscurité de la forêt.

-Ezarel veut les pistils d'une fleur, le Silène penché géant, qui ne s'épanouit qu'une fois la nuit tombée. Un peu comme toi, tenta-t-elle, discrètement.

-Cette fleur doit être aussi attirante que moi, alors, se pavana-t-il, aussitôt.

-Hum, oui et non. Elle n'est pas des plus jolies. Elle est même plutôt simple. Mais elle est réputée pour attirer quelques créatures de la nuit.

-Tss, d'où la frousse d'Ezarel. Il me le paiera.

Après un silence de plomb pendant lequel Analah ruminait milles et une répliques pour remonter le moral de Nevra, elle ne trouva rien de mieux que marmonner :

-Excuse-moi. Tu ne veux sûrement pas perdre ton temps, ici, avec moi.

Parce que la jeune fée gardait le regard bas et qu'elle dissimulait son visage triste et embarrassé avec ses longs cheveux noirs, elle ne remarqua pas l'air interloqué de son compagnon.

-C'est de ma faute, tu sais, si on se retrouve coincés ici, tous les deux. Ezarel aurait sûrement lâché l'affaire s'il n'avait pas voulu me mettre à l'épreuve.

-A l'épreuve ? questionna Nevra.

-Quand je concocte des potions, j'ai tendance à être un peu tête en l'air. Oh rien de bien grave, mais il m'arrive d'intervertir quelques plantes par mégarde. Les potions n'ont pas le même effet, du coup. Je suis persuadée qu'Ezarel veut me faire payer mes erreurs en m'incluant dans cette mission.

-Je ne pensais pas que cette partie de cueillette serait un tel calvaire pour toi.

-Oh loin de là, se ressaisit soudain la fée. Ta compagnie m'est très agréable ! Seulement Ezarel s'attend à ce que je fasse une erreur pour me la faire payer au centuple.

-Hey, l'interpella Nevra d'un léger coup de coude. On va lui faire bouffer ses pistils s'il est pas content l'autre elfe grincheux.

Analah approuva d'un sourire, heureuse de cette nouvelle complicité nouée avec celui qu'elle adulait en secret. Après quelques secondes d'une gaieté silencieuse, Nevra tiqua :

-Attends, tu viens de dire que tu te goures souvent dans le choix des plantes ? Tu es sûre de reconnaitre une sélène ?

-Un silène, le corrigea-t-elle avant de mourir de honte. Je t'ai dis qu'Ezarel s'attend à ce que je foire tout. Mais je pense que je saurai le reconnaitre.

Sans plus attendre et évaluant les conditions environnementales comme parfaites pour la pousse et l'éclosion des Silènes penchés géants, Analah adopta une position peu élégante pour progresser. Le dos courbé, la tête rentrée dans les épaules, les mains en avant pour tâter le terrain, elle savait que ses chances de séduire le beau ténébreux s'amenuisaient de minute en minute. Elle priait de toutes ses forces pour tomber sur un champs des fleurs nocturnes.

-Ah ! En voici ! s'exclama-t-elle en se ruant vers un éclat d'une blancheur immaculée dans la nuit.

-Nickel ! Ça aura été plus rapide que je ne le pensais, jubila Nevra en attaquant la plante à pleines mains.

-N-Nevra, arrête, je... c'est pas la bonne, j'ai mal vu. Excuse-moi, je ferai plus attention avant de te donner une fausse joie.

Nevra se redressa en tentant de feindre d'indifférence, mais Analah perçu quand même la pointe d'inquiétude quant à la durée de la mission, sur le visage blême de Nevra. Il ne fallut cependant pas bien longtemps à la jeune femme avant de s'écrier à nouveau. Et pour de bon cette fois-ci. Devant eux s'étendait toute une culture de longues tiges raides, hautes de presque un mètre cinquante, sur lesquelles étaient suspendus de jolis calices ornés de fines pétales verts clairs se dégradant de plus en plus vers un blanc éclatant jusqu'au bout.

A l'expression de joie qu'arborait le visage de la fée, Nevra ne s'y trompa pas. Ils étaient bel et bien face à la fameuse fleur nocturne. Analah extirpa d'une de ses poches, une petite bourse en cuir qu'elle défit et montra à Nevra :

-Il ne nous fait que les pistils, un plein bissac ! indiqua-t-elle, en prenant soin que cela n'ai pas l'air d'un ordre.

Aussitôt, le vampire et l'Absynthe s'attelèrent à la tâche. La petite besace de cuir tannée solidement fixée à une tige de Silène, chacun tirait délicatement sur les gynécées fragiles de la fleur avant de les fourrer précautionneusement dans la petite besace. Alors qu'Analah attaquait déjà son quatrième sujet, elle sentit un regard pesant sur elle. Elle n'osa pas se retourner, se doutant que Nevra la fixait. Elle s'efforça donc d'avoir l'air le plus naturel possible tout en montrant son plus joli profil. Quelque chose de fin et doux effleura cependant sa joue, la sortant brutalement de ses efforts.

-Q-qu'est-ce que... sursauta-t-elle, prête à faire face à une potentielle menace.

Nevra se tenait tout prêt d'elle, la main sur sa bouche pour s'empêcher de rire et l'autre pointée sur elle avec un doigt recouvert de pollen.

-Tu sais que tu serais canon avec des peintures de guerre ? la dragua ouvertement le vampire.

Bien que passablement mal à l'aise par la remarque, Analah se contenta de le fixer avec des yeux ronds. Du pollen ? Sur sa joue de velours ? La demoiselle tordit ses lèvres pour se souffler le visage. Elle se serait bien épousseté la joue directement, mais ses mains étaient pleine de poudre dorée aussi, elle n'aurait fait que s'en mettre davantage. Une idée lui traversa l'esprit. Aussi vive que l'éclair, alors que Nevra était trop occupé à ricaner, elle vint caresser son visage pâle de ses mains chaleureuses. Il est sans dire qu'elle en profita bien un petit peu. Elle ne put s'empêcher de rire quand l'excès de pollen sur le nez du vampire le fit éternuer à plusieurs reprises. Elle l'avait bien eu !

-Tu vois ? A t'en prendre à une Absynthe, tu subis le retour de boomerang.

-N'empêche, je t'ai fait peur, tu aurais dû voir ta tête ! A mourir de rire.

-M'ouais... ronchonna Analah entre ses dents. Rira bien qui rira le dernier !

Les deux faeries continuèrent de remplir le petit sac de cuir en oubliant momentanément qu'il s'agissait d'une mission donnée par Ezarel. Ils oublièrent qu'ils étaient plus que mécontent au début, d'accomplir cette cueillette ingrate pour un elfe hautain. Pendant un instant, pendant lequel la lune effectua un bel arc de cercle dans le ciel noir, Analah prit un grand plaisir à ôter les brins fins et poussiéreux des fleurs géantes en compagnie d'un homme qui était plus profond et subtile qu'il ne le laissait paraître.

L'atmosphère de la forêt était plein d'embruns en ce début d'été. Les insectes et autres créatures nocturnes avaient déjà bien entamé leurs activités habituelles. On entendait par endroit des bestioles gratter la terre ou l'écorce des arbres pour y trouver de quoi se nourrir. Nevra pouvait entendre le clapotis d'un ruisseau, pas très loin. Il ne savait pas si Analah pouvait le percevoir à cette distance. Son ouïe de vampire lui donnait des sens bien plus aiguisés que ceux des autres faeries. Il remarquait par exemple que les battements de cœur de la jeune fée à ses cotés prenaient de la vitesse lorsqu'il réduisait l'écart qui les séparait. Sans le faire remarquer, il s'amusait à jouer avec elle. Peut-être même ne s'en rendait-elle même pas compte. Toujours eut-il été qu'il la trouvait très intéressante. Bien plus que toutes ces jeunes pimbêches qui lui couraient après et dont les intentions étaient à peine dissimulées. Nevra aimait le défi. Et découvrir ce que cachait cette apparente discrétion devenait pour lui un challenge. Le vampire voulait mettre à nue la jeune fée des Absynthe. Au figuré et peut-être aussi au propre. Il ne s'était pas encore décidé sur la question.

-On a presque terminé, bâilla la demoiselle en tirant sur le dernier pistil du Silène géant.

Nevra se ressaisi soudain. Il n'avait pas réalisé jusque là qu'il fixait la fée sans cligner des yeux. Il ne put s'empêcher de l'observer tandis qu'elle fermait le bissac. Là, sous les rayons argentés de la lune qui faisaient scintiller sa tignasse noire d'une multitude d'étincelles violines, il la trouva belle. D'une pureté éblouissante. Il voulu la frôler mais se ravisa, de peur de l'ébranler, de lui voler cette fraîcheur, comme on fait chuter la rosée du matin en cueillant une rose nouvelle. Une rose. Voila ce qu'elle était. Une rose délicate aux pétales de velours, à la silhouette féline et aux épines redoutables. La dompter sans l'emprisonner serait son nouveau défi.

-Nevra, ça va ? l'interrogea-t-elle.

-O-oui, tu disais ? bafouilla-t-il en se secouant la tête.

-T'avais l'air dans les nuages. On a ce qu'il faut, dit-elle en gigotant le sachet de cuir bien bombé devant les yeux du vampire. On peut y aller si tu es prêt.

-Très bien, allons-y. J'en peux plus de ce raffut, fit-il en se relevant.

Analah qui s'était déjà levée se stoppa net dans son mouvement.

-Ce raffut ? Quel raffut, Nevra ?

-Un bourdonnement, tu l'entends pas ? Ça doit être un essaim un peu plus loin, alors, ajouta-t-il quand la fée inclina la tête en signe de négation.

-Un essaim, tu dis ? s'inquiéta-t-elle. On bouge. Maintenant.

Sans poser plus de question, Nevra la suivit en trottinant. Elle devait mieux connaitre les insectes, leurs vies et leurs pratiques de chasse que lui et si elle disait qu'il fallait partir, alors soit. De toute façon, il ne comptait pas s'éterniser ici. Un tapis de mousse était tout de même moins confortable que ses draps en soie.

Bientôt, Analah put entendre elle-même les fameux bourdonnements dont s'était plaint Nevra. C'était une rumeur sourde, comme des parasites sur le fond sonore mélodieux de la nuit. Un fredonnement sauvage et menaçant qui s'approchait encore et encore. La fée ne ressentit pas le besoin de se retourner pour savoir à quoi elle avait affaire. Elle savait pourtant que les Silènes les attiraient. Elle n'était plus sûre, c'est pourquoi elle n'avait rien dit, mais maintenant le doute n'était plus permis.

-Bon sang, c'est quoi ces bestioles ? s'agaça Nevra.

-Des papillons de nuit, ne te retourne pas et cours, l'encouragea Analah.

-Des Papillons ? T'es sérieuse, là ? On fuit face à des papillons ?

-Ce sont les Silènes qui les ont attiré. Ce sont des Silènes géant, Nevra, indiqua-t-elle.

-Oh, réalisa le vampire. Donc j'imagine que les insectes sont géants aussi...

Un hochement de tête de l'Absynthe lui suffit à le motiver, mais alors qu'il était au coude à coude avec elle, il l'a vit s'envoler. Ni plus, ni moins, dans les airs. Comme si c'était normal. Il se tourna juste à temps pour la voir enserrée entre les pattes velues d'un immense lépidoptère.

Alors qu'il déchiffra ce qui semblait être de la détermination dans le regard de la jeune fille, deux traits puissants se précipitèrent vers elle, depuis le sol. La fée tendait les bras et des lianes vivaces s'extirpèrent du sol pour venir s'entortiller autour de ses membres, empêchant le prédateur d'emmener sa proie.

Analah serrait des dents pour lutter contre les ailes puissantes de son assaillant. Ses lianes étaient aussi fortes que sa volonté, mais elles restaient végétales. Si le papillon continuait de tirer comme ça, elles céderaient. Les cordes naturelles enroulées autour de ses bras lui striaient la peau. La douleur la fit vaciller. Un instant, elle baissa son attention. Un instant seulement, mais suffisamment pour que la liane se relâche et que le lépidoptère en profite. Elle prit soudain de l'altitude jusqu'à ce qu'un éclat argenté effleure son visage et vienne se ficher dans l'abdomen de son oppresseur.

Aussitôt, l'emprise des pattes griffues de l'animal se desserra. Et la chute survint. Le vent lui giflait le visage tandis que la jeune Absynthe venait à rencontrer le sol. Elle ferma les yeux et subit le cri suraigu qui s'échappa de sa gorge pour appréhender l'impact.

-Je te tiens !

La voix était toute proche. Analah ouvrit les yeux à temps pour déployer ses bras à son bienfaiteur. La chute était si brusque que ses pieds soulevèrent un tapis de feuilles de l'automne dernier lorsque Nevra la retint.

Le temps de s'en rendre compte, elle était nez à nez avec le bellâtre. Elle était bien trop près pour esquiver son regard de braise. Son souffle lui chatouillait le nez et elle dû s'humecter les lèvres plusieurs fois pour lutter contre l'envie de se grattouiller. Le cœur de la jeune fée battait la chamade. A cause de la course d'avant ? Du bond dans les airs avec le papillon ? La chute ? Ou ce coller-serré avec le vampire de la Garde d'à coté qui hante ses rêves ?


-Nevra, je... bafouilla-t-elle, sans savoir ce qu'elle voulait dire.

-Plus tard, Chérie, tes petits copains reviennent.

Chérie ? Il l'avait appelé Chérie ? Rien qu'à cause de ça, il fallut une demi seconde de plus à Analah pour se remettre de ses émotions. Alors qu'elle parvenait enfin à détourner le regard de son sauveur, elle distingua très nettement une dizaine de papillons géants dessiner une courbe dans le ciel pour revenir droit sur eux.

-Le fléau, sors le fléau, Nevra.

-C'est de la pacotille ce truc. C'est Chrome qui nous l'a donné.

-Va savoir comment mais il a vu juste. Le bois de cèdre et les boules à mite éloignent les papillons de nuit.


Sans demander son reste, Nevra extirpa la breloque de sa ceinture. Son regard s'émerveilla lorsque la chaîne s'allongea par magie quand le vampire fit tournoyer la sphère dans les airs. Dès lors, il eut assez de portée avec le fléau pour tenir les insectes volants à distance. De son coté, Analah effectuait des gestes gracieux, comme une danse féérique pour pousser les lianes à sortir du sol. Aussi agiles que vivantes, les cordes naturelles se liaient entre elles pour former des blocs solides et compacts comme un poing serré et venaient percuter les lépidoptères de plein fouet. Tout autour d'elle, Analah avait pris soin d'ériger une barrière naturelle grâce aux plantes grimpantes, dont certains pans se transformaient en fouet frénétique si un ennemi approchait de trop près.

Nevra se servait des infrastructures ainsi créées pour bondir jusqu'à la cime des arbres et attaquer directement leurs assaillants.

-C'est le pollen ! cria Analah pour être sûre que Nevra l'entende. Ils veulent le pollen qu'il y a sur les pistils.

-Hors de question de leur céder notre butin. Ezarel nous renverrait encore si on revenait bredouille ! scanda le vampire.

Sur ce point, ils étaient bien d'accord. Abandonner les pistils n'étaient même pas envisageable. La jeune fée eut alors une idée. Elle maitrisait la nature, mais pas uniquement. Rassemblant sa concentration, elle positionna ses mains autour de la petite bourse et ferma les yeux pour visualiser sa tâche. Sous l'œil impressionné de Nevra, Analah forma une bulle d'ombre autour du sachet, coupant ainsi tout lien avec l'extérieur. L'odeur du pollen se dissiperait sous peu et les papillons affamés retourneraient d'où ils venaient dans la même foulée.

-Tu ferais une parfaite Ombrette, tu sais, glissa Nevra avec un clin d'œil lourd de sous-entendus.

-Seulement si tu me prends en tant qu'alchimiste, proposa la demoiselle audacieuse.

-Alors tu me feras des philtres d'amour pour les filles qui me résistent.

-Oh ! Alors il y en a, des filles qui te résistent ! tenta-t-elle de dissimuler son malaise.

-Tu boiras ta propre potion, hein ? fit-il d'un haussement de sourcils.

Le cœur de la fée était en train de faire des bonds dans sa poitrine. Elle voulu lui susurrer qu'elle n'avait pas besoin de potion mais elle désirait encore moins passer pour une fille facile. Elle voulait être spéciale et ne surtout pas être rangée dans le coffre aux conquêtes innombrables que Nevra devait avoir.

Alors que les lianes fouettaient toujours l'air au dessus de leurs têtes, les papillons revenaient toujours plus à la charge. La bulle d'ombre ne semblait pas les perturber outre mesure. Les insectes ne perdirent pas de leur animosité. Alors que son regard se déposa sur la joue de Nevra, Analah saisit soudain.

-On a du pollen sur nous !

-Alors quoi ? Tu nous enveloppe dans une bulle, nous aussi ?

Malgré le sérieux de la situation, Nevra ne put s'empêcher de glisser une allusion dans sa proposition. Cette fée l'intriguait vraiment. Elle maitrisait la végétation qui l'entourait et les ombres. Cette Absynthe dominait le monde des ténèbres. Le test avait dû se tromper quand cette jeune recrue était entrée dans la garde. Il devrait revoir ça avec Miiko. Nevra la voulait avec lui, dans l'Ombre.

-Non, mais j'ai peut-être mieux, lui avoua-t-elle. Couvre-moi, tu veux ?

-Avec plaisir, renchérit-il.

Aussitôt, Analah relâcha son pouvoir sur les lianes pour se concentrer. Debout, entre les quelques arbres couchés sous les rafales, elle ferma les paupières et joignit ses mains devant sa poitrine. Elle ressentait toujours la présence de Nevra gesticuler avec grâce tout autour d'elle pour la défendre et la protéger. Analah puisa en elle, mais aussi dans le maana alentour, dans tout Eel pour en tirer sa force. Fin prête, elle passa à l'action.

Ses paupières s'ouvrir brusquement pour dévoila deux pupilles noires brûlantes de détermination. Doucement, elle brisa le sceau de ses doigts et écarta ses bras devant elle, paume vers le ciel. Elle verrouilla son regard sur un ennemi. Le plus gros, à vrai dire. Il devait être le mâle dominant. Si elle le maitrisait, les autres abdiqueraient.

Des tremblements d'effort la secouèrent de la tête aux pieds tandis qu'une masse visqueuse et sombre s'extirpa des striures du sol craquelé. Une goûte de sueur perla sur la tempe de la fée. La violence de l'effort était telle qu'elle devait puiser au fond d'elle-même.

L'ombre épaisse envahit alors tous les sous-bois comme une brume ténébreuse. Le regard toujours fixé sur sa cible, Analah tendit les mains vers lui et deux lianes prirent vie pour ligoter les pattes de l'animal. Ce dernier en perdit ses moyens et son altitude. Perturbé, la créature ne su retrouver son calme pour s'échapper rapidement. Pendant que Nevra prenait soin de garder le reste de l'essaim à bonne distance, la fée avança d'un pas. Puis d'un autre. Ses pas dispersaient la brume noire et dévoilaient le sol, comme des empruntes de pas mystiques.

Alors qu'elle n'était qu'à quelques mètres de l'énorme insecte, le nuage d'ombre massif quitta alors le sol pour s'élever dans les airs, juste au dessus de sa cible. Analah joua des doigts pour faire obéir la brume, comme tirant sur les ficelles d'une marionnette hors normes. Le nuage se découpa, s'affina pour former, sous l'œil ébahi de Nevra, une splendide cage à oiseau. Immense, voûtée, en fin fils d'ombre.

-Maintenant ! scanda Analah en tournant ses paumes face au sol.

La cage suivit son mouvement et vint violemment plaquer le papillon à terre. Le reste de l'essaim eut un temps d'hésitation quand leur mâle dominant se retrouva accablé par la puissance des deux faeries. Mais loin d'avoir dit leur dernier bourdonnement, ils attaquèrent de plus belle.

-Ana, si ton plan a une suite, c'est maintenant ! suggéra Nevra.

Non, son plan n'avait pas de suite. La jeune fée pensait que cette soumission de leur dominant suffirait à les décourager.

-Ah moins que ce ne soit pas une soumission pour eux... réfléchit-elle à haute voix.

-Qu'est-ce que tu marmonnes ? souffla Nevra entre deux papillons géants.

Il n'eut pas le temps d'attendre la réponse qu'un lépidoptère lui faisait face. Terminant la course du mouvement précédent, Nevra ne put envoyer le fléau fracasser la tronche de ce nouvel ennemi. Il était fait comme une musarose ! Alors l'insecte volant se positionna en vol stationnaire face à lui et déploya ses ailes de toute leur envergure. Les battements rapides et poudreux de la bête soufflèrent le vampire vers le sol. Dans sa chute, Nevra aperçu sa jolie fée s'approcher du mâle dominant, la paume de la main tendue en avant. Que cherchait-elle à faire ?

Effectuant une roulade pour se réceptionner, Nevra se redressa au plus vite pour répliquer. De son coté, Analah vint apposer sa main sur la tête massive de l'animal. Ce dernier se débattait comme un diable, mais l'ombre était forte. Plus forte que lui. La jeune fée de la nature glissa ses doigts fins dans l'épaisse fourrure de la bête et ferma les paupières, attendant la réaction escomptée. Elle se délivra de son enveloppe charnelle et diffusa le contenu de son âme à travers sa main. Elle fit voler son esprit à la rencontre de son nouvel ami. Dans ce flot de ténèbres et perturbé qu'était le maana, Analah y trouva une autre âme, forte et fragile à la fois. Elle s'enroula autour d'elle pour la réchauffer et la rassurer. Aucun mal ne lui serait fait.

Quand la jeune fée souleva ses paupières, sa cage d'ombre se dissipait déjà.

-Ana, qu'est-ce que tu fais ?! s'écria Nevra, alerte.

Il n'attendit pas des lunes pour avoir sa réponse. Se cramponnant aux poils soyeux du papillon de nuit, Analah se hissa sans peine sur son dos, comme si elle avait effectué ce mouvement des centaines de fois dans son enfance. Comme si chevaucher des papillons était l'activité favorite des fée. Comme un seul homme, la monture et sa cavalière s'élevèrent dans le ciel face à l'essaim.

Les papillons ne semblaient plus accorder l'importance qu'ils devaient à leur dominant, jugeant celui-ci indigne d'eux en se laissant apprivoiser. Pour les remettre à leur place, le lépidoptère géant se cabra et provoqua une rafale de vent puissante avec ses ailes redoutables. Analah insuffla une dose de maana supplémentaire dans son geste pour l'aider à dominer à nouveau ses sujets.

Un nuage de poudre scintillante s'échappa alors des ailes duveteuses de l'animal. Une poussière d'étoile envahit le ciel pour recouvrir l'essaim et le maitriser. Leurs ailes toutes colmatées, leurs antennes dissimulées, les papillons ne savaient plus où donner de la tête. Le nuage se dispersa et tomba vers le sol, dévoilant un essaim apeuré, s'enfuir à l'ouest.

Analah sourit pour elle-même. Cette mission était plus compliquée qu'elle ne l'avait prévu, mais elle était heureuse de ce qu'elle avait accompli. Sans oublier qu'elle avait à présent un nouvel ami. Elle l'avait dompté, apprivoisé. Il faudrait qu'elle lui trouve un nom. Pour l'heure, elle lui caressa le dessus de la tête et lui fit signe de redescendre vers la terre ferme.

Alors qu'elle posait le pieds au sol, elle ne put s'empêcher de pouffer entre ses mains.

-Ne ris pas. Y a vraiment rien de drôle à la situation, grogna Nevra.

Elle n'y avait pas pensé. Nevra était resté au sol à regarder sa danse aérienne avec les papillons. Il avait pu admirer le nuage poudreux et collant d'en bas. Et puis, il avait subit les retombées aussi. La jeune fée pouvait admirer devant elle un vampire tout de paillettes vêtu. C'était hilarant, elle ne put s'empêcher de rire aux éclats.

-Il faut que les autres te voient ! Tu sais que t'es plutôt canon en vampire à paillettes ! C'est tellement viril ! se gaussa-t-elle.

Le vampire ne savait plus où se mettre. Il se sentait poisseux et pas du tout séduisant. Ce dernier point étant le plus dérangeant. Il faut bien comprendre que d'ordinaire, l'Ombreux prenait toujours soin d'être extrêmement séduisant et attirant pour les beaux yeux de ces dames.

-Oh, tu m'en veux ? s'enquit la jeune fée en lui tendant le bras pour le faire monter à son tour sur le papillon.

-Oui, très ! ronchonna-t-il, faussement boudeur. Je vais devoir prendre un bon bain avant d'aller me coucher.

-Eh bien, en voila une punition ! Tu veux peut-être que je vienne te frotter le dos ? ricana Analah.

Le papillon géant décolla et s'éleva dans les cieux, bien au delà de la cime des arbres. Le tapis d'étoiles qui parsemait le ciel était vraiment de toute beauté.

-Oui, j'aimerai assez, susurra Nevra à l'oreille de la cavalière.

Puis il ajouta en effleura sa nuque des lèvres :

-Et pas que le dos, si tu veux.

Un frisson parcouru le corps tout entier de la demoiselle, qu'elle ne put dissimuler. Elle étouffa un couinement avec ses mains, elle ne savait pas comment réagir. Son envie irrésistible de se retourner pour dévorer la bouche du beau brun ou rester sagement tournée vers la tour d'albâtre qui se montrait à présent devant ses yeux émerveillés ?

Dans une immense sagesse, elle opta pour la seconde option, se disant qu'elle aurait bien d'autres occasions de se rapprocher de son bellâtre.


*****

Ce fut en milieu de matinée, après avoir délivré sa commande à Ezarel et après avoir pris un certain temps à nettoyer chaque parcelle de la peau si parfaite du vampire qu'Analah se rendit dans la Salle du Cristal pour annoncer à Miiko que la mission était un franc succès.

Pendant son chemin dans le Corridor des Gardes, la jeune fée jubilait en se rappelant la tête déçue de son chef elfique. Il s'attendait tellement à la voir se planter qu'il était resté pantois que la réussite de la mission soit si indiscutable !

-Miiko ? Puis-je entrer, c'est Analah, toqua la jeune fée contre l'immense porte en bois.

En tendant l'oreille, elle entendit la kitsune chantonner de l'autre coté des battants entrouverts. Elle devait être de très bonne humeur. Analah décida alors d'ouvrir plus grand un des battants et de se faufiler dans l'entrebâillement.

Miiko était assise, dos à Analah et penchée sur une petite table en bois. Ses cheveux étaient relevés en un chignon qui lui allait plutôt bien et elle portait une serviette de bain sur les épaules. L'Étincelante n'avait clairement pas entendu l'appel de l'Absynthe. Cette dernière se racla la gorge pour s'annoncer. Aussitôt, Miiko cessa de chantonner et se retourna vers la demoiselle.

Analah eut un mouvement de recul sous l'effet de la surprise. Le visage de la kitsune était méconnaissable. Caché sous une pâte épaisse et gluante, il ne laissait apparaitre que ses yeux et ses lèvres qui souriaient de milles éclats. Se faire un masque de beauté la rendait visiblement ravie.

-Humm, je-je viens juste te dire que Nevra et moi avons mené à bien la mission. Ezarel va pouvoir faire sa potion.

-Oh, oui, oui, je sais ! s'exclama la kitsune en se précipitant, pieds nus, vers la jeune fée.

Elle lui attrapa les mains et les porta contre elle, tout heureuse qu'elle était. Analah fut plus que surprise par l'attitude peu courante de la chef des Gardes. Était-ce son masque de beauté qui la rendait si euphorique ?

-Je te remercie vraiment d'avoir pris cette requête avec autant de sérieux ! souriait la femme-renarde. Grâce à toi, mon teint va être PAR-FAIT !

-P-pardon ? T-tu veux dire que les pistils, c'était pour faire une crème de beauté ?

Analah n'en revenait tout simplement pas. Tout ça, tout cette expédition, cette cueillette à n'en plus finir, cette attaque de papillons sauvages -et géant !-, ces risques inconsidérés et pour quoi ? Pour un masque de beauté ? Ça dépassait l'entendement, Analah se senti défaillir. Elle ne devait surtout pas laisser filtrer l'information. Si Nevra apprenait qu'on l'avait fait galoper pour concocter des cosmétiques, il ne s'en remettrait probablement pas.

-Oh ! Je fais un masque tous les mois, indiqua Miiko en reprenant son sérieux. La prochaine fois, essayez d'en récolter un peu plus quand même, vous avez été radins sur le coup !

La mâchoire d'Analah en tombait. Définitivement, elle aurait dû choisir la corvée de vaisselle !








Bạn đang đọc truyện trên: Truyen2U.Pro