- 16 - La Fin de la Thérapie

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A peine était-il remis de son rhume qu'Ezarel avait insisté pour reprendre le travail. Il n'en pouvait plus de tourner en rond dans la chambre de Nevra. Il avait bien tenté de faire quelques excursions à la bibliothèque, à la serre ou sur la place des marchands, histoire d'avoir droit à un peu d'activité, mais Eweleïn l'avait bien vite rattrapé. Interdiction formelle de sortir tant qu'il n'était pas totalement guéri.

Sa chambre n'était toujours pas opérationnelle, il était donc piégé dans le "donjon de l'amour" du Vampire. Ezarel adorait Nevra. Plus que ça, il l'aimait. Mais il aimait également son libre arbitre et sa liberté. De plus, même si le contact charnel avec Nevra était délectable, il appréhendait toujours un peu de s'endormir à ses cotés, de peur que le brun soit trop entreprenant avec lui pendant son sommeil. Pourtant Nevra avait promis qu'il ne lui ferait rien sans son consentement et Ezarel avait confiance en lui. N'empêche que l'Elfe avait vraiment hâte de retrouver son petit cocon à lui.

Miiko lui avait avoué que ce n'était pas pour tout de suite. Apparemment, de gros travaux étaient à prévoir avant que la pièce ne soit réutilisable. Une question d'usure dans les tuyauteries, le plombier avait parlé de soude caustique, une sorte d'acide très puissante. Ezarel s'était bien évidemment abstenu d'admettre qu'il en versait régulièrement dans les siphons pour ronger les pelotes de cheveux qui partaient avec l'eau. Les femmes ne sont pas les seules à subir ce problème de chute capillaire. Le fait était que toutes les canalisations étaient à changer. Cela allait prendre des semaines avant que ce ne soit fait.

Ainsi donc, une fois remis sur pieds, Ezarel s'était empressé de se chercher des occupations. Refusant de le surmener, Eweleïn avait dû lui trouver des petites tâches ça et là pour l'empêcher de la harceler continuellement. Évidemment, faire l'intérimaire ne dura qu'un temps. Ezarel était revenu à la charge, réclamant des missions qui ne soient pas des insultes à son brillant esprit. Il avait tout tenté pour avoir accès aux laboratoires. Tyranniser les alchimistes lui manquait terriblement, mais malgré son insistance, l'infirmière tint bon et ne céda pas.

Face à l'acharnement d'Ezarel, la pauvre n'avait eu qu'une seule solution : l'embaucher à l'infirmerie. A vrai dire, il y avait beaucoup de travail à faire ces temps-ci. C'était en partie pour cela que la jeune Elfe avait du mal à assumer le rôle de Chef de Garde en plus de son travail quotidien.

Persuadé que ce serait une partie de plaisir et plus qu'heureux de démontrer qu'il ferait parfaitement l'affaire, Ezarel s'était pavané devant la facilité de la tâche qui lui revenait. Il devait faire l'inventaire annuel de tous les instruments, de tous les baumes et onguents de soin, de toutes plantes médicinales et de tous les linges stérilisés pour les interventions chirurgicales.

Cet inventaire avait pour but de vérifier les stocks afin de les compléter à nouveau. C'était une tâche primordiale qui impacterait le bon déroulement de l'année à venir. Ezarel n'avait donc pas le droit à l'erreur. De toute façon, ce n'était pas sorcier, compter quelques bouts de coton et des fioles de liquide, si ?

Cela ne faisait que quelques heures que l'Absynthe s'était plongé dans le dénombrement des différentes herbes qu'il trouvait déjà à redire.

- Tu peux m'expliquer pourquoi tu conserves de la menthe amère ? s'exaspéra-t-il en sortant la tête d'une étagère. C'est inutile comme plante !

- Parce que ça atténue les démangeaisons stomacales et les douleurs abdominales en cas d'ingestion de plantes urticantes, énonça Eweleïn sans détourner les yeux de ses feuilles griffonnées.

- Ok, donc je reformule ma question : pourquoi tu gardes ça ? Faudrait être un imbécile profond pour manger des orties...

Eweleïn cessa de faire crisser sa fine plume d'oisillon sur le parchemin, soupira longuement et daigna enfin accorder un regard à Ezarel. Ses sourcils froncés et son regard noir n'indiquait visiblement rien de bienveillant.

- Je les garde, Ezarel, depuis que tu as pris un malin plaisir à faire des tartelettes à la morelle noire pour toute la Garde en faisant croire que c'était de la myrtille !

- Oh... hoqueta Ezarel, réellement surpris. C'était de la morelle, tu es sûre ? Du raisin de loup ?

- Certaine !

- Non, je dis ça parce que la morelle, c'est quand même assez toxique ! Ce serait très dangereux de s'en servir par inadvertance dans un dessert...

- Par inadvertance, oui, répéta l'infirmière, pas crédule pour deux sous.

- En plus... ça sert pour la magie noire, alors, quelqu'un a dû les remplacer pendant que je faisais la pâte, de toute évidence.

- De toute évidence, on t'a piégé, oui, approuva faussement Eweleïn.

- Oui, bien entendu. Comment me serais-je procuré cet ingrédient de toute façon ? Et puis, pourquoi voudrais-je du mal à la Garde, hum ?

Ezarel était absolument sûr qu'aucune charge ne pourrait être retenue contre lui. Eweleïn n'avait pas la moindre preuve. Personne n'avait aucune preuve.

- Tu ne te sers pas de la morelle noire en alchimie ? questionne l'infirmière.

Ezarel cessa de respirer. Et merde ! Il aurait mieux faire de fermer sa grande bouche avec cette menthe amère.

- S-si... j'en ai un peu. Quelques baies, tout au plus, ajouta-t-il pour se défendre.

- Hum... et tu n'avais pas fait ces tartelettes à l'occasion de la petite fête de bienvenue d'Erika dans la Garde ?

- Ah si... se remémora l'Elfe. Si, si. Maintenant que tu le dis ça me revient... Je la détestais déjà à l'époque.

- Serait-il donc possible que tu aies attenté à sa vie ?

- Oh c'est fort probable ! lâcha Ezarel avant de réaliser qu'il avait réfléchi à voix haute.

Il ouvrit de grands yeux devant la bourde qu'il venait de faire. Il observa Eweleïn qui le fixait toujours de ses petits yeux plissés et tenta le tout pour le tout afin de se rattraper :

- Je veux dire... si j'avais voulu la tuer, elle serait déjà plus là, hein ! J'aurais chargé la tarte avec un peu plus qu'une grosse poignée de baies. J'aurais mis la totale, tu vois ! J'aurais ajouté de la Belladone sucrée aussi pour le goût et... l'effet foudroyant. Et peut-être un peu de Gui argenté pour l'ornement comestible ! Ces tartelettes auraient été à mortelles... littéralement.

Il appuyait ses propos en mimant une balance avec ses mains pour donner une idée des proportions de la recette. Eweleïn secouait la tête en écoutant l'Elfe déblatérer ses manigances.

- On garde la menthe amère, Ezarel. Et note qu'il faut tripler les doses pour cette année.

- Tripler ? Et en quel honneur ?

- Je te sens frustré, remarqua l'Elfe à la peau mauve. J'imagine qu'il va bien falloir que ça retombe sur quelqu'un un jour ou l'autre.

Ezarel releva la tête de sa feuille annotée, furibond.

-Frustré ? Je... tu... je ne suis pas du tout frustré ! Qu'est-ce que tu racontes ?

L'infirmière papillonna exagérément des cils en relevant les yeux vers Ezarel. Elle questionna, d'une voix qui roucoulait, pleine de sous-entendu :

- Oh, alors... vous avez fait votre affaire avec Nevra ?

Ezarel se sentit défaillir. Il s'empourpra et eu toutes les peines du monde à calmer les palpitations de son cœur. Qu'avait-elle dit ? Faire leur affaire ? L'alchimiste n'était peut-être pas très porté sur la chose, mais il n'était pas non plus né de la dernière pluie. Il savait bien ce qu'entendait Eweleïn par "faire leur affaire".

- N-non. Il m'a pas... Je veux pas... Je... Oh et puis ça ne te regarde pas ! cria-t-il en se dissimulant derrière la montagne de feuilles d'inventaire à remplir.

- J'en déduis que tu es frustré... chanta l'infirmière d'une voix légère suffisamment forte pour qu'Ezarel l'entende.

Cependant, ce dernier préféra faire la sourde oreille. Il ne tenait pas à être embarrassé davantage. Il avait déjà du mal à faire face à tout ça, tout seul, ce n'était pas nécessaire qu'une tierce personne s'en mêle !

Le silence retomba, Ezarel parvint enfin à calmer les battements de son cœur et les deux Elfes purent enfin reprendre leurs travaux. D'où il se trouvait, l'alchimiste pouvait entendre Eweleïn souffler sur sa mèche de cheveux avec énervement et chiffonner des feuilles de papier avant de les jeter à la corbeille. Il ne savait pas sur quoi elle travaillait, mais visiblement, ça la tourmentait. Cependant, il avait bien trop à faire de son coté pour proposer son aide.

Ezarel était aux prises avec un énorme bocal jaunâtre, ne sachant s'il contenait une trachée de sirène endeuillée ou un simple tube de corail mou. Et vu l'aspect antique du bocal, Ezarel pouvait déjà deviner l'odeur nauséabonde qui s'en échapperait après le "pop" sonore du couvercle s'il lui prenait l'envie de l'ouvrir pour vérifier. Alors il tourna et retourna encore le bocal dans ses mains pour capter un détail qui le déciderait à cocher la case "trachée de sirène" plutôt que "corail tout mou".

L'Elfe était encore à sa contemplation minutieuse quand la porte de l'infirmerie s'ouvrit à la volée, manquant de lui faire lâcher le fragile pot de verre. Surpris, Ezarel émit un couinement lorsque le bocal lui glissa des mains mais il fut extrêmement soulagé de l'avoir rattraper avant que tout le formol périmé ne lui explose à la figure.

- Ez' ! s'écria une voix affolée. Est-ce que ça va ?

- Oui, oui, je l'ai rattrapé à temps, jubila l'Elfe, heureux d'avoir évité une catastrophe.

L'alchimiste émergea de derrière une lourde étagère de bois. Ce n'était pas Eweleïn qui l'avait interpellé. A peine sa tête avait dépassé d'un rayonnage qu'une ombre fondit vers lui. Il eut tout juste le temps de cligner des yeux que Nevra était déjà là, à son côté.

- Tu es sûr que ça va ? s'inquiétait-il en examinant l'Elfe sous toutes les coutures.

Bien qu'il ait remarqué la réelle panique dans la voix du Vampire, Ezarel n'appréciait pas particulièrement cette mise en spectacle devant Eweleïn. Aussi, dégagea-t-il Nevra d'un coup de coude pour reposer tranquillement le bocal sur l'étagère.

- Bien évidemment que j'en suis sûr ! s'agaça-t-il. Qu'est-ce qui te prend ?

Nevra se redressa, ignorant le ton de reproche d'Ezarel et fit rebondir son œil argenté vers Eweleïn. Cette dernière portait sur lui un regard surpris. Personne ne semblait saisir la raison de son irruption.

- C'est... Chrome.

- Est-il arrivé quelque chose ? fronça Eweleïn.

- C'est ce que je pensais, avoua Nevra. Il m'a dit qu'Ezarel était parti à l'infirmerie, alors j'ai cru...

Le Vampire braqua de nouveau son regard sur son Elfe pour le scanner une fois de plus de la tête aux pieds.

- J'ai cru qu'il t'était arrivé quelque chose, termina-t-il.

Ezarel oscilla la tête devant la réaction excessive du brun.

- Mais... tu n'as rien, constata Nevra. Eweleïn t'a embauché ici, c'est ça ?

L'Ombre était réellement gêné de son comportement, de son emportement. Ezarel allait bien, il s'en était fait pour rien. C'était de sa faute. Quand il avait demandé à Chrome s'il avait vu Ezarel et que le jeune loup lui avait dit qu'il était à l'infirmerie, Nevra n'avait pas attendu son reste et s'était précipité. Il aurait pu attendre que Chrome termine sa phrase ou demander un simple "c'est grave ?" pour savoir qu'en vérité, il ne s'était rien passé. Il avait été impulsif et inquiet. Il s'était dit que son rhume s'était peut-être aggravé, qu'il avait peut-être dérivé sur une bronchite ou autres maladies foudroyantes.

- Je... Excusez-moi de vous avoir interrompu, se courba-t-il à l'intention des deux Elfes.

Puis en se redressant, il plongea son regard dans celui d'Ezarel pour lui prouver sa sincérité :

- Pardonne-moi, je voulais pas t'embarrasser. Pour une fois que c'était pas volontaire...

- Ce n'est rien, lança Eweleïn en s'approchant des deux hommes. Il n'y a que nous, tout va bien.

Nevra tiqua et questionna :

- Qu'entends-tu par "Il n'y a que nous" ? Je vois bien qu'on est que tous les trois, mais que veux-tu dire ?

Ezarel se crispa, raide comme un madrier de frêne à plomb. Si Nevra n'avait pas encore remarqué qu'Eweleïn avait découvert le pot aux roses malgré les mises en garde d'Ezarel, il n'allait pas tarder à le savoir.

- Et bien... vous pouvez être vous-même quand je suis là. J'ai compris, c'est bon. Pas la peine de vous cacher.

Ezarel lutta pour ne pas s'évanouir. Il se ventila discrètement en voyant toute sa réputation s'écrouler. Son poste de Chef de Garde s'éloignait encore de lui à grands pas. Nevra arqua un étrange regard interrogatif sur Ezarel. Lui qui était persuadé que l'Elfe ne voulait pas en parler avant d'être prêt... s'était-il confié ?

- J'ai remarqué les marques sur son corps quand je l'ai ausculté, répondit Eweleïn à la question muette de Nevra. Les marques de morsures...

"Oh" fut la seule chose que Nevra trouva à dire en guise de réponse. Cependant comme son regard posait encore mille et une questions, Eweleïn se sentit obligé de poursuivre pour apaiser les deux garçons, à présent figés avec des manches à balai dans l'arrière-train.

- Même si Ezarel tente d'atténuer son haptophobie avec toi, en tant que médecin, je sais qu'il a certaines limites, expliqua-t-elle. Il ne t'aurait jamais laissé approcher à ce point s'il n'y avait rien entre vous. Quand je lui en ai parlé, sa réaction a été plutôt éloquente malgré l'absence de phrase cohérente de sa part.

La pression accumulée dans le corps svelte d'Ezarel s'évapora et il se dégonfla comme un ballon de baudruche. Ses épaules retombèrent, le manche à balai se fit plus souple et il s'autorisa à nouveau à respirer.

- Euh... okey, sourit légèrement Nevra, plutôt mal à l'aise.

- Cependant, je me pose quand même une question, reprit l'infirmière en levant un doigt contre son menton. Pourquoi vous ne voulez pas que ça s'ébruite ?

Les garçons se jetèrent un regard empli de panique. Lequel devait prendre la parole en premier pour limiter les dégâts ? Limiter les dégâts ? Ezarel ne voulait pas perdre sa crédibilité face à Eweleïn, même si c'était déjà probablement fait. Avouer qu'il était capable d'aimer à nouveau, c'était admettre qu'il n'était pas infaillible. Quand à Nevra, c'était bien d'autres dégâts qu'il aurait aimé prévenir.

- Non, je demande parce que ça m'intrigue, continua Eweleïn devant l'absence d'aveu. Miiko te rendrait ton poste à coup sûr, alors...

- Pardon ?! s'exclama Ezarel.

Sa voix tonna encore quelques secondes dans la pièce avant que les échos se taisent et que le silence retombe.

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ? s'emballa-t-il. Miiko veut une preuve de ma progression. Une preuve que je ne connais pas. Avouer notre... relation n'y changera rien ! Miiko est têtue et n'acceptera aucune forme de détournement.

Ezarel sentit Nevra se tendre encore un peu à son coté. Eweleïn ne répondit pas et ouvrit légèrement la bouche, comme pour répliquer quelque chose sans qu'aucun son n'accepte de sortir. Son regard sauta d'Ezarel à Nevra de manière frénétique. L'alchimiste flaira immédiatement l'entourloupe. L'infirmière semblait avoir mis le doigt sur un élément qu'il ignorait jusque là. A l'évidence, Nevra devait être au courant de quelque chose.

Aussi, Ezarel darda sur eux un regard des plus inquisiteurs, les forçant à avouer ce que lui ne savait pas, mais qu'il avait bien peur de soupçonner. Le Vampire s'empara du bras de l'Elfe comme s'il était nécessaire à son équilibre.

- La morsure... c'était l'étape finale de ta thérapie, avoua simplement Nevra dans un souffle, sans tergiverser. Miiko pensait que si tu te laissait suffisamment approcher pour que je te morde, c'était que tu avais vaincu ta phobie.

Pendant un instant, Ezarel dévisagea l'Ombre, comme s'il ne le connaissait pas. Comme si ces mots qu'il venait de prononcer ne pouvait pas être les siens. Puis violemment, une vague de dégoût le submergea, le forçant à expulser l'air de ses poumons comme s'il était devenu toxique. Ezarel arracha son bras de la main de Nevra, ne supportant plus le contact de cet homme qu'il pensait connaître.

- Comment as-tu pu me cacher un telle chose ? feula l'Elfe. Pourquoi n'avoir rien dit ? Pourquoi ne pas m'avoir avoué que c'était la fameuse preuve juste après m'avoir... m'avoir...

- Mordu ? termina Nevra.

- Tu... tu savais qu'on devrait forcément passer par là, hein ? crachait Ezarel. Tout ce que tu m'as dis, tout ce que tu as fait, c'était dans cet unique but ? Dans le seul objectif de pouvoir... te nourrir de moi ? T'as saisis l'occasion que Miiko te tendait, hein ? Et puis c'est quoi cette épreuve débile ? Comme si je me serais laissé mordre en temps normal !

Sous le regard stupéfait d'Eweleïn, Ezarel sifflait ses rhétoriques sur un Nevra qui n'osait même plus le regarder, baissant les yeux sur les clavicules de l'Elfe. Il ne savait plus où se mettre pour échapper aux reproches douloureux d'Ezarel. Il aurait aimé avoir les mots pour l'apaiser, pour le calmer. Mais il savait bien que toute défense ne ferait qu'alimenter le feu de sa rage.

- Avais-tu au moins l'intention de me le dire, Nevra ? Non... bien sûr que non. Ça te plaisait trop que je te laisse accéder à mon sang, c'est ça ?

Ezarel était hors de lui. Il n'en revenait pas. La colère bouillonnait en lui, comme jamais auparavant. Il avait laissé Nevra accéder aux parties les plus reculées de son cœur. Il l'avait laissé pénétrer dans son espace vital, il avait même culpabilisé de l'avoir repoussé ! Il lui faisait entière confiance. Confiance que le Vampire avait allègrement bafouée.

-Tu... tu m'as trahi, tu t'es joué de moi depuis le début. Tu t'es servi de ma situation désespérée pour faire de moi ton jouet, c'est ça ? questionnait encore Ezarel, la voix pleine de trémolos.

-Non, tu te trompes, articula enfin Nevra.

-Ose me le dire dans les yeux alors, si tu en es si convaincu !

Difficilement, le Vampire releva les paupières et son coeur se fêla d'un grand coup quand il put distinguer les éclairs de haine et de douleur qui striaient les prunelles de son Elfe. Il savait comme son mensonge lui faisait mal. Il savait à quel point son omission pouvait être perçue comme une trahison par Ezarel. La douleur qu'il pouvait lire dans son regard lui fit d'autant plus regretter de lui avoir caché la vérité. Mais comment aurait-il pu faire autrement ?

Alors Nevra préféra lui ouvrir son cœur, lui avouer ses véritables raisons. Il ne voulait pas le tromper plus qu'il ne l'avait déjà été.

- Si je n'ai rien dit... c'est parce que j'avais peur que tu t'éloignes de moi, une fois que tu aurais récupéré ton poste, expliqua Nevra d'une voix rauque et peinée. Qu'une fois ta thérapie terminée, tu ne voudrais plus de moi.

Ezarel souffla encore, ne pouvant tout simplement pas y croire. Nevra se foutait de lui, n'est-ce pas ? C'était tout simplement insensé ! Comment pouvait-il croire de telles inepties ? Des centaines de questions venaient toutes à l'esprit d'Ezarel en même temps, si bien qu'il ne put pas en constituer une seule à voix haute.

Trop de maux, trop de heurts s'accumulaient en lui. Il se sentait trahi, blessé, meurtri. Ses côtes lui faisaient affreusement mal, s'écartelant au rythme de ses palpitations, et son cœur se déchirait en une douleur sourde dans sa poitrine.

Ezarel sentait déjà le râle inarticulé de l'affliction monter en lui. Il était cependant hors de question d'offrir ce spectacle à Nevra. Il ne voulait pas lui offrir la satisfaction d'avoir su le briser, une fois de plus. Il ne voulait pas lui offrir cette victoire.

Alors l'Elfe s'efforça de faire taire son chagrin. Il s'efforça de mettre au silence toute sa douleur. Il la plaqua au sol avec la force de sa colère avant de l'enterrer dans un recoin de son cœur. Ezarel alimenta sa rage et sa rancœur envers Nevra pour oublier l'amour qu'il éprouvait pour lui jusqu'à il y avait quelques minutes.

Ezarel s'obligea à se réfugier à nouveau derrière ce masque froid et hautain qu'il avait accepter de laisser tomber pour Nevra. Le masque était fêlé, l'Ombre voyait bien au travers, mais qu'importait. Il ferait illusion pour tous les autres.

Fou de rage, l'Elfe pesta quelques mots que seuls Eweleïn comprit et qui lui firent écarquiller de grands yeux avant de s'en aller en claquant la porte. Cela prit quelques instants avant que le silence ne retombe complètement dans l'infirmerie.

Pendant de longues minutes, rien, absolument rien, ne vint perturber cette tranquillité apparente. Pas même les battements fébriles du cœur brisé de Nevra.


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