4. Entre potions et sortilèges

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Drago

Une semaine. Une semaine que l'épisode de la Tour a eu lieu.

Je n'arrive pas à nommer la situation autrement. Mettre un nom sur ce qui s'y est passé rendrait la chose trop réelle.

Bon sang ! J'ai laissé Potter avoir pitié de moi. Je l'ai laissé me voir dans l'état de loque que je suis. J'ai honte...

Et je le déteste de jouer à ce jeu-là. Au bon samaritain qui va me sortir de la merde dans laquelle je suis. Au crétin qui veut devenir mon ami. Et peut-être même un peu plus.

Je déteste voir dans ses yeux combien il s'inquiète, combien ma santé est devenue importante pour lui.

Je le déteste parce que sa main sur la mienne était chaude et rassurante, et que pendant quelques minutes, je me suis senti plus vivant que depuis des semaines. Je le déteste parce que près de lui, mon angoisse s'est apaisée et qu'une impression fugace de paix intérieure m'a traversé.

Je le déteste parce qu'il croit m'aimer.

Mais je n'ai rien à lui offrir en échange. Seulement des soucis, et une destinée morbide. Je ne veux pas le mêler à ma sombre histoire. J'aimerais qu'il s'éloigne et qu'il m'oublie. Tout serait tellement plus simple.

Les jours qui ont suivi l'épisode de la Tour, il n'a cessé de poser son regard sur moi. Au détour d'un couloir, en cours ou dans la Grande Salle, ses yeux cherchaient les miens. Mais je ne voulais pas croiser les siens. Y lire cet espoir naissant. Y voir poindre des illusions d'une possible amitié. Je sais que le laisser croire à ses chimères est une erreur. Il va souffrir et je n'en tirerai aucune satisfaction personnelle. J'aimerais lui éviter cette souffrance certaine d'être rejeté, abandonné. Parce que c'est ce qui se produira. Je ne suis pas comme lui, je ne suis pas un saint. Je blesse et je méprise à tour de bras. C'est dans ma nature. C'est inévitable.

.oOoOo.

Potions.

Il n'est pas là. Je ne l'ai pas vraiment cherché, j'ai juste vu que la place près du grand roux qui lui sert d'ami était vide.

Sur le tableau noir, Rogue inscrit d'un mouvement de baguette la potion du jour et les ingrédients nécessaires pour sa préparation.

J'allume le feu sous mon chaudron et réunis la mandragore, les feuilles d'asphodèles, la poudre de pierre de lune et les différentes fioles.

J'entends des murmures dans le fond de la salle, vois des têtes qui se tournent, le professeur Rogue esquisse un rictus et lance de sa voix grave :

- Voyez qui nous honore de sa présence !

Potter. Il se glisse maladroitement entre les rangs et marmonne des excuses.

- 50 points de moins pour votre insolence Potter ! Venez devant que je vous vois ! Une place est libre à côté de M. Malefoy !

Il passe une main dans le nid de corneilles qui lui sert de tignasse. Se mord la lèvre inférieure. Son regard supplie Rogue de le mettre ailleurs. Il rêve.

Il s'assoit près de moi et laisse tomber son sac. Il ne m'adresse aucun regard. Il sort un parchemin, pour la forme, et recopie la potion inscrite au tableau. Je le sens fuyant. Il m'ignore royalement. Il baisse les yeux sur son parchemin. Je poursuis alors l'élaboration de la potion. J'écrase méticuleusement les feuilles d'asphodèles. Je l'observe de biais. Sa mâchoire est serrée, une ride se forme entre ses sourcils froncés. Il se tord les mains sous le bureau.

- Tu veux préparer la mandragore ?

Il me regarde, étonné, je lui montre la racine. Il secoue la tête et marmonne que je peux m'en occuper. Ben voyons !

Je coupe la racine de mandragore en fines lamelles. Je rajoute des quantités mesurées de poussière de pierre de lune. Ma potion prend une jolie teinte parme. J'esquisse un sourire. Potter fuit mon regard. Son talon frappe le sol d'une façon irritante. Il est pétri d'impatience. Quand Rogue récupère nos flacons et annonce la fin du cours, il déguerpit de la salle. Il n'attend même pas la sang-de-bourbe et le rouquin.

Ce comportement me tape sur le système. Je ne le comprends pas.

Il croit peut-être qu'il peut partir comme ça ? En laissant tout en plan, sans explication. Il me semble que quand deux personnes se rapprochent, elles sont sensées communiquer un minimum entre elles.

Quand je sors de la salle, il est déjà au bout du couloir.

J'accélère mon pas et l'interpelle.

Il me jette un regard déconcerté et poursuit son chemin comme si je m'adressais au mur.

Il croit vraiment s'en sortir comme ça ?

Je l'arrête en le saisissant par l'épaule et le plaque contre le mur.

- C'est quoi ton problème ?!

Je pose une main sur sa poitrine pour l'immobiliser et je sens à nouveau cette chaleur qui émane de lui. Ma main me semble glacée contre lui. Des fourmillements agréables remontent dans mon bras et ça me trouble.

Il inspire lentement, les yeux mi-clos sous le choc.

Puis il lève ses longs cils noirs vers moi. Je n'y vois aucune peur et ça me déplaît. Il n'y a aucune trace de défi, d'arrogance, rien. Il a l'air juste exténué.

- Je n'ai rien dit, rien fait... je peux savoir ce qu'il te prend ? Murmure-t-il les dents serrés.

Justement ! Il n'a rien dit, ni rien fait, il est là le problème !

Ses yeux hésitent, sa bouche s'ouvre puis se referme. Il pose doucement sa main sur la mienne pour se défaire de ma prise. Et je la sens à nouveau, chaude. J'en tremble. Elle me brûle presque et je la retire vivement. C'est con, mais encore une fois, je me sens plus vivant qu'une minute plus tôt.

Il plante ses grands yeux verts dans les miens. J'y vois du reproche et de la déception. Et il s'éloigne.

Je rêve ! Pour qui il me prend ? Je n'ai absolument pas fini ma discussion ! Je sens les regards curieux des élèves autour de moi et ils m'oppressent.

Je cours après Potter, l'agrippe par le bras et le traîne dans une salle vide.

Je me pince l'arête du nez et essaye de ne pas lui hurler dessus. Je ne suis pas en position de lui faire une scène. D'ailleurs, il ne me doit rien. Je ne comprends pas pourquoi il m'énerve autant. Peut-être parce qu'une partie de moi avait cru ce qu'il disait. Qu'il me soutiendrait.

Il est nonchalamment assis sur un bureau et me fixe.

- Tu me fais quoi là Malefoy ?!

Je m'approche de lui, à distance raisonnable.

- Je te retourne la question ! Je croyais qu'on avait passé un cap Potter, qu'on pouvait se parler sans s'insulter... Je croyais que t'étais de mon côté, plus contre moi...

Il se passe une main dans ses cheveux ébouriffés.

- Malefoy... Je suis là... Je serais là quand t'auras besoin d'une épaule, d'une main chaude ou n'importe quoi...

Un sourire triste se dessine sur ses lèvres.

- Mais ne va pas croire que rester près de toi tout en connaissant ton mépris pour moi ne me fait pas souffrir... Je serai là, parce que je te l'ai promis... Et que je peux pas lutter contre ce que je ressens... Mais ça me fait mal à en crever d'être si près de toi, et en même temps si loin... Alors... je t'en supplie arrête de me torturer... Et laisse moi partir...

Il a lancé ça d'une traite. Il triture la bretelle de son sac. Ses joues prennent une teinte rosée. Il fuit mon regard. J'ai l'impression que ses yeux sont de plus en plus humides.

Malgré ma volonté, j'ai une boule qui se forme dans ma gorge. J'ai sous-estimé ses sentiments et je m'en veux. Malgré toutes mes preuves de mépris à son égard depuis l'épisode de la grotte, il est toujours là, avec ses mèches folles et ses grands yeux trop verts.

- Je suis fatigué de me battre pour être près de toi Malefoy... Pourtant j'ai fait des efforts... je pense... pour ne pas te brusquer, ne pas t'énerver... Mais quand je vois comme tu me regardes... J'ai l'impression que je te dégoûte... Et ça me fait mal...

- Potter...

- Malefoy... Je sais ce que tu penses de moi... Tu as été très clair dans la grotte mais... voilà, je ne suis pas comme toi, je n'arrive pas à cacher mes sentiments... Si tu savais, ils me bouffent à en crever et ton... mépris ne me fait que plus mal...

Je ne sais pas quoi lui dire. Il est à côté de la plaque. Je veux juste le retenir quelques secondes pour éclaircir la situation. Je ne veux pas qu'il parte en ayant tout compris de travers. J'ai envie de lui dire que je ne suis pas le salaud qu'il croit que je suis.

- Pour nous... j'ai dit que je ne pouvais pas, pas que je ne voulais pas...

Il est sceptique et hausse les sourcils.

- Ce qui veut dire ?

Si je lui dis, là, mes pensées les plus obscures le concernant, je sais que je ne pourrais plus faire marche arrière. Je crois que je suis déjà allé assez loin. Je voulais qu'il me déteste, qu'il m'oublie, qu'il enfouisse ses sentiments. C'est un échec cuisant.

Je ne peux pas lui dire qu'il m'apaise, que je me sens bien quand il est près de moi, que sans lui, je serais déjà mort de trouille face à mon sordide avenir. Si je le formule à voix haute, plus rien ne sera comme avant.

- Ne m'oblige pas à mettre des mots sur ce que je ressens, je t'en prie... c'est juste que... ça m'a fait du bien que tu sois là... hier soir

Ses joues rosissent à nouveau et il baisse les yeux. Il a le sourire d'un enfant.

- Ça veut dire que tu aimerais que je vienne te tenir compagnie un de ces soirs ?

Je passe ma main dans mes cheveux. Je sais que je suis allé trop loin. J'ai envie d'être avec lui, peut être pas pour les même raisons que les siennes. Mais je ne veux pas le décevoir.

- Je sais pas... C'est peut être pas une si bonne idée...

Il lève les yeux vers moi et son regard s'affole.

- Peut-être que tu devrais arrêter de t'inquiéter pour moi et te focaliser sur ta préparation au combat !

Il secoue sa tignasse et pointe son index sur ma poitrine.

- J'ai besoin de toi Malefoy. Autant que tu as besoin de moi !

- Je n'ai jamais dit que j'avais besoin de toi ! Je m'écris avec une mauvaise foi évidente.

Son regard s'assombrit. Il se lève, me contourne et se dirige vers la porte.

Alors voilà ? Il se défile ! C'est tout ? Il ne m'affronte même pas, n'essaie pas de contrecarrer mes arguments ? Je crache mon venin une dernière fois.

- Pourquoi tu me portes autant d'intérêt ?! Je ne le mérite pas !! T'as pas une guerre à préparer, par Merlin !! Et t'as intérêt à Le vaincre, sinon je jure que j'te tue !!

Les derniers mots s'étranglent dans ma gorge. Il s'est figé, la main sur la poignée de la porte.

Il se retourne, hésite, puis avance vers moi. Pendant une seconde j'ai l'impression qu'il veut me frapper, mais l'expression de son visage a changé. Il s'empare de mes doigts glacés et les pose sur son cœur. Puis il m'observe, me détaille, et je sens la gêne me picorer le ventre.

- Tu le mérites. Mon intérêt, ma foutue bienveillance, mon amour, appelle ça comme tu veux... Tu n'es pas en position de me dicter ça, j'en suis navré. Je suis persuadé que tu es quelqu'un de bien, j'en suis aussi navré si ça te dérange.

Il retire ses lunettes de sa main de libre et accroche mon regard de ses prunelles menthe à l'eau. Inconsciemment ou non, la pression de sa main sur mes doigts se fait plus forte.

- Malefoy, si tu me dis dans les yeux que tu veux que je parte, que tu n'as pas besoin de moi et que tu n'éprouves absolument rien pour moi excepté du mépris... je franchirais cette porte sans me retourner et je ferais une croix sur toi...

Je sens sa main qui tremble et les battements de son cœur sous mes doigts qui cognent si forts. Il se mord la lèvre inférieure jusqu'au sang.

- Dis-le moi Drago ! Je veux l'entendre de ta bouche... que je ne suis rien à tes yeux !

Mon prénom dans sa bouche sonne étrangement. Il a une résonance tendre et déterminée. Les fondements de mon univers s'effondrent. Toutes mes certitudes et toutes mes convictions vacillent. Le flou m'enrobe et le sol tangue.

Personne n'a jamais été aussi désespéré pour moi. Personne ne s'est mis dans un tel état pour ma petite personne. Personne ne m'a montré combien il tenait à moi.

J'en oublie de respirer. Je suis pétrifié, engourdi.

Dans ses grands yeux verts, les larmes affluent et il n'arrive pas à les retenir.

Il me paraît si fragile à cet instant. Et ça me terrifie. Je tends inconsciemment mes doigts pour effacer ses larmes. Il a toujours été plus fort que moi, je ne veux pas que ça change.

- Je... je crois que j'ai besoin de toi...

Je ne sais pas d'où sont sortis ces mots, je n'ai pas eu conscience de les prononcer.

C'est là que mon univers bascule. Je sens Potter qui se colle contre moi, il enfouit sa tête dans mon cou. Ses mèches rebelles me chatouillent le nez. Son souffle contre ma gorge m'électrise. Ses bras se sont doucement enroulés autour de ma taille. Il me serre comme si j'allais m'échapper. Et pendant une demie-seconde, j'y songe. Parce que j'ai peur de comprendre ce que tout cela signifie. Ça m'affole de sentir son corps tout contre le mien, et pourtant je me sens tellement bien. Je réalise que mes bras sont ballants le long de mon corps. Je n'ose pas les enrouler autour de ses épaules. J'ai peur de lui caresser la nuque, de passer une main dans ses cheveux. J'aimerais lui dire que tout ira bien, mais j'y renonce. J'ai peur de ne pas tenir cette promesse.

Il reprend sa respiration normale. Il lève la tête vers moi, efface rageusement les dernières traces de larmes et me sourit. Ses yeux pétillent. Mon cœur chavire. Je ne savais pas qu'on pouvait se sentir aussi important aux yeux de quelqu'un. Il me dévore du regard. Je suis mal à l'aise.

Puis il fait un pas en arrière, se frotte la nuque. Il tente de retenir un sourire, en vain. Il récupère son sac et me lance en essayant d'être sérieux :

- Je vais encore être en retard au cours de Sortilèges...

Je lève les yeux au ciel. Il rit.

Il s'enfuit en courant, me laissant dans la salle vide, les bras ballants, mon univers complètement sans dessus-dessous.

.oOoOo.

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