2. Badass

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Les étoiles brillent dans le ciel, il est bientôt minuit et je me les gèle sous ma polaire. Mes doigts frigorifiés s'amusent avec la fermeture éclair.

Eloy est à côté de moi, il regarde ses pieds en souriant sur sa balançoire. On est meilleurs amis depuis que j'ai shooté dans son camion en plastique. Cette année-là, on avait tous les deux sept ans. Nos parents nous emmenaient au parc tous les mercredis parce qu'il n'y avait pas école. C'était le meilleur jour de la semaine, mon préféré.

Au collège, je suis tombée amoureuse de lui. Je ne vous dis pas ma déception quand il m'a dit qu'il préférait les garçons de sa classe.

— Regarde, la voisine d'en face est plutôt à l'aise dans sa salle de bain, se moque-t-il.

Je suis son regard. C'est une maison en briques qui ressemble à toutes les autres. La fenêtre éclairée laisse apparaître l'ombre d'une femme. Le corps nu se laisse aller au gré d'une danse. On entend presque la musique.

— Elle n'a pas genre, cinquante ans ?

Un rictus apparaît sur le coin de ses lèvres.

— Il n'y a pas d'âge pour danser dans sa salle de bain, après tout.

— Je l'envie, murmuré-je.

Il me saisit la main, avec son habituelle maladresse.

— ­Je sais que tu es triste, et que tu te sens super malheureuse et déçue, mais rien ne t'empêche de danser à poils dans ta salle de bains.

Je souris.

Je ne sais pas ce que je serai devenue sans Eloy à mes côtés. Ça n'a pas toujours été facile pour lui non plus, entre son coming-out et les garçons.

Je lève les yeux et me perds parmi les étoiles. Parfois, j'aimerais être tout là-haut pour observer le monde. Mais ces moments nocturnes avec Eloy me manqueraient trop.

— ­Tu commences avec quel cours, demain matin ? me questionne-t-il.

— Sport, je suis ravie. Et toi ?

— Sciences. Bon, ça va il y a pire que du badminton pour commencer la journée.

Je lui donne un coup de coude.

— Tu sais quoi, ne parlons pas de demain, finis-je par suggérer.

Son portable se met soudainement à vibrer. Eloy plonge sa main dans la poche de son jogging et jette un coup d'œil à ses notifications. Qui pourrait bien lui envoyer des messages à une heure pareille ?

Il fronce les sourcils et pose la main sur sa bouche pour cacher un sourire. Je le connais par cœur, il ne peut rien me cacher. De toute façon, on s'est toujours promis de tout se raconter. On est incapable de prendre des décisions de notre propre gré, sinon on fait n'importe quoi.

— C'est ton nouveau mec ? le taquiné-je.

Il range aussitôt son portable.

— ­J'ai pas de mec, Lou, tu le sais bien.

— C'était qui alors, une meuf ?

Ses yeux retrouvent les miens.

— Rien du tout, ça n'a pas d'importance.

Je hausse les épaules, déçue. Peut-être qu'il a décidé de cultiver son propre jardin secret. Peut-être que c'est la fin de nos confidences. Peut-être qu'il va arrêter de demander mon avis. Ai-je été de mauvais conseils ?

Instinctivement, je me mets à me ronger les ongles quand mon cœur s'active. Je n'aime pas ce que je suis en train de ressentir. Anxiété, vous voilà.

Je préfère choisir son option et me dire que ça n'a pas d'importance. Il s'agissait sûrement d'une de ces applications débiles qu'il a l'habitude de télécharger pour se changer les idées, ou alors celle qui calcule les calories de nos aliments du quotidien. Ouais, parce que celle-là elle est pas mal, mais réclame sans arrêt notre attention avec des messages à deux balles.

— Lou.

— Oui ?

— Sors de ta tête.


Assise sur le banc des vestiaires, je finis de nouer mes lacets. Je fais partie des dernières à sortir de cette minuscule pièce qui sent très fort le déodorant. Rien de mieux qu'une attaque sensorielle pour se mettre en route le matin. Je n'arrête pas de bâiller, le réveil était compliqué.

Je prends une grande inspiration, et saisis la poignée de la porte d'un geste sûr. Allons-y. Depuis quand n'ai-je pas fait de badminton ? Trois ans ? Quatre ?

Le reste du groupe est assis en cercle autour de Jérémy, le prof de sport. On s'est déjà rencontrés l'année passée, en ping-pong. C'est un homme d'une quarantaine d'années, plutôt beau gosse et sympathique. Les filles de seconde en sont complètement obsédées, les pauvres.

Je me laisse tomber sur le sol, à côté d'un groupe de filles que je ne connais pas. Le lundi, les classes de Terminale sont mélangées et divisées en plusieurs groupes en fonction du sport qui nous intéresse. Le choix était vite fait, il était hors de question que je me retrouve à la piscine. En plus, je déteste ces espèces de capotes qu'on doit se mettre sur la tête.

— ­Bonjour tout le monde. Ça y est, vous avez fait connaissance avec vos nouveaux petits camarades ? s'amuse Jérémy.

Les rires, qu'ils soient moqueurs ou sincères, raisonnent sur le terrain couvert. Il enchaîne en se présentant de manière succincte. Les mains dans les poches de son jogging, Jérémy reprend brièvement les informations principales qui concernent le cours et le déroulé des matchs.

Je ne regarde rien d'autre que mes baskets, absorbée par mes pensées et la fatigue matinale. Je n'en ai pas grand-chose à faire, de mes « nouveaux petits camarades ». Il y a Eloy, c'est tout ce qui compte.

Le troupeau d'élèves se relève soudain dans un brouhaha enthousiaste. Je sors de ma bulle. Je n'ai rien écouté, mais j'observe. Chacun trouve sa place sur l'un des vingt terrains balisés, sans avoir l'air de se fier à un quelconque plan.

À ma droite, deux garçons de ma classe se mettent à rire bruyamment. Comme deux coqs, ils se défient. Les hommes me fatiguent. Je n'ai jamais compris ce besoin de rentrer en compétition, pour absolument tout et n'importe quoi.

Je frissonne. Il ne fait pas chaud dans ce grand gymnase et je n'ai pas de pull à enfiler sur mon débardeur.

Je balaie la salle du regard, à la recherche d'une place pour moi de l'autre côté du filet. En voilà une, tout au fond. Je respire. En face, une fille attend, bras croisés sur la poitrine. Elle semble absorbée par ses pensées. Je m'approche, le pied lent. Ma partenaire de jeu me remarque, et m'adresse un sourire.

— Hey, m'accueille-t-elle en reprenant sa raquette.

Elle est jolie. Son carré court la démarque des autres. Je la trouve carrément badass.

— ­Salut.

Tout à coup, je deviens timide.

— Je m'appelle Eva, au fait.

— Lou, je souris.

À mon tour, je croise les bras. On attend le top départ de Jérémy. Je trouve le regard d'Eva, elle est confiante.

Il faut que je lui dise.

— Je ne sais pas jouer.

Elle se met à rire, et passe une main dans ses cheveux.

— ­Ça s'apprend, t'inquiète pas.

— T'es forte ?

— Ça serait prétentieux de ma part, mais je joue depuis longtemps.

Je suis foutue, la honte.

— Stylé, je réponds.

C'est tout ce que tu trouves à dire, Lou ? 

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