16 ➵ 𝗵𝗼𝗽𝗲 𝗻𝗼𝘁 • 𝗯𝗹𝗮𝗰𝗸𝗽𝗶𝗻𝗸

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↺ 𝐹𝑜𝑟 𝑦𝑜𝑢 𝐼'𝑚 𝑜𝑘𝑎𝑦 𝑤𝑖𝑡𝘩 𝑏𝑒𝑖𝑛𝑔 𝘩𝑢𝑟𝑡
𝑆𝑖𝑛𝑐𝑒 𝐼 𝑜𝑛𝑙𝑦 𝑔𝑎𝑣𝑒 𝑦𝑜𝑢 𝑝𝑎𝑖𝑛 𝑑𝑢𝑟𝑖𝑛𝑔 𝑡𝘩𝑒 𝑡𝑖𝑚𝑒 𝑤𝑒 𝑤𝑒𝑟𝑒 𝑡𝑜𝑔𝑒𝑡𝘩𝑒𝑟
𝐵𝑢𝑡 𝑦𝑜𝑢, 𝑡𝘩𝑒 𝑙𝑜𝑣𝑒 𝑦𝑜𝑢 𝑤𝑎𝑛𝑡
𝑌𝑜𝑢 𝑛𝑒𝑒𝑑 𝑡𝑜 𝑚𝑒𝑒𝑡 𝑠𝑜𝑚𝑒𝑜𝑛𝑒 𝑏𝑒𝑡𝑡𝑒𝑟 𝑡𝘩𝑎𝑛 𝑚𝑒 𝑎𝑛𝑑 𝑏𝑒 𝘩𝑎𝑝𝑝𝑦
𝐵𝑢𝑡 𝐼 𝘩𝑜𝑝𝑒 𝑛𝑜𝑡 𝑡𝑜 𝑡𝘩𝑒 𝑝𝑜𝑖𝑛𝑡 𝑤𝘩𝑒𝑟𝑒 𝑦𝑜𝑢 𝑓𝑜𝑟𝑔𝑒𝑡 𝑚𝑒

𝙙𝙚́𝙘𝙚𝙢𝙗𝙧𝙚 𝟮𝟬𝟮𝟯
𝙦𝙪𝙚𝙡𝙦𝙪𝙚 𝙥𝙖𝙧𝙩 𝙙𝙖𝙣𝙨 𝙡𝙖 𝙘𝙖𝙢𝙥𝙖𝙜𝙣𝙚 𝙟𝙖𝙥𝙤𝙣𝙖𝙞𝙨𝙚




-Tu es en retard, fut le premier commentaire que sa mère lui fit en arrivant.

Il retint un soupir, et posa son sac à terre quand il devint évident qu'elle n'allait pas se décaler pour le laisser entrer dans la maison. Il avait faim, froid, il était fatigué et il n'avait qu'une seule envie, rentrer sur son lit et dormir jusqu'au lendemain matin, mais il n'avait pas le courage ou la force de la contredire, alors il se contenta de la regarder, attendant qu'elle continue ses reproches. Il luttait pour garder les yeux ouverts, éreinté de la nuit blanche qu'il venait de passer. À peine avait-il reçu l'appel de Seojun qu'il avait réservé un train, non pas parce qu'il était impatient de revenir mais parce qu'il savait que s'il ne le faisait pas immédiatement, il n'aurait peut-être plus jamais l'occasion de repartir. Elle avait un pouvoir trop important sur lui, et s'il n'était pas rentré immédiatement, elle l'aurait fait culpabiliser jusqu'à ce qu'il revienne de toute manière. Minho se fit la réflexion qu'il était beaucoup trop gentil. Mais c'était plus fort que lui, il ne pouvait s'empêcher de vouloir faire plaisir au plus de gens possible, même si en fin de compte il finissait par ne pas faire ce dont lui il avait réellement envie.

Non seulement il était exténué, mais en plus il commençait à sentir une migraine se pointer. Il avait remis sa vie entière en question pendant son trajet en train, hanté par le vide dans les yeux de Jisung qu'il avait remarqué quand il l'avait accompagné sur le quai de gare. Son cœur s'était serré douloureusement alors qu'il montait dans le wagon. Il ne savait que trop bien ce que le blond avait dû ressentir, laissé seul sur le quai, frissonnant dans le froid de décembre. A croire que tout ce que Minho savait faire, c'était de l'abandonner. Il s'était juré de ne plus jamais lui faire de mal, et pourtant il recommençait, bien malgré lui. Mais cette fois, il pouvait faire quelque chose pour y remédier. Ainsi à peine avait-il disparu de sa vue qu'il s'était emparé de son téléphone pour envoyer un message qu'il espérait rassurant, et pour sortir ce qu'il avait sur le cœur, ce qu'il n'avait pas réussi à prononcer alors qu'ils se disaient au revoir.

˗ˏˋ de : minho – envoyé à 23h07

[jisung...]

[cette fois-ci, je n'arrêterais pas de te parler, je te le promets]

[je vais revenir dès que possible]

[j'ai dit que je ne vous laisserais plus et je le pensais réellement]

[j'aurais juste voulu rester avec toi un peu plus longtemps.

Il n'y a qu'avec toi que j'ai l'impression d'exister réellement

Merci pour tout]

[j'aurais voulu rester avec toi]

[j'aurais voulu]

[prends bien soin du chaton]

Il s'était mordu la lèvre, agacé de ne pas avoir le courage d'envoyer un tel message. Une fois de plus, il était incapable d'avouer ses faiblesses et de se montrer vulnérable. Il était un idiot lâche, et c'est pour ça qu'aujourd'hui, il se retrouvait devant la maison de son enfance, sa mère en face de lui, raide comme un piquet, planté dans l'encadrement de la porte d'entrée.

Il pouvait deviner derrière elle les mouvements d'une autre personne dans la cuisine, probablement Seojun – il ne voyait pas qui d'autre sa mère pourrait recevoir. Ni l'une ni l'autre ne lui avaient vraiment manqué pendant sa semaine à Tokyo, mais c'était peut-être dû au fait qu'il ait passé les cinq dernières années avec elles. Il les aimait, il les aimait réellement, simplement la semaine passée lui avait fait prendre conscience qu'il n'y avait pas qu'elles dans sa vie. Et ce séjour imprévu, décidé sur un coup de tête, l'avait sorti de l'état léthargique dans lequel il était plongé depuis si longtemps. Alors qu'avant il s'accommodait de sa vie ici sans vraiment se poser de questions, maintenant qu'il avait goûté à autre chose, il mourait d'envie de partir à nouveau, de retrouver ses amis et la vie qu'ils menaient à Tokyo. C'était étrange. Jusque-là, il n'avait pas vraiment cherché à changer quelque chose, mais l'attrait de la nouveauté était plus fort que tout.

-Désolé, je suis passé par les petits chemins pour venir.

Ce n'était pas tout à fait faux, mais ce n'était pas tout à fait vrai non plus. En fait, il s'était baladé un peu partout dans la campagne environnante jusqu'à obtenir du réseau pour voir si Jisung lui avait répondu. Il ne l'avait pas fait. Minho se sentait un peu triste, mais il ne pouvait pas vraiment le blâmer. Il était une heure du matin, il devait être couché depuis longtemps, et il lui devait bien ça. Encore une fois, Minho n'avait aucun droit de se plaindre alors qu'il avait fait vivre dix fois pire à Jisung.

Ce n'était pas pour ça que ça faisait moins mal.

-Je peux entrer maintenant ? ajouta-il, voyant que sa mère ne semblait pas disposée à se décaler.

Elle lâcha un « mmmh » désapprobateur et obtempéra. Il rentra dans la maison, et aussitôt une vague de chaleur l'envahit, chassant l'engourdissement de ses doigts et le faisant frissonner de soulagement alors qu'il se détendait peu à peu. Sa mère referma la porte, et Seojun se dirigea vers eux, une lueur de réprobation dans ses yeux noirs. Elle était toujours aussi belle, même vêtu d'un simple tee-shirt blanc et d'un jean bleu. Minho n'avait pas l'énergie de protester, il la laissa l'embrasser et lui dire qu'il avait été stupide de partir comme ça sans prévenir.

-Tu te rends compte à quel point tu nous a inquiété ? le gronda-elle gentiment, comme on s'adresserait à un petit chiot. Tu pars pour aller faire une course à Tokyo, et le lendemain tu nous annonces que tu vas y rester deux semaines.

-Désolé, s'entendit dire Minho, bien trop fatigué pour articuler une phrase cohérente.

Il jeta un regard à l'escalier qui se déroulait à sa gauche, mais les deux femmes ne semblaient pas décidées à le laisser partir. Il comprenait qu'elles avaient dû mourir d'inquiétude, avec simplement un texto pour leur indiquer qu'il ne rentrerait pas tout de suite. Mais il n'était pas d'humeur à se sentir coupable ce soir. Il avait déjà assez ressenti de culpabilité toute la semaine, à ressasser ses erreurs avec Jisung. Il n'avait pas besoin en plus de s'en vouloir pour avoir voulu s'échapper de son quotidien.

-J'ai préparé du thé, annonça Seojun, un petit sourire aux lèvres. Celui aux fruits rouges, comme tu préfères.

Il hocha la tête, et la suivit jusqu'à la table de la cuisine, où il s'assit, bientôt rejoint par sa mère, qui elle ne souriait pas du tout.

-Où étais-tu ? demanda-elle sèchement, sans même laisser le temps à Minho la chance de goûter au thé.

Il se crispa. Il savait que cette question allait venir, mais il ne l'attendait pas de sitôt. Il hésita un instant à mentir, à prétendre qu'il voulait juste se prendre des vacances, mais sa mère méritait de savoir la vérité. Elle tenait juste à s'assurer que son fils ne faisait pas trop de bêtises.

-Avec mes amis de lycée. J'étais chez Jisung.

Ce fut imperceptible, mais il remarqua le tremblement dans la main de Seojun qui lui tendait le sucre. Elle savait qui était Jisung, évidemment. Les premiers mois où ils avaient été séparés, après l'accident, il s'était retrouvé extrêmement seul. Sa mère n'avait pas été d'une grande aide, en deuil comme elle l'était, cloîtrée dans sa chambre et n'en sortant que pour aller aux toilettes, une apparition pâle et immatérielle comme un fantôme. Sauf que Minho ne supportait pas d'être enfermé à l'intérieur. Il avait envie de hurler sa colère sur tout le monde, et comme la maison était désespérément vide, il s'était retrouvé à faire de longues marches dehors, cherchant à échapper à sa maison qui lui rappelait trop de souvenirs. De toute façon, il n'arrivait plus à dormir. Il était incapable de fermer les yeux, car dès qu'il trouvait le sommeil, il faisait des cauchemars horribles, et revivait la scène de l'accident en boucle. Pour que ça ne soit plus jamais le cas, il buvait café sur café, et ses yeux étaient constamment rouges et cerclés de noir. Mais au moins, il avait le moins possible de flash-backs à propos de la nuit où son monde s'était écroulé.

C'était lors de l'une de ses longues marches qu'il avait rencontré Seojun. Elle faisait du sport tous les matins entre six heures et sept heures, accompagnée par son chien, et petit yorkshire qu'elle appelait parfois quand il s'éloignait trop d'elle, d'une voix claire et douce, magnifique. C'était sa voix qui l'avait interpellé tout d'abord. Il l'avait croisé plusieurs fois sans qu'ils n'échangent autre chose que des hochements de tête polis, juste histoire de montrer qu'ils avaient reconnu la présence de l'autre. Puis les jours passant, les promenades de Minho devenant plus une habitude qu'un moyen de gérer son deuil, près d'un an après que le fameux bal de promo des terminales se soit déroulé, ce bal où il n'avait pas mis les pieds, ils s'étaient adressé la parole.

Minho ne cherchait pas de remplaçants à Jisung, n'en avait jamais cherché. À vrai dire, il avait fait un effort surhumain pour bloquer dans un coin de son esprit tous ses souvenirs du lycée, casant cette partie de sa vie dans un carton de sa mémoire, un carton qu'il n'avait plus l'intention d'ouvrir, parce qu'il savait que sinon, il aurait trop mal. Et Minho ne tenait pas particulièrement à s'infliger des douleurs en plus, pas après l'année qu'il venait de passer. Pour son propre bien, parce qu'il avait eu son compte de souffrance, il s'était résolu à juste... Arrêter d'y penser. S'il l'ignorait pendant assez longtemps, ça finirait par partir, non ?

Seojun était drôle et adorable, et dans la façon qu'elle avait de s'enthousiasmer pour des petites choses, elle lui rappelait un petit peu Jisung, même s'il essayait de ne pas trop se focaliser dessus. Il faut croire qu'il avait un type, après tout. Ils avaient commencé par parler de choses un peu communes, de son chien et de comment elle l'avait eu. Elle avait dit l'avoir adopté dans un refuge pour animaux blessés, et ses yeux s'étaient illuminés. Il lui avait expliqué qu'il adorerait avoir des chats, mais qu'il habitait chez sa mère et qu'elle ne voulait pas voir un animal chez elle. Seojun lui avait proposé de l'accompagner au refuge, et c'était là-bas qu'ils s'étaient embrassés pour la première fois, alors qu'il pleuvait dehors et qu'ils étaient tous les deux en train de rire aux larmes. Elle s'était subitement penchée sur lui, et l'avait embrassé tout doucement. Il avait fondu sous son toucher, contenté par la chaleur rassurante de ses lèvres sur les siennes. Avec elle, il oubliait qu'il faisait des études qui ne lui plaisaient pas, qu'il ne savait pas ce qu'il voulait faire de sa vie et qu'il n'arrivait plus à danser. Avec elle, tout paraissait toujours plus simple, tout plus rassurant.

Mais malgré ses efforts pour reléguer Jisung au rang de souvenir, il continuait de revenir dans sa mémoire, et il savait qu'il ne pouvait rester aux côtés de Seojun tant qu'il verrait toujours son visage en fermant les yeux. Mais ça faisait près d'un an et demi qu'il était parti sans laisser de nouvelles, et il ne savait pas comment faire. Il n'avait plus le numéro de Jisung depuis longtemps, son portable s'était cassé au moment de l'accident. Il avait eu une idée un peu folle de monter à Tokyo pour le revoir, d'avoir le cœur net sur ce qu'il ressentait vraiment. Il ne pouvait pas être avec Seojun tant qu'il n'avait pas mis au clair ses sentiments à propos de Jisung. Après tout, ils avaient partagé trois ans de vie ensemble. Ce n'était pas rien.

Il avait pris le train tôt le matin sans rien dire à personne, la boule au ventre, impatient et mort de peur en même temps. Il s'en voulait de ne pas avoir informé Jisung de ce qui s'était passé, conscient qu'il avait dû s'imaginer des dizaines de choses. Mais pris par tous les évènements qui lui étaient tombés dessus, et emporté par sa vie ici désormais, il s'était senti coupable, et il avait repoussé de plus en plus le moment de la confrontation. Il avait conscience de sa propre lâcheté, mais il avait dû prendre énormément sur lui pour se décider à revenir à Tokyo. Ce n'était pas évident pour lui, même si ça ne devait pas l'être non plus pour Jisung.

Il ne se rappelait pas vraiment cette journée, comme si elle s'était déroulée à travers un brouillard ambiant. Il se souvenait juste de la joie qui l'avait envahi à la vue de Jisung, et le poids qui avait compressé sa poitrine la seconde d'après, quand il avait réalisé que Jisung n'était pas seul. Qu'il était avec un garçon, et qu'ils n'avaient par l'air seulement amis. Il était resté interdit quelques minutes, assez pour les voir commencer à s'embrasser sous l'auvent d'une boutique de téléphone. Puis il était parti, le cœur aussi lourd qu'une pierre. Tout le reste de son trajet retour était un enchevêtrement de souvenirs confus, alors qu'il se rappelait tout le temps passé ensemble, de leurs premiers baisers, et de l'année précédente où il avait évité de penser à Jisung pour ne pas qu'il lui manque trop. Il ne savait pas à quoi il s'était attendu en venant ici, mais il se jura qu'il ne remettrait plus les pieds dans cette ville, et qu'il ne voulait plus rien avoir à faire avec Jisung.

Après ça, il avait tout déballé à Seojun, trouvant refuge dans ses bras apaisant, laissant couler toutes les larmes qu'il avait retenu pendant si longtemps. Avec Jisung, il avait l'impression d'avoir en même temps perdu tout ce qui le rattachait réellement à l'enfance. Et s'il cachait plutôt bien ses sentiments d'ordinaire, il se rappelait s'être littéralement écroulé sur le lit de la jeune femme, murmurant qu'il ne voulait plus souffrir comme ça. Un cœur brisé était plus douloureux qu'il ne l'aurait pensé. C'était à ce moment qu'il avait définitivement enfermé toutes ses émotions dans un coffre qu'il avait jeté au plus profond de sa mémoire, se forgeant une carapace, qui ne s'était craquelé qu'avec la venue de la lettre, quatre ans plus tard.

Et il s'était fiancé à Seojun, avec l'approbation de sa mère. Pas étonnant qu'à présent, elle soit aussi alertée par le fait qu'il soit allé rejoindre Jisung. Lui-même ne savait pas comment il en était arrivé là. Il savait juste que maintenant qu'il l'avait fait, il était incapable de reprendre une vie normale.

-Jisung ? s'enquit sa mère, penchant sa tête d'un côté.

-Oui, le garçon avec qui il était au collège, sourit Seojun, mais elle s'était crispée.

-Au lycée, corrigea Minho, serrant ses mains autour de sa tasse pour les réchauffer.

Il retrouvait peu à peu l'usage de ses doigts. Sa balade dans le froid avait achevé de congeler définitivement tous les membres de son corps que la température glaciale du train n'avait pas réussi à geler.

-Peu importe, trancha Seojun. Je suis contente que tu sois revenu, parce qu'on a besoin de toi à la fabrique.

Évidemment. La fabrique. L'œuvre de son père – dont Minho avait hérité bien malgré lui quand il était décédé brutalement. Pour maintenir l'économie de sa famille à flots, il avait dû abandonner les études pour y travailler à plein temps, laissant de côté ses rêves. De toute manière, il y avait pas mal de rêves auxquels il avait dit adieu le jour où son père était mort. Il s'était fait une raison, il avait accepté son sort. Il s'était habitué à hocher la tête et à obéir, pour le bien de sa mère, qui ne pouvait porter l'entreprise toute seul à bout de bras. Il avait été là pour elle, l'avait aidé à se relever du choc qu'avait été la disparition de Lee Hae-Seong. Il avait tout sacrifié sans penser à lui à une seule fois, parce que c'était sa nature. Il donnait toujours tout aux autres, et il se faisait passer en dernier.

-Cet hiver, les chiffres ne sont pas bons, enchaîna Seojun, qui commença à lui décrire par le menu à quel point les ventes avaient dégradés ces dernières semaines.

Elle était elle aussi employée, depuis le moment où elle s'était fiancée avec lui, et assumait le poste de comptable-secrétaire. Elle prenait son travail très au sérieux, espérant de réussir à faire prospérer l'entreprise familiale. Mais Minho se sentait incapable de continuer à s'intéresser à ce qu'elle disait, tant ses pensées revenaient irrémédiablement vers Jisung. Il avait envie d'être avec lui. Il avait envie d'être à nouveau à ses côtés, sur le canapé de son salon, en train de regarder des clips et de critiquer les tenues des chanteurs jusqu'à ce qu'ils soient trop fatigués pour parler. Il avait envie qu'ils dansent encore au milieu de son salon, sur des chansons bien trop cheesy pour qu'il admette qu'il les aimait bien. Il avait envie qu'ils retournent au cinéma ensemble, qu'ils adoptent le chaton ensemble, qu'ils continuent de s'envoyer des messages stupides quand Jisung était en cours. Il avait juste envie de se sentir exister à nouveau, d'être avec ses meilleurs amis, de rire et de parler sans toujours se demander s'il en faisait assez. La simplicité de sa vie avec Jisung lui manquait.

Il ne voulait pas rester ici, réalisa-il soudain, et cette constatation le frappa avec la force d'un camion. Il l'avait toujours su, en un sens, mais se l'avouer, le formuler avec des mots, lui donnait une consistance dangereusement tangible. Et à peine l'avait-il reconnu qu'il sentit son cœur se contracter douloureusement. Ça faisait si longtemps qu'il n'avait pas désiré quelque chose de tout son cœur que devoir se restreindre tout de suite parce que ce qu'il désirait était hors de portée, était un ascenseur émotionnel auquel il n'était absolument pas préparé. Il avait enfin quelque chose dont il avait envie, après ce qui semblait des années à se sentir vide, et il ne pouvait même pas l'atteindre.

-Je vais aller me coucher, déclara-il froidement, interrompant le monologue de Seojun.

-Oh, uh. D'accord.

Elle parut surprise qu'il soit aussi sûr de lui. D'ordinaire, Minho l'écoutait parler pendant des heures, jusqu'à ce qu'elle soit la première à vouloir aller dormir. Qu'il prenne l'initiative n'était pas habituel. Mais elle s'en accommoda assez vite, et se leva pour l'embrasser sur la joue.

-Bonne nuit, repose-toi bien. J'ai encore des détails à régler avec ta mère à propos du mariage, je t'en ferais part demain. On a pas mal avancé pendant ton absence, il faut que tu voies ça.

Elle paraissait tout excitée. Minho n'eut pas le cœur de lui dire qu'actuellement, se marier avec elle était la dernière chose qu'il voulait. Elle était réellement adorable, en plus d'être passionnée, sérieuse, drôle et attentionnée. Elle était tout ce dont un homme pourrait rêver comme épouse. Sauf qu'elle n'était pas Jisung. Et il l'avait aimé, il le savait, mais ces sentiments avaient fondu comme neige au soleil pour ne plus laisser qu'un sentiment d'affection amical. Il s'était lassé, avec les années. Il s'en rendait compte à présent, que ce qu'il ressentait pour elle n'était plus qu'un substitut de l'amour qu'il lui avait porté autrefois. Il l'avait réalisé quand la force de ses sentiments pour Jisung s'étaient rappelé à lui violemment, puissants et dévastateurs et sans rien avoir en commun avec son attachement pour Seojun. Il avait cru pouvoir tourner la page. Qu'il allait vivre avec Seojun, et qu'ils allaient rester ici et tenir la fabrique toute leur vie.

Jisung lui manquait tellement fort qu'il se demandait comment il avait pu l'ignorer toutes ces années, comment il était parvenu à enterrer ça sous ses couches de déni et de culpabilité. Depuis qu'il l'avait retrouvé, c'est comme si quelqu'un avait ouvert une vanne à l'intérieur de lui, et que ses sentiments refoulés reprenaient brusquement leurs droits, l'envahissant et ne le laissant pas indemne. Sans même parler d'amour ou de couple, il voulait simplement être aux côtés de Jisung. Parce qu'amis ou amoureux, ils étaient des âmes-sœurs dans tous les cas, connectés par un lien qui allait au-delà de la distance et de la compréhension. Et il était impossible qu'ils restent séparés. Ils étaient faits pour être ensemble.

Blotti dans son lit d'enfance, le regard fixé sur la fenêtre, il observait le ciel nocturne dehors, se demandant si dans son petit appartement en désordre, Jisung regardait lui aussi les étoiles. Puis il se rappela qu'il ne lui avait pas répondu, et qu'il était sûrement endormi. Il n'était pas, comme Minho, sujet à des insomnies régulières. Minho soupira. Il avait dit qu'il était fatigué à Seojun et à sa mère, et il n'avait pas menti, simplement, le sommeil ne semblait pas vouloir l'emporter. Il prit son portable, mais il restait désespérément vide de notifications. Il cliqua sur le nom de Jisung, relu leurs derniers messages échangés, ceux d'avant l'appel de Seojun. Il se demanda si Jisung accepterait de le revoir alors qu'il avait failli une fois de plus à sa promesse. Il avait tellement envie de lui parler, d'entendre sa voix, que sans réfléchir il appela sur la touche « appel ».

Il ne s'attendait pas à ce qu'on lui réponde. Il était une heure du matin, Jisung était probablement couché depuis longtemps. Il s'apprêtait à raccrocher quand le son du répondeur stoppa, et qu'une petite voix ensommeillée murmura un « hmmm ? ». Minho sentit quelque chose en lui s'alléger subitement, et sa respiration s'apaisa. Il ne s'était même pas rendu compte d'à quel point il était tendu jusque-là.

-Ji-jisung ? bredouilla-il, collant son téléphone contre son oreille.

-Hmmmoui ?

-Je-je t'ai réveillé ? Je suis tellement désolé, je voulais pas, c'est...

Jisung se racla la gorge à l'autre bout du fil, et il sembla réaliser la situation, puisqu'il répondit quelques secondes après d'une voix beaucoup plus réveillée :

-Minho ?

La façon dont il prononçait son prénom était si adorable que le brun eut malgré lui un petit sourire.

-Tu ne me réveilles pas du tout, assura Jisung, mais il bailla la seconde d'après, ce qui fit rire Minho.

C'était fou de constater comment en l'espace de quelques secondes, il avait complètement changé d'humeur. Jisung avait trop d'effet sur lui. Un bon effet, cela dit.

-Je suis désolé de ne pas avoir répondu à ton message, s'excusa-il. J'étais crevé, et je ne savais pas trop quoi te dire. Je... J'étais un peu déçu que tu partes déjà.

Il l'avait avoué avec une telle franchise que Minho se sentit rougir. Il était plus honnête que lui, songea-il en repensant au message qu'il n'avait pas osé envoyer.

-Moi aussi j'étais déçu de partir. Crois-moi, si j'avais pu choisir, je l'aurais fait.

Il y eut un silence, et il crut que Jisung s'était rendormi, mais il reprit la parole juste après :

-En tout cas, le chaton va bien. Je l'ai ramené chez moi, et il a l'air de s'être bien remis. Je cherchais un nom à lui donner. Tu as des idées ?

-Hmm... Là comme ça, pas vraiment...

-Je suis sûr que tu es plus doué que moi pour trouver des noms. J'ai eu un seul animal dans ma vie, un poisson, et je l'ai appelé Spiderman.

Minho ne put se retenir et éclata de rire.

-Et pourquoi ça ?

-Je ne sais pas, il était rouge, et j'étais dans ma période super-héros. Hé, te moque pas !

-Je ne me moque pas, je trouve juste ça drôle ! se défendit Minho, mais il souriait largement. Puis, pris d'une subite inspiration, il ajouta :

-Pourquoi on n'appelle pas le chat Soonie ?

-Soonie ? C'est joli, ça me va.

Il y eut des bruits de frottements contre le téléphone, et un crissement clairement pas humain. Il entendit Jisung faire des bruits de bisous avec sa bouche, et murmurer à ce qu'il supposait être le chaton :

-Écoute, c'est ton autre papa au téléphone. Dis-lui bonsoir, Soonie !

-Bonsoir, Soonie, déclara Minho, attendrit et jouant le jeu de son ami, essayant de ne pas trop se focaliser sur la partie « papa ».

Elle miaula, et Jisung lâcha un « aïe » aigu. Minho se rassit dans son lit, soucieux.

-Tout va bien ?

-Elle dit bonsoir, assura le blond quelques secondes plus tard.

-Tu es sûr de ça ? rétorqua Minho, amusé.

-Absolument. Au cas-où tu ne seras pas au courant, je parle le chat couramment.

-Wow, tu es plein de talents insoupçonnés.

-N'est-ce pas ! Et tu ne m'as pas encore vu avec les pigeons !

-J'imagine que ça doit être quelque chose.

-Crois moi, tu rates. Une fois, j'en ai empêché un d'attaquer Felix en lui chantant Fantastic Baby. Il a adoré. Maintenant je suis super célèbre chez les pigeons de Tokyo.

Minho sentit son sourire s'agrandir irrémédiablement.

-Je ne peux pas en dire autant. Ils me détestent. Je ne sais pas ce que je leur ai fait dans une autre vie, mais ils ont l'air déterminé à se venger de moi dans celle-ci.

-C'est parce que tu ne sais pas t'y prendre. Pour qu'ils t'écoutent, il faut te mettre à leur place. Il faut devenir le pigeon et – je recommence encore à dire n'importe quoi, pas vrai ? soupira Jisung. C'est la fatigue.

-Non, je trouve ça drôle, le rassura Minho. Tu es vraiment quelqu'un de spécial, Han Jisung.

-Je ne sais pas si « spécial » est un compliment.

-Quand je le dis, c'en est un.

-Bon, alors ça me va.

Il y eut un autre silence, puis Jisung bâilla de nouveau. Il s'excusa d'être aussi fatigué, mais Minho commença à dire que c'était sa faute, qu'il n'aurait pas dû appeler aussi tard.

-Je ne m'attendais pas à ce que tu décroches, confessa-il.

-J'avais mon portable à côté de moi, et j'avais oublié d'éteindre la sonnerie comme je fais d'habitude. Mais ça ne me dérange pas, vraiment. Je suis content de te parler.

Sa voix commençait à se faire plus calme, témoignage du sommeil qui commençait doucement à l'envahir à nouveau. Minho n'avait pas envie que cet appel se termine, il voulait continuer à parler avec lui, mais il ne voulait pas être responsable de sa fatigue.

-Moi aussi.

-Ça va, tu es bien rentré chez toi autrement ? demanda Jisung, étouffant un troisième bâillement.

-Hmhm.

Il n'avait pas vraiment envie de parler de chez lui, de Seojun et de sa mère. Elles étaient une part de sa vie, Jisung en était une autre, et il redoutait de ce qui se passerait s'il commençait à les mélanger.

-Tu sais, Soonie dit que tu lui manques beaucoup, murmura Jisung doucement.

Minho sentit son cœur se contracter encore une fois.

-Elle aussi elle me manque beaucoup, répondit-il sur le même ton.

Il entendit Jisung approuver avec un faible « hmm », puis sa respiration se stabilisa, et il en conclut que le blond venait de s'endormir contre son téléphone.

-Bonne nuit, murmura-il avant de raccrocher. Je reviendrais vite, je te promets.

Il avait fait son choix. Restait à voir comment il allait faire pour s'en sortir maintenant, si possible sans blesser personne.

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