6 - Solitude et guitare

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Cela fait deux jours que Noa est parti, et ce matin, je commence à trouver le monde injuste. Roxanne est malade, alors elle ne viendra pas me tenir compagnie aujourd’hui, et je trouve que c’est vraiment un mauvais coup du sort. S’il existe un dieu sur cette terre, je ne sais pas ce que je lui ai fait dans mes vies antérieures, mais j’ai dû commettre au moins un meurtre pour qu’il aime à ce point me mettre dans des situations désagréables.

De plus, Léo est un conflit avec un garçon à l’école, alors j’ai dû discuter tard avec lui hier, pour lui faire comprendre que ce n’est pas grave, que ça va se résoudre, et au final, ce petit malin a obtenu de moi le droit de dormir avec moi dans mon grenier. Résultat, pendant qu’il faisait l’étoile de mer, j’avais envie d’assassiner des moutons, et je n’ai pas réussi à dormir plus de trois heures. Donc je suis de mauvaise humeur, et j’ai envie de parler avec quelqu’un mais je ne sais pas qui, car ils sont tous partis.

Assise dans le couloir, je sors mon téléphone, et remarque qu’Oriana m’a envoyé un message. Finalement, il y a au moins une personne qui est là pour moi. Elle a écrit “Bonjour Aline ! J’ai appris que c’est un peu solitaire le lycée pour toi ces jours-ci, ça va ?”

Elle est adorable, et je lui envoie une réponse vague et rassurante. Je suis sûre que si je lui confie que je me sens seule, elle va le transmettre à Roxanne, qui va venir rien que pour moi,  et passer sa journée à l’infirmerie. Mauvaise idée donc, il vaut mieux faire semblant que tout va bien, que j’ai des amis, que c’est juste une mauvaise impression.

Je range mon téléphone, et souffle. Personne n’est encore arrivé, il est trop tôt, alors j’ai le couloir de notre salle de cours pour moi toute seule, ce dont je ne vais certainement pas me plaindre. Je ne peux pas non plus écouter de la musique, car j’ai laissé mes écouteurs chez moi. Qand j’ai voulu me distraire un peu cette nuit pour faire passer le temps, je les ai abandonnés sous mon oreiller.

J’aurais voulu rester seule plus longtemps, mais rien ne m’obéit, alors une certaine fille aux longs cheveux châtains est passée dans mon couloir, et, m’ayant aperçue, a décidé que ce serait beaucoup plus drôle de venir s’asseoir à côté de moi. Elle s’est donc installée, tout naturellement, à quelques centimètres de moi, et m’a saluée :

-Hey, Aline, comment ça va ce matin ?

-Très bien, et toi ? lui retourné-je poliment.

-Je suis fatiguée ! Je crois que je ne vais pas tenir la journée, marmonne-t-elle.

-Tu es tout le temps fatiguée ? lui demandé-je impulsivement.

Alors que je me mords la lèvre parce que j’ai encore parlé trop vite. Elle rit, rejette ses mèches hors de son visage, avec une grâce que je ne peux m’empêcher d’admirer.

-Pas tout le temps, mais assez souvent, oui.

Elle laisse passer deux secondes de silence à peu près avant de glisser :

-J’avais cours de guitare hier, alors comme je n’arrivais pas à un passage, j’ai répété une partie de la nuit.

Donc elle fait de la guitare. J’imagine bien Lizzy chanter un morceau, avec sa voix particulière, parfois grave et sûre d’elle, comme hier, et parfois douce, petite, comme ce matin alors que j’aperçois ses petits yeux encore choqués d’être tirés du sommeil.

-C’est idiot, tu aurais dû dormir. Si tu es fatiguée, tu ne peux pas réussir, argumenté-je.

-Tu dois avoir raison, mais j’avais envie de jouer. Ça me détend, tu vois. Tu fais de la musique, toi ?

-Non, je n’en ai jamais fait. Mais c’est beau à écouter, la guitare.

Elle me fait un sourire, fière d’elle.

-Je sais, moi aussi j’adore. J’en fait depuis que j’ai sept ans.

Puis elle baille, et je me demande si elle a encore moins dormi que moi, si les cernes qui assaillent ses yeux sont là trop souvent. Cette fille, Lizzy, elle m’intrigue. Elle a quelque chose de particulier. Elle vient me voir, comme si on se connaissait depuis longtemps, pour me parler de vent, de guitare. Pourtant, je ne la connais pas.

Elle m’intrigue.

Je l’observe, et je vois une fille qui paraît normale, bien dans sa peau, avec un manteau gris banal, porté par dessus un haut au col claudine garni de motifs verts, bleus, roses ou encore oranges, comme pour affirmer qu’elle n’est pas unicolore. Je me demande aussi pourquoi elle garde ses cheveux aussi longs, si ça ne la dérange pas. Moi, dès qu’ils passent en-dessous de mes épaules, je vais les couper, alors je n’imagine pas ce que ça doit faire de les sentir tomber jusqu’au milieu de son dos, mais en tout cas, elle a de la chance car cela lui va parfaitement bien, un peu style princesse disney, mais en tout cas c’est très joli.

-Tu me fixes, me taquine-t-elle en m’adressant un sourire narquois, je t’impressionne, Aline ?

Non, je ne rougis pas, je ne sens pas mes joues devenir plus chaudes.

-Pas du tout, ne te fais pas des idées, grommelé-je. C’est juste…

-Juste quoi ?

-Tu viens me voir alors qu’on ne se connait pas, ça ne te dérange pas ?

-Non, affirme-t-elle en haussant les épaules. Tu m’as l’air d’être une personne gentille, alors je ne vois pas le problème à venir te parler. Mais si ça te dérange toi, j’irais ailleurs.

-Non ! Je… Ce n’est pas ça, c’est juste que ça m’étonne. Je ne suis pas très douée avec les gens, regretté-je.

-Moi non plus, déclare Lizzy.

Je voudrais lui dire que c’est faux, que pour l’instant, j’ai plutôt l’impression qu’elle se débrouille très bien, qu’elle est bien plus à l’aise dans cette classe que moi, mais je ne veux pas la contredire, parce qu’au fond, qu’est-ce que j’en sais ? De quel droit je me permettrais de lui donner mon avis alors que j’ignore tous les points, tous les détails de l’étrange personne assise à côté de moi.

Je ne juge pas, c’est ce que je me suis toujours dit, alors je me tais, et nous attendons dans le silence quelques instants. Puis elle sort de son sac une paire d’écouteurs, et m’en tend un.

-Tu veux écouter le morceau que je travaille en ce moment ? Il est génial je t’assure !

J’accepte, et ferme les yeux, alors que les notes douces débutent. Je les reconnais aussitôt, ce morceau fait partie de la base en terme de guitare.

-C’est Stairway to Heaven, de Led Zeppelin, murmuré-je.

-Oui, exactement. C’est une version avec uniquement la guitare, pour que je me concentre dessus uniquement, explique-t-elle.

Sans ouvrir les paupières, j’écoute les notes se succéder, avec une harmonie et un calme qui transpercent mes écouteurs, pénètrent dans mon corps, atteignent mon âme, et lui murmurent que je suis bien comme ça, que je n’ai pas envie de retourner dans le monde réel, que la musique est sublime ainsi. La musique, ce n’est pas juste de la musique, c’est un rythme hypnotisant, curatif, qui défait les nœuds de stress et m’apaise.

Mon épaule est appuyée contre celle de Lizzy, mais je ne fais rien pour l’éloigner car sinon, je perdrais mon écouteur. Toutes les deux, nous ne disons rien, trop embarquées dans ce monde de paix, où la solitude, la fatigue n’existent pas.

Je soupire d’aise, et lorsque les derniers accords résonnent, j’ouvre les yeux. Lizzy m’observe avec un sourire en coin, déstabilisant.

-Quoi ? questionné-je.

-Tu es vraiment une mordue de musique, Aline, ça se voit.

Je souris, elle a raison.

-Oui, j’aime la sensation que l’on éprouve lorsque le rythme nous emporte, j’aime les douces sonorités, et les plus violentes. Et aussi parce que c’est plus simple de se renfermer dans la musique que de rester pleinement ancrée dans la réalité.

Elle hoche la tête, ses lèvres s’étirent encore, comme s’il n’y avait aucune limite au soleil qu’elle peut faire ressortir d’une simple expression faciale.

-Je suis totalement d’accord. Tu le dis bien, me complimente-t-elle.

Je détourne le regard vers le mur en face, jaune canari, trop vif.

-Dis-moi, Aline, souffle-t-elle, qui es-tu ?

Je me tourne de nouveau vers elle, pour fixer sans comprendre son visage heureux, mais teinté d’une lueur énigmatique que je peux capter dans ses yeux cachés derrière des verres de lunettes rondes.

-Cette question n’a pas de sens, m’opposé-je. Je ne peux pas te faire une biographie, là tout de suite, dans ce couloir, avec les gens qui commencent à venir. Et puis ça n’a aucun intérêt.

-Moi ça m’intéresse. Mais si tu veux, on fait ça plus tard, quand on sera plus tranquilles.

Elle lance une autre musique, sur laquelle il y a des paroles cette fois.

-Pourquoi ça t’intéresse ? demandé-je.

-Parce que je ne te connais pas bien, que tu es une personne visiblement à part, et que j’aimerais être ton amie, Aline, avoue-t-elle, sans détour, sans honte, comme s’il était naturelle de parler comme ça, sans être gênée.

Je ne suis pas habituée à cette façon franche de faire les choses, je ne suis pas habituée à ce que l’on me trouve “intéressante”, cependant cela me plaît bien. Elle me fait penser à Léo, comme une enfant qui n’a aucun filtre, comme une adulte qui ne veut pas se cacher. Je vais suivre le conseil de mon ami, et je vais découvrir une nouvelle personne. Après tout, pourquoi pas ?

Ou alors, Lizzy c’est un poney de My Little Pony rose, avec un tatouage de guitare, qui rit beaucoup et croit en l’amitié comme si c’était un dieu.

Je suis bête, mais l’idée me fait sourire, et je me restreint parce que, très franchement, avec tous les gens qui viennent, ce n’est pas le bon moment pour éclater de rire parce que j’ai fait une blague en pensée. Ils me prendraient encore plus pour une folle.

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