5 - Rencontre

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Mon banc me semble bien solitaire aujourd'hui, le vent est fort, personne ne s'attarde dehors. Il ne reste que moi, sur mon banc, et cette fois, Roxanne ne viendra pas me voir, elle commence plus tard. Alors j'attends, je ne sais pas exactement quoi, mais j'attends, assise sur mon banc. Au moins, je ne suis dérangée par personne pendant que j'écoute de la musique, je peux fermer les yeux sans me préoccuper de ceux qui pourraient éventuellement venir me voir, puisque je sais que personne ne le fera.

Ce n'est pas apaisant d'être seule, non c'est un peu lourd, écrasant. Je me rappelle les paroles de Noa quand il m'a appelée hier soir, avant d'aller se coucher pour la dernière fois en France pour trois semaines. Il avait dit "essaie de te mêler avec les autres, Aline. Profites-en pour découvrir les gens de notre classe par exemple, il y en a au moins un ou deux qui pourraient être sympas." Puis il m'avait fait promettre de lui donner des nouvelles, et m'a affirmé qu'il avait pris un forfait international pour que tout le monde puisse quand même le contacter, même s'il est à l'autre bout du monde.

Pour l'instant, il est dans l'avion, sûrement en train de regarder la mer de nuages, épaisse, qui lui cache la vue de la Terre. Il a peut-être un livre en main, qu'il lit, plongé dans un monde merveilleux et irréel alors que les hôtesses de l'air préparent un petit-déjeuner pour tous les voyageurs.

J'enfouis mon visage plus profondément dans mon écharpe énorme. Il fait vraiment froid aujourd'hui, et je crois que je vais finir par attraper un rhume à ce rythme.

Il reste un quart d'heure avant les cours, que je passe sur mon chaleureux banc, mon fidèle ami qui lui ne partira jamais, étant donné qu'il est vissé dans le béton. Il n'y a pas plus stable. Quand je dois monter pour aller rejoindre les gens de ma classe, je tremble de partout, et je me dis que je ne serais jamais capable d'aller faire un séjour en Antarctique, parce que je congèlerai si vite que je n'aurais pas le temps d'apercevoir un penguin.

Je monte trois étages, puis je me retrouve dans un couloir aux murs blancs et jaunes, ils avaient dû vouloir imiter une marguerite quand ils avaient choisi la peinture, et je me suis appuyée contre le mur, dans un coin plus tranquille. Je n'ai toujours pas quitté mes écouteurs, mais je ne peux m'empêcher de me sentir une nouvelle fois seule.

Les autres personnes de la classe sont par groupes, discutant de leur week-end, de leurs merveilleuses vies, entre amis. Il y a trois grands ronds, trois grands regroupements dans ce couloir, où seule notre classe attend. Il y a le plus grand groupe, celui des garçons, qui restent tous ensemble, groupés et heureux, ils sont les plus bruyants. Puis il y a celles que je déteste le plus, appuyées contre le mur, au risque de gâcher la coiffure qu'elles ont probablement mis beaucoup trop longtemps à élaborer. Ce sont les pétasses, celles qui me regardent mal en coin, et qui pensent que je ne les vois pas faire, ce qui prouve que l'excès de maquillage et de téléréalité détruit le cerveau.

Et enfin, à quelques mètres de moi, il y a le dernier groupe, le moins nombreux. Ce sont le reste des filles, celles qui sont bien plus normales, qui rient sans prétention ni retenue. Ce sont les personnes que je connais le plus dans ce couloir. Je leur ai déjà parlé une fois ou deux, ce n'est pas beaucoup, mais c'est mieux que rien.

Je remarque qu'une fille aux cheveux châtains longs et ondulés me regarde. Je ne me souviens pas lui avoir déjà adressé la parole, mais elle me sourit quand même, sans raison. Elle a peut-être pitié de moi, en me voyant si solitaire. Je n'aime pas cette pitié, et m'empresse de détourner le regard pour observer le professeur ouvrir la classe avec un trousseau de clés bien garni.

Je rentre dans la pièce où plus de trente tables identiques, avec des traces de stylo, sont installées, accompagnées parfois des premiers à être entrés. Je prend ma place tout au fond, bien au calme. Mon voisin me rejoint, et le cours commence. Très vite, je commence à m'ennuyer, il faut dire que la mondialisation, ce n'est pas ma tasse de thé, je suis nulle en géographie, et ce n'est pas en essayant de nous faire comprendre à quel point le Canal de Suez est un point sensible que le prof va me passionner.

D'habitude, c'est dans ces moments que je me tourne vers Noa, et qu'il en profite pour faire le pitre, mimer des choses que je ne devine pas parce que ça ne ressemble à rien, ou alors qu'il me montre un tour qu'il a appris avec son crayon. Cependant, là, je ne peux rien faire, si ce n'est attendre que la journée finisse, en priant pour que le temps passe plus vite.

Il paraît que si l'on se déplace très très vite, on peut déformer le temps. J'aimerais être un petit rayon de lumière qui fait le tour de la Terre, passe au travers des paysages, contemplé avec indifférence par les passants.

Je souffle, et me concentre. Des traits naissent peu à peu sur la feuille de cours, quand je ne suis pas occupée à copier. C'est un dessin aléatoire, qui ne représente rien de spécial au début, mais quand la fin de l'heure sonne, c'est un œil immense, aux cils longs. Une orbite emplie de lumières, et je dois avouer que je suis plutôt fière de moi.

C'est l'intercours, alors tout le monde discute, mais pas mon voisin, étonnamment, il se penche vers moi, et alors que je m'écarte, il commente :

-Tu dessines super bien, Aline, je ne savais pas.

Et moi je ne savais pas que l'on se parlait. Je connais ton prénom, mais je pensais que nous n'irions jamais plus loin.

-Merci.

-On dirait un vrai, continue-t-il, et un œil aux pupilles claires, un peu comme les tiens.

Je rêve où il me parle de mes yeux en plus ? Qu'est-ce qu'il cherche au juste ?

-C'est un compliment ?

Mathéo, c'est ça son nom. Mathéo, dont je m'éloigne en plaçant un bras protecteur sur mon esquisse. Il marmonne, puis voit que je n'apprécie pas vraiment qu'il me parle comme ça, alors que nous ne l'avons jamais fait. Qu'il essaie de me parler de mes yeux en plus, comme s'il pouvait tenter aujourd'hui de balancer ses charmes sur moi, juste comme ça, aléatoirement.

Je crois que j'ai un problème de sociabilité, et je dois me rappeler les paroles de Noa. Il faut que je fasse des efforts. Je ne sais juste pas comment, et pas avec Mathéo, qui est, selon mon avis, un connard qui critique les gens dans leur dos, un hypocrite de première classe. Pas la peine de faire semblant de l'apprécier, je l'ai assez entendu.

Plus tard, alors que c'est la pause de l'après-midi, je me retrouve de nouveau seule dans le couloir. Pas mon favori, parce qu'à cette heure-ci, il n'y a personne en haut, alors tant pis, je vais rester assise sur le carrelage dur, ici, alors que tous les autres sont trop proches.

Au moins, à cet endroit il y a une grande fenêtre qui donne sur les toits de la ville. Penchée sur le rebord, je l'ouvre, et apprécie le vent fort et froid qui soulève mes cheveux roux, et les envoie camoufler une partie de mon visage.

C'est tellement vivant, l'air, le toucher, l'odeur de la ville.

-Tu as raison, fait une voix, c'est vraiment génial d'ouvrir la fenêtre, n'écoute pas les autres derrière.

J'ouvre les yeux et les tourne vers une étrange jeune fille, qui elle, les ferme, ses cheveux châtains battant l'air.

-Je ne les écoute jamais, admets-je.

Elle sourit, comme si elle n'avait pas connu meilleur moment dans sa journée que celui où elle sent l'extérieur, la nature la fouetter pleinement. Je me souviens du conseil de Noa, encore une fois, et décide de tenter d'être plus gentille cette fois, et de ne pas la rejeter immédiatement.

Je peux au moins attendre d'avoir décidé si elle mérite ou non que je discute avec elle, si elle n'est pas une de ces tordus qui viennent soit parce qu'ils ont pitié du fait que je suis seule, soit parce qu'ils veulent des infos, qu'ils ont une sorte de curiosité malsaine et mal placée.

-Tu aimes le vent, alors ? me questionne-t-elle.

-Pourquoi je n'aimerais pas ? lui retourné-je.

Elle hausse les épaules, et se courbe pour pouvoir placer son visage sur ses bras, appuyés sur le bord de la fenêtre. Elle tourne ses yeux vers moi alors que je la scrute avec intérêt, en me demandant quel est son nom. C'est la même fille que ce matin, celle qui me souriait mais dont j'ai perdu le nom.

Je suis sûre que Noa doit le connaître, elle n'est pas loin de lui en classe. Je l'ai déjà vue nous observer alors qu'il me fait passer un message depuis l'autre bout de la salle.

-Bonne réponse. Moi j'aime bien, ça me fait me sentir vivante, et ça me réveille.

-Tu as envie de dormir ? l'interrogé-je sans vouloir paraître maladroite, mais c'est de toute évidence un échec.

-Ouaip, comme toujours après une longue journée de cours fatiguants en terminant par maths. J'ai horreur de ça. Tu n'es pas fatiguée, toi ?

-Pas tellement, nuancé-je. C'est normal.

-Ce n'est pas parce que c'est normal et qu'on a ça tous les lundis que je ne dois pas m'en plaindre, philosophe-t-elle. C'est toujours aussi désagréable.

-Comme dans les régimes totalitaires, les gens ne se plaignent pas parce qu'ils ne voient pas pourquoi ce serait anormal, même si ce n'est pas agréable, soufflé-je pour moi-même.

Elle éclate de rire, et je me rends compte que je l'ai vraiment dit à voix haute, et qu'elle l'a entendu. Voilà une des meilleures méthodes pour sembler totalement bizarre et extrémiste aux yeux des autres. Je suis vraiment une idiote, et parfois, je me dis que je devrais apprendre à me taire quand je divague. Je ne connais même pas cette fille.

-C'est effectivement le même principe, mais je ne l'avais pas vu de cette manière, c'est malin ! s'exclame-t-elle.

Puis, voyant que les autres entrent en classe, elle a tendu sa main vers moi, toujours avec son sourire éclatant de publicité.

-Je m'appelle Lizzy, et toi ?

-Aline. Moi c'est Aline.

-Ravie de te rencontrer, Aline, c'est un vrai plaisir de parler d'endoctrinement avec toi !

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