Tu me vois. Timide, renfermée. Tu me qualifies de fantôme, tu te demandes si je parle, si ça m'arrive de rire. Au fond, tu t'en fiches, de moi. Qui suis-je ? Oh, personne, après tout. Je ne suis qu'un sujet de conversation comme un autre, aussi anodin que la question que tu poses en arrivant chez toi : On mange quoi, ce soir ?

Tu me vois. Discrète, gentille, rieuse, rêveuse. Avec mes réflexions bizarres, ma voix trop douce. Et pourtant, tu le remarques, quand je ne suis pas là. Tu es là pour m'aider quand j'ai un problème. Moi, je ne cesse de me répéter que tu préfères l'année précédente, celle où j'existais à peine pour toi. Là, le problème, c'est moi.

Tu me vois. Rieuse, passionnée, amicale. Timidité ? Elle est partie bien loin. Ici, avec toi, je ne suis peut-être pas encore tout à fait moi, mais j'essaie de l'être un peu plus. Nos fous rires, nos regards, nos soupirs, tout restera gravé en moi. Tu n'es pas exactement comme moi, tu n'aimes pas les livres, tu ne comprends pas le vrai language des mots. Et c'est vrai que tu changes, mais je te retrouve telle que je t'attendais. J'ai hâte de me précipiter vers toi.

Tu me vois. Tu m'admires. Peu à peu, je me dévoile devant toi et les autres. Ce n'est peut-être pas ce que tu imaginais de moi. Une fille sur son téléphone, qui est capable de crier, de s'énerver. Une fille qui ne parle pas beaucoup, mais qui chaque fois sourit. Tu veux toujours faire les choses avec moi, en fonction de moi. Après tout, je suis si gentille...

Tu me vois. Enfin, pas vraiment. Tu es derrière ton écran, je suis derrière le mien. Tu ne connais pas mon visage, je ne connais pas le tien. Et pourtant, je rêve de te rencontrer. Je n'ai parlé de toi à personne ; ils ne comprendraient rien. Ici, je me réfugie. C'est peut-être une addiction et, au fond, je m'en fiches. Ce ne sont que des messages, des mots. Et pourtant, tu m'as souvent arraché un sourire, une larme, un tremblement, un rire. Tu es à la fois là et pas là. Tu me lis et tu apprécies ce que j'écris. Moi aussi, je crois que je t'apprécie.

Tu me vois. En colère, joyeuse, désespérée, déçue. Tu passes avec moi par toutes les émotions. Ensemble, nous apprenons la folle aventure de la vie. Proches et distants à la fois, nous sommes aussi différents que le noir et le blanc. Pourtant, je sais que tu es là pour moi, et tu sais que je suis là pour toi. Je resterai prête à te guider lors de ton envol. N'oublie pas que je t'aime.

Tu me vois. Protectrice, pleine d'amour, positive et sèche. Tu a peur de mes colères, tu te sens mal lors de mes chagrins. Tu détestes quand je suis malade et tu t'inquiètes quand tu ne me vois plus au supermarché. La vie t'emportes déjà. Tu peux compter sur moi pour être présente, dès que tu en auras besoin. Tu peux me faire confiance pour te protéger, te soutenir et te guider. Ne cesse jamais de chercher ton arc-en-ciel.

Tu me vois.
Vous me voyez.

Et, avec chacun de vous, je suis une autre personne. Simple camarade de classe, cousine, sœur, amie.

Comment puis-je trouver le vrai moi si je suis incapable de rester la même personne ?

Des questions infinies, des réponses introuvables. Un souffle, un cri, un pleur. Le temps continue sa folle course. Je préfère fermer les yeux.

Tu me vois. Tu crois tout savoir de moi. Mais, en réalité, tu ne me connais pas. Quelle dure vérité, n'est-ce pas ? Dure, dure vérité...

Et, chaque fois, je me dis que demain sera un renouveau.
Et, chaque fois, demain redevient un triste aujourd'hui.