Mes paupières se fermaient lentement au fur et à mesure du trajet. Où pouvais-je bien aller ? Tout ce qui m'était cher avait disparu, tout ce qu'il me restait c'était des souvenirs. Et encore... A mes quatorze ans j'avais choisi de quitter la France, enfin j'y avait été contrainte, quelle différence cela fait maintenant ? J'avais si longtemps pensé que les meurtriers de mes parents m'auraient oubliée, qu'il me penserait morte de faim ou pire. Ce n'était pas le cas, ils avaient chargés leurs "collaborateurs" américains de retrouver "la fille", cette fille qui était au courant de tout, cette fille qui avait été témoin de beaucoup de choses et cette fille qui avait traversé un océan pour leur échapper, sans succès. Évidemment, il a fallu que cette fille ce soit moi. Le lieu où je me rendais n'avait aucune importance, plus j'étais loin de cette maudite ville, meilleure ma vie serait. J'avais mis tellement de temps à en échapper, à leur échapper plus précisément. J'étais sans cesse épiée, sans cesse battue, sans cesse cachée, sans cesse en train de les fuir. Le bus freina d'un coup, envoyant mon fidèle sac à dos sur le siège de devant. Le chauffeur se tourna et me dit d'un ton las : "Descends gamine, c'est le dernier arrêt." Je répondis par une grimace et constata que j'étais seule dans le bus, tout les autres étaient rentrés chez eux, dans leurs maisons avec leur famille. Moi je n'en avait pas. Une fois descendue je brandis le smartphone que j'avais volé (ou emprunté à une adolescente qui passait, appelez ça comme vous voulez), il fallait bien se débrouiller à bientôt 18 ans, seule. Je me munis du gps, cherchant dans quelle ville j'avais atterri. Atlanta. Géorgie. J'aurais pu tomber sur pire, j'avais fait un bout de chemin depuis New-York, j'étais épuisée, affamée, déshydratée et sans lieu où passer la nuit. Je fouillais mes poches en quête de monnaie "inattendue", je fis une mine horrifiée quand je découvris le peu d'argent qu'il me restait. 41 dollars. On ne traverse pas un pays avec ça. J'allais devoir me trouver un travail au plus vite. Je traversais une route sans circulation apparente à l'entrée de la ville quand une voiture grilla le feu, elle avançait droit sur moi, elle ne freinait pas, je bondis sur la chaussée hors d'haleine. La berline noire s'en allait déjà. Une vieille femme, ridée aux cheveux poivre et sel s'avança aussitôt vers moi et me demanda si j'allais bien. Je ne sais plus ce que je répondis mais cela ne devait pas être important car j'avais déjà oublié. Cela n'avait aucune importance, je devrais certainement encore fuir.