Après une longue heure de marche à travers de multiples quartier de la Nouvelle-Orléans, je découvris enfin le Lafitte's Blacksmith. C'était un très vieux bâtiment, transformé en bar il y a des années. D'apparence très petit avec ses grands volets et ses étroites fenêtres, le lieu rappelait une ordinaire maison, quelques tables étaient disposées à l'extérieur sur une terrasse. Les gens y prenaient du bon temps avant de prendre le travail. La perspective de détente m'était étrangère, Tyler me poussa à l'intérieur, je découvris un décor très rupestre, la cible véritable des touristes de la région. Que fabriquait Ethan Fields dans un endroit pareil ? Un lieu avec une telle abondance de touristes ? Il devait sûrement espérer y dénicher sa prochaine victime, ironisai-je pour moi-même. Je l'aperçus assis au bar, il discutait en avec des français, en utilisant ma langue maternelle avec un drôle d'accent. Dès qu'il vit Tyler, son expression changea, il afficha une certaine surprise. Il se dirigea droit vers lui et lui fit accolade à "l'américaine", je restais inerte un moment, Tyler haussa les sourcils dans ma direction, je réprimai un rire, il ne s'y attendait pas non plus. Il lâcha son emprise et me considéra avec surprise :

" - Si j'avais su que tu reviendrais me voir, Alyia... Quant à toi, Ty, ça faisait longtemps.

- J'aurais volontiers manqué à l'appel.

- (Il se retourna vers Tyler.) Qu'est-ce qui t'amènes à ma rencontre ?  

- On a de bonnes raisons de penser qu'un de tes fidèles employés, Connor Wright, est un complice de ceux qui cherchent Alyia, et moi, par la même occasion. 

- J'ai rempli ma part en l'aidant, elle s'est enfuie, ce n'est plus mon problème. 

- Allons, Ethan, tu n'aiderez pas un vieil ami ?! Qu'est-il arrivé durant ces deux ans ? 

- J'ai grandi et je suis devenu quelqu'un d'important, j'ai des tas d'ennemis, nul besoin d'en ajouter à la liste.

- Je t'ai sauvé la mise il y a deux ans, comment as-tu pu l'oublier ? Je ne t'ai jamais dénoncé. 

A ce moment-même, si j'avais pu me permettre, j'aurais posé des tonnes de question sur cette histoire.

- Tu n'avais pas à craindre la prison, alors que moi j'avais dix-neuf ans.

- Alors laisse-moi avoir accès à ton matériel de pointe en matière d'informatique pour tracer l'appel du téléphone de ton employé, après cela tu n'entendras plus parler de nous. 

- Même si je te disais oui, tu n'es pas bon en informatique, à quoi cela t'avancerait ? 

- Moi non, mais elle, si. " avança-t-il en tournant vers moi. 

Dès que nous sortions, je mentionnais que mes compétences en informatique étaient loin d'égaler celles de notre ami Tako. Il haussa les épaules. J'appelais un taxi, hors de question de marcher comme à l'aller, quitte à payer, j'avais besoin de garder le peu d'énergie que j'avais à disposition. Une fois dans la demeure de Fields, avec la complicité d'un garde mandaté en personne pour nous aider, nous eûmes accès à la chambre de Wright, celui-ci étant sorti faire une course dîtes importante, pour son patron. Je m'assis calmement, et commençai les investigations dans son ordinateur, qui, n'était pas protégé par un mot de passe, par chance sans doute. Je conversais avec Tako par téléphone, il m'indiquait certaines démarches à suivre que je ne connaissais pas très bien, Tyler retournai la pièce pour trouver un semblant d'information. Sans grande surprise, ses recherches furent vaines, tout se trouvait dans l'ordinateur. Evidemment. Quand j'eus finalement craqué le mot de passe de sa boîte e-mail, mes véritables recherches commencèrent. Le contenu des mails était très...varié, cela allait du mail romantique à un ordre de mission de la part d'une personne fortunée. Rien ne m'aidait vraiment. J'appris des tonnes de choses intéressantes à son propos dont j'aurais pu me passer, comme le fait que sa mère avait eu une bronchite la semaine dernière. Je m'impatientais, il pouvait revenir d'ici peu de temps. L'objet d'un e-mail attira l'attention de Tyler, je cliquai dessus. Je lus à haute voix :

" - Cher monsieur Wright, je suis employé par mon patron pour rechercher une personne qui se trouve à la Nouvelle-Orléans. Je ne préférerais pas me montrer là-bas pour des raisons personnelles. J'ai besoin que vous fassiez ce travail à ma place, trouvez où elle réside, gagnez sa confiance, et livrez-la moi. Cette mission se doit d'être un succès sinon je serais d'obligation de rendre visite à votre mère. Je vous envoie ci-joint un document descriptif l'a concernant, ainsi qu'une photo. "

J'avalais péniblement ma salive. Grâce aux indications précieuses de Tako, je traçai l'e-mail. La recherche s'effectuait. De l'agitation survint, Tyler replaça vite certains objets, il me pressa, je ne pouvais abandonner si près du but. La recherche était longue, le petit curseur indiquait encore deux minutes de recherche. Le parquet à l'extérieur grinça. Mauvais signe. La poignée de porte s'abaissa, je fermai l'ordinateur de toute vitesse et nous ouvrîmes une porte attenante à la chambre, je l'a refermai sur nous dans le noir le plus complet, il n'y avait aucune fenêtre. Quelqu'un entra dans la chambre, il marmonna quelque chose que je ne compris pas, ma maîtrise de l'anglais avait tout de même des limites mais je reconnus clairement la voix de Connor Wright. J'eus un mouvement de recul qui me propulsa le long d'une paroi, un bruit de plexiglas résonna, cela devait être la vitre d'une douche ou une baignoire. Une douleur transperça mon genou droit, je frémis sans émettre un son. Je ne distinguais même pas Tyler dans l'obscurité. Je distinguais juste la lumière du jour sous le bas de porte. Son murmure s'éleva dans le silence, il semblait être proche de moi :

" - J'espère que l'idée de prendre une douche ne va pas lui traverser l'esprit. 

- Moi aussi. Comment allons-nous sortir d'ici ? 

- Pas la moindre idée. " murmura-t-il un ton plus bas. 

Le temps passait longuement, nous n'entendions plus aucun bruit dans la pièce d'à côté, peut-être s'est-il endormi ? Ou même parti ? Non, nous l'aurions entendu. La notion du temps m'échappait, nous étions debout, raidis dans le noir sans oser bouger de façon à ne pas faire craquer le parquet. Je fixai la lumière sous la porte pendant peut-être plusieurs minutes, d'un seul coup une ombre fila et nous plongea dans l'obscurité totale l'espace d'un instant. Tyler remua, il devait avoir des courbatures, rester immobile n'était pas de tout repos. Il se cogna au mur, il tâta le mur et ouvrit quelque chose. Je longeais le mur de façon à ce que le parquet n'émette aucun son désagréable. Je paniquais :

" - Tyler ! On va se faire prendre ! Qu'est-ce que tu fabriques ? 

- Je viens de trouver le compteur électrique.

Je n'eus nul besoin de réfléchir plus longtemps, une idée me vint aussitôt. 

- Tu vas couper l'électricité ? Futé. Sauf qu'il doit être treize heures de l'après-midi.

- On peut l'attirer dans la salle-de-bain, et l'assommer avec...je ne sais pas quoi.

- Euh...d'accord, il faudra agir vite avant que ses yeux ne s'habituent au noir et qu'il puisse se défendre. " émis-je dans un soupir. 

J'entendis des bruits de pas, je frissonnais. Je longeais le mur dans la direction opposée, je cherchais n'importe quel objet utile, je tombais sur un fer-à-repasser... Cela pouvait-il assommer quelqu'un ? Je n'en savais absolument rien. Je guettais le moindre bruit, la moindre nuance de lumière sous la porte. Je fermai les yeux pour me détendre, ce n'est pas comme si cet homme pouvait être dangereux, ce n'est pas comme s'il pouvait être armé... Ma main gauche fut soumise à un pression, Tyler gesticulait, il essayait de se munir du fer-à-repasser que je tenais fermement sans m'en rendre compte dans ma main droite, je lui donnai d'un geste rapide. Je ne voyais plus aucune lumière sous la porte, mon seul repère avait disparu. Tyler venait donc de couper le courant, ce n'était qu'une question de temps pour que l'homme vienne vérifier son compteur électrique. Il murmura quelque chose, je n'entendis pas, la porte s'ouvrit. L'homme entra en se cognant le pied dans la porte, il gémit et se mit en quête de trouver le compteur. Nous étions tapis dans l'obscurité, attendant la meilleur opportunité pour frapper, au sens propre comme au sens figuré. Je déglutis. Notre vision était meilleure que la sienne alors Tyler décida de le frapper, cela ne marcha pas vraiment, Connor se débattis en battant des bras, il ne savait où aller. Un coup se rabattit une nouvelle fois sur le sommet de son crâne, il attrapa le bras de Tyler. Ils commencèrent à se battre. J'aperçus deux silhouettes noires. Je me blottis dans un coin de la pièce. Un vacarme retentit, l'un des deux était tombé du côté de la baignoire, l'un des deux avait gagné, je ne savais pas lequel, je n'osais pas bouger, j'étais pétrifiée. Pendant une dizaine de secondes interminables, le silence régnait. Puis, une voix rauque s'éleva dans le silence. Je mis un laps de temps avant de réaliser ce qu'elle disait :

" - Il faut qu'on se tire d'ici, je crois qu'il est mort. "