À la demoiselle partie en Australie,

Tu sais... cette fois où on s'est rencontrées ? C'était en histoire, je m'en souviens maintenant. On devait écrire un rapport à Napoléon sur une de ses batailles. Je me souviens... notre soldat s'appelait "Pierre". Et on avait signé "Kiroul", parce que "Pierre Kiroul".
Bref c'était nul mais on s'en foutait.

D'ailleurs, c'est peu de temps après qu'on est vraiment devenues amies. Je ne sais plus trop comment, d'ailleurs. Tu connaissais déjà Charlotte et... Manon, mais c'est l'année suivante qu'on rencontrera Martin et Alexandre. Oh puis il y a Simon, aussi. Enfin, encore une fois je ne m'entends pas très bien avec lui. Mais bon, il s'entend bien avec le reste du groupe. Donc c'est pas grave.

Tu avais dit quelque chose devant la classe, en 3ème... je sais plus de quoi on parlait, c'était pas longtemps après les attentats, il me semble, mais tu avais dit un truc qui m'avait impressionnée. Qu'en gros, on était des égoïstes et que ce genre d'accidents arrivait plus souvent qu'on voulait le croire, et que c'était comme Ebola : une fois qu'on était directement touché, ça nous intéresse et nous inquiète. La classe t'avait regardée, ennuyée. Qu'est ce qu'ils en avaient à faire, eux ? Ebola ou les attentats, ça se passait dans une ville paumée (selon eux) dans un quelconque pays arabe (encore selon eux), et donc ça ne les concernait pas.
Toi, après, tu avais râlé. Pourtant tu n'aimes pas râler, tu préfères agir pour faire en sorte de ne plus râler. Ce qui n'est pas bête, en soit.

C'est là que tu m'as fait part de ton rêve, de tes projets.

Tu voulais devenir médecin humanitaire et participer à la recherche, aussi. Je ne savais pas si les deux étaient compatibles (en études, en temps et tout ça), mais tu avais l'air super motivée.

J'ai déjà mal au poignet, mais je suis sur ma lancée.

Tu avais tracé ton avenir et tu me l'avais montré, ce jour là.

Avec le recul et maintenant que je te connais, je sais que tu aurais été capable de tellement de choses... de sauver tellement de vies...

Alors je me pose une question.
Pourquoi ?

Ces mots résonnent en moi incessamment. Comme si je n'étais plus qu'une coquille vide et que ce mot se répercutait sans s'arrêter contre moi et ma tête.

Pourquoi.
Pourquoi ?

Ce mot est suivi par un essaim de questions. Elles bourdonnent dans mon esprit, en suivant toujours ce "Pourquoi".

Alors que tu étais si prometteuse, que tu comptais sauver tant de vie, faire tant de choses...

Moi j'étais, je suis, et serai toujours indécise. Je suis une personne parmi tant d'autres qui ne fera jamais de spécial dans sa vie. Tu sais, ces gens normaux sans importance qui mènent une vie sans importance, avec un quotidien dégoulinant de normalité. Eh bien, ça c'est moi.

Encore une fois je me demande "Pourquoi" ?

Pourquoi c'est toi qui était dans cet avion et pas moi ?

POURQUOI c'est TOI qui était dans cet AVION et pas MOI ?

Je n'arrête pas de me le demander. Vraiment.

Pourquoi ?