Chapitre 6

Alizée s'approcha à pas lents de la créature : longues pattes fines et fragiles, yeux blancs, peau noire et ailes de chauve-souris, parcheminées et translucides. Ils avaient beau paraître assez hideux à première vue, il s'échappait d'eux une telle majesté que l'on ne pouvait que les trouver beaux ; elle s'approcha et remarqua alors qu'il s'agissait de Lame, le premier Sombral qu'elle ait jamais vu, mais aussi le seul qu'elle n'avait jamais réussi à dompter. Elle enjamba un buisson épineux dans lequel se prit son jean et s'avança prudemment vers lui.

Il ne recula pas, mais sembla méfiant. S'introduisant dans sa tête, elle se heurta, comme d'habitude, au mur luisant de miroir tranchant qui l'empêchait de lire ses sentiments.

Bonjour Lame. Ça va ?

Il s'ébroua. Sans répondre.

Que fais-tu si loin dans la forêt ? retenta la jeune fille en s'approchant d'un pas, évitant des houx.

Il ne répondit toujours pas, mais elle devina aussitôt lorsqu'elle sentit une vague de haine se déverser hors de l'animal.

Royle ? Il t'a chassé ? Il a chassé les Sombrals ? Mais il n'a pas le droit ! C'est votre forêt ! Il ne peut pas faire ça !

Cette fois, il lui adressa une pensée concise : « non ». Trois lettres, un mot, et une avancée considérable.

Nous sommes ici pour fuir Royle, expliqua la jeune fille. Lui aussi nous a chassés du château – il nous a chassé de chez nous. On veut l'empêcher de s'en prendre à d'autres innocents. Tu peux... tu pourrais nous aider ?

Il ne répondit pas mais pencha la tête sur le côté, comme s'il se demandait comment. Elle s'empressa de répondre.

Si on pouvait juste monter sur vos dos. Tu vois le village de Pré-aux-lards ? C'est là où vous embarquez les élèves avec vos calèches. Vous pouvez nous y conduire ? Peut-être ?

Non.

Elle frémit et se mordit la lèvre. Le même mot, tranchant, menaçant.

Je ne sais pas si tu vois, poursuivit-elle sans se démonter, mais si on renverse Royle, on vous rendra votre maison. On vous aidera ! Comme il ne disait rien, elle continua vite : La forêt interdite est aux Centaures, aux Licornes, aux Sombrals et aux autres magnifiques créatures qui peuplent vos bois. Elle n'appartient pas à Royle, et encore moins à ses Détraqueurs. Une fois Royle renversé, Hagrid viendra vous chercher...

Enfin, il lui communiqua précipitamment un autre mot que « non » : Hagrid.

Hagrid ! répéta-t-elle prestement. Il est sympa, pas vrai ?

Oui.

Un nouveau mot. La conversation était de plus en plus intéressante et animée.

Vous voulez bien nous escorter ?

Pas moi.

Pourquoi pas toi ?

Fier.

Ça ne bafoue pas ta fierté de nous laisser monter sur ton dos et de t'envoler, si ?

Il ne répondit pas.

Tu vois.

Jamais un humain ne m'a approché.

Une phrase entière ! Quel progrès ! Déterminée, elle s'avança d'un pas et indiqua l'espace qui les séparait.

Je ne vais pas te faire de mal. J'ai déjà monté Shadow, et il se porte bien.

Shadow est trop téméraire.

Amical serait plus approprié !

Il se tut et elle poursuivit : sinon, appelle Shadow et je me contenterai de lui !

Un temps. Puis trois autres Sombrals sortirent de derrière un arbuste, suivis par Shadow : elle s'avança allègrement vers le grand cheval ailé et remarqua qu'il était légèrement plus petit que Lame. Elle caressa son museau, joyeuse de retrouver son ami.

Ça fait plaisir de te voir, Shad !

Ça fait plaisir aussi, Alizée ! Tu as à manger ?

Elle rit et le traita de goinfre, puis lui exposa sa requête. Il hocha vigoureusement la tête. D'accord ! Elle lui caressa doucement le cou, puis grimpa difficilement sur son dos – il était très, très imposant.

Venez ! Je vais vous présenter à mes amis. Tu nous suis, Lame ?

Il lui mit un énorme vent, mais elle était habituée. En plus, il lui emboîta le pas quand ils s'éloignèrent au pas vers le camp.

Lame, Shadow, Alizée et les trois autres créatures trottèrent jusqu'au milieu des tentes : elle entra dans celle des filles et avertit Kathy, avant d'aller chercher les garçons : tous les quatre sortirent dans la clairière, et Teddy et Kenric eurent un sourire en voyant les grandes créatures. Will et Kathy ne bougèrent pas – normal, vu qu'ils ne les voyaient pas.

- Quoi ? interrogea le garçon en scrutant vainement la clairière. Un autre Runespoor ?

- Des Sombrals, le contredit Kenric.

- Des Sombrals !? Ha ! Il y en a un, là, pas vrai ? J'ai-j'ai-j'ai vu un truc b-bouger !

La direction qu'il pointait était à un bon mètre des Sombrals. Il tendit la main devant lui et avança, puis il fit un bond en arrière brusquement alors qu'il n'avait rien touché du tout. Kenric et Teddy ne purent s'empêcher de rire et il les foudroya du regard avant de hurler en frôlant du bout du doigt le cou d'un Sombral, qui secoua la tête, indigné.

- Ça, balbutia-t-il, ça, c'en était un.

- Oui, et il est vexé, je crois, ajouta Alizée en souriant avant de s'approcher de Shadow pour le caresser.

- Pourquoi vexé ? Oh-oh... vu que je ne les vois pas, je n'ai pas...

- Tu n'as pas touché son derrière si c'est ce que tu veux savoir, grinça Kenric tandis que Teddy lui donnait une tape sur l'épaule, tous deux hilaires.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire ! s'exclama Will, horrifié, en le foudroyant du regard. Je voulais savoir si je ne lui avait pas fait mal.

- On va dire ça comme ça, siffla Kenric en souriant.

- Quel bébé ! s'énerva Kathy.

Elle le poussa pour passer devant eux, et vint se poster à côté de son amie, les yeux lançant des éclairs furieux. Alizée soupira : tantôt ils semblaient réconciliés, tantôt elle le traitait de bébé... ces deux-là étaient insupportables, mais elle ne savait pas comment arranger ça.

- Accio !

Les trois tentes se transformèrent en simples carrés de tissu et volèrent jusqu'à la jeune fille, qui les attrapa au vol et les fourra dans son sac à dos avant de monter à nouveau sur le dos de Shadow, après avoir gesticulé un moment pour finir par se faire léviter avec un sortilège : décidément, que feraient-ils sans magie ?

Elle adressa un coup d'œil à Kenric et Teddy qui s'empressèrent de grimper eux aussi sur un Sombral chacun. Will et Kathy, les voyant allègrement flotter en l'air après avoir agité bras et jambes comme des scarabées retournés, échangeaient à présent des regards incertains.

- Venez, les rassura Alizée. Ils ne mordent pas.

Lame et le deuxième Sombral leur jetaient des coups d'œil méfiants, et Teddy dut faire léviter Will pour qu'il se retrouve sur le dos de la créature : il hurla de surprise lorsqu'il se heurta à la peau lisse et pour lui invisible de l'animal, mais dès que Kathy s'approcha de Lame, l'animal reculait.

Tu ne veux pas ? interrogea-t-elle.

Humaine.

Je suis humaine aussi. Tu ne veux pas pour moi non plus ?

Aucun humain.

Très bien. Dans ce cas, on se débrouillera sans toi. Merci pour ton aide.

Sans répondre, il s'éloigna entre les arbres touffus et hauts de la forêt interdite, et Kathy continua d'avancer sans savoir qu'il était parti.

- Il ne veut pas, lui annonça Alizée.

- Génial, pesta Kathy en levant les yeux vers elle. Alors on fait quoi, Lizzie ? Je grimpe avec toi ?

Elle eut un soupir : Shadow était le plus petit des cinq Sombrals ; il ne pourrait pas la porter sur son dos, elle aussi. Pour cela il lui faudrait le plus grand des chevaux ailés, de façon à ce qu'il puisse les porter malgré leurs pattes frêles et fragiles.

- En fait non, avoua-t-elle d'une voix hésitante. Shadow est trop jeune pour ça. Il en faut un plus âgé.

- Très bien. Ted, ton Sombral est le plus grand des quatre, vu la hauteur à laquelle tu es. Alors je peux monter ?

- Euuuuhm...

Teddy adressa un coup d'œil à Kenric, qui hocha presque imperceptiblement la tête : aussitôt, grâce à son statut de métamorphomage, il grandit légèrement sur le Sombral qui protesta d'un cri indigné face à ce poids supplémentaire.

- Tu vois bien que je suis trop grand pour qu'il nous porte à deux.

- Tu l'as fait exprès ! se plaignit-elle. Pourquoi ?

- En tout cas, enchaîna aussitôt Teddy, tu ne peux pas venir sur le mien. Tu dois en prendre un autre. Lequel est le plus grand à part celui-ci ?

- C'est...

Elle regarda Will et s'aperçut soudain que le deuxième plus grand était celui de... Kenric ! Alizée ne put s'empêcher de rire : il s'était débrouillé pour qu'elle ne puisse pas grimper autre part que sur sa monture. En pestant contre le jeune homme, elle laissa à son amie le soin de la faire léviter jusque devant Kenric. Il passa ses bras autour d'elle mais elle répliqua :

- Bas-les-pattes, crétin !

Il sourit.

- Moi aussi je t'aime.

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HEYO!

Sorry.

Voilà le chapitre 6, je vous préviens tout de suite que la véritable action va commencer dans un chapitre, avec des attaques, des fuites et bla bla. Donc ne désespérez pas!

Bises!

Hermy