Chapitre 10

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À la lumière du jour, Lyssandra constata que le poignard que lui avait donné sa mystérieuse sauveuse était assez unique en son genre. Elle n'avait jamais vu un bois tel que celui avec lequel avait été fabriquée la lame. En le faisant miroiter sous un rayon de soleil, on pouvait distinguer des reflets rougeâtres. Mais le manche restait l'élément le plus intrigant. Son métal brillait d'un éclat époustouflant. La jeune fille avait presque peur de le ternir avec les traces de ses doigts. Ce à quoi elle n'avait pas fait attention la veille, c'était que les petites pierreries rouges formaient la lettre "E". Tout au bas de ce manche était sculpté un symbole. La Neutre ne l'avait jamais vu et elle avait beau l'examiner sous toutes les coutures, elle ne pouvait dire s'il ressemblait à quoi que ce soit. Peut-être à un autre "E" entrelacé dans un "C", mais cela lui semblait vraiment tiré par les cheveux...

Elle était bien embêtée sur un point : où cacher cet objet qui lui vaudrait un sort pire que la mort si une des vampires le découvrait ? Le problème, c'était que sa minuscule chambre ne comportait pas mille cachettes. De plus, elle s'imaginait qu'avant d'être transformées par Dame Miranda, Alisée et Kristal devaient certainement avoir occupé cette même chambre, même si cela était assez difficile à imaginer. On pouvait aisément penser qu'elles étaient au courant de toutes les cachettes possibles. Mais pourquoi viendraient-elles fouiller ? Elles n'ont aucune raison de soupçonner que je cache une arme capable de transpercer leurs jolis petits coeurs de pierre...

Une planche du parquet, près d'un des pieds du lit, se détachait et dévoilait une petite cavité. Lyssandra aurait pu opter pour cette cachette. Cependant, elle doutait d'être le premier génie à l'avoir découverte. Sous son matelas ? Trop cliché, puis il était tellement fin qu'elle ne voulait pas risquer de se transpercer le dos en dormant. Dans un des tiroirs de son petit bureau ou de son armoire ? Trop facile. Malheureusement, c'étaient les seuls meubles qui étaient à sa disposition. Restait sa petite salle de bains, si l'on pouvait vraiment désigner la pièce ainsi...

Adjacent à sa chambre, l'espace était juste suffisant pour y loger une vieille baignoire. Lyssandra devait se plier en quatre pour y rentrer et faire chauffer son eau dans une cheminée. La seule chose pouvant être intéressante afin de cacher le poignard était le seau servant à remplir la baignoire. Même si elle n'était pas une professionnelle, la Neutre se débrouillait plutôt bien avec un marteau. Si elle fabriquait un double fond, peut-être pourrait-elle y cacher ce qu'elle voulait.

En attendant, elle mis le poignard à l'abri sous la planche de parquet. Dame Miranda et ses filles n'allaient tout de même pas venir fouiller les lieux sans raison... Avec ta chance habituelle, prépare-toi à tout.

Lyssandra avait encore une bonne heure avant la tombée du jour et le réveil des vampires. Néanmoins, elle préféra descendre au salon afin de commencer à allumer toutes les chandelles... ce qui n'était pas une mince affaire. Elle s'était une fois amusée à les compter mais elle ne se souvenait plus du nombre exact. Environ soixante, rien que dans le salon. L'exercice réveillait les courbatures de son agression de la veille, que les Fortifiants n'avaient pu totalement effacer. Perchée sur son petit escabeau, elle en avait presque fini avec le lustre central quand une voix fluette manqua de la faire tomber à la renverse :

— Tu t'es renseignée pour mes perles ?

La Neutre se stabilisa sur sa marche avant de se tourner vers Kristal qui se tenait dans l'embrasure de la porte. Cette dernière n'avait pas pris la peine de s'habiller correctement, ayant juste revêtu sa chemise de nuit rose. Ses cheveux roux étaient en bataille et auraient vraiment eu besoin de rendre visite à une brosse. Ce n'était pas comme si la vampire n'avait que ça à faire...

— À moins d'une pièce d'or, tu n'auras que les plus petites, répondit Lyssandra assez sèchement en reprenant sa tâche.

Manipuler du feu si près de Kristal ne la rassurait pas, même si son "accident" avec la flamme qui s'était retrouvée contre son poignet remontait à cinq ans.

— Les plus petites ? s'exclama la petite fille assez bas pour ne pas être entendue par les autres. Alors laisse tomber. Ces loups-garous sont vraiment les rois des voleurs...

La Neutre ne répondit pas. Elle s'attendait à ce que la vampire remonte dans sa chambre mais au contraire, elle s'avança dans la pièce aux volets clos.

— Dis-moi, commença-t-elle en se triturant les mains, tu ne saurais pas pourquoi Dame Miranda t'a fait remettre une lettre au secrétaire particulier du Grand Alpha ?

— Si tu me demandes ce qu'elle lui a dit, je n'en ai aucune idée.

— Est-ce que cela concernait le roi des vampires ?

Lyssandra tourna la tête vers elle en fronçant les sourcils. Elle se demandait bien pourquoi Kristal était aussi curieuse.

— Je viens de te dire que je n'en savais rien. Qu'est-ce que le roi des vampires vient faire dans cette histoire ?

— Ne parle pas si fort ! persifla la rousse. Oublie tout ça. Ce ne sont pas tes affaires.

La jeune fille leva les yeux au ciel. La petite vampire avait vraiment le don de tout transformer en affaire d'État. Elle tourna les talons avant de faire volte-face juste avant de passer la porte.

— Si tu en apprends plus sur ce que trafique Dame Miranda, tu pourras me tenir au courant ? minauda-t-elle en battant des cils.

Stupéfaite, Lyssandra faillit en dégringoler de son escabeau. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi culotté

— Et en échange, tu me proposes quoi ? l'interrogea-t-elle en la regardant droit dans les yeux.

Elle ne savait pas exactement à quel jeu Kristal avait décidé de jouer, mais rien ne l'empêchait de se donner quelques cartes...

— Petite vicieuse ! s'outragea la vampire. Comme si tu étais en position de négocier...

Lyssandra haussa les épaules avant de se reconcentrer sur ses chandelles.

— Très bien, marmonna Kristal en croisant les bras. Je te prendrai un peu moins de sang que d'habitude ou... Je peux essayer de m'arranger avec Dame Miranda pour qu'elle aussi soit plus clémente avec toi.

— Comme si tu étais en position de négocier avec elle, fit la Neutre avec un sourire malicieux, reprenant ainsi ses mots.

La petite rousse poussa un soupir d'exaspération avant de partir à vitesse vampirique. Un léger rire échappa à la jeune fille. Elle descendit de son escabeau pour aller s'occuper du bougeoir en bronze qui servait à Alisée lorsqu'elle lisait. L'attitude de Kristal l'intriguait. Certes, ce n'était pas la première fois qu'elle se prenait le bec avec Dame Miranda, mais elle semblait être déterminée à... À quoi au juste ? Lyssandra n'était peut-être pas très intelligente, cependant elle eut vite fait de trouver un lien entre les petites questions que lui avait "innocemment" posées Kristal.

Et si elle cherchait à prouver aux vampires que Dame Miranda complotait avec les loups-garous ? Et si elle voulait la disgracier à jamais aux yeux des suceurs de sang en laissant entendre qu'elle avait livré au Grand Alpha des informations concernant le roi des vampires ? Ce dernier la ferait exécuter sans aucun doute. La parole d'une Neutre pathétique n'avait aucun poids face à celle de Dame Miranda, mais celle de Kristal... Elle n'aurait jamais le courage d'aller jusque-là, se raisonna Lyssandra. Cela fait des décennies que la vieille mégère les garde sous sa coupe. Ce n'est pas près de changer, surtout pour Kristal.

Lyssandra allait en direction de la cuisine pour grignoter un morceau de pain en guise de dîner lorsque des petits coups se firent entendre à la porte d'entrée du manoir. Le soleil n'était pas complètement couché, donc il s'agissait forcément d'un Neutre ou d'un loup-garou. Confortée par cette idée, elle partit ouvrir avant que le visiteur ne recommence à frapper. S'il réveillait Dame Miranda, il pouvait dire adieu à quelques centilitres de son sang...

— Bonjour ! s'exclama joyeusement un jeune homme quand elle entrouvrit la porte. Enfin, bonsoir plutôt.

Lyssandra avait l'impression de l'avoir déjà vu en quelque part, mais elle n'arrivait pas à retrouver où. Il était joufflu et avait un joli sourire. Ses cheveux noirs étaient coiffés d'un chapeau de paille. L'air était frais, pourtant il ne portait qu'une simple chemise blanche et un pantalon trop court. Son bracelet rouge indiquait qu'il était un loup-garou, plus précisément un Loup du Diamant d'après ses deux bagues aux pierres argentées.

— Est-ce que c'est bien ici que vit Alisée ? s'enquit-il en penchant la tête pour regarder derrière la Neutre.

Elle repéra alors le chariot en bois à côté de lui. Un livre et l'inscription "Gustave et fils" étaient gravés sur une plaque métallique vissée sur un côté. La lumière se fit alors dans son esprit et elle se souvint enfin du jeune homme. C'était le fils du libraire du village.

— Alisée n'est pas encore réveillée, répondit Lyssandra en désignant le soleil couchant d'un vague geste de la main. Je vais lui dire que vous êtes là, elle descendra quand même.

— Merci à vous, lui sourit-il en retirant son chapeau.

Machinalement, elle l'invita à entrer et il traîna son chariot dans le hall. Elle faillit se frapper la main contre le front en voyant la terre et les feuilles que les roues traînaient sur le parquet.

— Oh... Je suis vraiment désolé, je vous aiderai à passer un coup de balai avant de partir, grimaça-t-il en remarquant à son tour la saleté.

— Ne vous inquiétez pas, le rassura Lyssandra comme il avait l'air vraiment gêné. Je m'en sortirai...

Elle le dirigea vers le salon puis monta les escaliers jusqu'à l'étage des vampires. Elle frappa doucement à la porte d'Alisée, la première du couloir.

— Entre ! lui cria la vampire sans se préoccuper de réveiller toute la maisonnée.

La jeune fille s'exécuta et pénétra dans l'immense chambre qu'occupait Alisée. Cette dernière était attablée derrière sa coiffeuse, en train d'attacher ses cheveux frisés noirs en un chignon.

— Tu as besoin de moi ? demanda-t-elle en regardant Lyssandra dans le reflet de son miroir.

La chambre était si illuminée qu'on en oubliait que les volets étaient fermés. La lumière du jour était ce qui manquait le plus à Alisée. Elle le lui avait une fois confié, alors que la Neutre l'avait surprise à pleurer en silence, seule dans cette même pièce. À l'époque, Lyssandra n'avait que neuf ans et n'avait pas vraiment compris pourquoi Alisée se plaignait d'être une vampire. Après tout, comme le disait Dame Miranda, ce serait un privilège si elle lui accordait un jour le vampirisme...

— Le fils du libraire est en bas. Il a demandé si tu étais là.

— Mathys ? s'exclama Alisée en se tournant vivement. Mais qu'est-ce qu'il fait là ?

Lyssandra haussa les épaules. La vampire ne prit même pas la peine de vérifier son reflet dans le miroir et se leva en hâte. Elle suivit la Neutre jusqu'au salon où Mathys attendait. Le pauvre diable avait pris place au bord de la méridienne de Dame Miranda. Alisée le salua avec entrain.

— Qu'est-ce qui t'amène ? l'interrogea-t-elle avant de baisser les yeux vers le chariot garé en plein milieu de la pièce.

Si la vieille vampire descendait et voyait la terre étalée partout, elle allait piquer une crise mémorable.

— Je sais que vous, les vampires, devez limiter vos déplacements. Cela fait un moment que tu ne nous as pas commandé de nouveau livre et je me suis dit que tu devais être en manque. Alors si tu ne peux pas venir au village, c'est le village qui viendra à toi...

Il souleva la couverture qui recouvrait le chariot. Lyssandra s'avança discrètement et découvrit qu'il contenait une dizaine de livres. Alisée poussa une exclamation et porta une main à son coeur.

— Mathys... C'est... C'est incroyable, balbutia-t-elle en levant des yeux ébahis vers l'intéressé.

— Je t'ai sélectionné les nouveautés qui pourraient te plaire. Celui-ci est du même auteur que celui de la Trilogie des Âmes, fit-il en sortant un gros livre à la couverture bleue. Tu es en train de lire les deux derniers tomes, n'est-ce pas ? Je me souviens que vous êtes passée les lui prendre, il y a un peu plus d'une semaine, déclara-t-il en se tournant vers Lyssandra avec un sourire.

Celle-ci acquiesça. C'était le fameux jour où elle s'était retrouvée à quelques mètres d'un loup-garou sous sa forme animale... Et tu t'es carrément vautrée dans la boue devant lui.

Justement, il me reste encore une dizaine de chapitres de la Trilogie des Âmes, commença Alisée avec enthousiasme. Je ne suis vraiment pas prête à quitter cet univers alors j'essaie de ne pas aller trop vite. Si j'avais été à court de livres, j'aurais demandé à Lyssandra d'aller au village pour moi, mais c'est tellement gentil de ta part d'avoir fait ça...

Ils entamèrent alors une discussion animée sur la trilogie en question, que Mathys avait lue également. Les yeux de la magnifique jeune femme brillaient tandis qu'elle s'extasiait sur un des personnages qui semblait être la perfection incarnée. Le fils du libraire était en admiration devant la vampire. Qui ne l'aurait pas été devant ses grands yeux rieurs, ses mains délicates qui se mouvaient avec grâce ?

Lyssandra devinait que c'était l'un des avantages d'être aussi belle. On était prêt à traverser toute une forêt en traînant un lourd chariot rempli de livres rien que pour vous. Certes, Mathys pouvait avoir envie de rendre service à celle qui devait être sa plus fidèle cliente, mais les regards ardents dont il couvrait Alisée laissaient peu de place au doute...

— Il fait tout ça et il ne pourra même pas entrevoir la couleur de sa chambre, susurra Dame Miranda à quelques centimètres de Lyssandra.

La Neutre sursauta, ne l'ayant point entendue arriver. Elle se tenait près de la porte et la vampire s'était glissé juste à côté d'elle. Alisée et Mathys étaient bien trop absorbés dans leur conversation pour faire attention à elles.

— Alisée a couché avec son grand-père quand il avait son âge, murmura Dame Miranda en souriant malicieusement. Elle aurait bien trop de scrupules à remettre le couvert avec le petit-fils...

Lyssandra blêmit. Connaître plusieurs générations d'une même famille tout en gardant une beauté éternelle devait certainement amener ce genre de problème mais... cela restait quand même très dérangeant.

D'ailleurs, pourquoi Dame Miranda lui racontait tout ça ?

Au moment même où cette question lui traversa l'esprit, la vampire se saisit brusquement de son poignet. Elle croqua dedans comme on le ferait d'une pomme et le cri de Lyssandra resta bloqué dans sa gorge. La douleur se répandit comme une décharge dans tout son bras.

— Ça, c'est pour avoir fait rentrer un loup-garou dans ma demeure sans me prévenir, persifla Dame Miranda en relevant la tête, un filet de sang coulant sur son menton.

Elle tenait toujours le bras de Lyssandra entre ses doigts. La Neutre se débattit mais autant chercher à se libérer d'un étau. Mathys et Alisée avaient le dos tourné et ne remarquaient rien de la scène, occupés à rire gaiement. La jeune fille aurait pu les appeler mais Dame Miranda n'aurait fait que se venger encore plus méchamment une fois le loup-garou parti. La femme revint à la charge et planta une deuxième fois ses canines, juste au-dessus des deux trous qu'elle avait déjà creusés.

— Et ça, c'est pour l'avoir laissé salir le plancher, conclut-elle en s'essuyant avec son mouchoir en tissu blanc.

Elle s'éloigna de quelques pas tandis que Lyssandra appuyait ses blessures contre sa robe.

— Tu nettoieras le moindre grain de terre dès qu'il sera parti, la somma Dame Miranda. Ne vas pas dormir avant que tout soit impeccable. Je veux pouvoir voir mon reflet sur le parquet...

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