Chapitre 9

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Lyssandra s'était déjà faite mordre au cou. Plusieurs fois. Dame Miranda et ses filles ne s'en étaient pas privées. Cela n'empêcha pas la jeune fille d'être stupéfiée par l'atroce douleur. Elle essaya de se débattre, mais le vampire la plaquait avec force contre le mur d'un bâtiment. Elle sentait son propre sang chaud dégouliner le long de son cou. En plus ce connard s'y prend comme un cochon, eut-elle le temps de penser.

Elle tenta de lui envoyer un coup de pied et entendit son agresseur pousser un gémissement rauque avant de s'affaler sur le sol. Les yeux écarquillés, la Neutre crut qu'un miracle s'était produit et qu'elle avait réussi à l'atteindre. Puis elle distingua dans la pénombre une silhouette encapuchonnée qui maintenait une arme enfoncée dans le corps du buveur de sang.

— Tu tiens vraiment à retourner sur ta Terre des Vampires ? fit une voix féminine, l'air menaçant.

Elle avait le dur accent caractéristique de la Terre des Loups du Rubis, faisant rouler les "r" et transformant les "u" en "ou". Seuls les natifs des villages les plus reculés parlaient ainsi. Lyssandra ne parvenait pas à voir le visage de sa sauveuse. Tout semblait flou autour d'elle, tout tournait pareil à si elle était prise dans une tempête.

— Je peux toucher deux mots de ton cas à ton roi et à ta princesse, persifla la femme. Je suis sûre qu'ils seraient ravis de te revoir...

Tandis qu'elle pressait sa main contre son cou d'où s'écoulaient toujours deux filets de sang, la Neutre entendit le vampire ricaner entre deux gémissements.

— Et moi je suis certain que tu as plus peur de mon roi et de ma princesse que moi, fanfaronna-t-il.

La femme dut enfoncer son arme encore plus profondément car il se mit à hurler. Elle retira ensuite son capuchon d'un geste vif. Lyssandra ne vit pas son visage mais il sembla faire un certain effet au vampire qui s'écria d'une voix aigüe ridicule :

— Veuillez m'excuser, je vous en prie ! Laissez-moi partir, je ne recommencerai pas, je vous le promets. Par pitié, ne parlez pas de moi au roi...

Son assaillante relâcha sa prise et il se releva tant bien que mal avant de fuir à vitesse vampirique. Le silence revint dans la ruelle et Lyssandra dut faire tous les efforts possibles pour ne pas se laisser glisser contre le mur et s'effondrer à terre. À travers ses yeux mi-clos, elle vit la femme s'approcher d'elle doucement.

— Vous avez des Fortifiants sur vous ? demanda-t-elle de sa voix rauque.

La Neutre hocha la tête et la femme entreprit de fouiller dans ses poches. Quand enfin elle trouva la précieuse boîte, elle lui présenta trois pilules devant les lèvres. Dès que leurs effets commencèrent à se propager dans le corps de la jeune fille, elle discerna plus nettement les traits de celle qui lui faisait face.

La femme devait avoir une cinquantaine d'années et sa beauté aurait sérieusement pu concurrencer celle d'Alisée. La lumière d'une lanterne voisine se reflétait sur ses cheveux noirs comme l'ébène et faisait étinceler ses grands yeux marron. Sa peau était cuivrée, typique de la Terre du Rubis. Une longue cicatrice barrait entièrement sa joue droite mais n'entachait en rien l'harmonie de ses traits. Son poignet était caché par les manches d'un ample manteau sombre, donc impossible de voir la couleur de son bracelet. Lyssandra était pourtant persuadée qu'il ne s'agissait pas d'une Neutre.

— Vous allez mieux ? s'inquiéta la femme. Que faites-vous à cette heure-ci, toute seule dans les rues ?

— Je... Ma propriétaire m'avait envoyé remettre une lettre à...

Elle secoua la tête pour remettre de l'ordre dans ses idées. Elle n'arrivait même pas à se souvenir du nom du secrétaire particulier du Grand Alpha. Évidemment, puisque tu ne connais pas son nom, espèce de gourde. Tout le monde l'appelle le secrétaire particulier du Grand Toutou.

Vous m'avez sauvée, déclara-t-elle en cherchant vainement à tenir debout sans le mur. Je vous remercie, je ne...

Lyssandra prit alors conscience qu'elle aurait vraiment été embêtée de mourir dans cette ruelle. Elle qui pensait que la mort serait une de ses uniques possibilités pour échapper à Dame Miranda, voilà qu'elle se surprenait à regretter la vie... Certes, le vampire ne l'aurait peut-être pas tuée, mais elle avait tout de même frisé sa tombe de près.

— Ne me remerciez pas, affirma la femme avec sérieux. Ces sauvages sont tous les mêmes.

Elle marmonna autre chose que la jeune fille ne comprit pas. En tout cas, elle ne semblait pas vraiment porter les créatures sanguinaires dans son coeur.

— Où habitez-vous ? Je vais vous raccompagner, vous ne pouvez pas rester seule, surtout avec tout ce sang sur vous. Vous allez les attirer comme des rats.

La Neutre baissa les yeux vers sa cape et sa robe et constata qu'elles semblaient avoir servi à nettoyer une boucherie. Les pavés aussi étaient tâchés de liquide rouge... mais sans doute était-ce davantage celui du vampire.

— Je vis dans une forêt proche du village, mais le manoir de ma propriétaire est assez enfoncé dans les bois. Il faut un bon moment pour y aller. C'est très gentil à vous mais j'ai l'habitude de...

— N'y pensez même pas, la coupa fermement sa sauveuse. Vous ne pouvez pas faire tout ce chemin dans cet état. Je connais des gens qui pourront vous héberger pour la nuit, vous rentrerez chez vous demain.

— Il faut vraiment que je rentre. Ma propriétaire m'a laissé le droit de rentrer en retard mais cela ne veut pas dire que je dois dormir au village.

La femme hésita puis poussa un long soupir. Elle rabattit son capuchon sur sa tête mais Lyssandra pouvait toujours voir son sublime visage.

— Je vais au moins rester avec vous jusqu'à la sortie du village. Vous n'avez qu'à déposer un peu de ceci sur vos vêtements, histoire que l'on ne sente plus l'odeur du sang.

Elle sortit un tout petit flacon d'une des poches de son manteau. La Neutre s'exécuta et un parfum étrange se répandit autour d'elle. Comme une odeur de feu de bois. On aurait dit qu'elle avait dormi près d'une cheminée. Lyssandra leva un regard intrigué vers la femme mais cette dernière haussa simplement les épaules. Elle s'assura que la jeune fille arrivait à faire deux pas sans vaciller, puis elles partirent vers l'allée principale.

Les exposants du marché avaient tous plié bagage mais certaines boutiques restaient ouvertes. En général, elles servaient aux vampires des environs, mais cette nuit-là, pas un seul buveur de sang ne flânait devant les vitrines. Lyssandra avait vraiment eu la malchance de tomber sur le seul vampire qui était sorti de chez lui...

Son accompagnatrice s'était entièrement dissimulée sous sa large cape et semblait faire des efforts pour adapter sa vive allure à celle de la Neutre. Ce n'est que lorsqu'elles arrivèrent près des premiers sentiers de la forêt qu'elle se détendit et releva son capuchon au-dessus de son front. Elle souleva ensuite le bas de sa robe et se pencha vers l'une de ses bottes. Seule la faible lueur du croissant de lune les éclairait et Lyssandra crut halluciner en découvrant l'objet qu'elle lui tendait.

— Visez juste en dessous du cœur. Cela ne les tue pas mais ça leur fait suffisamment mal pour qu'ils s'en souviennent...

C'était un petit poignard en bois. Son bout était très pointu et son manche métallique fort bien travaillé était serti de minuscules pierres. Qui se baladait avec une arme de la sorte cachée dans sa botte ? La Neutre remarqua soudain la bague que portait la femme à l'annulaire. L'anneau était doré et surmonté d'une pierre dont elle ne put discerner la couleur. À leur naissance, tous les loups-garous recevaient deux bagues, dont la pierre correspondait à celle associée à leur meute. Après leur première mutation, ils devaient en permanence porter ces bagues, une à chaque main, afin que l'on puisse identifier à quelle meute ils appartenaient. Lyssandra croyait savoir que les bagues avaient d'autres subtilités, mais elle n'en connaissait pas la teneur.

— À quelle adresse devrais-je vous le rapporter ? s'enquit-elle en se saisissant du poignard avec précaution.

C'était bien la première fois qu'elle tenait en main une telle arme. L'objet était très léger et le manche s'accordait parfaitement avec ses doigts fins. Elle était cependant persuadée que si elle devait faire face à un vampire, elle préfèrerait prendre ses jambes à son cou plutôt que de se risquer à approcher son ennemi d'assez près pour lui planter la lame sous le coeur.

— Vous pouvez le garder, fit la femme en partant d'un léger rire. J'en porte déjà cinq et j'en ai toute une collection chez moi. Croyez-le ou non, mais je pourrais armer tout le village, si ce n'est toute la Terre des Loups du Diamant...

Les rouages de l'esprit de Lyssandra se bloquèrent. Et si... Et si c'était une véritable Chasseuse de vampires ? Cela faisait des décennies que l'on n'avait pas entendu parler des Chasseurs. Il s'agissait de loups-garous entraînés depuis l'enfance pour tuer les vampires. La rumeur courait que certains subsistaient au nord, au fin fond des montagnes et des forêts enneigées de la Terre de l'Émeraude.

— Vous êtes sûre que vous ne voulez pas que je vous accompagne ? reproposa la louve en plissant les yeux vers les sentiers sombres qui attendaient Lyssandra.

Cette dernière hocha la tête et avant qu'elle ait pu formuler son improbable question, la femme lui souhaita bon courage, recouvrit son visage du capuchon, puis repartit vers le village. Elle se déplaçait si vite et sans faire le moindre bruit qu'elle se fondait dans le décor. Cela ne fit que renfoncer les soupçons de la jeune fille. Ce n'était pas à la portée de tout le monde d'approcher un vampire sans se faire repérer puis de lui enfoncer une dague au bon endroit.

La Neutre y songea tout le long du trajet jusqu'au manoir. Au fond, cela lui permettait de fixer ses pensées sur quelque chose et de ne pas sursauter au moindre bruit suspect... ce dont la forêt ne manquait pas. Des branches craquaient, des hiboux hululaient, des choses semblaient tomber des arbres... Le grincement du portail finit de faire frissonner Lyssandra qui malgré sa fatigue, courait presque pour atteindre le perron du manoir, même si d'autres monstres l'y attendaient.

La porte d'entrée était verrouillée et elle dut frapper un bon moment avant qu'une des trois pimbêches ne daigne venir. C'est finalement Alisée qui lui ouvrit, l'air blasée. Lyssandra s'avança dans le hall éclairé par quelques chandelles et la vampire étouffa un cri.

— Mais que t'est-il arrivé ? s'écria-t-elle en faisant mine d'approcher une main de la nouvelle arrivée. Ton cou... Tes vêtements...

La Neutre imaginait sans mal qu'elle devait faire peur à voir.

— Un vampire m'a attaquée, au village. Il m'a sauté dessus mais une femme m'a aidée.

La magnifique jeune femme écarquilla encore plus les yeux et cette fois, examina la blessure de Lyssandra de plus près. Les Fortifiants avaient parfaitement fait leur effet et il restait juste deux petites cicatrices et d'impressionnantes traces de sang séché.

— Qui est celle qui t'a sauvée ? demanda Alisée, son front plissé d'inquiétude.

Lyssandra ne comprenait pas vraiment pourquoi elle se mettait dans cet état. Généralement, c'était Dame Miranda qui devenait folle chaque fois qu'il lui arrivait quelque chose, de peur que quelqu'un d'autre qu'elle ait pu tuer sa Neutre. Si Alisée se souciait véritablement de son bien-être, elle aurait pu commencer par lui trouver un moyen de quitter ce manoir pour toujours...

— Une loup-garou. Elle ne m'a pas dit son nom mais elle est assez douée avec un poignard en bois...

La jeune fille n'avait qu'une hâte : se laisser tomber dans son lit. Elle n'avait guère envie de répondre à un nouvel interrogatoire de Dame Miranda alors elle confia à Alisée la lettre qu'avait écrite le secrétaire particulier du Grand Alpha. Elle n'avait pas monté deux marches qu'une voix grave lui parvint depuis le salon :

— Viens ici. Tout de suite.

Serrant les poings, elle obéit, Alisée sur les talons. Dame Miranda était installée avec grâce sur sa méridienne. Elle toisa Lyssandra un moment mais ne demanda aucune explication. Elle avait certainement entendu sa conversation avec sa fille. La Neutre remarqua que Kristal n'était pas présente. Elle n'avait toujours pas fini de bouder.

— Que t'a dit le secrétaire particulier du Grand Alpha ? s'enquit la vieille vampire.

— Il vous a écrit cette lettre. Et il m'a dit d'ajouter que le Grand Alpha et sa famille vous seront sûrement reconnaissants pour vos informations.

Elle ne savait plus exactement s'il avait employé ces termes. Il lui semblait que cela remontait à des lustres. Ne plus jamais se faire mordre au cou par un vampire. Ne plus jamais se faire mordre tout court d'ailleurs, mais cela risque d'être assez compliqué...

Dame Miranda lut attentivement la lettre que lui donna Alisée. Son contenu sembla la contenter car un sourire satisfait se peignit sur son visage. Elle replia la feuille soigneusement puis leva la tête vers Lyssandra en fronçant le nez.

— Pourquoi sens-tu cette odeur étrange ? Tu as sauté dans un incendie ou quoi ?

— C'était pour camoufler les effluves du sang, rétorqua la Neutre, à bout de patience. La femme qui m'a sauvée avait un petit flacon de ce parfum.

Alisée haussa les sourcils tandis que l'autre resta impassible. Tout à coup, elle se souvint qu'elle avait une dague en bois dans la poche de sa robe. Si les vampires découvraient qu'elle possédait une telle arme, elle pouvait prévoir une douzaine de boîtes de Fortifiants... Une Neutre sage et obéissante aurait donné le poignard ou mieux, l'aurait jeté dans le feu qui crépitait dans la cheminée. Lyssandra n'en fit rien.

— Monte dans ta chambre et débarasses-toi de cette affreuse odeur, lui ordonna Dame Miranda en affichant un air dégoûté. On dirait que tu t'es roulée dans la cendre.

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