Chapitre 23

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Lyssandra se demandait vraiment ce qui lui était passé par la tête. Elle avait récemment pris conscience qu'elle ne pouvait pas aller à la soirée dans ses horribles robes ternes qu'elle mettait tous les jours. Comme elle n'avait pas assez d'argent pour s'en acheter une nouvelle — et qu'il était hors de question d'en parler à Hilda ou Julian — une folle idée lui était venue à l'esprit : utiliser l'affreux vêtement raté de Kristal.

Effectivement, la vampire le lui avait confié, n'ayant pas le coeur de le découdre elle-même. Sauf que la jeune fille l'avait complètement oublié et qu'il était sagement resté dans son placard. En l'examinant de plus près, elle avait songé qu'avec quelques gros arrangements, elle pouvait en tirer une robe à sa taille. Elle était habituée à rafistoler ses vieux vêtements, mais c'était bien la première fois qu'elle devait effectuer un tel ouvrage.

De la dentelle était éparpillée partout dans sa chambre. Lyssandra avait décidé d'en retirer sur le bustier pour en rajouter au bas des jupons, de façon à rallonger la robe de quelques centimètres. Par chance, Kristal n'était pas tellement moins grosse qu'elle. Il faudrait quelques ajustements au niveau de la taille, mais la Neutre voulait s'en croire capable. Elle devait au moins avoir une tenue décente... à défaut de sa bague.

Lyssandra avait beau tourner et retourner dans tous les sens les paroles d'Alisée, elle ne parvenait pas à y trouver une logique. Comment pouvait-elle déjà posséder sa bague, alors qu'elle n'avait rien ? Juste après cette révélation, elle s'était empressée de questionner la vampire, mais cette dernière s'était simplement contentée de sourire malicieusement. Peu de temps après, Dame Miranda et Kristal étaient rentrées du village et la jeune fille avait dû regagner sa chambre à contrecoeur.

Depuis, elle n'avait pas eu l'occasion de se retrouver seule avec Alisée. Plus les jours passaient, plus un étouffant sentiment d'appréhension grandissait en elle. Elle ne maîtrisait pas du tout la situation. Il lui était impossible d'imaginer ce à quoi allait ressembler la prochaine pleine lune. Des milliers de questions se succédaient dans son esprit, l'empêchant parfois de trouver le sommeil. Et si le Grand Alpha ne me choisit pas ? Et si je croise Dame Miranda lors de la soirée ? Et si les vampires décident de rentrer plus tôt au manoir et qu'elles ne me trouvent pas ? Toutes ces éventualités menaçaient de la rendre folle.

Au moins, se concentrer sur sa couture lui permettait de ne penser à rien d'autre. Il lui arrivait de se piquer accidentellement avec son aiguille, ce qui l'empêchait de laisser ses pensées divaguer. Elle allait s'attaquer à changer les lacets trop courts du corsage, quand elle entendit qu'on essayait d'ouvrir la porte de sa chambre.

— Tu sais très bien que ta porte ne doit jamais être verrouillée ! s'agaça Kristal depuis l'autre côté.

Lyssandra retint son souffle. Si la vampire entrait et qu'elle voyait les bouts de tissus dispersés dans chaque recoin... Elle peut toujours croire que je ne fais que découdre gentiment son hideuse robe, pensa-t-elle en misant tous ses jetons sur cette idée.

— J'arrive, grommela-t-elle tandis qu'elle rangeait en toute hâte son ouvrage dans son placard.

Lorsqu'elle ouvrit à la petite rousse, celle-ci entra dans la pièce en la bousculant... avant de pousser un glapissement et de faire aussitôt demi-tour à vitesse vampirique.

— Les volets ! s'écria-t-elle d'une voix aigüe hystérique. Ferme-les tout de suite !

Avec un petit rire, la Neutre s'exécuta. Le soleil s'était allié à elle pour jouer un vilain tour à la buveuse de sang. Kristal revint finalement avec précaution dans la pièce plongée dans l'obscurité.

— Tu l'as fait exprès ! s'exclama-t-elle, outrée. J'aurais pu brûler vive !

— Mais tu es toujours parmi nous, rétorqua la jeune fille avec malice tout en allumant des bougies.

La vampire lâcha un soupir d'exaspération et leva les yeux au ciel.

— Qu'est-ce que tu veux ? lui demanda Lyssandra pour aller droit au but. Il n'est même pas quatorze heures, tu as déjà faim ?

— J'ai besoin de toi ce soir. Je veux aller au village, sauf que Dame Miranda et Alisée n'en ont pas vraiment envie. Il me faut donc un cocher.

— Tu ne peux pas prendre les rênes toi-même ? fit la Neutre sans dissimuler son manque d'enthousiasme.

Elle n'avait pas du tout envie d'aller au village la nuit prochaine. Cela n'arrangeait point ses affaires que Dame Miranda reste au manoir, surtout qu'elle n'avait toujours pas réussi à ouvrir la mystérieuse trappe derrière le miroir. Même en triturant la minuscule serrure avec l'épingle à cheveux d'Alisée, elle n'était pas parvenue à la déverrouiller. Avec le peu de temps qu'il lui restait avant la Nuit des Bagues, elle ne pouvait pas se permettre d'en perdre en jouant les chaperons pour Kristal.

— Je veux que tu viennes avec moi, insista cette dernière en croisant les bras sur sa poitrine, décidée. Je ne peux pas aller au village seule tout de même !

— Je te rappelle que de nous deux, c'est toi la vampire immortelle.

La petite fille semblait prête à taper du pied.

— Quant à moi, je te rappelle que de nous deux, c'est toi la Neutre insignifiante censée obéir au moindre de mes ordres. Nous irons au village ce soir, point final.

Elle se dirigea vers la porte avec vivacité, ne laissant aucune chance à Lyssandra de riposter.

— Nous partirons immédiatement après le coucher du soleil. Il faut que nous soyons arrivées le plus tôt possible.

C'est ainsi que dès la nuit tombée, la jeune fille se retrouva aux commandes de Galbot, attelé au petit carrosse. Le cheval n'appréciait pas vraiment de servir de moyen de traction et était encore plus capricieux que d'habitude. Lyssandra était bien contente d'être assise sur le siège du cocher où elle ne risquait pas d'être victime des petites ruades du canasson. Cependant, elle n'appréciait pas vraiment de faire le trajet de nuit. Les arbres qu'elle trouvait d'ordinaire si beaux et si rassurants lui paraissaient menaçants. C'était comme si elle sentait que les vampires étaient de nouveau en vadrouille et rodaient dans les parages.

Comme Galbot avançait au petit trot, terrorisé par Kristal qui ne cessait de montrer sa tête à la fenêtre du carrosse pour lui ordonner d'aller plus vite, les deux voyageuses arrivèrent au village en assez peu de temps. De nuit, l'allée principale n'avait rien à voir avec celle à laquelle Lyssandra était habituée. Seuls quelques loups-garous osaient ouvrir leurs boutiques et la plupart des magasins tenus par des vampires se trouvaient dans des rues plus éloignées. Les buveurs de sang se faisaient rares, à la grande surprise de la Neutre. Elle s'était attendue à ce qu'ils aient entièrement repris leur activité normale, or une certaine tension semblait encore les animer.

La jeune fille allait s'engager dans l'allée avec le carrosse, mais depuis l'intérieur, Kristal ouvrit le petit cadran lui permettant de communiquer avec la cochère.

— Je dois faire une course dans l'Ancien Quartier, indiqua-t-elle d'une voix ferme. On se fera trop remarquer si on bloque la circulation. Laisse le carrosse et Galbot auprès d'un gardien.

À l'entrée du village se trouvaient effectivement des Neutres chargés de garder les véhicules de ceux qui ne voulaient pas arpenter les rues avec. Ils se faisaient plus rares de nuit que de jour, mais Lyssandra ne tarda pas à en trouver un. Kristal descendit du carrosse avec empressement et se dirigea vers l'allée principale sans attendre la jeune fille qui remerciait le gardien.

— Nous n'avons pas de temps à perdre auprès d'un misérable Neutre, gronda la petite rousse une fois que sa compagne de voyage l'eut rattrapée.

— Détends-toi, fit Lyssandra en reprenant son souffle. Tes si précieuses robes ne vont pas s'envoler...

La vampire avançait vraiment vite, d'une démarche qui ne lui ressemblait pas. Elle qui prenait toujours garde à afficher des manières de grande dame en public, voilà qu'elle marchait d'un pas vif peu élégant, faisant échapper des mèches de sa coiffure.

— Nous n'allons pas faire les magasins, murmura-t-elle une fois qu'elles arrivèrent aux abords de l'Ancien Quartier.

Elle s'arrêta et vérifia qu'elles étaient seules, avant de regarder la Neutre droit dans les yeux et de lui lancer avec gravité :

— Tu sais où vit le secrétaire particulier du Grand Alpha, n'est-ce pas ?

Sous le choc, Lyssandra ne répondit pas tout de suite. Comment aurait-elle pu l'oublier sachant qu'après sa visite pour lui remettre une lettre de Dame Miranda, elle s'était faite attaquer par un vampire ? Heureusement qu'une louve plutôt douée avec un poignard l'avait sauvée...

— Qu'est-ce que tu veux faire chez le secrétaire du Grand Alpha ? demanda la jeune fille, les sourcils froncés. Il doit sûrement dormir, à cette heure-ci.

— Je ne te dois pas d'explications, répliqua Kristal avec un grand sérieux. Contente-toi de me mener à son domicile.

Sachant qu'elle n'avait pas vraiment le choix, la Neutre s'engagea dans les ruelles étroites et la petite fille lui emboîta le pas. À un moment, il lui sembla passer à l'endroit exact où elle s'était faite agressée. Elle n'en était pas certaine, mais prit tout de même la peine d'accélérer. Même si elle n'était pas seule, Lyssandra n'avait pas très envie de traîner dans les parages...

Dès qu'elle s'arrêta devant la luxueuse demeure du secrétaire particulier, Kristal arrangea ses cheveux quelque peu en bataille après cette marche active, puis sortit un poudrier de son petit sac noir. Tandis qu'elle se poudrait les joues, la jeune fille remarqua un détail auquel elle n'avait pas prêté attention : la vampire était vêtue d'une robe sombre très austère. D'ordinaire, la rousse ne portait que du rose ou des couleurs vives. Qu'est-ce qu'elle peut bien avoir derrière la tête ?

— Surtout, tu ne prononces pas un seul mot, la prévint Kristal avec un regard glacial qui dissuada la Neutre de poser la moindre question. Sauf si je t'y autorise.

Lyssandra comprit que si elle dérogeait à cette règle, la vampire ne se contenterait pas de la mordre un peu plus méchamment que d'habitude... Elle hocha la tête et observa sa jeune maîtresse frapper trois grands coups à la large porte d'entrée. Les martèlements résonnèrent dans la rue silencieuse. Étonnamment, le même valet qui avait froidement accueilli la Neutre lors de sa première visite vint ouvrir sans tarder.

Qui êtes-vous ? fit-il de son air pincé en baissant immédiatement les yeux vers les poignets de ses deux visiteuses, comme il l'avait fait la dernière fois.

Il dévisagea Lyssandra comme s'il cherchait à se souvenir d'elle, mais elle perdit toute son attention à l'instant même où il vit le bracelet noir de Kristal. Il plissa les yeux et referma la porte de quelques bons centimètres, sans chercher à dissimuler son geste.

— Bonsoir, déclara la petite rousse en le toisant avec hauteur. Je souhaiterais m'entretenir avec monsieur le secrétaire particulier du Grand Alpha.

— Vous n'avez toujours pas répondu à ma question, rétorqua le valet, imperturbable.

Les yeux verts de la petite rousse pétillèrent et elle redressa la tête avec fierté.

— Je suis Dame Miranda, annonça-t-elle sans pouvoir retenir un sourire étincelant. Je vous ai envoyé ma Neutre il y a environ deux semaines, afin de vous transmettre des informations de la plus haute importance.

Lyssandra en resta estomaquée. Était-elle vraiment en train... de se faire passer pour Dame Miranda ? Déjà qu'elle n'était pas très saine d'esprit, voilà que sa folie semblait dépasser toutes les limites. La jeune fille s'attendit à ce que le valet les congédie sèchement, au lieu de quoi l'expression de son visage changea du tout au tout. Il passa de l'aversion à une certaine forme d'admiration qui cloua la Neutre sur place.

— Si vous voulez bien vous donner la peine d'entrer, minauda-t-il en ouvrant la porte en grand. Je vais de ce pas informer monsieur le secrétaire particulier du Grand Alpha de votre présence.

Kristal lui répondit par un sourire pincé, comme si elle se forçait pour lui accorder son attention. Elle jouait son rôle à la perfection, mais Lyssandra ne parvenait toujours pas à comprendre ses intentions. Comme elles patientaient seules dans le vestibule surchargé de bibelots, elle tenta d'interroger la vampire du regard. L'intéressée l'ignora royalement tout en réajustant ses gants en dentelle noire qui remontaient jusqu'à ses coudes.

— Monsieur le secrétaire particulier du Grand Alpha est prêt à vous accueillir, déclara le valet en revenant dans la pièce.

Il les guida jusqu'au bureau où Lyssandra s'était déjà rendue. Elle s'attendait à trouver le secrétaire en tenue de nuit, sauf qu'il était vêtu de ses riches habits de ville. Même ses cheveux gris étaient impeccablement coiffés. En voyant entrer Kristal, il se leva vivement de sa chaise, pareil à s'il accueillait une invitée de marque.

— C'est un honneur de vous recevoir, Dame Miranda, dit-il en inclinant la tête en signe de respect. J'espérais avoir un jour l'occasion de vous remercier en personne pour l'aide que vous avez apportée à mon Grand Alpha.

La Neutre remarqua que derrière ces manières courtoises, il paraissait nerveux. Ses doigts s'agitaient sur le bois de son bureau, et son regard fixait la prétendue Dame Miranda comme s'il essayait de percer à jour la raison de sa venue. Il n'avait pas vraiment l'air d'avoir souhaité cette rencontre autant qu'il voulait le faire croire.

— C'est moi qui suis enchantée d'enfin faire votre connaissance, minauda Kristal en s'installant sur le siège que lui présentait le loup-garou. Vous vous souvenez certainement de ma Neutre, Lyssandra ? Si vous l'avez oubliée, je ne peux vous en tenir rigueur. Ce n'est pas comme si elle était inoubliable...

L'intéressée avait très envie de révéler au secrétaire particulier l'imposture dont il était victime, mais une part d'elle brûlait de découvrir la raison des agissements de la vampire. Se tenant en retrait, à l'arrière de la chaise de Kristal, elle suivit l'échange avec la plus grande attention.

— Je me souviens bien de vous, déclara le secrétaire en tournant brièvement les yeux dans sa direction avant de se reconcentrer sur son invitée. J'espère que vous avez reçu votre invitation pour la Nuit des Bagues. Le Grand Alpha s'est fait une joie de vous ajouter sur la liste des invités.

Il avait beau user de son plus large sourire, la Neutre saisissait parfaitement qu'il mentait. Quelque chose lui disait que le dirigeant des loups-garous aurait préféré laisser Dame Miranda dans son manoir reculé...

— Je vous remercie pour cette délicate attention, répondit l'usurpatrice en portant une main à son coeur. J'aurais aimé venir vous rendre visite plus tôt, mais vous comprendrez bien qu'en tant que vampire, je ne me sentais pas sereine à l'idée de mettre les pieds au village...

Lyssandra se demanda si la petite rousse avait déjà connu une carrière de comédienne. Son talent méritait vraiment d'être exposé au monde entier. Pendant un long moment, le lycanthrope et elle discutèrent de sujets banals sans la moindre importance. La Neutre commençait à croire que Kristal s'était déguisée en Dame Miranda simplement pour mettre du piment dans sa morne vie, lorsqu'elle changea assez brusquement l'objet de la discussion :

— À propos de la Nuit des Bagues, commença-t-elle d'une voix doucereuse, j'avais espéré que le Grand Alpha consentirait à accorder une danse à l'une de mes deux filles adoptives. Je dois admettre que la plus vieille, Alisée, est tout juste passable, mais ma petite Kristal possède un charme que l'on dit renversant...

Lyssandra faillit en tomber sur les fesses. Elle fait vraiment tout cela rien que pour... obtenir une danse avec le Grand Alpha ? Elle avait beau savoir que la vampire pouvait avoir un comportement digne d'une gamine, il lui était difficile de croire qu'elle soit tombée aussi bas. Le secrétaire particulier sembla lui aussi assez déboussolé par cette requête.

— Je... J'imagine que c'est là un bien faible prix à payer pour vos précieuses informations, balbutia-t-il en passant une main dans ses cheveux gris. Je ne sais pas si le Grand Alpha en personne acceptera de danser, mais soyez sûre qu'après l'aide que vous avez apportée à son fils, celui-ci se fera un plaisir de tenir compagnie à vos charmantes filles.

— Eh bien je suis très contente d'avoir pu aider son fils, déclara Kristal d'un ton un peu hésitant, mais je ne comprends...

— Oh c'est vrai, l'interrompit le secrétaire en blêmissant, comme s'il prenait conscience de l'impair qu'il venait de commettre. Vous n'étiez pas précisément au courant pour Marcus.

C'est alors que la jeune fille comprit les réelles motivations de la vampire : découvrir quelles informations Dame Miranda avait transmises dans sa lettre. Mais ses pensées étaient trop bouleversées par une autre révélation. Si elle n'était pas folle et qu'elle avait bien compris ce qu'elle croyait avoir compris, Marcus n'était pas qu'un simple membre éloigné de la famille du Grand Alpha.

Il était le fils de ce dernier.

— C'était de lui dont parlaient les rumeurs, poursuivit le secrétaire devant le regard étonné de Kristal. Le comité des vampires du village soupçonnait un proche du Grand Alpha d'être responsable du meurtre du vampire, sans exactement savoir de qui il s'agissait.

Cette fois, le cerveau de Lyssandra s'était comme arrêté de fonctionner. Il refusait d'assimiler ce qu'il venait de décoder.

— Vous voulez dire que... ? bredouilla la petite rousse, sûrement choquée que son jeu de rôle l'ait menée jusque-là.

— C'est Marcus qui est à l'origine de toutes ces tensions entre les deux espèces, compléta le loup-garou en baissant les yeux. C'est lui qui a tué le vampire lors de la dernière pleine lune.

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