Chapitre 24

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Depuis qu'elle était ressortie du bureau du secrétaire particulier du Grand Alpha, Lyssandra avait l'oppressante impression d'être au courant d'une information qu'elle n'aurait jamais dû apprendre. Contrairement à ce que l'on pouvait penser, savoir quelque chose que les dirigeants s'efforçaient de dissimuler n'avait rien d'excitant du tout. Malgré elle, la jeune fille se sentait complice du meurtre de ce vampire qu'elle n'avait jamais connu.

Pendant le trajet du retour jusqu'au manoir, Lyssandra et Kristal n'avaient échangé que peu de mots. La première s'était efforcée de se concentrer sur l'allure de Galbot pour chasser ses pensées tourmentées, tandis que la seconde semblait presque regretter d'avoir joué à son jeu dangereux.

— Qu'est-ce qui t'a pris de faire une chose pareille ? s'était exclamée la Neutre juste avant qu'elles ne franchissent la porte du manoir. Tu te rends compte de ce que tu risques ? Imagine un peu que le secrétaire parle à quelqu'un qui connaît la vraie Dame Miranda ?

Elle ne s'inquiétait nullement pour la petite vampire, mais là encore, c'était comme si elle avait participé à cette duperie.

— Je sais très bien ce que je fais, avait rétorqué Kristal avec cependant moins de véhémence qu'à l'accoutumée. Mes yeux et mes cheveux sont déjà de la même couleur que ceux de Dame Miranda. Je me suis efforcée d'imiter sa façon de parler, ainsi que son style vestimentaire. Une seule chose nous différencie : l'âge. Sauf qu'un gentilhomme tel que le secrétaire n'osera jamais décrire une femme par cette caractéristique.

Lyssandra n'avait pas été convaincue, mais n'avait pas cherché plus loin. Elle était montée se coucher dans l'idée de profiter d'une ou deux heures de sommeil, en vain. Son cerveau lui passait en boucle sa rencontre avec Marcus, aussi brève avait-elle été. Elle avait dû attendre le surlendemain avant de se résoudre à aller au croisement pour retrouver Julian. Car de là découlait le fond du problème : le jeune homme était-il au courant que son ami était un meurtrier ?

— J'imagine que tu dois être anxieuse à cause de la Nuit des Bagues qui se rapproche, intervint Julian avant qu'elle ne replonge dans sa spirale de pensées morbides, mais sans vouloir te vexer, tu m'as vraiment l'air bizarre...

Ils se trouvaient à la taverne, où la liesse s'était emparée de tous les clients. La fameuse soirée était le lendemain et même si presque aucun occupant des lieux n'y était invité, tous se réjouissaient à l'idée que de telles festivités se tiennent au palais. Quelques grincheux trouvaient le moyen de maugréer car exceptionnellement, la mutation des loups-garous ne prendrait pas effet dès les premiers scintillements de la lune, mais à minuit. Perdre deux ou trois heures sous leur forme animale semblait pour eux un drame.

En fin de compte, personne ne parlait vraiment du principal intérêt de la Nuit des Bagues : choisir un Neutre pour le transformer en loup-garou. Étant donné que les quelques Neutres qui vivaient sur la Terre du Diamant devaient sûrement avoir des gênes de cette meute plutôt que de celle du Topaze, peu étaient concernés par ces réjouissances. Cela devait être une autre affaire dans la région à la pierre bleu ciel...

— Désolée, marmonna Lyssandra en fixant les miettes de pain qu'elle broyait entre ses doigts depuis un long moment. Je ne dors pas tellement ces derniers temps et je suis un peu fatiguée.

Effectivement, quand elle trouvait le moyen d'éloigner l'image de Marcus en tueur de vampires, elle s'acharnait après la trappe dans la chambre de Dame Miranda. Étant donné qu'elle n'avait plus qu'une seule nuit pour chercher sa bague, le désespoir la rongeait à chaque minute. Néanmoins, si Julian la trouvait étrange, ce devait sans doute être parce que depuis qu'ils s'étaient retrouvés au croisement, elle n'avait pas une seule fois pu le regarder dans les yeux.

— Il ne s'est rien passé de nouveau avec Dame Miranda, au moins ? s'inquiéta-t-il. J'espère qu'elle n'a pas été plus méchante que d'habitude et que...

— Ça n'a rien à voir, le coupa-t-elle en lâchant subitement ses miettes de pain.

La jeune fille avait littéralement l'impression que son cerveau allait exploser. Sans qu'elle ne puisse les contrôler, des milliards de questions assaillaient son esprit. Et si tu ne trouves pas ta bague avant demain ? Et si Dame Miranda sait ce que tu prépares ? Et si Julian est au courant pour Marcus ? Pire, s'il est son complice ? Ce torrent d'incertitudes était insupportable. Chaque fois qu'elle arrivait à en balayer une, une autre venait gratter sa conscience et s'y immiscer pareille à un ver de terre.

Elle avait juste envie de tout éteindre et que tout son être se mette en pause.

— Lyssandra, commença Julian d'un ton si doux qu'enfin, elle osa lever les yeux vers lui. Il faut que tu saches que même si tu ne trouves pas ta bague et que tu ne peux pas participer à la Nuit des Bagues, ce n'est pas grave car...

— Car quoi ? l'interrompit-elle sans pouvoir se maîtriser. Ton ami le fils du Grand Alpha qui au passage, est un tueur de vampires, pourra venir me sauver sur son beau cheval ?

Les mots étaient sortis à la vitesse de l'éclair. À peine se rendit-elle compte de ce qu'elle venait de dire que la Neutre sentit des larmes lui monter aux yeux. Non, tonna une voix en son for intérieur. Tu ne vas pas pleurer maintenant. Pourtant, au plus profond d'elle-même, une tornade balayait toutes ses émotions et les envoyait dans tous les sens, sans qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit pour reprendre le contrôle.

Si des perles salées menaçaient de descendre sur ses joues, c'était parce qu'elle n'arrivait pas à se reconnaître. Comment pouvait-elle se montrer aussi agressive envers Julian, alors que jusque-là, tout ce qu'il avait fait, c'était l'aider ? Comment pouvait-elle être aussi ingrate vis-à-vis de la seule personne qui tentait vraiment de faire quelque chose pour elle ? Au final tu ne vaux pas mieux que Dame Miranda et Kristal.

— Je suis désolée, balbutia-t-elle immédiatement en sentant sa respiration s'accélérer. Vraiment... Je...

Sa voix se faisait faible et tremblante. Elle s'attendait à tout moment à ce que Julian quitte leur petite table et passe la porte de la taverne pour qu'elle ne le revoie plus jamais. Au lieu de cela, il fit doucement glisser sa main vers celle de Lyssandra qui était posée sur la table. Juste avant de l'effleurer, il s'arrêta un bref instant, comme s'il laissait le temps à la jeune fille de se retirer. Cette dernière ne bougea pas, et il entrelaça doucement ses doigts avec les siens. La chaleur que dégageait ce simple contact apaisa la Neutre sans qu'elle ne puisse se l'expliquer. 

— C'est moi qui suis désolé de ne t'avoir rien dit au sujet de Marcus, déclara-t-il à voix basse, mais en gardant son regard plongé dans celui de Lyssandra, sans s'assurer qu'ils n'étaient pas écoutés. Je ne te demanderai pas comment tu es au courant, ni ce que tu as appris d'autre à propos de cette histoire.

Heureusement, la musique entraînante jouée par les quelques musiciens avait empêché les autres clients d'entendre les paroles de la jeune fille lorsqu'elle avait accusé le fils du Grand Alpha d'être un tueur de vampires. Que se serait-il passé si quelqu'un l'avait entendue ? Aurait-elle pu être à l'origine d'une guerre ? Mais la sensation rassurante que procurait la main de Julian dans la sienne empêcha ces nouveaux questionnements de croître davantage.

— Tout ce que je veux que tu saches, reprit le jeune homme avec un regard si intense que Lyssandra oublia les dizaines de personnes présentes dans la salle, c'est que tu peux me faire confiance. Je n'ai pas le droit de t'ordonner de te fier à Marcus, ni à Hilda, ni au Grand Alpha, mais j'espère que tu crois en moi autant que je crois en toi. Parce que je sais que tu es capable de te battre pour enfin t'autoriser à vivre la vie que tu mérites.

La Neutre ne pouvait décocher un seul mot. Ces paroles avaient fait cesser la tornade dévastatrice qui déchirait son âme. Ses innombrables tourments sur ce qui l'attendait le lendemain s'étaient envolés à la vue d'une unique certitude : celle que Julian croyait en elle.

En réalité, ce n'était pas vraiment le fait que Marcus ait tué un vampire qui l'avait mise dans tous ces états. Elle aurait été la reine des hypocrites si elle avait osé prétendre que mettre fin aux jours de Dame Miranda ou de Kristal ne lui avait jamais traversé l'esprit. Le fils du Grand Alpha pouvait bien faire ce qu'il voulait. Ce qui la dérangeait, c'était que Julian lui ait peut-être caché des choses. Elle n'avait littéralement que lui sur qui compter. S'il n'était pas le gentil Neutre un peu paumé tout juste débarqué de la Terre du Rubis, alors elle ne pourrait plus se fier à qui que ce soit.

Or, à mesure que la Nuit des Bagues se rapprochait, elle avait désespérément besoin de se sentir soutenue.

— Je te fais confiance, affirma-t-elle après un court silence recouvert par l'agitation dans la taverne. C'est simplement que... J'aurais aimé savoir que Marcus était le fils du Grand Alpha. Tu crois que son père l'écoute suffisamment pour le laisser choisir le futur membre de la meute du Topaze ? S'il est responsable du meurtre du vampire, j'imagine que cela n'a pas dû faciliter les affaires du chef des loups-garous. 

— Je ne te le fais pas dire, répondit le jeune homme avec un sourire en coin. Mais d'après ce que j'en sais, le Grand Alpha est habitué aux frasques de Marcus et en général, il écoute ses suggestions.

Parler ainsi de l'équivalent de la famille royale des loups laissait une impression étrange à Lyssandra. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'elle prit pleinement conscience d'une chose qui jusque-là, lui semblait totalement impossible : elle avait rencontré le fils du Grand Alpha, qui était comme... un prince ? À l'inverse des vampires, les lycanthrophes n'employaient jamais explicitement leurs attributs royaux. Marcus n'était donc pas officiellement un prince, mais la Neutre ne pouvait s'enlever cette idée de la tête.

— Je sais que ce ne sont pas mes affaires, commença-t-elle en baissant les yeux vers sa main toujours entrelacée avec celle de Julian, mais je crois que j'ai besoin de le savoir quand même...

Elle laissa sa phrase en suspens et jeta un bref regard à la salle où quelques tables avaient été mises sur les côtés pour improviser une piste de danse. Quelques fêtards dansaient gaiement au rythme de la musique tandis que les autres clients tapaient dans leurs mains. Au moins, personne ne faisait attention à la conversation des deux Neutres.

— Tu peux me demander ce que tu veux, l'encouragea Julian comme elle n'osait poursuivre.

— Marcus m'a dit que tu avais déjà fait beaucoup de choses pour lui. Est-ce que tenter de dissimuler son crime en faisait partie ? Je ne prends pas la défense du vampire, s'empressa-t-elle d'ajouter. Je ne sais rien de cette histoire et peut-être que Marcus avait ses raisons d'agir ainsi, mais...

— Y a-t-il jamais une bonne raison de tuer quelqu'un ? compléta-t-il en détournant son regard.

Lyssandra hocha doucement la tête. C'était exactement ce qu'elle voulait dire. Elle savait qu'elle aurait été capable de beaucoup de choses pour se débarrasser des vampires qui lui empoisonnaient l'existence depuis si longtemps. Cependant, passer à l'acte était autre chose.

— Ma mère te dirait que tuer un vampire n'est pas vraiment tuer quelqu'un, déclara Julian d'une voix très basse à peine audible par-dessus le vacarme de la musique. Selon elle, les buveurs de sang meurent le jour de leur transformation. Au-delà de ça, les années qu'ils vivent ne sont plus que la cause d'une malédiction. Mettre fin à leurs jours, c'est simplement arrêter cette malédiction.

La mère du jeune homme semblait avoir des idées bien arrêtées sur les créatures sanguinaires...

— Pour mon père, disons qu'il lui est difficile de voir les choses autrement... En ce qui me concerne, je ne n'en sais rien. Néanmoins, cela ne m'a pas empêché de faire ce qu'il fallait pour aider Marcus.

Il s'arrêta sur cet aveu et ne s'expliqua pas davantage. Mais la Neutre n'avait pas besoin qu'il se justifie. Il s'était montré honnête envers elle et c'était le plus important. Un silence tomba entre eux, pendant lequel ni l'un ni l'autre ne savait trop quoi dire. Finalement, Lyssandra trouva le courage de prendre la parole pour détendre l'atmosphère.

— En fait, nous nous prenons la tête avec la Nuit des Bagues pour rien du tout, fit-elle avec un faux air blasé. Si tu m'avais dit que tu connaissais des tueurs de vampires, je les aurais encouragés à rendre une petite visite à Dame Miranda...

Un sourire toutefois empreint d'une ombre de tristesse naquit sur les lèvres de Julian.

— Je m'excuse encore de ne t'avoir rien dit, reprit-il. J'ai juste pensé que tu avais suffisamment de sources d'inquiétudes sans avoir à te rajouter celles de cette histoire.

La jeune fille comprenait. Il était vrai qu'elle non plus ne lui avait pas tout raconté de ses mésaventures, comme lorsqu'elle s'était faite agressée par un vampire en plein village. Lui avait-elle parlé de la mystérieuse trappe dans la chambre de Dame Miranda ? Elle s'apprêtait à lui en toucher un mot quand il se leva de son siège, et fit un pas vers le groupe de danseurs.

— Viens danser, l'enjoignit-il. Il faut vraiment que tu te changes les idées.

— J'ai autre chose à faire que m'amuser ! répliqua Lyssandra sans conviction face à l'immense sourire rayonnant qu'il affichait. Je te rappelle que la Nuit des Bagues a lieu demain. D'ailleurs, je ne sais même pas ce que je fais ici. Je devrais être en train de supplier Alisée de me dire où se trouve ma...

Elle capitula. Au fond, elle savait très bien pourquoi elle était venue retrouver Julian au lieu de rester au manoir à peaufiner ses préparatifs. Plus que toute autre chose, elle avait besoin de sa présence rassurante, même si des histoires louches rôdaient autour de lui. Il n'en restait pas moins la seule personne de ce monde qui l'ait jusque-là traitée avec un tant soit peu d'attention.

Se levant à son tour de son tabouret, elle se laissa guider au milieu des danseurs. Le style de danse n'avait absolument rien à voir avec ceux que le jeune homme lui avait enseignés. Les gens bougeaient dans tous les sens au rythme de la musique entraînante et sautaient en riant avec gaieté. D'abord un peu réticente, la Neutre parvint à accorder ses mouvements avec la cadence, ses mains dans celles de Julian.

— Tu veux tenter un truc un peu dingue ? lui demanda-t-il par-dessus le tumulte de la musique.

— Euh... Dingue comment ? fit-elle, à la fois intriguée et peu rassurée.

— Il faut juste que tu me fasses confiance et que tu ne lâches pas tes mains des miennes.

Lyssandra hocha la tête fébrilement, puis il se mit à les faire doucement tournoyer sur eux-mêmes, avant d'accélérer. Ils se retrouvèrent rapidement à tourner comme une toupie lancée à pleine vitesse. La jeune fille eut d'abord peur de perdre l'équilibre et de s'écraser contre une table voisine, mais elle joignit bien vite ses éclats de rire à ceux de son camarade. Elle n'entendait plus rien de ce qu'il se passait autour d'elle. Il lui semblait être balayée par un tourbillon dans lequel seuls Julian et elle avaient été emportés.

Le tournis les obligea à s'arrêter, mais la Neutre ne pouvait cesser de rire. Le plancher tournait autour d'elle et il lui était impossible de faire un pas. Les autres clients les acclamaient tout en continuant à danser. Loups-garous et Neutres étaient tous mélangés, personne ne faisait plus attention à ces stupides barrières méprisantes entre les espèces.

Même si elle n'avait jamais bu d'alcool de sa vie, Lyssandra imaginait qu'elle se trouvait dans l'état de ceux qui avaient pris un ou deux verres de trop. Enivrée par ce qui l'entourait, elle avait l'impression de ne s'être jamais autant amusée de sa vie.

Toujours sous l'effet du tournis, elle tenta de mettre une jambe devant l'autre, mais manqua de s'affaler par terre. Heureusement, Julian la rattrapa de justesse en la tenant par les bras.

— Merci, balbutia-t-elle, son hilarité coupée net. Je suis vraiment...

En relevant la tête, elle s'aperçut que son visage n'était plus qu'à une vingtaine de centimètres de celui du jeune homme. Ils étaient beaucoup trop près et ils se tenaient toujours aux bras l'un de l'autre, pourtant aucun des deux ne fit un geste pour bouger. Son regard complètement plongé dans celui de Julian, Lyssandra avait la sensation que ce moment était hors du temps. Elle ignorait ce qui se serait passé s'il n'avait pas baissé les yeux vers son cou et que...

— Depuis quand as-tu cette pierre ? murmura-t-il en fixant le pendentif au bout de sa chaîne argentée.

En dansant, le petit éclat ovale de verre coloré bleu était sorti du décolleté de la Neutre, et scintillait sous la lumière du vieux lustre bancal.

— Euh... Depuis toujours, répondit-elle en tâchant de reprendre ses esprits après le trouble qui l'avait assaillie.

Elle s'écarta pour rétablir une distance respectable entre elle et Julian, mais ce dernier fixait toujours la pierre, si bien que la jeune fille se mit à la triturer entre ses doigts.

— Lyssandra, commença-t-il avec lenteur, c'est de la topaze...

— Quoi ? s'écria-t-elle avant de laisser échapper un petit rire. Ce n'est que du verre coloré. Ce collier appartenait à Alisée qui allait s'en débarrasser et...

La révélation tomba sur elle comme une plaque de plomb au-dessus de sa tête.

— Lyssandra, reprit doucement Julian comme s'il craignait qu'elle ne refuse de le croire, je ne suis pas un expert en la matière, mais je peux t'assurer que ce n'est pas du verre coloré.

La Neutre baissa la tête pour examiner la pierre comme si c'était la première fois qu'elle la voyait. Elle avait beau la porter tous les jours, elle n'avait jamais vraiment fait attention à sa brillance éclatante, à sa teinte d'un bleu ciel si particulier.

Ils venaient de trouver sa bague ou plutôt... son collier.

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