Chapitre 25

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Lyssandra avait l'impression qu'une fièvre incurable s'était emparée d'elle. Elle était si agitée que son esprit n'arrivait pas à se fixer sur une seule et même pensée. Il fallait admettre que l'état de Kristal n'arrangeait rien. Cette dernière ne cessait d'essayer et de réessayer la robe qu'elle avait fini par choisir chez un tailleur originaire de la Terre du Topaze.

— Tu es sûre qu'il n'y a pas un seul fil qui dépasse ? répétait-elle à la Neutre de façon frénétique, sans pouvoir se contrôler. Ces couturiers sont parfois peu fiables et je ne supporterai pas de passer pour une paysanne auprès du Grand Alpha et de la princesse.

Pour une fois, les vampires du manoir avaient décidé de ne pas passer la journée à dormir. La Nuit des Bagues étant le soir même, elles ne pouvaient pas perdre une seule minute à effectuer autre chose que soigner leur apparence. À l'exception d'Alisée, elles s'affairaient à vérifier leur tenue, à tresser leurs cheveux afin d'obtenir de jolies boucles... Dame Miranda et Kristal inondaient Lyssandra d'une centaine d'ordres à la seconde, ce qui n'empêchait pas l'intéressée de songer à ses propres préparatifs.

Elle savait que sa robe était prête, même si on ne pouvait dire qu'elle était d'une splendeur aveuglante. On remarquerait au premier coup d'oeil qu'elle n'avait pas été réalisée par une professionnelle, mais au moins, elle n'était pas complètement ridicule. De plus, Lyssandra pourrait facilement l'enfiler juste après le départ des vampires. Ce qui l'embêtait davantage, c'était le cas de sa "bague".

La jeune fille avait beau avoir trouvé la pierre, il n'empêchait qu'un collier ne suffirait pas. Comme le lui avait expliqué Julian, les loups-garous portaient des bagues pour une raison bien particulière : en étant conçues dans un métal spécial dont Lyssandra ne se souvenait plus du nom, elles pouvaient s'adapter à la transformation de la main en patte d'animal. Tout cela lui était beaucoup trop abstrait, et elle n'arrivait pas à se faire à l'idée qu'elle allait peut-être pouvoir se transformer en loup cette nuit même.

Son trouble et sa fébrilité n'échappaient évidemment pas aux buveuses de sang, qui remarquaient ses gestes tremblants et son manque de concentration.

— Attention ! s'écria Kristal alors que la Neutre n'était pas loin de mettre de la cire noire sur les bas blancs de la petite fille. Ce sont mes chaussures que tu dois lustrer, mais avec tes mains qui ont la tremblote, tu vas tout gâcher !

Elles se trouvaient dans la chambre de la diablesse capricieuse, mais la porte était grande ouverte et Dame Miranda ne devait pas être très loin. Alisée se tenait dans l'encadrement, les observant sans que la raison de sa présence ne soit expliquée. La magnifique vampire ne prononçait pas un mot et gardait le regard rivé sur Lyssandra.

— Je suis désolée, grommela la jeune fille en tâchant de contrôler ses gestes. Ce serait plus facile si tu les posais pour que je fasse ça à la lumière du jour... Je n'y vois presque rien.

— Elles sont neuves et je veux les porter toute la journée afin de m'assurer de la solidité des talons, répliqua Kristal. Imagine un peu qu'ils se brisent au palais du Grand Alpha ! Toi, fit-elle en désignant Alisée qui avait laissé échapper un gloussement, rends-toi utile et allume davantage de bougies puisque notre si dévouée cireuse est soi-disant aveugle.

— Elle en a assez fait avec toi, décréta sa soeur d'adoption sans bouger d'un millimètre. J'ai besoin d'elle pour ma coiffure définitive.

— Quoi ? s'écria la rousse. Mais il est à peine quatorze heures, tu ne vas pas déjà te coiffer !

— Et pourquoi pas ? Après tout, tu as déjà essayé ta robe cinq fois depuis ce matin.

Kristal s'apprêta à répliquer, mais Alisée prit Lyssandra par la main et l'invita à la suivre. Elle la guida jusqu'à sa chambre aux mille chandelles allumées, et ferma la porte en faisant le moins de bruit possible. Au lieu d'aller vers sa coiffeuse, la vampire se posa au bord de son lit et fit signe à la Neutre de faire de même.

— Je ne sais pas quel type de pince choisir, fit Alisée d'une voix forte pour donner le change auprès de celles qui les épiaient sûrement depuis le couloir. As-tu trouvé ta bague pour ce soir ? murmura-t-elle ensuite en se penchant vers Lyssandra.

Cette dernière songea que la jeune femme s'y prenait un peu tard pour s'inquiéter de son sort.

— Est-ce vraiment la pierre du collier que tu m'avais donné ? demanda-t-elle en un chuchotis à peine audible pour des oreilles Neutres telles que les siennes. Pourquoi était-ce toi qui l'avais ? D'ailleurs, comment cela se fait-il que je possède une bague sachant que...

— Calme-toi, l'interrompit doucement Alisée en posant les mains sur ses épaules. Une seule question à la fois.

Son contact aussi froid d'un bloc de marbre transparaissait à travers le fin tissu de la robe de Lyssandra, ce qui étonnement, l'aida à apaiser son esprit. Ses interrogations trop longtemps contenues s'étaient échappées sans qu'elle ne puisse vraiment les maîtriser. Elles bouillaient en elle au milieu de tant d'autres et menaçaient de la faire exploser.

— Je ne peux pas vraiment te dire pourquoi un Loup du Topaze t'a donné une bague alors que...

— Justement si, tu le peux ! la coupa Lyssandra, toute retenue envolée. Pourquoi faire tant de mystères ? Pourquoi dissimuler la vérité alors que tu la connais ?

Alisée lui fit signe de baisser la voix et émit une remarque à voix haute sur sa prétendue coiffure avant d'enchaîner :

— Pour l'instant, tu n'as pas à t'embêter avec cela. Je peux simplement te dire que Dame Miranda m'avait demandé de détruire la bague et qu'à la place, j'ai récupéré la pierre pour la transformer en collier. Je l'ai gardé quelques années et comme je savais que tu étais attachée à tout ce qui touchait au topaze, j'ai agité ce bijou sous ton nez en espérant que tu allais me le demander.

Et la petite fille qu'était Lyssandra à l'époque avait mordu à l'hameçon. Elle aurait certainement dû remercier Alisée d'avoir fait cela pour elle, mais l'incompréhension l'en empêcha.

— Pour... Pourquoi as-tu fait cela ? balbutia-t-elle plutôt en ouvrant de grands yeux. Je portais ce collier tous les jours et si Dame Miranda avait remarqué quoi que ce soit...

— Mais elle n'a rien remarqué, la coupa la vampire avec un petit sourire malicieux. Quant à toi, tu étais persuadée qu'il s'agissait uniquement de verre coloré, comme je te l'avais laissé entendre. À l'époque — et je crois que c'est toujours le cas — je n'avais pas assez de courage pour t'aider de manière franche. Je me suis dit que ce bijou te revenait de droit et que même si tu ne connaissais pas son entière signification, il saurait te réconforter.

Dans son égoïsme, Lyssandra oubliait parfois qu'elle n'était pas la seule à souffrir dans cette maison. Ce qu'elle vivait depuis dix-huit ans était sans doute incomparable avec ce qu'avait dû vivre Alisée en un siècle. Pourtant, il ne lui était jamais venu à l'idée qu'elle aurait pu faire un geste pour aider la si belle jeune femme. Elle se promit alors que si elle devenait une louve la nuit prochaine, elle trouverait le moyen de sortir de cet enfer celle qui avait été son alliée sans qu'elle ne l'ait soupçonnée.

— Merci pour tout ce...

— Non, fit Alisée avec un intense regard sévère. Tu n'as pas à me remercier et quand bien même tu aurais à le faire, attends de voir si le Grand Alpha te passe la bague au doigt à minuit. Enfin, façon de parler, ajouta-t-elle devant le regard sceptique de son interlocutrice. D'ailleurs, comment vas-tu t'organiser pour ce soir ? Tu comptes partir juste après nous ? Si c'est le cas, il va falloir que tu dépêches, car les heures qu'il te restera avant que le Grand Alpha n'arrête son choix seront minces.

— Je sais. Du moment qu'il ne pleut pas, je devrais m'en sortir.

Ne restait plus qu'à espérer que cet aléa ne vienne pas se joindre à la partie...

— Je ne sais pas du tout sur quels critères est sélectionné le Neutre gagnant, déclara la vampire, mais garde en tête que tu as toutes tes chances. Essaye simplement de profiter de la soirée. Les vampires devront sûrement rejoindre une autre salle avant la transformation des loups-garous, donc avec un peu de chance, tu ne croiseras pas Dame Miranda. Je resterai près d'elle le plus possible pour la tenir éloignée de toi si je te repère avant elle.

Ce petit jeu semblait bien trop périlleux pour Lyssandra, et elle était presque certaine qu'elle allait forcément tomber sur la vieille vampire à un moment ou à un autre. Alors, que pourrait-elle faire ? Même si Marcus convainquait son père de la choisir, que ferait-il lorsque la propriétaire de la Neutre la viderait de son sang au milieu de la salle de bal ?

— Tu as réussi à faire monter ta pierre en bague ? demanda Alisée comme elle remarquait que la jeune fille commençait à se perdre dans ses pensées. J'imagine que tu as eu du mal à trouver un bijoutier à la dernière minute, mais j'avais peur que si je te faisais des sous-entendus trop tôt, tu sois obligée de cacher la bague dans ta chambre. Dame Miranda aurait très bien été capable de fouiller.

— Justement, je n'ai compris qu'hier pour la pierre et je l'ai confiée à un ami. Il connaît un bijoutier capable de me la monter pour aujourd'hui et...

— Attends, quoi ? s'exclama la buveuse de sang avec un mouvement de recul. Tu as donné la pierre à un inconnu ?

Effectivement, à la taverne, Julian lui avait assuré qu'il savait comment faire pour que la bague soit prête pour le lendemain. Il lui avait demandé si elle lui faisait assez confiance pour lui laisser le petit éclat de Topaze, et après quelques hésitations, elle avait accepté. Qu'aurait-elle pu faire d'autre ?

— Ce n'est pas un inconnu, je crois le connaître suffisamment pour l'estimer digne de confiance, répondit-elle en cherchant à convaincre autant Alisée qu'elle-même.

— Tu crois le connaître ? répéta la vampire d'un air circonspect en fronçant les sourcils. Je suis sans aucun doute la moins bien placée pour te juger, mais permets-moi de te dire qu'avec le temps, j'ai appris qu'il vaut mieux ne jamais mettre ton destin entre les mains d'un homme.

Il n'y avait aucune trace de reproches dans ses propos, seulement une sincère volonté de la mettre en garde. Lyssandra appréciait le geste, mais ne pouvait se permettre de commencer à douter de Julian. Elle avait pris la décision de lui faire confiance, tout comme il prétendait avoir confiance en elle, et elle devait assumer ce choix. Elle n'allait pas laisser ses convictions s'ébranler maintenant.

— Je le connais, affirma-t-elle en se levant du bord du lit. C'est le Neutre qui avait parlé de moi à sa propriétaire et qui m'avait obtenu une offre de contrat. Nous devons nous retrouver vers dix-sept heures à un croisement dans la forêt pour qu'il me remette ma bague.

C'était en effet ce qu'ils avaient convenu. Julian devait même être au village à l'heure actuelle, afin de se rendre chez le bijoutier. La jeune fille s'obligeait à penser que ses inquiétudes face à la soirée seraient tempérées lorsqu'elle aurait sa bague en sa possession.

— J'espère que tout se passera bien, déclara Alisée avec un petit sourire qui se voulait encourageant.

Ne sachant quoi rajouter et ne voyant pas quels autres mots elles pourraient échanger, Lyssandra la remercia machinalement et se dirigea vers la porte, avant de se rappeler d'un petit détail.

— Tu veux de l'aide pour ta coiffure ? Elles vont s'en rendre compte si je ne fais pas au moins semblant de te faire un chignon...

— Je vais me débrouiller, rigola la vampire. Je verrouillerai la porte après ton départ pour qu'elles ne viennent pas m'embêter.

Sans s'attarder, la Neutre quitta la pièce. Il lui restait encore quelques heures avant d'aller retrouver Julian dans la forêt. Pendant ce laps de temps qui lui semblait à la fois court et interminable, elle fut obligée de s'occuper de la préparation de Kristal. L'intéressée passait son temps à jacasser au sujet des invités qui seraient certainement présents, à commencer par la princesse des vampires.

— J'espère pouvoir au moins l'apercevoir de loin, disait-elle tandis que Lyssandra serrait les lacets de son corset qui paraissait ridicule sur un tel corps de préadolescente. On raconte tellement de choses sur elle et son père ! Il paraît que leur beauté est égale à leur dangerosité. Si seulement je pouvais savoir pourquoi Dame Miranda a tant peur d'entendre parler du roi...

Elle monologua ainsi un bon moment, sans que son habilleuse ne prête la plus petite attention à ses propos. Quand approchèrent enfin les environs de seize heures trente, Lyssandra annonça qu'elle partait aux écuries atteler Galbot.

Quitter l'obscur manoir lui fit du bien. Le vent faisant frémir les arbres et ébouriffant ses cheveux l'aida à rester ancrée dans le moment présent. Malgré elle, elle songea que si elle devenait une louve et gagnait la possibilité de quitter Dame Miranda, cette forêt lui manquerait peut-être. Il y a des milliers de forêts partout dans le monde. Tu pourras retrouver la même à des centaines de kilomètres de là, bien loin de cette vipère, se raisonna-t-elle.

Elle arriva au croisement en avance, mais ressentit tout de même une pointe de déception en constatant l'absence de Julian. Elle ne s'était pas rendu compte à quel point elle avait espéré le voir adossé à l'arbre, son habituel sourire chaleureux aux lèvres, tenant entre ses mains une petite boîte où serait précieusement gardée sa bague. Se forçant à ravaler son inquiétude, Lyssandra se posta face à la route menant au village, afin d'être certaine de le voir apparaître dès qu'il ne serait plus qu'à une centaine de mètres.

Les sept minutes pendant lesquelles la jeune fille attendit lui semblèrent les plus longues de sa vie. Les mises en garde d'Alisée lui revenaient sans cesse en mémoire, et elle se sentait de plus en plus stupide et naïve d'avoir fait confiance à Julian. Cela ne faisait même pas un mois entier qu'elle le connaissait, et elle lui avait remis l'objet le plus important de sa misérable existence. Une violente tempête de panique et de mépris envers elle-même menaçait de la submerger lorsque enfin, elle repéra du mouvement à l'horizon.

La déception la poussa à se laisser tomber contre l'arbre le plus proche quand elle vit qu'il s'agissait d'un simple cavalier lancé à vive allure. Contre toute attente, le cheval à la robe blanche et son maître ralentirent à l'approche du croisement, jusqu'à complètement s'arrêter au niveau de Lyssandra. Un jeune homme mit pied à terre en un clin d'oeil, d'un mouvement assuré, et s'approcha de la Neutre. Cette dernière eut l'impression d'avoir été projetée dans un monde parallèle.

Un monde où Julian saurait monter à cheval et en descendre comme s'il avait fait ça toute sa vie.

Car c'était bien lui qui s'avançait vers elle, même si la jeune fille mit quelques secondes avant d'en prendre conscience tant il lui semblait... différent. Elle ne parvint pas tout de suite à se l'expliquer, mais elle eut la véritable impression que quelque chose chez lui avait changé.

— Euh... Salut ? tenta Julian avec un sourire hésitant comme celle qui lui faisait face gardait les yeux écarquillés de stupeur. Je suis désolé pour cette arrivée, mais si j'étais venu à pied, je n'aurais pas eu le temps de rentrer.

— Depuis quand es-tu ami avec les chevaux ? demanda Lyssandra en oubliant complètement toute notion de politesse. Pourquoi dois-tu te dépêcher ? Tu dois conduire Hilda à la Nuit des Bagues plus tôt que les autres invités, c'est ça ?

Cette dernière question reflétait la réponse la plus rationnelle que son esprit perturbé  pouvait fournir face à la situation. Pour quelle autre raison Julian aurait-il été pressé de rentrer ?

— En fait, commença-t-il en baissant les yeux, je...

— Laisse tomber, le coupa-t-elle à toute vitesse en secouant la tête. J'ai déjà assez de choses à m'occuper comme ça. Tu as ma bague ?

Elle devait sans doute passer pour une abominable capricieuse, mais elle devait savoir. Elle ne pouvait supporter une minute supplémentaire d'incertitude. Heureusement, Julian ne fit aucun cas de son attitude, et c'est avec un immense sourire qu'il sortit une boîte de la sacoche accrochée à son cheval. Lorsqu'il ouvrit l'écrin, la jeune fille ne put retenir une exclamation tant elle n'en croyait pas ses yeux.

Elle s'était attendue à retrouver sa pierre bleutée montée sur un anneau métallique tout simple, mais ce qu'elle avait devant elle était bien plus que cela. Le métal qui soutenait l'éclat de topaze était finement travaillé, divisé en deux brins qui s'entrecroisaient et étincelaient à la lumière du soleil. Lyssandra avait l'impression de voir sa pierre pour la première fois tellement qu'elle lui paraissait plus resplendissante que jamais.

— J'espère que le modèle te plaît, déclara Julian d'un air peu assuré. Je ne savais pas trop lequel choisir et...

La jeune fille lui sauta au cou avant qu'il n'ait pu terminer sa phrase. Sans réfléchir, elle déposa un rapide baiser sur sa joue et resta quelques secondes à le serrer dans ses bras. Elle se retira dès qu'elle recouvra suffisamment d'emprise sur elle-même — ce qui ne tarda pas — et baissa les yeux en triturant sa robe, devinant qu'elle devait être aussi rougissante que Julian. Ce dernier leva doucement la main, sembla hésiter à l'approcher de Lyssandra, mais la laissa finalement retomber le long de son corps.

— J'ai une bonne nouvelle, lança le jeune homme avec un petit sourire alors que la Neutre s'apprêtait à s'excuser pour cet élan irréfléchi. Marcus m'a dit que l'alpha du Topaze serait présente ce soir. Tu pourrais aller lui parler et lui expliquer ta situation. Peut-être qu'elle saura te donner plus d'informations sur les membres de sa famille qui pourraient être ton père.

Si elle se fiait à son infondée théorie concernant James du Topaze, cette femme pourrait être sa tante. Sans doute saurait-elle dire si son frère lui avait parlé d'une aventure avec une Neutre...

— Tu crois qu'elle accepterait de me parler ? s'étonna Lyssandra. Elle sera sûrement très sollicitée. Après tout, la personne sélectionnée fera partie de sa meute.

Certes, à l'échelle des milliers de loups qui faisaient déjà partie de la meute du Topaze, un nouvel arrivant de plus n'était pas grand-chose, mais elle n'allait certainement pas laisser n'importe qui obtenir ce privilège. Même si le dernier mot reviendrait au Grand Alpha, bien sûr.

— D'après ce que j'en sais, elle est plutôt gentille, dit Julian en haussant les épaules. Je ne vois pas pourquoi elle refuserait de t'écouter.

Peut-être parce que je ne suis qu'une pauvre Neutre prétendant avoir un parent parmi la famille d'un alpha, avait envie de répondre la jeune fille. Cependant, elle s'abstint de toute remarque et posa son regard sur le cheval derrière Julian. Il avait laissé les rennes reposer sur le garrot de l'animal, et celui-ci ne bougeait pas d'un sabot. Lyssandra songea qu'il avait exactement le même comportement que le cheval de Marcus lorsqu'elle l'avait rencontré.

— Tu es sûre que tu vas pouvoir te débrouiller seule pour venir au palais ce soir ? s'enquit le jeune homme, regagnant ainsi l'attention de la Neutre. Sinon je peux...

— Tout ira bien, lui assura Lyssandra alors qu'elle-même n'en savait rien. Ce n'est pas vraiment cette partie-là qui m'inquiète le plus... Je n'arrive toujours pas à comprendre comment tu peux être certain que Marcus réussira à convaincre son père de me choisir.

Pourquoi le fils du Grand Alpha aurait fait cela pour elle ? Même s'il le faisait pour Julian, cela n'expliquait rien. Pourquoi un membre si important de la famille "royale" se montrait-il aussi charitable envers un simple Neutre ? Le fait que leurs parents respectifs se connaissaient ne pouvait tout justifier.

— En réalité, commença Julian d'une voix étrangement tendue, cette année, ce n'est pas le Grand Alpha qui va désigner le Neutre qui aura la bague.

Il ne poursuivit pas tout de suite, et la jeune fille imagina tous les scénarios. Et si c'était l'alpha du Topaze ? Et si le principe de la soirée avait changé et que tu allais devoir te battre contre tes adversaires ? Si c'était le cas, elle pouvait tout aussi bien arrêter les frais et rester au manoir.

— Cette année, reprit-il, c'est son fils qui est chargé de cette tâche.

Lyssandra se détendit immédiatement. Pour elle, cela lui paraissait beaucoup plus simple que si Marcus avait été obligé de négocier avec son père. Mais tout n'était pas gagné pour autant.

— Et comment peux-tu être sûr que Marcus me choisira ? questionna-t-elle, sans parvenir à se convaincre de son entière fiabilité. Me faire un joli carnet est une chose, mais me transformer en louve en est une autre...

— Parce qu'on s'en fiche de la personne que Marcus aurait choisie, déclara-t-il en plongeant les yeux dans les siens.

Elle ne sut pourquoi — sans doute était-ce à cause de l'intensité avec lesquelles elles avaient été prononcées — mais ces paroles la poussèrent à baisser le regard vers les mains de Julian. En un instant, elle comprit pourquoi elle avait eu l'impression que quelque chose chez lui différait de l'ordinaire.

Il portait deux bagues, chacune sertie d'un diamant. Et le bracelet autour de son poignet n'était pas blanc, mais d'un rouge éclatant.

— Je suis aussi le fils du Grand Alpha.

Cette phrase bloqua absolument tous les rouages de l'esprit de Lyssandra. C'était comme si elle faisait une chute interminable, et qu'elle voyait son univers défiler devant elle sans pouvoir rester fixée sur un point en particulier.

— Quoi ? murmura-t-elle sans pouvoir aligner un autre mot.

Sans s'en rendre compte, elle fit un pas en arrière, mais fut arrêtée par un tronc d'arbre dans lequel elle se cogna violemment le dos. Ce choc ne suffit cependant pas à la ramener à la réalité. Le bracelet du jeune homme était toujours écarlate. Réveille-toi. Réveille-toi. Réveille-toi, lui répéta inlassablement une voix intérieure. Elle ne pouvait se résoudre à croire qu'elle n'était pas en train de rêver. Ou plutôt de cauchemarder.

— S'il te plaît, Julian, l'implora-t-elle, dis-moi que ce n'est pas...

Pour toute réponse, il ferma les yeux. Lorsqu'il les rouvrit, ses iris n'étaient pas de leur habituel marron chaleureux.

Ils brillaient d'un fascinant éclat argenté, tels des diamants.

Lyssandra n'eut pas besoin de fouiller bien loin dans sa mémoire pour se souvenir de l'endroit exact où elle les avait déjà vus.

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