Libre, mais craintive

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Après le dîner, chacun s'en alla rejoindre leur chambre. Je montai les escaliers derrière le couple qui parlait avec enthousiasme. Je ne les écoutai pas, et pensai à Alex qui était encore reparti au garage.

« Oh fait, Alicia ! Merci d'avoir rangé le bureau de mon père. C'était vraiment un dépotoir pas possible. Je ne sais pas comment tu as fait, mais connaissant tes méthodes de travail, ça ne m'étonne plus, annonça Max en marchant vers sa chambre.

– De rien. C'était pour ça que j'étais payé après tout, » évoquai-je avec un léger sourire, mais le cœur n'y était pas.

Mégane me sourit tristement, partageant mon tourment. Je me retrouvais seule encore pour cette nuit, et je ne savais pas si j'aurais la chance de tout révéler à Alex avant que mes parents n'arrivent ici. Car, je le savais bien. Si j'arrivais à tout lui dire, je devrais aussi dévoiler la vérité à mes parents. Ils avaient le droit de savoir ce que leur fille avait commis comme acte irréparable.

Le couple s'enferma dans leur chambre tandis que je traînais jusque dans celle d'Alex, qui y était absent. Un mal de ventre me chagrinait depuis le dîner. En allant aux toilettes, je me rendis compte qu'il annonçait mes règles. Ce sang qui s'écoulait encore et encore de mon être. Je grognai en me prenant le visage dans les mains. Ces foutues règles ne pouvaient pas mieux tomber. Assise sur la cuvette d'un air las, je restai quelque temps sans bouger.

N'ayant même pas mon portable avec moi pour m'occuper, je me décidai à laver le liquide rouge. Soudain, je m'arrêtai en regardant l'eau au fond qui n'était plus si transparente. Elle devenait de plus en plus rouge à chaque goutte de sang versé. Mon regard restait aspiré par le spectacle.

Tout va bien.

Des images affluèrent rapidement. Ce même souvenir que j'espérais ne plus avoir à ressasser. Le souvenir d'un œuf visqueux et transparent baignant dans le liquide ensanglanté. Je me rappelai avoir souffert, crié, pleuré tout en l'observant. Je me rappelai avoir essayé de le sauver. Mes mains vêtues d'un baume rouge, je tenais cet œuf en espérant qu'il s'anime. Il n'avait beau être qu'un minuscule être n'étant pas encore formé, je me revoyais pleurer sa mort, alors que j'avais moi-même avalé ce médicament pour avorter. J'avais cru pouvoir le faire disparaître avec cette magie, mais il n'avait jamais disparu, il était tombé. Mon corps l'avait rejeté. Je l'avais rejeté.

Tout va bien.

Des larmes s'écoulèrent à ces pensées. Tout me revenait à m'en donner la nausée. La honte de moi-même, de mes gestes impardonnables. Comme une enfant, je refermai mes bras autour de moi et me balançai d'avant en arrière en fermant les yeux.

Tout va bien, répétai-je. Tout va bien.

Je ne savais pas combien de temps je fis ceci. Je ne savais pas que je n'étais plus seule dans la pièce. J'essayai tant bien que mal de dissiper mes souvenirs. De les cacher dans une case de ma mémoire et de les enfermer. Mais c'était difficile.

J'avais pourtant réussi à ne plus penser à mon bébé en revoyant ce sang, mais aujourd'hui, je n'avais pas pu m'empêcher d'y songer pendant un instant. Un instant de trop qui avait été la goutte de trop dans le vase de mes souvenirs.

« Tout va bien. Je suis là. Tout va bien, » répéta une voix rassurante.

Je laissai mon visage tomber en avant contre la poitrine de cet homme. Je laissai mes pleurs envahirent son haut. Je laissai mes tremblements lui causer de l'inquiétude.

Tout va bien, me soufflai-je une dernière fois. Je n'étais plus toute seule.

Je m'éloignai d'Alex, honteuse.

« Désolée, murmurai-je en me reniflant.

– Tu vas mieux ?

– Oui, tu peux me passer une serviette, s'il-te-plaît, » demandai-je. Je fis comme rien de s'était passé, alors que j'avais peur.

Alex ouvrit le placard et resta hésitant devant les nombreux paquets de différentes couleurs. Il se retourna ensuite vers moi, tel un enfant ne sachant que faire. Je ris un instant à sa mine, puis lui indiquait une couleur. Après m'être enfin levée de la cuvette des toilettes, je lavai mon visage de toute peine. Ou l'espérai-je.

« Tu n'avais pas un client au garage ? demandai-je en allant dans la chambre.

– C'était une petite réparation. Alicia... Qu'est-ce qu'il se passe ?

– Tu peux t'assoir sur le lit s'il-te-plaît. Il faut que je te dise quelque chose, » avouai-je en jouant nerveusement avec mes mains.

Alex fit doucement ce que je lui demandais, tout en me regardant de haut en bas avec une pointe d'inquiétude. Je remis une mèche noire derrière mon oreille et resserrai ma queue de cheval haute. Contrairement à lui, je restai debout, me permettant de bouger la boule de nervosité que j'étais devenue.

« Tu sais que je t'aime... »

Je me traitai d'imbécile, parce que ce n'était certainement pas ce que je voulais lui dire.

« Oui, et moi aussi, je t'aime Alicia, » répondit-il en me fixant dans les yeux.

Je me retrouvai de nouveau subjuguée par l'intensité de ses iris bleus comme à notre première rencontre dans la rue.

« Je... J'ai avorté. »

Un silence suivit ma révélation où je pus voir le visage d'Alex passer par multiples états. De la surprise à la colère. Je savais bien qu'il m'en voudrait. J'avais tué mon enfant. J'étais une meurtrière. Je savais bien qu'il serait en colère contre les actes que j'avais pu commettre.

« Quoi ?

– Je...

– Merde Alicia ! Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ?! Je croyais qu'on était ensemble ! Un couple ! Et toi tu..., cria-t-il presque en se levant. Tu aurais pu me dire que tu étais enceinte ou que tu ne voulais pas d'enfants ! J'en sais rien moi ! Pourquoi t'as rien dit ?! »

Je le regardai la mine incrédule, tandis qu'il déblatérait des insultes tout bas en marchant le long de la chambre. Il croyait que j'avais avorté son enfant.

« Alex, je...

– Tais-toi Alicia. P'tain... Merde ! » continua-t-il trop en colère pour m'écouter.

Soudain, une idée me vint.

« Est-ce que tu m'aimes toujours en sachant que j'ai avorté. Est-ce que tu resteras avec moi maintenant ? demandai-je.

Je voulais connaître sa réponse. Même s'il croyait que c'était son enfant que j'avais avorté, ce qui était faux, je voulais savoir si après des actes pareils, il resterait toujours avec une meurtrière.

Alex me fixa longuement avec des yeux inconnus. Sans vie. Après ce qui m'a paru une éternité, il répondit d'une voix remplie d'émotions.

« Je t'aime Alicia. Je t'aime comme j'aime rarement quelqu'un. Je suis sûr de t'aimer, mais je pense qu'il me faudra un peu de temps pour... pour... Tu n'aimes vraiment pas les enfants ? déclara-t-il avec ce regard peiné et surtout affichant sa souffrance à mes yeux.

– Je n'ai pas l'habitude des enfants... Mais j'aime beaucoup les petites vengeances qui marchent avec un grand succès, annonçai-je en souriant doucement, espérant retrouver ses yeux d'un bleu profond et doux.

– Qu-quoi ? Vengeance ? Qu'est-ce que tu racontes ? Tu as avorté ou pas ? demanda-t-il totalement pris au dépourvu et avec une pointe de colère.

– Oui, j'ai... avorté, dis-je en ravalant ma salive, perdant mon sourire. Mais pas ton enfant. Celui de David. »

Cette lueur dans ses yeux me donna un infime espoir de tout lui révéler sans qu'il ne me déteste pour mes actes passés. J'avais aperçu du soulagement avant de trouver de l'incompréhension et de la tristesse. Il ne semblait pas me prendre pour un monstre. Les larmes aux yeux, je lui contai donc toute mon histoire. Je lui racontai l'adultère de David, ma grossesse surprise quelques semaines plus tard, puis mon avortement douloureux.

« Et c'est pour ça que t'es venue ici. Pour tout oublier, souffla-t-il en fin de compte.

– Oui, je ne voulais plus rien à voir avec cette ville, cette maison, mon travail... Donc j'ai déménagé ici.

– Donc, c'est bien l'enfant de ton ex que tu as avorté ?

– Oui, dis-je en lâchant un rire. Désolée pour tout à l'heure. J'étais tellement nerveuse, et je ne pensais pas du tout que tu penserais que ce pouvait être ton enfant que j'avais tué.

– Quand je te voyais presque effrayée par Stan, je me suis dit que tu détestais vraiment les enfants... J'ai pas du tout réfléchi... Jamais je n'aurais cru que tu aurais subi tout ça... murmura-t-il avec regret. Et ne dis pas que tu l'as tué. Ce que tu as fait est très courageux. Tu as dû affronter ça toute seule. Personne ne devrait être seul.

– Et c'est toi qui dis ça. Je te rappelle que tu t'es renfermé après que tes parents soient partis. Toi aussi tu ne devrais pas être tout seul, dis-je en caressant son visage.

– Mais je n'ai pas essayé de me suicider pour les rejoindre ou d'autres idées bizarres.

– Heureusement. Mais ça aurait pu...

– On s'est bien trouvé alors. »

Alex me regarda avec intérêt avant de me prendre dans ses bras. Il m'embrassa, me transmettant tout son amour. La douceur que j'observais dans ses prunelles bleues me montrait à quel point il tenait à moi. Je n'étais plus seule. Sous les rires et mes pleurs, nous passâmes la nuit lovés l'un contre l'autre.

Un poids s'était levé, retiré et jeté loin de mes épaules. J'étais plus légère. Mégane avait raison. J'avais juste besoin de m'ouvrir. De le dire à Alex sans aucune crainte. Parce qu'il m'aimait et que je l'aimais.

Tout va bien.


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