L'Eau de Vie et de Mort - 1/6

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Hello vous! Voici une histoire un peu plus longue que d'habitude, j'espère qu'elle vous plaira! Biz :3

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Il était une fois, dans un pays lointain, un roi ayant deux fils.

Le premier se nommait Hélios. Il était aussi chaleureux et aussi rayonnant que son nom le laissait supposer. Courageux, bon, sage, juste et joyeux, il s'attirait l'amitié de tous ceux qu'il rencontrait, aussi charmés par son honnêteté que par sa joie contagieuse. Il était beau aussi, bien sûr, car c'est ainsi que vont les choses dans les contes. Il avait une crinière de cheveux blonds qui, lorsque le soleil brillait, faisait comme une couronne d'or autour de son visage halé, illuminé de grands yeux aussi bleu qu'un ciel d'été et de lèvres roses, ourlées, faites pour sourire ou aimer. Il avait, comme il se doit, des épaules robustes, musclées, et un corps bon à faire soupirer tragiquement tous les célibataires du royaume. Chacun se réjouissait en songeant que c'était lui qui prendrait la suite du vieux roi, lorsqu'il viendrait à mourir.

Hélas, trois fois hélas, Hélios avait un frère. Un frère qui trainait dans son ombre comme la nuit suit le soleil, comme le loup guette pour frapper.

Tarrek était aussi froid que son aîné était chaleureux. Sec, impitoyable, il était chargé de faire respecter la justice dans le royaume et le faisait sans la moindre compassion, nécessitant bien souvent que son frère intervienne pour adoucir une peine. On le voyait toujours aller seul, le visage résolument impassible, vêtu de vêtements sombre, marmonnant des formules étranges et indistinctes... Et l'on murmurait tout bas que son apparence n'aurait pas pu mieux retranscrire l'obscurité de son âme – car, comme on l'a déjà dit, c'est ainsi que vont les choses dans les contes. De fait, Tarrek avait les cheveux sombres, aussi sombres qu'une nuit sans étoiles. Sa silhouette sèche, fine, était toujours droite comme un piquet, et au-dessus de ses lèvres aussi minces qu'une cicatrice, ses yeux bruns, presque noirs, semblaient fomenter mille désespoirs.

Mais l'histoire que je m'en vais vous conter ne débute ni avec Hélios, ni avec Tarrek, ni même avec le vieux roi. Elle débute par une fin d'après-midi d'octobre, alors que le soleil mourrait tout juste au-dessus de la capitale, dissimulant la silhouette agile d'un voleur, qui finissait de s'introduire dans le grenier d'un des manoirs les plus riches des environs.

Il s'agissait de Lyoth, jeune homme débrouillard et vantard, autoproclamé meilleur voleur du royaume, et qui avait présentement en tête de dérober un diamant d'une valeur inestimable pour parader auprès d'une certaine demoiselle. Ou d'une autre, allez savoir. Son visage fin, constellé de quelques taches de rousseur, sa chevelure brune en désordre et ses yeux de la teinte des plus claires noisettes lui donnaient un air de mauvais garçon qui n'était pour déplaire à personne. Dire qu'il profitait de ses charmes pour séduire et batifoler n'aurait pas été outrancier.

Hélas pour lui, les choses ne vont pas toujours ainsi qu'on le voudrait. Il avait été trop gourmand, cette fois, et il avait dévalisé trop de manoirs en trop peu de temps, avant celui-là. La maîtresse de maison avait pris ses précautions. Ce dont il ne s'aperçut qu'au moment où une dalle s'enfonça sur son pied, provoquant un long grincement suivit de la chute d'une cage métallique, qui l'enferma proprement.

Pire jour de ma vie, songea Lyoth en voyant les gardes débarquer.

Le pauvre ne savait pas encore à quel point.

On le fit pourrir des heures et des heures dans une cellule étroite et humide. Pour énerver les gardes, et amuser ses compagnons d'infortune, il se mit à chanter les chants les plus paillards qu'il connaissait, jusqu'à ce qu'on le bâillonne une bonne fois pour toutes. Ce n'est pas que Lyoth n'avait pas peur de ce qui allait lui arriver – en fait, il était plutôt terrifié – c'était simplement sa manière de répondre au danger.

Après un temps interminable à se morfondre dans l'obscurité, sa porte s'ouvrit, enfin. Une garde entra et lui retira son bâillon. Il fut tenté de se remettre à chanter, mais convint avec lui-même que ce n'était peut-être pas la meilleure des idées.

-Sa Majesté le prince Tarrek va te juger, voleur, lâcha la femme à la lance en le menaçant pour qu'il se lève. Sors. Pas d'entourloupe.

Le sang se glaça dans les veines du voleur. Comme tout le monde, il avait entendu parler de Tarrek – ou le prince sombre comme on l'appelait dans la rue, trop effrayé pour lui donner un nom plus insultant. Il savait que le prince rendait une justice intransigeante, ne lésinant pas sur les travaux forcés et la prison à vie. Encore heureux que la peine de mort ne puisse être décidé que par le roi.

Si Tarrek s'occupait personnellement de son cas, il était fini.

Alors qu'il avançait dans les couloirs sombres de la geôle, il songea à toutes les maisons nobles qu'il avait cambriolé ce dernier mois. Il aurait dû agir de façon plus mesurée. Il aurait dû prendre son temps, il aurait dû viser plus bas... Il allait tout perdre, à présent, tout, à commencer par sa chère liberté. Il ne reverrait plus jamais les filles et les garçons de la taverne, avec lesquels il aimait tant flirter, il ne rentrerait plus jamais chez lui, dans le grenier perdu d'une mansarde oublié, il ne tenterait plus sa chance, en courant de toit en toit, sous l'œil de la lune hagarde.

La gorge serrée, il se contenta d'avancer vers son destin, sa sentence, le verdict qui détruirait sa vie à jamais. On le poussa dans une pièce. La porte claqua dans son dos.

D'accord... Je suis à peu près certain que ce n'est pas la procédure habituelle...

Ce qui ne pouvait rien signifier de bon.

Reste calme, Lyoth, reste calme...

La pièce était petite, vide, mal éclairée par la lueur tremblotante d'un unique flambeau. Il aurait pu essayer de crocheter la serrure, si ses mains n'étaient pas attachées dans son dos. Qu'attendait-on de lui ? Et s'il avait contrarié le mauvais noble ? Et si le prince sombre avait décidé d'exécuter discrètement quelques peines de mort, par-ci par-là, pour satisfaire son goût du sang ?

Il commençait à paniquer lorsque qu'un cliquetis le fit sursauter. Quelqu'un venait d'insérer une clef dans la serrure. La poignée trembla et s'abaissa. La porte s'ouvrit en grinçant. Le voleur sentit son souffle se bloquer dans ses poumons.

Le prince sombre ressemblait trait pour trait à l'image que Lyoth s'en faisait. Il était grand, maigre, décharné, vêtu d'une tunique noir sur un pantalon noir rentré dans des bottes de cuirs qui lui arrivaient au genou. Son regard était glacial. Il se dégageait de toute sa personne une sorte de menace qui fit frissonner le jeune cambrioleur de la tête au pied.

Le prince Tarrek s'avança dans la salle, laissant la porte claquer dans son dos. Il laissa passer un instant de silence, avant de se retourner vers lui pour planter son regard implacable dans le sien.

-Ainsi, c'est toi le voleur qui pille les manoirs de la capitale ? Lâcha-t-il d'une voix méprisante. Je t'imaginai moins...

-Moins beau ? Lâcha Lyoth, décidé à ne pas montrer à quel point il était intimidé.

-Moins insignifiant, répliqua sèchement Tarrek. Et avec un air moins idiot. Enfin, je suppose que je me contenterais de ce que j'ai sous la main.

-Si la marchandise ne vous plait pas, renchérit Lyoth en se forçant à soutenir son regard, vous pouvez toujours la renvoyer à l'expéditeur. Je ferais très attention à ne plus vous croiser, je vous le promets.

-Ben voyons, railla le prince sombre en tournant autour de lui, comme un éleveur inspecte un animal. Trêve d'idioties. Es-tu réellement un bon voleur ?

-Plait-il ? s'étrangla Lyoth, car ce n'était pas vraiment la question à laquelle il s'attendait.

-Serais-tu sourd, en plus ? Lâcha l'autre.

-Sourd, non, répliqua Lyoth, qui commençait à être irrité par la condescendance de cette espèce de prince à la noix. Juste étonné.

-Bon. Je vais aller plus lentement pour toi, alors. Je serais prêt à te rendre ta liberté contre un petit service.

Les engrenages se mirent à tourner à toute allure dans l'esprit du voleur, lui dévoilant tout un éventail de possibilités nouvelles.

-Un service ? Répéta-t-il en se redressant, son sourire dit « des affaires » plaqué sur la face. Quel genre de service, mon brave ?

Le prince leva un sourcil consterné.

-T'a-t-on déjà dit que tu étais suicidaire, voleur ?

-Deux ou trois fois. Mais il semblerait que vous ayez besoin de moi, donc...

-Je me demande surtout si j'ai assez besoin de toi pour supporter ton impertinence, répliqua sèchement Tarrek.

Lyoth déglutit. Pourvu qu'il ne soit pas allé trop loin... Le prince sombre sembla réfléchir un instant – un long, long instant – puis, finalement, soupira.

-Je n'ai pas le temps de trouver mieux, convint-il. Approche-toi.

Lyoth aurait préféré ne pas s'approcher, merci bien. Mais avait-il vraiment le choix ?

À peine avait-il fait un pas en avant que le prince l'avait dépassé, pour se trouver dans son dos. Il sentit quelque chose de froid se refermer sur son avant-bras, juste au-dessus de ses liens. Puis il y eut un frottement, et sa corde céda, lui libérant les poignets. Stupéfait, il ramena ses mains devant ses yeux. Un bracelet métallique gravé de symboles étranges encerclait son poignet droit.

-J'aurais préféré ne pas en arriver là, soupira le prince, mais nécessité fait loi.

Tarrek leva un doigt et Lyoth glapit en sentant le bracelet chauffer contre sa peau, jusqu'au bord de la douleur.

-Grâce à ce bracelet, je peux te faire brûler en entier d'une simple pensée, continua Tarrek de sa même voix froide, impassible. Ne t'avises donc pas de me trahir. Compris ?

Lyoth déglutit et hocha la tête, la chaleur du bracelet s'estompant peu à peu sur son poignet.

-Oh, pas de remarque ironique, cette fois ? Railla le maudit prince.

Le voleur se retint de lui révéler le fond de sa pensée.

-Que voulez-vous de moi ? Demanda-t-il à la place.

-Que tu fasses ce que tu sais faire, répliqua l'autre. Voler. Voler la chose la plus importante de ta vie.

Il fit une pause, comme pour surmonter une dernière hésitation, et reprit :

-À dix kilomètres au nord de la capitale se trouve une forêt, communément appelée l'Impénétrable.

-Et dans laquelle vous allez me demander de pénétrer, bien sûr, grommela le voleur.

-Au plus profond de cette forêt, continua Tarrek sans daigner signifier qu'il l'avait entendu, se trouve la demeure en ruine d'une très ancienne fée, aujourd'hui disparue. Dans la cour de cette demeure se trouve une fontaine, la Fontaine de Vie et de Mort. Le chemin menant à cette fontaine est gardé par un dragon assoiffé de sang, par un lion savant, et par une chimère. Tu devras passer le dragon sans te faire repérer, et répondre à la question du lion, pour accéder à la fontaine.

-Et la chimère ?

Une moue ennuyée appuya brièvement les lèvres du prince.

-Je ne sais pas. Je n'ai trouvé aucune information à ce sujet. Il te faudra aviser sur place. Peut-être pourras-tu passer sans te faire repérer ? C'est pour cela que j'ai besoin d'un voleur patenté.

Il sortit de sa poche une petite bouteille relié à un cordon, qu'il lança à Lyoth. Le voleur la rattrapa au vol et la passa machinalement autour de son cou.

-Remplis cette bouteille de l'Eau de Vie et de Mort, et ramène-la-moi. Tu as cinq semaines, c'est juste ce qu'il faut, selon mes estimations, pour aller et revenir jusqu'à la fontaine. Au-delà de quoi, si tu n'es pas là, j'activerai le bracelet. Suis-je clair ?

-Cinq semaines ?! Hoqueta Lyoth. Mais vous êtes fou ! Sauf votre respect, bien sûr... Un cambriolage comme celui-là demande un minimum de préparation, et...

-Cinq semaines, à partir d'aujourd'hui, le coupa Tarrek. Pas un jour de plus.

Les récriminations de Lyoth changèrent de nature.

-Pourquoi voulez-vous cette eau ? Lâcha-t-il.

-Ce n'est pas ton affaire, voleur, cracha presque le prince noir.

-Pardonnez, Votre Majesté, mais c'est totalement mon affaire, à présent !

Tarrek le considéra un moment, peut-être surprit de sa réaction. Il sembla hésiter à lui dire quelque chose, puis se reprit. Son visage était plus dur, et plus impassible, que jamais.

-Tu sais ce qui t'attends si tu échoues, lâcha-t-il en désignant le bracelet à son poignet.

Puis il fit volte-face et sortit de la pièce sans se retourner, laissant Lyoth seul avec ses doutes, ses craintes, et ses problèmes.

~

Une journée passa, sans que Lyoth ne quitte la ville. Il était indécis, et le dire ainsi relevait du pur euphémisme. Devait-il risquer sa vie pour aller chercher cette eau, dont le prince userait à quelque dessein maléfique ? La fontaine d'une ancienne fée devait avoir un pouvoir extraordinaire ! Mais sur qui le prince maléfique pourrait-il utiliser cette Eau de Mort ?

La réponse le heurta de plein fouet. Hélios.

Il sentit son cœur battre un peu plus vite. Comme tout le royaume, il adorait le prince Hélios, et, dans son cas, peut-être plus encore. Depuis qu'il l'avait vu gracier une de ses plus proches amie lors d'un procès – elle s'était défendue contre un soudard qu'elle avait éborgné – il entretenait à son sujet un doux fantasme sentimental, de ceux que l'on sait parfaitement irréalisable, mais auxquels on aime penser, tard le soir, à la lisière des rêves. Plus encore, Hélios était l'avenir de ce royaume. Si Tarrek l'assassinait pour prendre sa place... Si Hélios mourait à cause de lui... Sa gorge se serrait à cette simple idée.

Mais que devait-il faire ? S'il n'obéissait pas, le bracelet le tuerait ! Il était obligé d'aller chercher l'eau ! Il ne voulait pas mourir ! Il avait le droit de vivre !

Mais il ne pouvait pas. Lyoth était un voleur, mais un voleur honnête. Il ne pouvait pas faire du mal à quelqu'un, surtout quelqu'un de bien. Il ne volait qu'à ceux qui pouvaient se le permettre, et faisait largement profiter ses amis du fruit de ses rapines. L'idée de blesser, l'idée de participer à un assassinat, le révulsait. En plus, il était fidèle à son royaume, fidèle à son roi, fidèle à son prince – le bon, bien sûr. S'il devait mourir en tentant de le sauver, alors ainsi soit-il. Il ne pourrait plus jamais s'accorder la moindre estime, sinon.

Il fallait qu'il prévienne Hélios.

~

S'infiltrer dans le château, puis dans la chambre du prince, n'avait pas été une partie de plaisir, mais il avait déjà accomplit plus délicat (comme, par exemple, la fois où il avait volé un diadème de diamant sous le nez d'un couple en plein ébat, mais passons). Présentement caché derrière un rideau, il attendait en se rongeant le sang. Combien de temps le prince Hélios mettait-il à diner ? Et si le fourbe Tarrek était déjà passé à l'action ? Et s'il arrivait trop tard, si le corps de son prince bien-aimé gisait quelque part, la gorge tranchée, ou pire...

La porte de la chambre grinça. Lyoth retint son souffle.

-Bon sang, Ned ! Lança la voix joyeuse d'Hélios, depuis le couloir. Pas ce soir ! Je t'ai dit que j'étais fatigué ! Et nous devons nous lever tôt, demain !

-Mais... gémit ledit Ned. Nous n'avons plus fait de partie de carte depuis deux semaines ! Tu trouves toujours un moyen d'esquiver ! Je vais finir par croire que quelqu'un vient à ton balcon en cachette tous les soirs !

Je suis à son balcon, ce soir, songea Lyoth avec amusement. Enfin, techniquement, pas le balcon, mais s'il veut que je lui joue une sérénade, je m'en occupe sans problème...

-Ne dis pas de bêtises ! Répondit le prince en riant. Bonne nuit, Ned !

-Bonne nuit, Hélios, soupira Ned.

Sa voix s'éteignit alors qu'il s'éloignait. Hélios attendit une ou deux secondes avant d'entrer dans sa chambre. À travers la fente des rideaux, Lyoth le vit fermer la porte dans son dos. Il est encore plus beau que la dernière fois, songea-t-il en laissant trainer son regard sur les habits informels du prince, qui se réduisaient à une chemise lâche et un pantalon moulant.

Soudain conscient que de sa position, Lyoth se rabroua et se décida à sortir de sa cachette. Au dernier moment, pourtant, il hésita, retenu par un étrange instinct. Le prince se retourna, laissa échapper un profond soupir, et se laissa misérablement tomber en travers de son lit. Il avait l'air extrêmement fatigué, soudain. Il frotta son visage de sa manche, et Lyoth fut effaré en constatant qu'il portait du maquillage. En dessous, il était extrêmement pâle. Inquiet, le voleur se décida enfin à se dévoiler.

Ou, du moins, s'y serait décidé si quelque chose n'était pas venu, une nouvelle fois, l'en empêcher. Un bruit de porte. Celle de la chambre était fermé, pourtant...

-Hélios !

Une tapisserie se plissa, et, de plus en plus effaré, Lyoth vit Tarrek en sortir. Il n'avait plus grand-chose de l'être sombre et terrifiant qui venait de le menacer de mort. En fait, il avait surtout l'air profondément angoissé. Il se précipita sur le lit où Hélios s'était allongé, prit sa main dans la sienne, et se pencha pour serrer son épaule.

-Ça va, Tarr', gémit Hélios d'une voix qui suggérait tout le contraire.

-Tu as le teint d'un mort ! Protesta Tarrek d'une voix inquiète qui fit gagner un degré de plus à l'incrédulité du voleur-espion. Fallait-il vraiment que tu participes à ce tournoi ? C'était complètement stupide, dans ton état !

-Si je ne l'avais pas fait, répliqua le prince blond en se redressant difficilement, ils se seraient douté de quelques choses. Mes amis, et... et lui. Tu sais bien.

Tarrek arrangea les coussins dans le dos de son frère pour l'aider à s'asseoir. Lyoth ne pouvait pas voir l'expression de son visage, mais la voute de ses épaules trahissait assez son accablement. Il le vit glisser sa main dans sa poche et en sortit une petite fiole contenant un liquide bleu clair.

-J'ai testé une nouvelle recette d'antidote... commença-t-il en tendant la fiole à son aîné, qui l'arrêta d'un geste.

-Arrête, Tarrek, j'ai pris assez d'antidotes pour exploser... Tu sais bien que rien ne peut défaire le sort qu'il m'a jeté.

-J'ai peut-être trouvé une solution, confessa Tarrek en serrant la main de son frère contre sa poitrine. L'Eau de Vie et de Mort...

-Tarrek, non ! Tu n'arriverais même pas à passer la première épreuve !

-Moi, non, mais un voleur patenté...

-Tu risquerais la vie d'un autre ?

Tarrek laissa passer un long silence. Lyoth remarqua que ses épaules s'étaient encore plus voûtée, et sa voix, lorsqu'il reprit la parole, était légèrement étranglée.

-Je ne veux pas te voir mourir, murmura-t-il. Tu es tout ce que j'ai !

Hélios l'attira à lui et le serra contre son torse.

-Je suis désolé, petit frère, souffla-t-il en retour. Si je pouvais... Tarrek, il y a quelqu'un derrière le rideau.

Tarrek se retourna d'un bond, une dague à la main, son visage de nouveau dur.

Vraiment pas ma journée, soupira Lyoth en faisant un pas en avant.

-Toi ! s'exclama Tarrek.

-Lui ? Questionna Hélios.

-Moi ! Affirma Lyoth en faisant une révérence.

-Tu devrais déjà être parti ! Protesta Tarrek en baissant sa dague – mais sans la lâcher.

-Pas sans savoir à quoi vous vouliez utiliser l'Eau de Vie et de Mort ! Je pensais que vous vouliez empoisonner votre frère...

-Et vous êtes venir le prévenir, finit Tarrek d'une voix pensive.

Son regard se plissa en se posant sur le voleur, qui frémit, mal à l'aise.

-Je vous avais mal jugé, souffla-t-il, presque trop bas pour que Lyoth l'entende.

-Il semblerait que ce soit réciproque, convint Lyoth, lui aussi à regret – car le bonhomme lui était si antipathique qu'il aurait bien aimé avoir des raisons de le haïr. Expliquez-moi. Que se passe-t-il ? De quoi souffre notre bon prince ?

En parlant, il s'était tourné vers Hélios, qui lui sourit gentiment, quoique faiblement.

-C'est le voleur que tu as envoyé chercher l'Eau de Vie et de Mort, n'est-ce pas ? Demanda-t-il à Tarrek.

L'autre soupira un « oui ».

-Autant tout lui dire, alors, conclut le prince aîné.

-Ça ne le concerne pas ! Rétorqua Tarrek.

-Maintenant si, Tarr', le corrigea affectueusement Hélios.

-D'accord, d'accord, grommela le cadet. Ouvre tes oreilles, le voleur, je ne le répèterai pas deux fois...

-Je m'appelle Lyoth.

-Quelle information passionnante. Merci de l'avoir partagé avec moi.

Lyoth allait lui lancer une verte réplique lorsqu'il vit du coin de l'œil Hélios se mordre la lèvre pour ne pas sourire. Son attention revint sur l'impassible Tarrek. Cet homme était-il en train de faire de l'humour ?

-Notre père, le roi, reprit Tarrek d'une voix grave, craint deux choses par-dessus tout. Vieillir, et perdre son pouvoir. Vieillir, il peut plus ou moins l'empêcher, grâce aux sortilèges que ses livres de magie noire lui ont enseigné. Mais le pouvoir... Plus Hélios grandit et gagne en popularité, plus le sien diminue. C'est pourquoi, il y a deux semaines, il a jeté sur mon frère un sortilège de mort lente. Un des plus horribles qui soit...

Il jeta à son ainé un bref regard de désespoir.

-Hélios est condamné à perdre sa vitalité petit à petit, imperceptiblement, inexorablement, jusqu'à ce qu'il n'ait plus la force de faire battre son cœur.

Il avait dit cette phrase du même ton posé et froid que le reste de son discours, mais sa main crispée sur sa cuisse trahissait son angoisse. Lyoth commençait à comprendre que pour saisir cet individu, il valait mieux se fier aux minuscules détails – une main serrée, un regard trop appuyé – qu'à l'impression qu'il cherchait à rendre.

-Quand ? Demanda Lyoth.

Le visage de Tarrek s'assombrit un peu plus.

-Réponds, petit frère, souffla Hélios.

-Je pensai que tu avais encore six ou sept semaines, souffla Tarrek. Mais... Mais maintenant... Je dirais... Trois semaines, grand maximum.

-Mais... Vous avez dit que le voyage allez-retour jusqu'à la fontaine en prenait cinq, lâcha Lyoth d'une voix blanche.

Il y eut un silence. Finalement, Tarrek soupira et rangea sa dague.

-Il n'y a qu'une seule solution. Elle ne me plait pas, mais tant pis. Nous allons tous les trois chercher cette eau.

-Mais je ne suis pas en état de voyager ! protesta Hélios.

-Tu te débrouilleras.

-Et rien ne dit que Lyoth ait envie de nous suivre, continua le prince.

-Tu comptais lui laisser le choix ?

Hélios lui jeta un regard insistant.

-D'accord, d'accord, grommela Tarrek en se tournant vers le voleur. Accompagne-nous, lui dit-il sur un ton d'ordre plutôt que de demande. Tu es certainement le dernier espoir d'Hélios, et du royaume entier. Je ne suis pas un cambrioleur ou un aventurier, nous aurons besoin d'un spécialiste pour passer les épreuves.

-Vous êtes très fort, vous, pour ne pas mettre la pression aux gens, railla Lyoth.

-Et vous pour m'horripiler. Était-ce un oui, ou un non ?

-Un oui, bien sûr, soupira Lyoth. Je ne vais pas laisser tomber mon prince !

-Bien, approuva Tarrek.

-Quand partons-nous ? s'enquit le nouveau recruté.

-Maintenant.

-Maintenant maintenant ?

-Vous connaissez d'autres maintenant, Lyoth le voleur ?

Ledit voleur se tourna vers Hélios.

-Est-ton vraiment obligé de l'emmener ? Demanda-t-il en désignant Tarrek.

Hélios éclata de rire, déridant d'un coup les deux belligérants. Le voyage promettait d'être pour le moins intéressant !

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