Le Roi Menteur 4/4

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Les six frères se tenaient droits, fiers comme des paons, en face de l'estrade royale. Les deux Reines étaient assises sur leur trône, leurs mains jointes tenant fermement le sceptre de la royauté, planté entre leur deux siège.

-Par les pouvoir qui nous sont conférés, commença la reine Louise, nous allons délivrer ce soir au peuple le nom de celui qui nous succédera. Nous lui léguons notre couronne par notre entière volonté. Son règne sera effectif après la cérémonie du Couronnement, au Solstice d'Été, ainsi que le veut la coutume.

-Les Fées nous ont fait grâce de sept fils bons, justes, droits et courageux, continua la Reine Louise en ignorant les murmures désapprobateurs de la foule.

-Permettez-moi d'émettre une objection, lâcha une voix, brisant le silence.

La foule s'ouvrit en deux devant le nouveau venu, trop stupéfaite pour réagir. Rhosen s'avança. Ses cheveux noirs flottaient légèrement autour de son visage déterminé, supportant une couronne d'or lourdement décorée. Sur ses habits rouges, richement brodée, était drapée une cape noire portant l'emblème du royaume. À ses flancs battait le fourreau d'une épée incrustée de rubis, comme éclaboussée de sang. Il avait repris son apparence d'antan, ainsi que sa prestance, et toute son autorité. Saydan, à ses côtés, aurait pu paraître invisible, dans ses habits de serviteurs, sans couronne et sans arme. Mais il avait la posture droite et déterminée de ceux qui connaissent leur place légitime, et nul n'aurait pu douter un instant se trouver en face d'un véritable roi.

Les deux Reines les regardèrent avancer jusqu'à l'estrade, stupéfaites.

-Vos Majestés, déclarèrent en même temps Rhosen et Saydan en executant une révérence protocolaire.

-Que cela signifie-t-il, mon fils ? Demanda sévèrement la Reine Louise.

-Mère, intervint l'aînée, je sais ce qui est en train de se passer ! Si Saydan a été absent toute la soirée, c'est qu'il était allé rejoindre ce Roi d'un autre pays, afin de dresser une armée et de prendre votre trône aujourd'hui, car il savait que vous nommeriez l'un d'entre nous !

-Est-ce vrai, Saydan ? Demanda Catheryna.

-Il ne saurait rien y avoir de plus éloigné de la réalité, mère, répondit froidement Saydan. Ce sont mes frères, ici présents, qui ont essayé de me tuer pour m'empêcher d'assister à cette cérémonie. Depuis des années, déjà, ils abusent de leur pouvoir et enchaînent les calamités...

-Assez ! Le coupa Louise. Où étais-tu lorsque tes frères géraient le royaume, Saydan ? De quel droit te permets-tu de les juger, toi qui passes ton temps à jouer et lire, alors qu'ils endossent, année après année, de nouvelles responsabilités ?

Saydan pâlit, tandis qu'un sourire étirait les lèvres de ses frères. La foule se mit à gronder. Saydan se maudit intérieurement : s'il ne résolvait pas la situation maintenant, ça allait être un bain de sang. Il n'avait aucun doute sur le fait que ses frères aient invités quelques mercenaires, au cas-où.

-Vos Majestées, intervint Rhosen en posant une main sur son épaule pour le tranquilliser. Permettez-moi de vous dires que vous êtes aveugles.

-Plait-il ? Faillit s'étrangler Catheryna. Gardes...

-Durant toutes ces années, vos six fils aînés vous ont mentit et aveuglés, continua tranquillement Rhosen, vous dissimulant leur véritable nature et imputant leurs méfaits au seul qui méritait réellement le titre de roi.

-Menteur ! s'exclama l'un des frères.

Rhosen se tourna vers lui, son regard brûlant d'une colère froide, mesurée, qui le fit déglutir.

-Oh, j'ai menti pour bien des choses, prince... Mais, heureusement pour moi, votre idiotie m'a donné la preuve dont j'avais besoin.

Il s'approcha du sixième frère, arracha la rose qui se trouvaient à sa boutonnière, et l'écrasa dans son poing. La voix du prince retentit alors, claire, distincte, reconnaissable entre toutes, assez forte pour être entendus par chaque invité.

« On s'en fiche du peuple. Saydan veut à tout prix les écouter et les contenter, mais ce ne sont que des bouseux, des serviteurs. Notre naissance nous donne le droit d'en faire ce qu'on en veut. »

Un silence de mort tomba sur l'assemblée. Le sixième prince était trop abasourdi pour réagir.

Rhosen attrapa la rose du cinquième frère.

« Nous, nous voulons être rois pour l'argent », déclara la voix dudit frère. « Saydan veut distribuer notre richesse durement gagnée aux plus pauvres. C'est énervant. Ils vont tout dépenser ! Ils n'ont qu'à trouver un travail et gagner le leur. »

-Ce... Ce n'est pas ce que je voulais dire, balbutia le prince en palissant.

Rhosen arracha la rose du quatrième frère.

« Saydan cherche toujours à faire la paix avec les voisins. C'est contraire aux lois de la nature ! Que le plus fort gagne, et que les ressources lui reviennent ! »

Saydan s'aperçut avec horreur que la silhouette de Rhosen était en train de pâlir, et que son visage se crispait de douleur lorsqu'il écrasait les roses dans son poing. Il voulut tendre la main pour l'empêcher de continuer, mais Rhosen l'esquiva et se dirigea vers le troisième frère, dont il attrapa la rose.

« Saydan essaie de nous empêcher de revendiquer notre droit sur le corps des plus beaux serviteurs ! Ils sont là pour servir, non ? Et c'est un honneur d'atterrir dans notre lit ! »

-Je... Je... Ce n'est pas vrai ! Protesta le troisième frère d'une voix si plaintive qu'elle en était à peine reconnaissable.

Rhosen se dirigea vers le deuxième frère.

-Rhosen, souffla Saydan, arrête...

-Je ne peux pas, Saydan. Pas avant d'avoir fait éclater toute la vérité.

Il arracha la rose du deuxième frère.

« Le pire, c'est qu'il entend régner équitablement, sans privilège... Même pour la noblesse ! N'importe quoi. »

-Que... Que se passe-t-il ? Souffla la Reine Louise, blanche comme un linge.

La silhouette de Rhosen commençait à perdre sa consistance. On pouvait vaguement distinguer à travers lui d'autres formes, comme par l'entremise d'un verre embué.

-C'est un sorcier ! Rugit l'aînée. Il nous a jeté un sort ! C'est un menteur ! Un menteur ! Gardes, arrêtez-le !

Indécis, les gardes jetèrent un œil vers les deux souveraines, qui leur firent signe de ne pas intervenir. Dans un geste de rage, l'aînée arracha lui-même sa rose et la jeta au sol, avant de marcher dessus. Aussitôt sa voix s'éleva, claire et audible.

« Nous règneront sans partage, sans que la moindre contestation puisse s'élever. Et si les deux vieilles ne sont pas contentes, on les étouffera dans leur sommeil. »

Les deux Reines perdirent ce qu'il leur restait de couleurs.

Rhosen n'était plus qu'un pâle fantôme, désormais. Mais ses lèvres souriaient, et ses yeux brillaient de larmes. Il se tourna vers les deux souveraines.

-Voyez-donc la nature de vos fils, déclara-t-il. Voyez le véritable visage de ceux qui vous ont si longtemps trompés.

Alors les yeux des deux souveraines se dessillèrent enfin, et elles virent ce qu'elles n'avaient jamais voulu voire. Elles virent le visage de leurs six fils aînées tordus par la colère, la haine, l'avidité, et celui de leur fils le plus jeune, droit, ouvert et juste. Elles virent le peuple silencieux, acceptant avec joie et approbation cette sentence. Et elles comprirent, enfin, l'injustice qu'elles avaient commise.

Louise et Catheryna échangèrent un long regard. Puis Louise hocha la tête, et sa femme se leva, le sceptre du pouvoir à la main.

-Par les pouvoirs qui me sont conférés, déclara-t-elle, je nomme Saydan héritier officiel du trône. Ses six frères aînés sont dès à présent dépossédés de leurs titres, et de tout privilège. Ainsi soit-il.

Saydan s'avança et referma ses mains sur le sceptre royal, sous les acclamations de la foule en délire. Il salua, tout sourire. Mais son cœur, au fond, était plein d'amertume. Au pied de l'estrade, l'image de Rhosen palissait, comme un souvenir, seulement tenu en vie par le petit bouton de rose glissé dans sa poche.

Saydan descendit de l'estrade et s'approcha de lui, couvert par les cris et les commentaires de la foule, qui commençait déjà à fêter le miracle en se jetant sur la nourriture.

-Ne pleure pas, murmura Rhosen en tendant une main vers sa joue.

Saydan ne s'était pas aperçu qu'il était en train de pleurer.

-Reste avec moi, souffla-t-il. Reste avec moi, je t'en prie...

-J'aimerai bien, répondit Rhosen d'une voix étouffée. J'aimerais tant, mon cher prince. Enfin, futur roi.

-Je peux peut-être vous aider, intervint une voix.

Rhosen et Saydan tournèrent leur tête de concert vers celle qui venait de parler.

-Azarël ? s'étonna le prince.

Rhosen fronça les sourcils.

-Mais... Vous... Je vous connais, non ? Je veux dire... Vous ressemblez à...

Azarël sourit. Ses rides s'estompèrent et s'effacèrent doucement. Ses cheveux blancs se parèrent de fils d'or, jusqu'à prendre la coloration des champs de blés. Sa peau s'affermit, son dos se redressa.

-La Fée, hoqueta Rhosen.

-Une Fée ?! s'étrangla Saydan.

Azarël sourit tristement.

-Lorsque tu m'as brisé le cœur, Rhosen, dit-elle d'une voix douce, j'ai perdu en une nuit toute ma beauté, dévorée de colère, de douleur et de peine. Puis au fur et à mesure que mon cœur guérissait, je me suis jurée de ne plus aimer, et j'ai gardé cette apparence.

-Durant mille ans ? Souffla Rhosen.

-Ne sois pas si dramatique. Ça ne fait pas mille ans. À peine cinq cents ans.

-Désolé, c'est difficile de compter les jours, enfermé dans un rosier, ironisa le roi maudit.

Saydan dissimula son sourire derrière sa main.

-À propos de ça... répondit Azarël en tournant fugitivement son regard vers les six frères, escortés par un escadron hors du château. Je pense que tu as versé ton tribu à la vérité, Rhosen le roi menteur. Tu as largement mérité que je lève mon sort. Ne serait-ce que pour le bonheur de mon petit Saydan...

-Je.Ne.Suis.Pas.Petit, répliqua l'intéressé en croisant les bras.

-Mais oui, répondit Rhosen en même temps qu'Azarël.

Saydan soupira. Puis, finalement, jeta sa tête en arrière et se mit à rire, heureux. Rhosen se joignit à ce rire, le cœur gonflé de joie. Puis il posa ses mains sur son visage et l'embrassa, l'embrassa longtemps, jusqu'à ce que leurs souffles ne s'épuisent et qu'ils décident de s'éclipser, afin de découvrir tout ce que la nuit avait à leur offrir.

Saydan et Rhosen se marièrent au Solstice d'Été, juste après le couronnement de Saydan. Et nul ne fut étonné de constater qu'il devint un roi juste, honnête, sage et courageux, soutenu par son mari, qui le laissait diriger, et sa chambellante aux cheveux d'or. Ils plantèrent dans leur jardin un magnifique rosier qu'ils entretinrent eux-mêmes, et adoptèrent six petites filles qu'ils surveillèrent de près, juste au cas-où.

Et ils vécurent heureux, très heureux, jusqu'à la fin de leur vie.

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