Les Sortilèges du bois maudit 3/3

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Frêne se réveilla en sursaut, secoué d'une angoisse déchirante. Il était seul, dans la cabane.

Sans prendre la peine de s'habiller, il sauta de son hamac, et se précipita dehors.

-Fafnir ! s'exclama-t-il en secouant la patte du dragon endormit. Fafnir !

La bête grogna, et daigna enfin ouvrir un œil.

-Où est Nat ?! Le pressa Frêne, terrifié sans comprendre pourquoi.

-Il dort, grommela le dragon. Comme tous les gens biens à cette heure-ci. Dors.

-Fafnir, il n'est pas là.

Le dragon releva la tête, soudain réveillé. Frêne aurait juré voir ses écailles blêmir.

-La pleine lune, lâcha Fafnir. C'est la pleine lune.

Le sang du chevalier le fit qu'un tour. Le village. Les humains.

-Je vais le chercher, lança-t-il en faisant volte-face.

-Je viens ! Renchérit le dragon en ouvrant les ailes.

-Non, répondit Frêne. Non, surtout pas !

-Si tu crois que je vais rester là alors que...

-Fafnir ! l'interrompit Frêne en posant sa main sur son museau, comme Nathaniel le faisait. Si tu te montres, qui sait ce dont ils seraient capables ? Et s'ils brûlaient la forêt, et s'ils venaient jusqu'ici, en pensant que tu es un trop grand danger pour eux ? Ce serait la fin du refuge. Tu sais que Nat préfèrerais mourir que de voir ça.

-Mais je veux pas qu'il meure, moi, gémit le dragon en laissant couler de grosses larmes argentés, qui roulèrent sur ses joues et mouillèrent la main du chevalier.

-Il ne mourra pas, répondit Frêne.

Et, sur ses derniers mots, il s'enfonça dans les bois.

~

Nat courrait.

Ses pieds nus frappaient la terre à un rythme régulier. Les racines s'écartaient autant qu'elles le pouvaient pour aider sa fuite, mais la forêt malade, malgré toute sa sympathie, était bien trop affaiblie pour être d'une grande aide.

L'enfant lové dans ses bras s'accrocha un peu plus fort à lui. L'Enchanteur pouvait sentir émaner de la petite créature la maladie et la douleur qui le rongeait. Il savait qu'il pouvait l'aider.

Mais il fallait qu'il fuit, plus vite, plus vite...

Il y avait des villageois, derrière lui, qui courraient en hurlant. On lui avait tendu un piège. C'était la première fois qu'ils osaient faire une chose pareille. Et juste la nuit ou Nat était affaiblit... C'était déjà difficile pour lui de traverser la forêt malade, alors courir, fuir, résister...

Il secoua la tête pour chasser les larmes qui brouillaient sa vue. Si les villageois n'avaient plus peur de lui, il était perdu. Lui et toutes ses créatures. Son refuge, sa maison. Ses amis. Ils étaient tous perdus...

Il trébucha, soudain, et s'étala de tout son long. Il eut juste le temps de se retourner, pour éviter de faire mal à l'enfant. Mais il atterrit sur son bras blessé, et le pic de douleur qui lui transperça la chair lui arracha un cri. Le bébé s'accrochait toujours à lui, confiant. Tous les enfants avaient confiance en Nat, c'était instinctif. C'était comme ça qu'il arrivait à les arracher à leur nid de misère.

L'Enchanteur laissa échapper un sanglot, et serra l'enfant contre son cœur.

-Je suis désolé, petit bonhomme, souffla-t-il. Je suis désolé, de ne pas t'avoir mieux protégé. Je suis tellement désolé...

Ils étaient près, tout près . La forêt lança un cri de détresse silencieux, folle de douleur à l'idée que son plus cher ami disparaisse.

Ils étaient là.

Nat, toujours à terre, recula, jusqu'à ce que son dos heurte le tronc d'un arbre. Il referma ses bras autour de l'enfant, blottis dans les racines du grand chêne.

Les villageois lui faisaient peur. Dans la lumière mouvante des torches, leurs visages déformés par la haine et la violence lui évoquaient des monstres de cauchemars. Ils ne disaient rien, pas encore, mais ils tenaient des fourches et des serpes, dont l'éclat malveillant envoyait un message assez clair.

Du sang. Ils veulent du sang.

-Lâche le bébé, Sorcier ! Lança une femme.

-Lâche le bébé ! Renchérit ce qui sembla être une foule à l'Enchanteur, mais se constituait d'une dizaine de téméraires à peine.

-Je ne lui veux pas de mal ! Tenta-t-il en serrant plus fort l'enfant contre son cœur.

Les hommes eurent un mouvement de recul, comme s'ils ne s'attendaient pas à ce qu'il puisse parler. L'un d'entre eux pointa sa fourche en avant.

-Lâche l'enfant ! Maintenant !

-Je vous en prie, tenta Nat, qui savait pourtant que c'était vain. Je vous en prie, écoutez-moi, je veux juste soigner l'enfant, il est malade à cause du fer, je peux l'aider... Écoutez-moi !

Mais Nat voyait ses mots glisser sur le cœur des villageois sans les toucher, sans même les effleurer. Ils n'écoutaient pas. N'écoutaient plus.

Une main se tendit, et arracha l'enfant à l'Enchanteur, qui le laissa partir, conscient que s'y accrocher était vain. Le bébé se mit à pleurer, et tendis ses mains vers lui.

-Il a ensorcelé l'enfant ! Cria une femme, hystérique, en faisant un signe de croix.

Les autres se signèrent aussitôt. Celle qui tenait le bébé le lâcha avec une mimique dégoûtée. Horrifié, Nat vit le bébé heurter la terre. L'enfant hurla et battit des mains. L'Enchanteur sentait sa douleur. C'était plus fort que lui. Il tendit la main, et envoya un peu de magie dans le corps de l'enfant, qui calma ses pleurs.

-REGARDEZ ! Hurla quelqu'un.

-C'EST LA PREUVE !

-LE BÉBÉ EST ENSORCELLÉ !

-MAUDIS !

-PERDU !

-DEVENU L'ENFANT DU DIABLE !

-LE PERDRE ! Scanda quelqu'un. IL FAUT LE PERDRE ! VITE ! AVANT QUE CE SOIT LUI QUI PERDE LE VILLAGE !

-NON ! Lança Nat. Je vous en prie, laissez-le...

Sans se relever, il voulut se déplacer jusqu'à l'enfant. Terrifié, un villageois lui envoya un large coup de pieds en plein visage, qui l'envoya rouler dans l'herbe, la bouche pleine de sang.

C'était le signal du départ. Jusque-là, le Sorcier était resté une figure effrayante, intouchable. Maintenant, l'ennemi était blessé, l'ennemi était à terre... Vulnérable.

Celui qui avait donné le premier coup s'approcha pour en donner un deuxième, dans le ventre de Nat, qui s'étouffa, et cracha du sang. Un autre répéta l'opération, retournant l'Enchanteur sur le dos.

Un troisième leva sa fourche, bien décidé à l'embrocher...

-STOP ! Hurla quelqu'un en faisant irruption dans le halo des torches.

C'était Frêne. Son épée à la main, il avait l'air d'un fou, rouge d'avoir tant couru, les habits froissés, les cheveux en bataille.

Les villageois reculèrent. Le cœur crevé d'angoisse, Frêne enjamba le corps de Nathaniel pour se placer entre lui et ses assaillants.

-Tu es vivant ! s'exclama une femme. Frêne, tu es en vie !

-On a vu revenir ton cheval, ajouta un autre, alors on a cru qu'il t'avait tué.

-Et on s'est dit qu'il fallait qu'on fasse quelque chose, cette fois !

C'est ma faute, réalisa avec horreur le chevalier. Ils ont fait ça à cause de moi...

-Je vous en prie, murmura-t-il. Regardez ce que vous êtes en train de faire. Réfléchissez. Regardez. Cet homme ne vous a pas menacé. Il ne cherchait qu'à aider l'enfant. C'est vous, c'est nous, qui avons empoisonné la forêt avec notre fer, nous sommes les responsables de nos propres maladies ! Nathaniel ne cherche qu'à nous aider. C'est quelqu'un de bien.

-Le Sorcier l'a envouté ! Hurla une femme en brandissant un crucifix.

-Non ! Non, écoutez-moi !

-Écarte-toi, Frêne ! On va lui régler son compte !

-Rita ! Fedrick ! Rob ! Léo ! Je vous connais depuis l'enfance ! Vous n'êtes pas de mauvaises personnes ! Regardez ce que vous êtes en train de faire, regardez ce que la peur vous fait devenir ! Vous blessez des bébés, vous frappez des hommes à terre...

-Laisse-nous passer, Frêne !

-À MORT LE SORCIER !

-À MORT !

-À MORT !

-Je vous en prie...

-À MORT !

Frêne sentit soudain une pression, sur sa cheville. Il baissa les yeux.

Nathaniel lui souriait, allongé sur le dos, ses lèvres teintées de sang.

-Ils n'écouteront pas, Frêne, murmura-t-il. Va-t'en.

Frêne regarda les villageois s'approcher en ligne, fourches dressées, visages grimaçants de haine. C'était des gens qu'il avait côtoyés, dont il connaissait les rêves, les espoirs, les douleurs et les histoires, ils les avaient vu sourire, pleurer, et même rire parfois. Et, soudain, c'était des monstres.

Frêne réalisa avec horreur qu'en d'autres circonstances, il aurait pu être là, lui aussi, une fourche à la main et la haine sur les lèvres. Après tout, ces gens croyaient protéger leurs familles et leurs vies contre un être abominable. Oui, dans une autre existence, c'est lui qui aurait frappé Nathaniel... Si cher Nathaniel, qui regardaient les villageois furieux s'approcher avec un calme surhumain. Aucune haine ne tâchait son regard, aucune colère, aucun ressentiment. Une profonde tristesse, seulement.

Le bébé se remit brièvement à pleurer, et termina son cri dans un hoquet.

Les larmes aux yeux, Frêne dégaina son épée. La lame émit un bruit cristallin en glissant hors du fourreau.

-Je ne veux pas vous blesser, dit-il, la gorge affreusement serrée. Mais je ne peux pas vous laisser lui faire du mal.

Les villageois se jetèrent sur lui dans un hurlement indistinct. Ils devaient éliminer la menace. C'est tout. Frêne n'était plus Frêne, à ce moment-là. C'était la menace. L'autre.

Le chevalier esquiva, assomma, évita, et, en désespoir de cause, se résolut à blesser. Mais pas tuer, non, pas tuer... Mais pas bouger non plus. Protéger Nathaniel à tout prix. Sur mon âme et ma vie.

Lorsque l'aube se leva, toute tâchée de sang, Frêne était la dernière personne debout.

Il respirait fort, crispé sur son épée. Ce n'était plus l'épée des étoiles, Terrin la splendide, c'était une arme. Tâché de sang.

Il n'avait tué personne, du moins il l'espérait, mais il ne pouvait pas s'attarder pour vérifier. Sinon, tout ce qu'il avait fait aura été vain. Il fallait fuir.

Il se pencha sur Nathaniel, qui pleurait en silence, allongé sur le dos, son regard fixé sur le ciel.

-Nat ? Appela doucement le chevalier. C'est fini.

L'Enchanteur essaya de se redresser, et grimaça. Son ami s'agenouilla, et passa un bras derrière ses épaules pour le soutenir.

-Je vais les soigner, murmura l'Enchanteur.

-Non, Nat. Il faut partir, répondit gentiment l'autre.

Nathaniel lui jeta un regard déterminé.

-Je vais les soigner, Frêne, puis j'introduirais une idée dans leur esprit. Une peur énorme. À chaque fois qu'ils penseront à toi, moi, ou la forêt, ils trembleront d'effrois, si fort qu'ils n'oseront plus jamais y remettre les pieds.

Frêne le regarda avec stupéfaction. Nathaniel avait les yeux luisant de larmes et les lèvres pincées d'effrois, comme s'il n'arrivait pas à comprendre ce qu'il disait lui-même.

-Pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? Demanda le chevalier.

-Je n'ai pas le droit, Frêne. C'est horrible, d'altérer l'esprit d'un autre être. C'est mal. J'ai prêté serment. Mais je ne peux pas...

Il soupira, amer.

-Si je dois faire une mauvaise chose pour protéger les miens, alors je le ferai.

Frêne sourit tristement.

-Tu ne pourrais pas les faire t'aimer ?

-Non... Je peux instiller la peur, parce que c'est facile. Ça se nourrit de tout. Ça grandit tout seul. Mais l'amour, Frêne, c'est si subtil, et si compliqué...

Sur ses paroles, il se traîna jusqu'aux corps étendus, et posa ses mains sur chacun d'eux, un par un, en psalmodiant des mots durs, déchirants, qui semblaient lui faire mal physiquement.

Lorsqu'il eut fini, à la dernière syllabe prononcée, il s'effondra dans les bras de Frêne, qui le serra contre lui pour étouffer ses larmes.

-Le bébé est mort, n'est-ce pas ? Murmura Nathaniel en s'accrochant à lui.

Sans répondre, le chevalier passa ses bras sous les jambes et les épaules de son ami, et le souleva comme un fétu de paille. Nathaniel appuya sa tête sur son torse et ferma les yeux.

~

Frêne avait à peine passé la lisière de la forêt contaminée qu'une bonne centaine de créature se précipitèrent vers lui dans un concert de cris, de mots en langues étranges, et de prénom lancés d'une voix inquiète.

-NAT ! Hurla Fafnir en faisant trembler la terre de ses grosses pattes, écartant d'une main désinvolte tous ceux qui se mettaient sur son passage.

L'Enchanteur ouvrit les yeux et sourit à son ami ailé pour le rassurer.

-Frêne ! Appela soudain une autre voix.

Le sourit de Nathaniel mourut aussitôt.

-Saule ? Lâcha le chevalier, stupéfié.

C'était lui. Cette silhouette élancée qui venait de surgir entre deux arbres. Ces longs cheveux. Ce visage fin. Ces yeux immenses. Cette voix. C'était lui ! Lui !

-Saule... répéta Frêne, immobile, Nat toujours au creux des bras.

C'était si étrange, de le revoir. C'était comme replonger dans des parfums d'enfance, lorsque le ciel était encore bleu, et que la violence du monde semblait loin, inaccessible. Quelque part, au fond de lui, un petit trou se combla. Il se sentit en paix. Il avait retrouvé Saule. Il avait achevé la mission qui le hantait depuis quatre ans déjà.

L'objet de ses pensées s'approcha.

-Nat, ça va ? Demanda-t-il, inquiet.

-Parfaitement, répondit l'Enchanteur en écoutant son cœur se déchirer. Ne t'inquiète pas, Saule.

Il s'attendait à ce que Frêne le pose au sol, mais le chevalier le garda dans ses bras, sans montrer le moindre signe de fatigue.

Saule retourna son attention sur son ami d'enfance. Sa main se tendit pour caresser sa joue et resta ainsi, suspendue dans l'air, avant de retomber lentement.

-Tu m'as terriblement manqué, dit-il doucement. Nat m'a envoyé un message, pour me dire que tu étais venu, que j'avais été idiot de partir, et que tu allais bientôt me rejoindre. Mais je n'ai pas pu attendre, et je me suis mis en route... Je suis arrivé pour trouver un Fafnir dévasté, et tout le refuge sens dessus dessous. J'ai eu vraiment peur...

-Toi aussi, souffla tendrement Frêne, tu m'as manqué. Horriblement.

-Je n'aurais pas dû partir sans te prévenir, ajouta l'autre d'une voix douloureuse. Je voulais prouver que le Sorcier était un mensonge. Je voulais qu'on puisse s'en aller, tous les deux. Vivre une vie meilleure.

-C'en est un, en quelque sorte, répondit Frêne avec un petit sourire triste. Mais non, tu n'aurais pas dû partir sans me prévenir. Je croyais que tu avais confiance en moi. Tout ce que je voulais, moi, c'était être avec toi. Je t'aurais suivi partout, si tu me l'avais demandé. Juste pour être avec toi.

Saule se mordit la lèvre. Nathaniel sentit une larme fleurir au coin de ses paupières closes. Chaque parole s'enfonçait dans son cœur comme un coup de butoir. Il aurait voulu qu'on lui dise ces mots-là. Il aurait voulu qu'il lui dise ces mots-là. Mais tout était finis, à présent. Frêne allait partir. Et il était si las, soudain...

-Tu pourras me pardonner, un jour ? Murmura Saule.

-C'est déjà fait, répondit doucement le chevalier.

Saule prit une inspiration étranglée. Il s'approcha encore, et, cette fois, posa sa main sur la joue de Frêne.

-Il n'est peut-être pas trop tard. Viens avec moi. Il y a une vie, là-bas, loin de la forêt. Tu adoreras l'endroit où je me suis installé, Frêne !

-Non, répondit Frêne avec, dans la voix, une infinie douceur. On a besoin de moi, ici. Et si les habitants veulent bien m'accueillir encore un peu ...

Stupéfait, Nathaniel ouvrit les yeux, pour plonger directement dans ceux du chevalier. Il y avait un sourire, dans ces yeux-là. De la violence, un peu. De la tristesse. De la peur. De la joie. Et tellement de tendresse que Nat s'en sentit bouleversé.

Les mots s'étaient enfuis, soudain. Ils étaient inutiles.

Saule s'écarta, les lèvres serrées, les yeux humides.

-Fafnir, dit-il en s'approchant du dragon, qui couvaient les deux amoureux d'un regard entendu. Tu veilles sur eux, hein ?

-Oh, Saule, tu pars encore ?

Saule eut un sourire plein de larmes.

-J'ai eu une chance, autrefois, et je l'ai laissé fuir. Oui, Fafnir, je vais partir. Mais maintenant, je veux vivre, je veux saisir tout ce que la vie pourra m'offrir, sans attendre, sans rien prendre pour acquis. Lorsqu'ils auront fini de se dévisager (il désigna le magicien et le chevalier, qui se regardaient toujours sans parler, un grand sourire aux lèvres), dis-leur qu'ils ont intérêt à être heureux.

Une grosse larme coula sur la joue du dragon. Saule partit sans se retourner, et, bientôt, disparu dans la forêt.

Lorsque Fafnir fit de nouveau volte-face, toutes les écailles de son visage prirent une teinte rosée. Frêne avait enfin déposé son précieux fardeau, et l'embrassait comme si sa vie en dépendait, prisonnier de l'étreinte du magicien qui le serrait contre lui.

-Mais trouvez-vous une cabane ! Glapit le dragon en prenant la poudre d'escampette.

Frêne et Nathaniel rirent de concert.

-Ça tombe bien, murmura Frêne, je crois savoir où en trouver une, pas loin...

-Eh bien, chevalier, qu'attends-tu pour faire ton devoir ? Le taquina Nat. Tu vois bien que je suis en détresse, la moindre des choses serait de m'ai...

Il n'eut pas le temps de finir. Un baiser avait mangé la fin de sa phrase.

-Je t'aime, souffla-t-il avant de sombrer enfin dans l'inconscience, ses forces totalement épuisées.

Pourtant, il était sûr d'avoir entendu un écho, près, tout près de son oreille. Un murmure.

-Je t'aime.

~

Les villageois construisirent un mur haut de plusieurs mètres autour de leur village, et n'en sortirent plus qu'en cas d'extrême nécessité, en petit groupe bien armé. De temps en temps, à la pleine lune, Frêne trouvait son compagnon à la lisière de la forêt, les larmes aux yeux. Nathaniel sentait la souffrance qui s'agglutinait derrière les murs métalliques, et ne se pardonna jamais d'avoir avivé la peur chez les villageois. Frêne retira une à une les amulettes qui empoisonnaient la forêt, et, quelques années plus tard, elle commença à reverdir. Bien entendu, il s'en constitua le protecteur, et n'importe qui désirant la traverser avait affaire au désormais légendaire Chevalier au Dragon Bleu.

Petit à petit, le village disparu, et aucun voyageur humain ne s'aventura plus dans ces contrées réputées inhospitalières. Le refuge grandit, et constitua, pour les créatures enchantées, un dernier endroit paisible dans le monde des hommes devenus fous.

Frêne et Nathaniel adoptèrent sept frères abandonné dans la forêt par des parents trop pauvres. Trois devinrent chevaliers, et deux magiciens. Le plus petit des sept, le plus futé, partit fonder un autre refuge, mais ça, c'est une autre histoire.

À force de vivre entouré de magie, Frêne vit son espérance de vie presque tripler. Lorsqu'il s'éteignit, entouré de sa famille – maintenant bien agrandit – Nat décida de partir avec lui, laissant le soin de garder le refuge à ses descendants – et Fafnir.

Une légende raconte – mais ce n'est peut-être qu'une histoire – que si vous vous aventurez dans ces bois, dont, étrangement, nul ne parvint à retenir la localisation, vous pouvez encore tomber sur un tombeau, au milieu d'une clairière, où reposent deux gisants de pierres aux sourires lumineux. Sur l'inscription, ces quelques mots :

Ils vécurent heureux, et eurent beaucoup d'enfants.

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