Au grand désespoir de Marinette, la première heure le lendemain commençait par une heure de basket. Alors que Monsieur d'Argencourt formait les équipes, elle resta tétanisée à l'idée de se retrouver avec Adrien. À son grand soulagement, et au grand désappointement du jeune homme, ils se retrouvèrent opposés. Les sentiments des autres étaient plus partagés. D'un côté, ils regrettaient de ne pas assister de nouveau au miracle de la semaine précédente. De l'autre, personne n'avait envie de les affronter ensemble.

D'une certaine façon, le jeu fut aussi étonnant que le vendredi précédent. À chaque fois que Marinette se trouva devant Adrien, qu'elle ait la balle ou que ce soit lui qui l'ait, elle faisait exactement ce qu'il ne fallait pas faire : elle abandonnait le ballon ou laissait passer son camarade sans tenter de l'intercepter. En fin de match, il était clair qu'Adrien l'évitait, préférant se confronter à Alix plutôt qu'à elle, quand il avait la balle, ou s'écartant de son passage pour qu'elle ne perde pas ses moyens quand c'est elle qui l'avait. Quand le match fut terminé, alors qu'Alix houspillait sa coéquipière en lui demandant des explications, Adrien, totalement déboussolé, se tourna vers Alya et lui lança un regard interrogatif. Celle-ci, qui avait observé tout le match du banc de touche d'un air atterré, haussa les épaules et écarta les mains, paumes vers le haut. Elle n'avait pas de réponse à sa question muette.

Adrien repartit vers les vestiaires, totalement perdu.

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— Qu'est-ce que tu as fait ? demanda Nino à Alya.

— Que veux-tu dire ?

— Depuis que tu as parlé à Adrien, il est dans la lune et déprimé. Depuis hier, Marinette ne te parle plus et elle est encore plus émotive que d'habitude.

— Je n'y suis pour rien, soutint Alya.

— Tu tentes encore de pousser Marinette à se déclarer, c'est ça ? insista Nino. Tu as donné des indications à Adrien ? Arrête de te mêler de leurs affaires, à la fin ! Je n'ai pas l'impression que tu les aides, là. Ils t'en veulent manifestement et je pense qu'ils ont raison.

— Tu ne sais pas de quoi tu parles ! protesta Alya.

— Peut-être, mais j'en vois les résultats et ils ne sont pas beaux à voir. Alors, laisse-les un peu tranquilles !

— Tu ne comprends rien, tu ne sais rien et tu n'as pas à le donner d'ordres ! revendiqua Alya en le plantant sur place et en se précipitant dans le vestiaire des filles où il ne pouvait pas la suivre.

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Nino rejoignit Adrien qui était en train de remettre sa chemise en chuchotant. Voilà qu'il en était au point de parler tout seul ! Nino était très attaché à Alya. Il appréciait le temps qu'ils passaient ensemble. Mais il n'approuvait pas toutes ses initiatives, notamment l'obsession qu'elle avait de mettre en couple Adrien et Marinette. Si le coup de cœur de la déléguée de classe était évident, l'intérêt d'Adrien pour elle était purement amical. Nino ne pensait pas que pousser Marinette à se déclarer était une bonne idée. Cela mettrait les deux intéressés dans une situation embarrassante et la pauvre Marinette aurait alors davantage de raisons de perdre tous ses moyens devant celui qui l'avait éconduit.

Nino fit du bruit pour ne pas prendre son ami par surprise. Il vit Adrien se tendre avant de se tourner vers lui d'un mouvement parfaitement naturel.

— Ça va ? demanda Nino

— Pourquoi ça n'irait pas ? fit mine de s'étonner Adrien. On vient de gagner le match.

Nino vérifia que les autres garçons de la classe ne pouvaient pas les entendre avant de s'approcher de son camarade et de lui souffler :

— Je ne sais pas ce qu'Alya t'a dit, mais je vois bien que ça t'a mis la tête à l'envers. Ne prends pas ce qu'elle raconte trop au sérieux. Elle se trompe parfois et, même si elle a de bonnes intentions, elle peut te mettre des idées fausses dans la tête.

Adrien le regarda un instant, le visage troublé, avant de lui dédier un grand sourire.

— Nino, j'ai de la chance d'avoir un ami comme toi.

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Si Alya avait défendu son bilan devant Nino, elle devait bien admettre que rien ne se passait comme prévu.

Il était normal qu'Adrien ne sache pas que Ladybug/Marinette était amoureuse de lui, tant que cette dernière ne se déclarait pas. Mais Alya ne pensait pas qu'il déprimerait à ce point. Après tout, cela faisait des mois qu'il était épris de Ladybug sans succès. Pourquoi le vivait-il soudain aussi mal ?

Elle était aussi déçue par la réaction de Marinette. N'avait-elle pas compris que Chat Noir était Adrien et que celui-ci l'aimait ? Elle avait pourtant été claire ! Alors pourquoi Marinette était-elle encore plus mal à l'aise avec lui ? Elle qui affrontait les vilains avec autant de courage n'arrivait même pas à déclarer ses sentiments à un garçon dont l'amour et l'admiration lui étaient acquis ? Si elle n'y arrivait pas en tant que Marinette, pourquoi ne pas le faire en tant que Ladybug ? Sous cette forme son soupirant s'était mainte fois déclaré et elle n'éprouvait aucune timidité à son égard.

Sauf que manifestement la connaissance mutuelle de leur identité avait été catastrophique pour leur équipe. Le début du dernier combat, qu'Alya avait suivi sur son téléphone, avait très mal commencé. Les deux partenaires n'arrivaient pas à se synchroniser et avaient bien failli être blessés à plusieurs reprises. Ils s'étaient manifestement repris durant la seconde partie de l'affrontement, mais Alya avait eu le temps de regretter d'avoir parlé.

Mais elle ne pouvait plus revenir en arrière maintenant. Ils avaient tous les deux compris et ils n'arrivaient pas à gérer la situation (et ils lui en voulaient manifestement pour ça). Il allait falloir qu'elle répare son erreur.

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Il était clair que Marinette ne voulait pas parler à Alya. Elle ne lui répondit pas quand son amie lui parla en classe, ignora les mots écrits qu'elle lui passa, et s'installa avec Rose et Juleka à la cantine. La journée fut douloureuse pour la blogueuse : non seulement sa meilleure amie lui faisait la tête, mais toute la classe l'avait remarqué et se demandait ce qui s'était passé. Sans compter l'intérêt un peu ironique d'Adrien, qui semblait avoir repris du poil de la bête après le match, et les regards « je te l'avais bien dit » de Nino.

Mais s'il y avait une qualité dont Alya était largement pourvue, c'était bien la persévérance. Qu'elle le veuille ou non, Marinette allait l'écouter.

Alya laissa donc son amie partir à la fin des cours, la suivant à distance. Elle la rattrapa dans la boulangerie. Ce fut Sabine qui, en la saluant, fit prendre conscience à sa fille que la blogueuse était juste derrière elle. Marinette fit la grimace, mais n'osa pas faire d'esclandre dans la boutique. Ce ne fut que dans l'escalier qu'elle protesta :

— Désolée, Alya, mais j'ai besoin d'être seule, ce soir.

— Seulement cinq minutes, négocia son amie. Après, je m'en vais, je te le promets.

Marinette soupira et précéda Alya vers l'appartement. Une fois dans la mansarde, Alya rabattit la trappe derrière elle pour garantir la discrétion de leur conversation. Marinette s'assit à son bureau, tournant le dos à son amie. Alya s'assit sur la méridienne et attaqua :

— Je ne te comprends pas, Marinette. Tu as l'assurance qu'Adrien est attiré par toi, et tu n'arrives toujours pas à lui parler. Qu'est-ce qu'il te faut ? Qu'il se traîne à tes genoux ?

— Adrien n'est pas attiré par moi, la contredit Marinette la voix terne.

— Mais tu admets que Chat Noir est attiré par Ladybug, quand même !

Marinette hocha la tête.

— Bon, et tu vas prétendre que ce n'est pas la même chose ? Pas à moi !

Marinette fit pivoter son siège pour faire face à Alya et affirma :

— Non, ce n'est pas la même chose ! En tant que Marinette, je suis juste pitoyable à ses yeux. Et moi, je ne suis PAS amoureuse de Chat Noir. C'est juste un ami !

— Chat Noir EST Adrien ! Et ce n'est pas qu'un ami pour toi. Tu l'as encore prouvé aujourd'hui pendant le match de basket.

— Je... je ne sais plus ce que j'éprouve pour lui. Je me rends compte qu'il n'est pas comme je le croyais.

— Tu es en train de me dire que tu n'es plus sûre de l'aimer parce qu'il est plus drôle et courageux que tu ne l'imaginais ? formalisa Alya en ouvrant des yeux étonnés.

— Non, non, balbutia Marinette. Mais il est tellement insouciant, il ne prend pas les choses au sérieux.

— Adrien trop insouciant ? répéta Alya d'une voix incrédule. Enfin, Marinette, avec la vie qu'il a, tu devrais te réjouir qu'il sache encore plaisanter ! Et puis, quand il s'agit de te protéger, il est loin d'être là en touriste. Tu veux voir les vidéos qui le prouvent ?

Marinette ne répondit pas. Elle était profondément plongée dans ses pensées. Alya se tut, la laissant méditer ce qu'elle venait de lui dire. Elle vit les sourcils froncés de son héroïque amie se détendre lentement, puis un sourire timide éclairer ses traits. Visiblement, Chat Noir était en train de rentrer en grâce.

— Adrien en plus drôle et courageux, dit finalement Marinette d'une voix rêveuse.

— Exactement. Les cinq minutes sont passées, tu veux toujours que je parte ?

Marinette sourit à son amie.

— Non, merci d'avoir insisté. J'avais besoin d'aide, je crois. Tu m'attends deux minutes ? Je vais chercher des cookies.

Quand Marinette fut de retour, elles s'installèrent toutes les deux sur la méridienne. Elles croquèrent les biscuits puis Marinette soupira :

— J'admets, Adrien est peut-être encore mieux que je l'imaginais. Mais moi, c'est le contraire. Comment peut-il encore penser du bien de moi après ce matin ? J'ai été tellement ridicule !

— Mais tu es AUSSI Ladybug. Il ne peut pas l'oublier. Il sait à quel point tu peux être formidable.

— Je ne sais pas, Alya. Il n'avait pas l'air très enthousiaste hier soir, quand on a parlé de tout ça.

— Vous vous êtes revus après le combat ?

— Oui, on ne peut pas se permettre de ne pas être au top dès le début quand on affronte un vilain. On a acté qu'on pouvait continuer à se battre ensemble, mais je n'ai pas eu l'impression qu'il proposait davantage.

— Mais avant, en tant que Chat Noir, t'a-t-il déclaré sérieusement ses sentiments ? Je veux dire autrement que par des rodomontades.

— Oui, soupira Marinette. Il m'a dit qu'il était amoureux de moi, et je lui ai répondu que j'aimais un autre garçon.

— Je parie qu'il se demande qui c'est et qu'il passe toutes tes connaissances masculines au crible, s'amusa Alya.

— Oh non ! fit Marinette en cachant sa figure dans un coussin.

— Pas de panique, tu n'as qu'à lui faire comprendre que c'est lui, et tout s'arrangera.

— Je n'y arriverai jamais !

— Fais-le en tant que Ladybug ! S'il te drague un peu, montre-lui que tu apprécies.

— Il ne m'a pas du tout draguée hier soir. Je te dis qu'il a changé d'avis maintenant qu'il sait qui je suis ! dit Marinette en émergeant de son coussin.

— Cela ne veut pas dire que tu ne lui plais plus. Il a peut-être peur de t'embarrasser maintenant que vous allez vous voir tous les jours.

— On ne va pas y arriver !

— Mais si ! Sois un peu gentille avec lui quand il est en Chat Noir. Un petit bisou sur la joue, pour le remercier de t'avoir sauvé la vie, devrait l'encourager.

Rien qu'à cette pensée, Marinette devint cramoisie.

— Allez Marinette, tu es Ladybug, que diable ! Bon, assez parlé du matou national ! Tu me présentes ton kwami ?

Voilà. Alya en action, c'est toujours efficace (enfin, pas toujours du premier coup). Pour la prochaine fois, on arrive au dernier chapitre qui s'intitulera "Adrien & Marinette" (oui, enfin). Ensuite, on enchaînera sur une nouvelle histoire.