Colorpoint (2)

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 Après tout, ce n'est pas vraiment étonnant vu qu'elle est là en vacances, elle n'a peut-être même pas le permis, elle a sans doute dû venir en taxi. Ça aurait été étonnant qu'elle ait loué une voiture, ce n'est pas encore un marché très répandu dans le monde. Et elle n'en a peut-être jamais entendu parler avant d'arriver en Angleterre, la Côte d'Ivoire a beau ne pas être le pays le moins développé au monde, ce n'est quand même pas très moderne. Bon, après c'est possible que ce ne soit qu'un a priori, mais bon.

— Euh... non... je suis venue en taxi...

Mais tu n'en as pas rappelé un, alors comment comptes-tu repartir ?

— Tu veux retourner à l'intérieur pour utiliser le fixe ? l'interrogé-je à la place de la question que j'ai formulée en pensée, trouvant cette dernière légèrement trop sèche.

Elle me regarde comme si elle ne comprenait pas ce que je voulais dire, avant de rire, mais pas un rire franc, un rire forcé, je ne comprends définitivement pas toujours tout avec elle.

Je la regarde alors retourner chez Warren, pressée, et quand la porte se referme sur elle, je me retourne pour faire semblant de ne pas l'avoir suivie des yeux. Je surveille plutôt les voitures du groupe partir en les saluant une dernière fois. Je me retrouve donc seule devant la maison de mon frère, je pourrais clairement rentrer chez moi, c'est certain, mais je préfère discuter un peu avec Déborah en attendant que son taxi arrive, en plus, au fond, je ne suis pas si fatiguée que ça. Cette dernière revient quelques minutes plus tard en m'annonçant que son chauffeur devrait arriver vers dix heures cinq, ce qui est clairement rapide, elle n'a pas dû appeler un taxi à Londres, sinon elle aurait eu bien plus de vingt minutes à attendre.

— Alors... Où en étions-nous avant que Ruth... enfin avant que je me rende compte qu'il soit si tard... ou si tôt... il n'est même pas encore dix heures après tout...

— On parlait du fait que le monde va mal... D'ailleurs par rapport à ce que tu as dit tout à l'heure... commencé-je juste avant de me faire interrompre par Déborah.

Elle me fixe vraiment effrayée et commence à débiter une phrase à toute vitesse que je ne comprends pas puisque dans la panique, elle doit parler français.

— Enfin... de quoi tu parles ? Je n'ai rien dit de particulier ! affirme-t-elle cette fois dans ma langue, mais parlant toujours aussi vite, paraissant presque angoissée, je ne comprends pas vraiment pourquoi.

Je suis même obligée de me rendre à l'évidence qu'elle est en train de me mentir et qu'elle connaît Colourpoint, elle sait aussi exactement de quoi je parle.

— Comment connais-tu Colourpoint ? l'accusé-je persuader maintenant qu'elle a conscience d'avoir cité les paroles de la musique, sinon pour quelle autre raison serait-elle tant effrayée quand j'ai commencé à aborder le sujet ?

— Colourpoint ?... vérifie-t-elle comme si elle n'était pas sûre de ce que je venais de dire, elle paraît même très surprise. De quoi tu parles ?

— C'est une de nos chansons qui n'est pas encore sortie...

— Mais de quoi tu parles ? répète-t-elle toujours aussi ahurie, au point que je commence à douter de ma théorie. Comment veux-tu que je connaisse les paroles d'une de vos chansons, alors qu'elle n'est même pas encore sortie ? Si tu veux mon avis, c'est juste du hasard... Colourpoint c'est un mot parmi tant d'autres... Et en plus, c'est la couleur de mon chat... rajoute-t-elle et avec ses deux dernières phrases, elle chasse le doute que j'avais, ce n'est pas une phrase réellement utile, c'est comme si elle la disait pour me convaincre qu'elle ne ment pas.

Et en plus, comment veut-elle que je la croie alors qu'elle a réagi au quart de tour dès que j'ai commencé à lui en parler ?

— Alors si c'est le hasard, pourquoi avoir réagi si vite dès que je t'en ai parlé ?

— Oh, ça... Je croyais que tu voulais savoir comment j'avais deviné pour l'homosexualité de Warren...

C'est vrai qu'il y a ça aussi... je l'avais presque oublié... Elle sait définitivement beaucoup trop de choses décidément... À un certain stade, ça devient beaucoup trop suspect. Je ne sais même pas comment elle fait pour en savoir autant sur mon jumeau et moi. Je sens que dans deux secondes, elle va me balancer mon nom de naissance au visage, je le sens bien – enfin mal plutôt.

Mais malgré ça, elle me paraît sincère dans ses mots et j'ai envie de la croire quand elle dit qu'elle n'avait pas conscience de citer des paroles de Colourpoint. Et après, pour mon frère, ça reste un mystère... mais bon, peut-être que ça se voit, je ne sais pas... J'ai quand même besoin de lui poser la question :

— Je veux bien savoir aussi, ce n'était pas pour ça que je t'ai interrogée au début, mais maintenant que tu en parles, je veux volontiers une explication.

— Bah en fait, c'est tout simple, j'ai cru le voir avec un homme et j'avais déjà des doutes sur sa sexualité... mais après ça, je n'en avais plus vraiment... Et quand Leroy a dit que Warren ne me draguait pas, que je n'étais pas son genre, j'ai eu la confirmation... rien de plus... Je pense d'ailleurs ne pas être la seule au courant, Ann n'avait pas l'air très étonnée...

Définitivement, il faudra que je dise à mon jumeau de faire plus attention la prochaine fois, sinon ça va finir par des révélations dans des magazines et il ne pourra plus choisir quand son homosexualité se saura.

N'empêche, il faut bien avouer qu'elle a l'œil pour avoir remarqué tout ça en deux soirées. Mais surtout, ce que j'admire, c'est son ouverture d'esprit, je connais des dizaines de personnes qui auraient été dégoûtées en comprenant ça, même des gens dont nous sommes censés être proches n'ont pas accepté. Nos parents par exemple, qui ont espéré toute notre enfance que ce n'était qu'une phase et qui à nos dix-huit ans auraient clairement fait en sorte que Warren finisse sa vie en prison. J'aurais d'ailleurs sans doute fini au même endroit, vu qu'ils ne m'ont pas non plus acceptée, même si c'était pour d'autres raisons.

C'était un peu une autre époque quand même, je n'arrive pas à croire que ça ne fasse que cinq ans. Heureusement, maintenant que nous sommes en Angleterre, nous ne courons plus aucun risque, plus personne n'a de raison de s'en prendre à moi et personne n'est envoyé en prison pour être homosexuel. Bon, pour mon jumeau, ce n'est pas pour autant accepté, il ne faut pas se mentir non plus, mais c'est déjà mieux et nous faisons avec.

Ça me fait presque croire que Déborah accepterait ce que je suis, aussi bien que les membres de Her Majesty. Bien qu'eux, ils n'avaient pas vraiment le choix, nous avions une tournée dans les jours à venir, ils ne pouvaient pas me virer du groupe sous peine de devoir tout annuler à la dernière minute. Je pense qu'il faudrait être complètement fou pour ne pas faire des concerts aux États-Unis et laisser tomber un groupe qui commence à avoir du succès à l'étranger uniquement parce que l'une des membres n'est pas exactement comme elle a l'air en apparence.

— C'est vrai qu'avec tout ça, il y a moyen de deviner pour mon jumeau, accepté-je, en comprenant bien mieux comment elle a deviné, elle a simplement le sens de la déduction.

Maintenant, il nous reste plus qu'à espérer qu'aucun journaliste ne soit suffisamment proche de nous pour deviner l'homosexualité de Warren.

Nous continuons de parler pendant plusieurs minutes et régulièrement, elle me demande l'heure, comme si elle avait peur que son taxi soit en retard. À force, ça commence même à être vexant, il faut qu'elle le dise si ma présence la dérange. Mais je ne lui fais pas remarquer. Déjà parce que je n'ai pas envie de la laisser et en plus parce qu'elle semble vraiment intéressée par notre discussion.

— D'ailleurs, il faudrait qu'on se revoie... avant que je ne retourne en Côte d'Ivoire... Mais pas demain... je dois répéter avant le concours de mardi... Ne t'en fais pas, il ne dure que le matin... et je repars à... vingt-deux heures... On pourrait au moins passer l'après-midi ensemble... Tu en dis quoi ?

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