Don't Stop The Show (2)

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 Quand je rouvre les yeux, je suis devant le portail de ma maison, heureuse d'avoir bel et bien voyagé dans le temps – même si j'en étais presque certaine ce matin, l'option coup sur la tête était tout de même plutôt probable.

Mettant mon plan à exécution, je sonne, attendant que quelqu'un vienne m'ouvrir. Étonnamment, c'est la silhouette de ballerine déformée par un gros ventre de ma mère, ça tombe bien, c'est à elle que je veux parler. Quand elle ouvre le portail, je suis étonnée de voir à quel point elle paraît plus jeune, ses traits sont plus lisses, les cheveux d'un blond vif, mais elle est exactement la même au niveau de l'attitude et du sourire.

— Bonjour, madame, je suis désolée de vous déranger, mais c'est bien ici l'école de danse Sekongo ? demandé-je en essayant d'avoir vraiment l'air désolée, alors qu'en réalité, je jubile.

— Oui exactement, puis-je vous aider ?

C'est déjà très perturbant de vouvoyer sa propre mère, mais l'être de sa part l'est encore plus.

— J'aimerais m'inscrire au cours de la rentrée, je m'y prends tôt, mais étant donné le prestige de votre école, je préférai... Mais je reviendrai plus tard, je ne voulais pas vous déranger et je ne savais pas que vous étiez fermé en ce moment...

S'il te plaît, maman, soit toujours aussi gentille et accepte même si tu vas bientôt accoucher.

— Oh ce n'est rien, ne vous en faites pas, nous ne sommes pas vraiment fermés, mon mari fait encore des cours. Et je vais m'occuper de vous, ça ne me pose aucun problème. Venez, rentrez, je vais vous faire remplir la paperasse, ajoute-t-elle en ouvrant la grille.

Je la suis dans l'allée, jusqu'à la bâtisse de pierre, plusieurs mètres plus loin. Ma mère ouvre la porte d'entrée, qui donne directement sur un studio de danse, sans doute moderne pour la fin des années 90, mais il l'est bien moins que celui qui occupe actuellement le rez-de-chaussée de la maison. Elle me conduit alors jusqu'au bureau, la pièce à droite de l'entrée. Il n'a presque pas changé en vingt ans. Il y a la même bibliothèque de CD, les mêmes guirlandes lumineuses, la même vitrine de trophée, la même table en chêne envahie par la paperasse, la même ambiance cosy et accueillante. Les seules différences sont la modernité de l'informatique et les photos au mur – mais ça paraît logique quand on sait que maintenant, ce ne sont presque que des photos de mon frère et moi et ni lui, ni moi ne sommes encore nés.

Elle me fait signe de m'asseoir et prend place derrière le bureau, avant de fouiller dans la montagne de feuilles, à la recherche d'un formulaire d'inscription déjà imprimé, puis de me tendre le papier en me demandant :

— Vous faites déjà de la danse ?

OK, mon plan est pourri, je n'ai rien prévu niveau des questions que ma mère pourrait me poser.

— Euh non... je veux apprendre à en faire pour... mon mariage, affirmé-je en commençant à remplir le formulaire, surtout pour cacher mon mensonge.

Et je mens très mal, c'est quoi cette idée de mariage ? Tu as vingt et un ans, ce n'est pas crédible ! Ce n'est pas comme si ta mère était contre les mariages tôt ! Bon, c'est l'une des principales raisons pour lesquelles les personnes s'inscrivent, mais je peux trouver mieux.

— Vous n'êtes pas un peu jeune ?

— J'ai vingt et un ans depuis aujourd'hui, alors non, remarqué-je heureuse de pouvoir glisser cette phrase, mon plan est vraiment en marche maintenant.

— Bon anni... commence-t-elle, mais je l'interromps.

— Non, surtout pas, souhaiter l'anniversaire d'une femme le jour de ses vingt et un ans ! Ça porte malheur !

S'il vous plaît, faites que ma mère ne soit pas devenue superstitieuse avec le temps.

— Ah bon ? Je n'en avais jamais entendu parler de ça avant.

— C'est une légende ivoirienne très réputée, nous ne fêtons jamais les vingt et un ans d'une femme, sinon elle meurt dans les jours qui suivent.

C'est entièrement faux évidemment, mais ma mère peut largement y croire, sauf si elle vérifie auprès de mon père, qui est natif du pays. Et encore, en fonction des classes sociales, les mythes ne sont pas les mêmes, alors ça peut quand même marcher. Sans compter qu'il y a des dizaines de sous-cultures dans le pays.

— C'est bon à savoir, j'éviterai de souhaiter cet anniversaire dorénavant, déclare-t-elle, réellement inquiet, me prouvant qu'elle y croit, j'ai réussi.

Je reste un peu à parler avec ma mère, avant de repartir à pied vers un endroit qui m'était inconnu, jusqu'à ce que je me réveille. Il est encore tôt, mais ça ne me gêne pas du tout, je suis en pleine forme, gonflé à bloc. Je suis même prête à aller à l'hôpital dès maintenant pour voir si ça a marché, mais je me retiens, il n'est même pas encore cinq heures du matin. Je tente un peu de me rendormir, mais mon manque de patience fait que je finis par abandonner, sachant bien que c'est maintenant foutu, je suis trop réveillée et survoltée.

C'est vraiment nul que l'hôpital ne soit pas encore ouvert au public, je n'attends plus que ça. Je reste plusieurs minutes de plus dans le noir, à essayer de m'endormir ou au moins m'occuper – puisque c'est clairement parti sur un jeu d'ombre chinoise sur les murs grâce au clair de lune. Rapidement, j'en ai marre et je laisse tomber, je me change et pars de l'appartement pour rejoindre l'hôpital à pied, me disant que si ça n'a pas marché, l'infirmière de nuit me reconnaîtra et si ça a fonctionné, je peux sans doute passer pour quelqu'un de paniqué ou effrayé, c'est déjà ce que je ressens, la comédie devrait être simple.

Quand j'arrive aux urgences, elles sont presque vides, connaissant bien les lieux, je vais jusqu'à l'accueil où il y a l'infirmière brune, qui paraît juste être épuisée et ennuyée. Voyant qu'elle ne m'adresse qu'un regard et même pas un bonjour, je suis obligée de lancer la conversation en espérant que ma mère et mon frère ne sont plus ici.

— Bonjour, est-ce que Elizabeth Sekongo est ici ?

— Revenez plus tard, c'est seulement pour les urgences.

— Justement, ma mère a eu un accident, mais je ne sais pas dans quel hôpital elle est...

L'infirmière soupire, mais regarde gentiment sur son ordinateur :

— Je suis désolée, elle n'est pas ici, elle doit être dans l'un des deux autres hôpitaux de la ville.

J'ai réussi ! L'accident n'a pas eu lieu ! J'en suis certaine, impossible autrement ! C'est tellement un soulagement !

— Merci ! Merci beaucoup ! Merci, merci, merci ! m'exclamé-je, ne me préoccupant même pas un peu de ce que l'infirmière va penser de moi.

Maintenant, j'ai presque envie d'aller chez mes parents pour vérifier en direct, mais je sais que ce n'est pas raisonnable, alors je me contiens et je rentre chez moi. Dès que je suis dans l'appartement, je me glisse discrètement dans ma chambre. Profitant de ce moment de détente, maintenant que je sais que l'accident n'a pas eu lieu, j'allume mon ordinateur et branche mes écouteurs pour écouter toutes les musiques de Her Majesty que je ne connais pas encore. Elle s'avère être toutes aussi bien les unes que les autres et je me découvre une nouvelle musique préférée : Don't Stop The Show ; une chanson lourde et profonde au niveau des paroles, mais ayant une mélodie légère revenant sur les bases du rockabilly, allant parfaitement avec mon humour du jour, et le mieux, c'est le contexte de sa sortie, d'après ce que j'en lis, c'est la dernière musique publiée avant la mort de Warren Century et elle a été entendue pour la première fois lors de l'annonce de la maladie de ce dernier.

Je passe ma journée beaucoup plus calmement, je rentre même chez moi le soir pour passer du temps avec ma famille, maintenant que je sais ce que c'est de perdre son père, je compte profiter de mes parents au maximum, même si ça me demande de me lever aux aurores demain matin. Je veux aussi utiliser le pouvoir que me fournit le carnet pour programmer un voyage afin de rendre visite à mon grand-père pour de lui dire de soigner son cœur. Mais je n'ai pas encore de plans assez bien établis, alors je le ferais demain, j'aurai peut-être une bonne idée après une nuit de sommeil. Et en effet, à mon réveil, j'ai l'illumination que j'attendais, mon grand-père était à Abidjan depuis une semaine avant ma naissance, mes parents me l'ont déjà dit. Et sachant qu'il logeait toujours dans le même hôtel, je devrai réussi à le trouver facilement.

Je ne suis pas totalement sûre de moi, ce coup-ci, mon plan est bien moins construit que celui pour sauver la vie de mes parents. Pour cause, j'ai perdu mon grand-père quand j'avais six ans, je ne m'en souviens plus très bien, en plus ce sont des souvenirs d'enfance, ce qui fais que la plupart des choses que je connais de lui, c'est grâce à mon père et à ma grand-mère. Mais je sens que je vais y arriver tout de même, je suis confiante. Donc avant même de me préparer pour mes examens, je programme le voyage et ce soir-là, je me couche le cœur léger et je m'endors même assez rapidement, rassurée.

Quand j'ouvre les yeux, je suis en début de mâtiner, face au bel hôtel cinq étoiles de Sofitel. Il est encore tôt, mais Ralph n'a jamais été un lève-tard, dans mes souvenirs, c'était toujours le premier débout, puisque chaque matin, lorsque j'étais en vacances chez lui, il allait chercher des claclos – des petits beignets à la banane plantain, un vrai délice addictif – et il était toujours de retour avant mon réveil, même le matin de Noël.

M'étant bien habillée avant de m'endormir, j'attends devant le bâtiment en espérant que je ne vais pas me faire jeter à attendre devant un prestigieux hôtel – heureusement, avant les années 2000, ils n'avaient pas aussi peur des terroristes. Après plusieurs minutes, la rue commence à s'animer et les premiers clients de l'hôtel commencent à sortir, je scrute alors tous les visages, espérant voir celui de mon aïeul. Je finis par le remarquer, ressemblant exactement à mes souvenirs, peau noire, cheveux poivre et sel et sourire gentil gravé sur les traits.

— Monsieur, puis-je vous proposer de lire votre avenir dans les lignes de votre main. C'est gratuit et ça ne prend que quelques secondes, proposé-je en sachant que mon grand-père a toujours aimé ce genre de prédiction et qu'il y croyait beaucoup.

— Allez, je me laisse tenter, affirme-t-il en me tendant sa main gauche.

— Vous êtes gaucher ? vérifié-je même si je sais la réponse.

Pour avoir l'air plus sérieuse, je me suis même renseignée sur la lecture des lignes de la main, même si ce que je vais dire sera inventé.

— Non, droitier.

— Je vais donc vous dévoiler votre futur, choix très intéressant. Vous avez une très belle ligne de cœur, remarqué-je après avoir fait semblant de regarder sa paume. Vous devez être avec la femme de votre vie depuis des années.

Pour le coup, je ne me mouille pas, il est marié avec ma grand-mère depuis qu'ils ont vingt ans.

Voyant qu'il approuve, je continue :

— D'après votre ligne de tête, vous êtes une personne créative, votre travail vous passionne et vous avez un esprit aventurier.

Je déclare officiellement que je peux devenir charlatan professionnel, je connais déjà mon grand-père, je n'ai aucun risque de dire quelque chose de faux.

— Aïe, votre ligne de vie n'est pas très longue, je pense que vous n'atteindrez pas la soixantaine, un problème cardiaque à première vue, elle croise la ligne de cœur, je vous conseille fortement d'aller voir un spécialiste régulièrement par sécurité.

Et voilà, j'ai casé mon conseil, maintenant il ne me reste plus qu'à espérer qu'il l'écoutera comme il a écouté celui d'une voyante lorsqu'elle lui a dit qu'il devait changer ses habitudes. Ralph me remercie poliment, au point je n'ai aucune idée de s'il m'a crue ou non.

Maintenant, il ne me reste plus qu'à traîner dans un Abidjan que je connais, pourtant qui est assez diffèrent, il y a plus de maisons, moins d'immeubles, il y a moins de grandes routes, les voitures sont différentes. Mais je reconnais tout de même les rues, je passe même devant ma pizzeria préférée, qui est identique à elle-même, toujours le même rétro branché – je ne peux malheureusement pas n'y arrêter, je n'ai pas d'argent sur moi. Pendant que je déambule dans la ville, je me fais même draguer par un garçon à lunettes, plutôt bel homme, paraissant très intelligent et timide, je suis presque déçue de refuser ces avances, mais maintenant, il doit avoir vingt ans de plus que moi et être marié, alors je n'ai pas d'autre choix. Je continue à me balader une heure, avant d'avoir la drôle de sensation de m'endormir.

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