Chapitre 3

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Prête à frapper à la porte, ma main s'arrête pourtant à quelques millimètres du bois. Dans quel état vais-je trouver Phoebe ? Cela ne fait que trois semaines, certes. Mais si son état s'est dégradé...

— Si tu ne veux pas y aller, me dit Alec posté derrière moi, elle ne saura pas que tu es passée de toute façon. Elle ne t'en voudra pas.

Peut-être ne m'en voudra-t-elle pas mais moi, je m'en voudrais. Suis-je donc une si piètre amie au point d'avoir peur d'aller la voir ? Je prends une courte inspiration et frappe trois coups francs. Ce n'est que Phoebe, me dit la voix de la raison. Aucun bruit d'agitation ne se fait entendre tout de suite et je m'apprête à prendre l'initiative d'entrer quand subitement, la poignée s'abaisse. Phoebe m'apparaît furtivement dans l'entrebâillement mais referme aussitôt la porte.

— Phoebe ? je fais d'une voix forte mais inquiète. Tu ne veux pas me voir ?

J'entends des bruits de remue-ménage et à peine quelques secondes plus tard, Phoebe réapparaît à l'encadrement de la porte. Bien qu'elle soit souriante, son visage semble avoir vieilli de dix ans. Son teint est d'une pâleur cadavérique, ses traits sont tirés, ses cheveux châtains n'ont jamais été aussi décoiffés et ses yeux cernés ressortent de ses orbites. Tout ça à cause de toi, Luna.

— Enfin tu es revenue ! s'exclame-t-elle en me prenant dans ses bras.

Ou plutôt en posant deux mains raides contre mes épaules et en s'approchant de moi le moins possible.

— Je veux que tu me racontes tout sur le Palais Royal ! s'écrie-t-elle avec un enthousiasme qui semble forcé.

C'est très étrange mais j'ai l'impression qu'elle cherche vraiment à être contente mais que quelque chose en elle l'en empêche. Ce qui explique cette raideur.

— Oh, tu sais ce n'était pas si passionnant que ça. On peut aller faire un tour dehors pour en parler, si tu veux, je suggère.

À la manière dont Alec secoue la tête, je comprends que ma supposition n'était pas excellente...

— Je ne veux pas sortir, me répond Phoebe. Il y a des rôdeurs, tu ne les entends pas ?

Je tends l'oreille à la recherche d'un bruit suspect, mais tout ce que j'entends c'est l'averse qui s'abat dehors. Je me tourne vers Alec qui me fait signe de ne pas faire attention à ce qu'elle dit.

— Des rôdeurs ? je demande malgré tout à Phoebe.

Elle hoche vivement de la tête et écarquille encore plus les yeux. Ils sont si injectés de sang que c'en est apeurant.

— Ils m'observent depuis les arbres là-bas derrière, fait-elle en désignant vaguement sa chambre. Si on sort, ils vont nous sauter dessus. Vous feriez bien de rester tous dans vos chambres et de verrouiller toutes les serrures. Ils préparent un mauvais coup.

J'aimerais la croire mais elle ne cesse de hocher la tête comme une démente tout en se rapprochant de moi centimètre après centimètre. Sa voix éraillée lui donne des accents hystériques et la manière qu'elle a de regarder partout autour d'elle est assez stressante.

— Mais, de qui parles-tu ? je l'interroge en fronçant les sourcils.

Elle me regarde alors comme si elle s'apprêtait à me confier un secret d'État. C'est dans un murmure qu'elle prononce :

— Mais de ta meute voyons. Ils se sont rebellés contre toi, alors ? Ça ne m'étonne pas, vu comment tu leur parlais... Et puis qu'as-tu fais à tes cheveux ? Ils sont moins foncés que la dernière fois.

Mon cerveau ne fait alors qu'un tour. Elle me prend pour Rona.

— Phoebe, c'est moi, Luna, je tente de la raisonner.

Derrière moi, Alec ne dit mot, guettant la plus infime réaction de Phoebe. Celle-ci finit par ouvrir les yeux plus fort qu'il est humainement possible et me repousse brusquement en hurlant :

— Mais comment tu as fait pour entrer ?! Sors d'ici, tout de suite ! Espèce de sorcière, je t'interdis de toucher à mon cerveau une fois de plus !

Abasourdie, je n'ai même pas la force de la repousser tandis qu'elle plante ses ongles dans mon bras. C'est Alec qui la projette dans sa chambre et ferme la porte à double tour.

— Elle ne t'a pas trop amoché ? me demande-t-il en vérifiant la fermeture de la porte. Heureusement qu'elle n'avait pas d'objet à proximité. Eh, ça va ?

Adossée au mur du couloir, une violente colère envers moi-même commence à monter et elle se transforme en larmes, comme souvent. Tu vois comment elle est devenue ? Et tout ça à cause de qui ? À cause de la princesse, bien sûr.

— Elle commençait bien ! je m'exclame dans un raclement de gorge pathétique. Elle me parlait du palais et... D'un coup elle s'est mise à délirer avec les "rôdeurs" et ma "meute". Elle me prenait pour moi avant de me prendre pour Rona et...

— Du calme, fait doucement Alec en posant ses mains sur mes épaules. Elle délirait déjà avec Karlie, Wren et même moi. Il lui faudra juste du temps pour se remettre. Carlton nous l'a dit.

Attendre, attendre... Phoebe devrait profiter de sa vie au lieu de quoi cela fait plus de six mois qu'elle est enfermée dans cette chambre.

— Et puis c'est quoi cette histoire de rôdeurs ? Elle prétend qu'ils ont un rapport avec la meute de Rona donc tu crois que des Malfaçons traînent dans le coin ?

— C'est impossible. Wren et moi sommes presque toujours là et nous n'avons jamais rien remarqué de suspect.

— Et ça ce n'est pas suspect ?! hurle la voix de Phoebe depuis l'autre côté de sa porte.

Alec et moi faisons volte-face et voyons une enveloppe glisser sous la porte. Je me dépêche de l'attraper et n'hésite pas avant d'en sortir le mot qu'elle contient.

Nous te voyons. Surveille ma soeur ou tu retourneras en enfer.

— Rona

Je m'apprête à rouvrir la porte de Phoebe mais Alec m'en empêche.

— Il faut qu'on lui parle ! je m'exclame en essayant d'attraper la poignée.

— On peut très bien lui poser des questions sans avoir besoin d'ouvrir, rétorque-t-il.

Je pousse un soupir excédé et demande en criant à Phoebe de quand date ce message et si c'est le premier qu'elle reçoit.

— Il était sur mon rebord de fenêtre quand tu es arrivée. C'est le premier.

Je me rappelle alors le mot de Rona que Wren avait reçu le jour où j'avais appris la vérité à mon sujet. Jusque-là, si je m'en tiens aux affirmations des uns et des autres, personne n'a eu de nouvelles de Rona et des Malfaçons. Pourquoi choisir ce moment pour refaire parler d'elle ? Et puis pourquoi Phoebe ?

— Ton intronisation, marmonne Alec. Il faut l'annuler. Tu peux être certaine que Rona y préparera un mauvais coup.

— Mais des invités de partout dans le monde sont déjà en chemin. On ne peut pas annuler à la dernière minute et Elasia n'acceptera jamais, de toute façon.

— Si ça concerne ta sécurité, je doute fort qu'elle émette des objections.

Je sais qu'il a raison et pour être honnête, ça m'arrangerait bien que cette cérémonie qui s'annonce pompeuse soit reportée à plus tard mais j'entends déjà ce qu'Elasia dirait. Que ça donnerait une mauvaise image ou que ça alerterait les membres du Peuple des Astres. Les choses sont devenues si tranquilles et calmes depuis l'annonce de la mort d'Alma et de la fin de la Malédiction des Astres. D'après ma "mère", les gens sont plus souriants, sortent plus de chez eux... Il n'y a qu'à voir les couvertures des journaux parlant de nouvel espoir.

— Je lui dirai de prendre des mesures de sécurité supplémentaires.

— Mais vous ne comprenez pas ?! crie Phoebe hystériquement. Ils sont là ! Ils nous observent !

— Ils étaient peut-être là tout à l'heure mais ils ont dû partir, lui répond Alec. Nous ne risquons rien ici.

— Ils sont là ! hurle à nouveau mon amie.

Un hurlement retentit et cette fois, je ne laisse pas le temps à Alec de me bloquer le passage. J'entre dans la chambre de Phoebe, m'attendant au pire, mais tout ce que je vois, c'est Phoebe penchée à une de ses fenêtres. Beaucoup trop penchée.

— Recule, je lui dis nerveusement tout en craignant de lui faire peur. Phoebe, qu'est-ce qu'il y a ?

Je m'approche de la fenêtre mais Phoebe m'ignore. Les yeux balayant la forêt sauvage, elle semble chercher quelque chose. Je n'entends pourtant aucun bruissement mais soudain, Phoebe se baisse derrière le rebord et me tire par le poignet.

— Baisses-toi !

Pile au moment où je me retrouve à l'abri, derrière le mur, une flèche surgit dans la chambre et vient se planter... dans l'épaule droite d'Alec qui était au beau milieu de la pièce. Phoebe et moi poussons un hurlement tandis qu'il s'écroule et que du sang commence à se répandre sur son tee-shirt blanc. Je me précipite à ses côtés, ordonnant à Phoebe de fermer la fenêtre.

— Alec ! je crie en voyant ses yeux fermés. Oh c'est pas vrai !

La flèche a l'air de s'être enfoncée assez profondément et ce sang... Il y a en a désormais partout sur le parquet et...

— Je peux pas vous laisser dix minutes sans qu'il n'y ait une catastrophe ! s'exclame Wren en faisant irruption dans la chambre. Princesse, recule. Je vais m'en occuper.

Il n'a pas l'air si paniqué que ça, comme si voir son frère faisant une hémorragie n'avait rien de surprenant.

— Fermez les yeux toutes les deux, nous ordonne-t-il à Phoebe et à moi. Ça risque de ne pas être super beau à voir si j'enlève la flèche et qu'un torrent de sang...

— Mais je dois l'aider avec mes pouvoirs ! je m'écrie. Il y a déjà perdu trop de sang j'en suis sûre et...

— Luna, me fait Wren calmement en se retournant vers moi. La flèche est juste au-dessus de sa clavicule et n'a donc touché aucun organe vital. Il n'est pas en danger. Il doit juste être un peu sonné. Alors sauf si tu tiens vraiment à voir ses abdos, détournes-toi.

Je lui obéis avec un grognement et reporte mon attention sur Phoebe. Loin de se préoccuper du sort d'Alec, celle-ci épie toujours derrière la fenêtre, désormais fermée.

— Ce n'était pas toi, grommelle-t-elle. Tu as envoyé une de tes Malfaçons, hein ? Irina. Je me souviens d'elle. Les piqures aux doigts pour affaiblir ma conscience.

— Phoebe, je ne suis pas Rona, je lui murmure en me penchant vers elle.

— Je sais, affirme-t-elle en se tournant vers moi. Tu es Luna-Rose.

Ses yeux ne sont plus aussi écarquillés que tout à l'heure mais une lueur étrange demeure dans son regard. À côté, j'entends un craquement. Wren a dû retirer la flèche.

— Phoebe, je suis Isaluna. Ou Luna, si tu préfères. Ton amie.

Elle murmure quelque chose d'inintelligible tout en me fixant.

— Isaluna doit...

Je ne comprends une nouvelle fois pas la fin de sa phrase car Alec se réveille en un halètement. Je me détourne de Phoebe, ignorant les recommandations de Wren de ne pas regarder. Le sang partout est toujours impressionnant mais Wren applique désormais un morceau de tissu contre la plaie d'Alec. Ce dernier a les yeux mi-ouverts et fixe le plafond bizarrement.

— Alec-Chéri, commence son frère avec son ton moqueur, si tu cherchais juste à toi aussi te faire soigner par la princesse et sa Pierre des Astres, c'est raté.

Alec semble vraiment se réveiller et prend une grande inspiration qui le fait grimacer. Il pousse alors un juron, ce qui chez lui, est exceptionnel.

— J'ai failli la prendre dans le coeur, marmonne-t-il en baissant les yeux vers sa blessure.

— Comme c'est romantique ! ironise Wren avec un sourire en coin. Imagine un peu que ce soit une jolie fille qui t'ait lancé cette flèche et que tu la prennes en plein coeur ce qui te rendrait éternellement amoureux d'elle. À ta place, je serais heureux de ne pas l'avoir prise dans les yeux. Il ne te resterait plus aucune arme de séduction sans les yeux préférés d'Elasia.

— Sérieusement, c'est la dernière fois que je passe derrière une fenêtre, sourit-il faiblement.

— Elle aurait pu être empoisonnée, je m'horrifie en analysant le bout de bois et sa pointe métallique aiguisée. Pourquoi ont-ils fait ça ? Ils n'avaient presque aucune chance de m'atteindre, à distance.

— Ça ne devait pas être prémédité, suppose Wren. Phoebe a parlé d'Irina, non ? Elle a dû vouloir faire du zèle devant Rona car je suis sûr ta chère soeur jumelle n'aurait pas manqué sa cible.

À l'instant où je repense à Phoebe et au fait qu'elle se fasse extrêmement silencieuse dans notre dos, je sens quelque chose heurter ma tête douloureusement. La dernière chose que je crois entendre est :

— Isaluna doit mourir.

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