Chapitre 1

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Je ferme la porte de mon appartement à double tour, en soupirant. Je m'extirpe de mes escarpins qui me font beaucoup trop mal aux pieds. Je pose également mon manteau avant d'aller dans le séjour et de laisser tomber mon dossier sur la table basse tout en m'affalant sur le sofa. Je viens de passer un énième entretien d'embauche et je me suis fait recaler aussi sèchement que les autres.

Et je sais exactement pourquoi. Les préjugés sont encore trop présents dans notre vie et les gens ne jugent que par ça. Nous sommes en 2018 et le monde a peur des gros. Oui, il faut dire ce qu'il en est. À partir de la taille 42, nous sommes considérés d'un œil malveillant. Nous avons du mal à trouver le jean parfait, les crop-tops et autres hauts qui laisseraient voir ne serait-ce qu'un petit bourrelet horrifient les gens. Et d'autant plus lorsque l'on prétend être attachée de presse souhaitant travailler dans le milieu de la mode. Alors oui, je sais que je suis loin d'avoir le physique de rêve pour représenter une entreprise comme ça, mais justement ! Il y en a marre de tous ces mannequins squelettiques et le personnel qui va avec, qui ne sont là uniquement que pour nous foutre des complexes.

La porte s'ouvre, c'est ma colocataire qui rentre pour sa pause déjeuner. Je vis avec Maëlys depuis un an désormais. Nous avons suivi le même cursus à l'université. Elle est devenue journaliste et voyage régulièrement donc j'ai l'appartement pour moi toute seule une grande partie du temps.

— Salut Charlize !

— Salut.

Elle porte un tailleur beige qui sublime son corps de déesse. Elle est tout l'opposée de moi, et elle réussit dans tout, que ce soit au travail ou dans sa vie personnelle. Elle est magnifique et je l'envie.

— Ouh la, c'est un petit salut ça. Ton entretien a foiré ?

— Bingo. Un vrai connard, le patron. À partir du moment où il m'a vue, il m'a dit non. Nous n'avons même pas fait d'entretien, il m'a dit que je ne correspondais pas aux critères du poste à pourvoir et qu'il n'avait pas de temps à perdre aujourd'hui avec des entretiens. Je ne m'étais même pas assise. En gros, tu es grosse et moche, jamais de la vie tu représenteras ma boîte, bye.

Elle soupire en s'asseyant sur le fauteuil et me regarde, l'air désolé.

— Il a été un vrai con celui-là, en effet.

— Le mot est faible. D'une arrogance sans nom. Il m'a énervé pour la journée.

— Du coup, qu'est-ce que tu vas faire ?

— J'en ai marre de tomber toujours sur des débiles profonds. Je vais arrêter un peu mes recherches, je pense.

— Pourquoi tu ne reprendrais pas tes dessins pour les envoyer à une maison de mode ? Tu es douée de ce côté-là aussi, tu pourrais peut-être essayer.

Lors de mon premier poste dans une petite entreprise de mode, je me suis découvert un talent. J'avais passé une journée dans les ateliers et bêtement, j'avais donné une idée pour une tenue et en la dessinant, je me suis rendue compte de ce petit potentiel. Mais cela fait un moment que je n'ai pas pris un crayon et du papier pour dessiner.

— Ça ne plaira à personne non plus, c'est certain.

— Ne dis pas de bêtise. Commence par les mettre sur les réseaux sociaux par exemple. Bon avec du Copyright à fond sinon on risque de te les piquer.

— Je vais me morfondre un peu sur moi-même d'abord, et j'aviserai ensuite.

— Mais non Charlize. Un peu de glace ?

— Ah je préfère ça !

Je souris tandis qu'elle se lève pour aller dans la cuisine. Elle me connaît bien. J'ai toujours besoin de glace après ce genre de déception. Elle revient s'asseoir en me donnant un pot avec cuillère et elle commence à déguster le sien. Je m'allonge sur la longueur du canapé en dégustant la première cuillère. J'adore ça. Ça me remonte toujours le moral.

— Je sors ce soir, j'aurais bien dîné avec toi sinon.

— Mon dîner ce sera ce pot de glace, ne t'en fais pas. Tu sors avec Mickaël ?

— Non avec des collègues, mais je vais dormir chez lui ensuite.

Mickaël est son petit ami depuis quelques mois à peine. Il est mannequin et est à tomber par terre. Il ne parle pas français, mais notre formation nous exige la connaissance des langues étrangères. Encore une soirée toute seule. À vingt-cinq ans, je suis toujours célibataire. Bien entendu, j'en ai eu des histoires, mais je me suis toujours fait avoir. Le dernier en date m'a trompé car je ne lui convenais plus physiquement alors que je n'avais pas changé en quelques mois de relation. Les mecs, c'est nul. Trouver la perle rare est extrêmement difficile et puis, trouver un qui voudra bien de moi, bien sûr. Ça, c'est encore plus difficile. Je continue à croire que là dehors il y a quelqu'un pour moi.

Maëlys se lève peu après pour aller se préparer. J'en profite pour allumer la télévision et regarder ce qu'il s'y passe. Je tombe sur les informations. Je pourrais peut-être changer de secteur et me diriger vers autre chose que la mode, mais c'est ce que j'aime. Ma colocataire repasse dans le salon, apprêtée.

— Demain je suis de repos. On s'occupera de toi, de ton CV et de tout le bazar.

— Ne t'embête pas avec moi, je vais continuer mon chômage.

— Ne dis pas de bêtise. Allez à demain.

— Bonne soirée !

Elle m'envoie un bisou de sa main avant de sortir. Me voilà seule pour une soirée en tête-à-tête avec ma télé. Je n'ai pas vraiment de vie sociale étant donné que je suis au chômage depuis deux mois désormais. Ayant fait de nombreux CDD depuis l'obtention de mon master, l'entreprise où j'étais n'avait plus besoin de moi. Je voudrais un poste fixe et stable désormais, mais le monde du travail est rude. Enfin bref, passons à autre chose.

Après ma douche, j'enfile mon pyjama pilou pilou, le truc le plus glamour. Mais le mois de novembre est frais, l'hiver a un peu d'avance. Je commande finalement de quoi manger, m'affalant sur mon lit. J'attrape mon carnet à dessins et feuillette les pages. Les premières tenues que j'ai dessinées. Tous mes modèles sont des tailles trente-six. Je n'ai jamais supporté mon poids étant plus jeune et ça se voit à travers mes dessins. Je ne le supporte pas vraiment encore aujourd'hui, mais j'ai appris à vivre avec, car malgré le sport que j'ai pu faire ou avec les nombreux régimes où je me suis plutôt tué la santé qu'autre chose, rien n'a changé. J'avais pour passion la danse classique étant petite et je n'ai jamais pu aller plus loin, j'étais toujours à l'écart. Je suis faite ainsi et j'aimerais réussir à m'accepter enfin, mais avec le genre de remarques que j'ai reçu aujourd'hui, comment y arriver ? Cet homme était la perfection incarnée physiquement parlant. Ses yeux gris perçants, ses cheveux bruns et son costard qui lui faisait comme une seconde peau. J'avoue que pendant un quart de seconde, j'ai cru voir un dieu vivant, jusqu'à ce qu'il me sorte de ma rêverie avec sa remarque qui m'a énormément blessée. Bien évidemment, lui il a tout pour lui. Peut-être que je devrais regarder les entreprises qui ont des femmes comme présidentes, elles seraient peut-être un peu plus indulgentes par rapport au physique. Quoique c'est encore pire, je crois.

Le livreur sonne à la porte de l'immeuble, je vais lui ouvrir via l'interphone et je vais récupérer ma commande à la porte. Petit japonais, j'adore ça. Je m'installe à table où trône mon ordinateur portable avec encore mes pages de recherche d'emploi ouvertes. Je soupire en fermant toutes les pages, vérifiant tout de même que mon CV et mon profil sont toujours en ligne sur le site. Je le vérifie tous les jours, j'ignore pourquoi. Comme si cela pouvait changer quelque chose. Je vais sur les réseaux sociaux tout en dégustant mes sushis. Il y a plusieurs mois de cela, je m'étais créé une page afin de partager mes dessins, j'avais un petit peu de monde dessus puis j'ai laissé tomber. Maëlys a raison, je devrais partager mes dessins. Je pourrais recommencer, je n'avais mis que trois dessins avant de désister. J'ai du mal à mener les choses jusqu'au bout.

Je débarrasse mon dîner avant de retourner me poser dans ma chambre. Je prends mon carnet de dessin pour regarder les derniers que j'ai fait. Ça date un peu désormais, mais ça me donne envie de dessiner. Je vais fouiller dans mon tiroir pour prendre ma palette de crayons et m'affale sur le ventre sur mon lit. Je pose les premiers coups de crayon et je me rends compte que je dessine toujours une fille taille mannequin. Même moi, je suis stigmatisée comme ça. Je grossis un peu ses lignes. Elle ne me ressemble pas encore, mais c'est déjà mieux. Je prends mon crayon rouge pour commencer à dessiner une robe bustier, longue près du corps jusqu'aux cuisses avant de s'évaser ensuite. Je rêverais de pouvoir porter une robe comme ça. Ça ne m'irait pas du tout, je le sens bien, mais pourquoi ne pas rêver ?

Mon téléphone vibre sur ma table de chevet, c'est mon frère. Il est plus âgé que moi de cinq ans, il est très protecteur et m'appelle régulièrement. Il vit à une heure de Paris, mais nous arrivons à nous voir régulièrement.

— Oui Matthieu ? Ça va ?

— Salut petite sœur. Et toi alors ? Ton entretien ?

— Si j'avais pu lui casser la gueule, je l'aurais fait sans problème !

— Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il a fait ? Je vais lui casser la gueule moi !

Je ne peux m'empêcher de rire, il en serait capable en plus. Ça ne serait pas la première fois qu'il le ferait pour me défendre.

— Non, mais comme les autres. Je ne corresponds pas aux critères du job pour représenter la boîte. Physiquement parlant.

— Putain, un jour je vais me pointer avec toi et leur casser la tronche.

— Du calme Matt. Un jour je le ferai moi-même ! Mais je ne sais plus trop quoi faire là, personne ne veut de moi.

— Ça va venir, ça ne fait que deux mois que tu es au chômage.

— Bon et comment vont mes neveux ?

Mon frère a deux fils, de un et trois ans, Marceau et Malo. Que des M de son côté. Il est papa célibataire depuis quelques mois après la naissance de Marceau. Ça a été très difficile.

— Très bien ! La rentrée s'est bien passé pour Malo. Tu passes quand tu veux pour les voir.

— J'essayerai oui. On se fait un repas le week-end prochain ?

— Pas de problème ! Allez, tu es meilleure que tous ces cons. Bonne nuit.

— À toi aussi Matt, embrasse les garçons pour moi !

Nous raccrochons et je pose mon téléphone plus loin. Je vais passer les voir prochainement. Ce n'est pas facile pour lui de gérer les deux garçons. Son ex est partie à l'étranger en voyage humanitaire ou je ne sais trop quoi quand Marceau avait à peine deux mois. Je la soupçonne plutôt d'avoir trouvé quelqu'un d'autre et d'avoir abandonné ses enfants. Je la déteste et heureusement que je n'ai pas eu à la croiser depuis.

***

J'entends du bruit dans la cuisine. Ma colocataire doit déjà être debout, il est beaucoup trop tôt pour moi, peu importe l'heure, je n'ai pas assez dormi. Je me cache avec mon oreiller pour tenter de me rendormir. Cependant, j'entends la porte s'ouvrir.

— Allez feignante, il est midi !

— Ouais, mais on est samedi !

Je ronchonne sans bouger, elle me laissera peut-être tranquille.

— Allez on a du boulot !

— Non, on est samedi !

Je n'entends plus rien, ça y est elle a compris. Je pousse un cri lorsqu'elle me tire toute la couette en arrière. Non mais ! Je me retourne en soupirant et la foudroie du regard ce qui la fait rire.

— Très sexy ton pyjama pilou-pilou !

— Oui bah il faut bien cacher la catastrophe, on ne porte pas tous aussi bien les petits shorts et haut en dentelle.

— Je suis sûre que tu serais très sexy dedans ! Allez viens, je t'ai fait le petit-déjeuner.

— Ah bah voilà, tu aurais dû commencer par ça.

Elle rit en sortant de ma chambre et je me lève à contre-cœur. Je traîne des pieds jusqu'au salon et une douce odeur vient à mon nez. Elle a acheté des viennoiseries, génial ! Je m'installe à table.

— Tu es la meilleure colocataire du monde !

— Mange alors, on a du boulot.

— Mais qu'est-ce que tu veux me faire faire aujourd'hui ?

— Premièrement j'ai remanié ton CV encore une fois et j'ai remis à jour ton profil partout. Et même ton Instagram, je lui ai refait une petite beauté. Et j'ai même vu que depuis une heure, tu as eu quelques petits likes.

— Mais il n'y avait rien sur mon compte.

— Je me suis permise de remettre tes dernières créations.

— Quoi ? Mais je ne voulais pas !

— Elles sont sublimes, arrête ! Bref, ensuite, on va aller faire les boutiques.

— Non, hors de question. Je n'ai pas envie de m'acheter des vêtements et je n'ai pas d'argent.

— Tu vas à tes entretiens avec le même ensemble, au bout d'un moment c'est bon.

— La journée va être longue.

Je lève les yeux au ciel, ce qui la fait sourire, et je déguste mon croissant. J'attrape mon téléphone pour aller sur mon compte Instagram, et oui bon sang, elle a mis plus d'une dizaine de mes créations en ligne.

Je pourrais la tuer, mais je l'aime beaucoup trop pour ça. Elle fait tout ça pour m'aider, je le sais. Mais ce n'est pas l'image que je veux montrer...

— Tous mes dessins sont des filles maigres, ça ne me correspond pas. Je ne veux pas revendiquer cette image.

— Eh bien, il est temps de faire de nouveaux dessins.

— C'est facile à dire, ce n'est pas mon boulot. C'était juste un petit passe-temps.

— Tu es douée, arrête. Tu pourras peut-être être directrice artistique !

— Tu dis des conneries, Maëlys.

Je ris en secouant la tête et termine mon chocolat chaud.

— Allez va te préparer, on part d'ici peu.

— Tu me presses un samedi matin, ce n'est juste pas possible.

Elle me regarde en croisant ses bras. Bon ok, je bouge. Je me lève en ronchonnant et je vais sous la douche. Pourquoi elle est toujours aussi fraîche alors qu'elle n'a pas beaucoup dormi la nuit dernière ? Et pourquoi moi, j'ai l'air d'une extra-terrestre ?

Nous habitons près de La Défense, après un trajet en bus, nous arrivons au centre commercial.

— Il est énorme celui-là, on va en avoir pour des heures !

— Ne t'inquiète pas, je sais ce que l'on cherche.

Je la suis. Je sais qu'elle sait ce qu'elle fait. Mais j'ignore ce qu'elle va faire de moi. Je lui répète que je n'ai pas trop les moyens et que je refuse d'acheter des choses hors de prix. Nous rentrons dans une boutique abordable pour ma carte bleue et elle dévalise les rayons jusqu'à la case cabine. Et c'est là que j'entre en scène : les essayages. J'essaye des robes de toutes les sortes, des jeans, des chemisiers, je crois que j'essaie tout le magasin. Dans ce qu'elle a choisi il y a de très belles pièces que je pourrais porter facilement. Mais j'aime mes éternels jeans. Sauf qu'ils sont trop larges alors elle refait tout mon stock.

***

Nous avons fait je ne sais combien de boutiques et j'ai beaucoup trop dépensé d'argent, même si grâce à son boulot, nous avons eu des réductions à beaucoup d'endroits notamment pour une nouvelle tenue plus professionnelle. Nous nous installons enfin pour grignoter, je n'en peux plus, j'ai mal partout. Nous dégustons un cappuccino toutes les deux.

— Bon et en rentrant, tu vas me dégager toutes tes affaires dix fois trop larges ou qui ne ressemblent plus à rien. Et on va essayer de retrouver des entreprises qui te correspondent.

— Tu es drôlement motivée.

— J'en ai marre de te voir à rien faire et déçue après chaque entretien. Et puis bon, un jour ou l'autre, on ne sera plus colocataires, il faudra bien que tu puisses assumer le loyer.

— Quoi ? Tu veux déménager ? Ne me dis pas ça !

— Mais non pas tout de suite, ce n'est pas assez sérieux avec Mickaël pour l'instant, mais un jour ça le sera !

— Tu me déprimes d'avance. Je vais m'acheter un chat. Je vais mourir seule, avec mon chat.

— Tu arrêtes de dire des bêtises, toi ? C'est quoi cette déprime aujourd'hui ?

— Pas de boulot, pas de mec, pas de vie sociale.

— Bon ! On va sortir toutes les deux alors.

— Même pas en rêve, je déteste les bars et boîtes de nuit.

— Comment veux-tu rencontrer un homme alors ? Il ne va pas tomber du ciel.

— Oh si, ce serait parfait même.

— Oui, mais tu n'es pas dans un conte de fée.

Je ronchonne en finissant mon muffin. Nous décidons de repartir enfin vers l'appartement.

Une fois que nous sommes rentrées, j'entreprends de tout laver et ranger. Je me change et enfile un survêtement plus confortable pour le faire. Maëlys me rejoint dans la chambre.

— Sérieusement, on va boire un verre ce soir ?

— Oui si tu veux. Mais je peux faire une sieste ? Tu m'as épuisée.

Elle rit en secouant la tête avant de sortir de la chambre. Je m'affale sur le lit. Je n'ai pas vraiment sommeil, mais je veux me poser un peu sinon je ne tiendrai pas ce soir. Je ferme les yeux en soupirant. Heureusement que j'ai ma colocataire.

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