2- En route

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Enfin d'après-midi, au terme d'un trajet interminable, le lieutenant Thiers débarqua éreinté sur le quai de Vesoul. Il repéra sous le porche l'escorte du 161ème R.I. :un caporal et un première classe. Les deux soldats le saluèrent et l'accompagnèrent jusqu'au véhicule. Devant le parvis de la gare il ressentit une soudaine frayeur à la vue d'un attelage militaire tiré par deux chevaux de traits. Les biffins rirent de sa méprise et lui indiquèrent la Panhard siglée aux couleurs de leur régiment. On pouvait encore discerner la mention Taxi Parisien sous la fine couche de peinture réglementaire.

En chemin, Rudolphe écouta plusieurs minutes les deux soldats ergoter sur leurs faits d'armes avant de sombrer dans une torpeur relative,bercé par les cahots du véhicule.

«Au fait, mon Lieutenant, vous avez des nouvelles de la capitale ?

— Ouais,mon Lieutenant, vous auriez pas un journal récent par hasard. Vous savez, la censure sur le front... »

L'officier des renseignements médita un instant cette requête. Il sortit de son bagage l'exemplaire du quotidien ramassé le matin même et leur fit le résumé des articles pertinents. Il passa sous silence le gros titre en première page.

«Voyons voir... Un nouveau front menace de s'ouvrir en Arménie. C'est une bonne nouvelle pour nous : si les Ottomans se concentrent ailleurs, l'Entente s'en retrouvera affaiblie. Sinon, quoi d'autre...Poincaré renouvelle sa confiance à Clemenceau malgré les invectives de Briand. À mon avis, c'est aussi un point positif. Seul le Tigre pourra gagner la Paix.

— Vous parlez comme un livre, chef !

— Je prendrais cette allusion comme un compliment, Caporal. Dites-moi plutôt : vous êtes déjà passé par le fort du Barray ?

— C'est que... Je sais pas si on a le droit de vous dire ça.

— Je suis du Deuxième Bureau, si vous devez en parler à quelqu'un, c'est bien à moi !

— On n'y ait jamais été, chef. Mais j'ai un copain qui y a amené votre collègue du Renseignement. Il y est pas resté longtemps, mais il m'a raconté que les gars ont mauvaise mine. Y paraît que leur capitaine a viré dingot. Les diables noirs, ils sont pas du genre à faire des boniments ; leur fort il est pépère, pourtant on dirait qu'ils ont tous la trouille là-dedans.

— La trouille de quoi ?

— À les entendre, ça serait comme un monstre tout d'acier qui serait comme la dame blanche.

— Une histoire de fantôme ?

— Y'en a qui dise qu'ils ont respiré trop d'ypérite et qu'ils verraient des choses qui peuvent pas être.

— Et si c'était une arme des boches ?
— Les pruscos ont pas de chars. À part les nôtres ! Et celui-ci serait plus gros qu'un Saint Chamond.»

Rudolphe repensa à la note télégraphiée par Sérusy. Cette affaire n'avait aucun sens. Ce qui le taraudait le plus était l'absence de nouvelles de son camarade depuis deux semaines - une éternité en terme de renseignement militaire. Il était inutile de ruminer les on-dit de la pelote ; le lieutenant laissa ses pensées se déliter devant le spectacle morne du crépuscule franc-comtois.

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