3 - Le Fort

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Avant même de prendre ses quartiers, Rudolphe exigea d'être conduit auprès de Sérusy. L'adjudant de garde lui apprit dès son arrivée, que son collègue du Deuxième Bureau avait été mis aux fers après ses tentatives d'assauts infructueuses. Thiers ne cacha pas son exaspération. Comment pouvait-on ainsi entraver un officier du Renseignement ?

«Thiers ! Dieu merci, vous êtes venu me délivrer !

— Sérusy, que se passe-t-il dans ce fort, bon sang ?
— Faites-moi sortir,je vais tout vous expliquer.

— Impossible,les plantons refusent de reconnaître mon autorité tant qu'elle n'aura pas été validée par leurs officiers. Devalières est «couché », fin saoul je suppose, et sur les deux lieutenants, l'un est moribond et l'autre s'est pendu. J'ai bien tenté de raisonner l'adjudant, mais c'est un vrai butor !

— Il faut les comprendre : ces hommes sont morts de peur.
— Allons bon, Sérusy ! Vous leur donnez raison à présent ?

— J'ai vu ce qui se tapit dans la brume, là-dehors. De mes yeux, vu ! Il ya un monstre d'acier qui attend de fondre sur nous à la moindre occasion.

— Je vois... »

Rudolphe garda son calme et dissimula son malaise. Sérusy succombait-il lui aussi au chant des sirènes ?Il se souvint de la remarque de son escorte : et s'il s'agissait de l'effet d'un gaz inconnu ? Un produit hallucinogène ?

Bien qu'épuisé par son voyage, il voulait profiter de l'absence de gradés pour commencer son enquête.Le cuistot était encore éveillé et sa popote allumée, aussi il demanda à prendre sa ration. Il précisa qu'il était inutile de le servir au mess ; il avalerait le rata des hommes dans la cuisine.

Par bonheur, le cuistot était un bonhomme jovial et rond. Rudolphe l'appâta avec son chocolat et ses petits beurres. En retour le poilu lui offrit un quart de gnôle et trinqua à la même table que lui. Affable, l'homme délia bien vite sa langue.

«Vous savez, Lieutenant, les gars ne sont pas de mauvais bougres. Je les suis depuis la création du deuxième régiment blindé - ça fait deux ans maintenant - et je peux vous dire que le capitaine Devalières est un officier exemplaire. Il n'y a eu aucune mutilation volontaire ou désertion dans la compagnie. Jusqu'à ce qu'on échoue ici en tout cas. Au début ça devait être un genre de cantonnement. On devait s'installer quelques semaines pour briquer un peu nos Renault FT et nos Mark V - on a perdu le dernier Saint Chamond il y a deux semaines. Le capitaine avait reçu des ordres : il devait monter vers une colline, pas très loin, pour y poser des crapouillots. On savait qu'une offensive devait avoir lieu dans les jours suivants, du coup Devalières a limité les risques pour sa première sortie. Je pourrais pas vous dire ce qu'il s'est passé dehors, je sais juste que seul cinq gars sont revenus à pieds et sans leurs machines. Quatre blindés ont été balayés avec presque tous leurs occupants. Vous vous rendez compte ? Trois FT et un Mark soufflés par un seul char en quelques instants. C'est pas croyable !

— Un seul blindé a provoqué ces dégâts ? Il n'y avait pas d'appui aérien ?

— Non. Il y a trop de brouillard dans la campagne : l'aviation sert à rien.

— Une batterie d'obusiers ennemie alors ?

— Non plus. Les boches ont pas manœuvré par ici depuis deux ans.

— Le terrain était miné dans ce cas.

— Même pas ! L'infanterie avait patrouillé avant notre arrivée. Ils ont lâché des chiens pour vérifier. Rien n'a sauté.

— Quoi alors ? Un fantôme ?

— Ça c'est vous qui le dites !

— J'ai entendu des histoires en venant.

— Je ne prétends pas connaître grand chose des mystères. C'est peut-être un signe du Bon Dieu pour nous dire que cette fichue guerre a trop duré. »

Le cuistot porta un toast en levant ses yeux et son verre en direction du Très Haut puis vida cul sec le fond de son quart d'aluminium. Rudolphe n'osa pas contrevenir aux bigoteries de son hôte et fit semblant de rendre grâce lui aussi.

Il trouva le chemin du carré et s'effondra sur sa couchette. La fatigue l'emporta dans un sommeil de plomb.

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