10. Les amants du ponton

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- Et voilà ! Fini ! chantonne Ishan, mettant la touche finale à ma coiffure en plantant le pic à cheveux de Semkei dans mon chignon.

Comment fait-elle pour créer quelque chose d'à la fois aussi simple, et d'aussi joli ? Quand c'est moi qui rassemble mes cheveux, ça ne ressemble à rien ! Elle a réussi à les disposer de sorte qu'ils forment à l'arrière un chignon élégant, composé de tresses épaisses. Mais devant, de longues et moins longues mèches encadrent mon visage avec naturel. Un mélange de raffinement et de désinvolture, une coiffure typique "de sortie".

En arrivant ici, je trouvais ridicule d'avoir une tenue différente pour la moindre occasion. Mais ça, c'était avant de découvrir qu'il en allait de même pour les coiffures... Évidemment, je garde pour moi cet avis et sourit à Ishan en répondant sincèrement :

- Merci ! Tu es vraiment douée.

- J'ai hâte qu'on y aille ! trépigne Daireng près de la porte, attendant  la surveillante.

Je ne partage pas son enthousiasme tant j'appréhende cette fête. J'aurais bien aimé trouver un moment pour parler de nouveau à l'empereur depuis la dernière fois. Je n'arrête pas de me demander si je n'aurais pas dû le prévenir pour Semkei...

Les filles m'ont répété que ça ne m'engageait à rien de l'avoir pour partenaire. De toute manière, je n'ai pas de comptes à rendre à l'empereur sur mes fréquentations. Mais j'ai beau me répéter tout ça, je ne me sens pas tout à fait à l'aise.

Évidemment, encore une fois, je ne peux pas me confier à mes amies. Et puis, ça gâcherait leur bonne humeur. Elles ont attendu la Fête de la Montagne avec tellement d' impatience ! Quelle ironie pourtant, cette fête, ici où ce qui compte le plus dans un mariage ce ne sont pas les sentiments.

Oui, certaines filles des Iris cherchent honnêtement l'amour. Mais à ce que j'ai entendu dans les couloirs, pour beaucoup il s'agit surtout de mentir et manipuler pour attraper le meilleur parti. La Fête de la Montagne leur donne une occasion de prendre de l'avance sur l'échiquier de leur avenir.

Dans mon dortoir, les avis sont mitigés. Kumlei assure ses arrières dans le cas - exceptionnel - ou ses plans pour devenir impératrice échoueraient. Les autres assurent vouloir faire un mariage d'amour... tout en espérant tomber amoureuse, et être aimées, d'une personne au rang social et à la fortune enviables. Hum.

- Tu fais une de ces têtes ! Ça t'ennuie de passer la journée avec Semkei ? s'étonne Huismei en me voyant boudeuse.

- Non ! Je pensais complètement à autre chose.

- Ah mais oui, c'est vrai que tu dois danser ! s'écrie Daireng.

- Aie aie aie..., grince Kumlei. Bon courage !

- T'inquiète, on se moquera pas, m'affirme Erueng.

J'ai beau leur avoir dit que ça allait mieux avec la nouvelle danse que Rinsheng m'a enseignée, apparemment aucune ne m'a crue !

La surveillante qui vient enfin déverrouiller le dortoir nous expédie au réfectoire avec le sourire, nous inspectant à peine. Elle est bien moins sévère que d'habitude, sans doute parce que les surveillantes participent elles aussi à la fête. Personne ne s'attarde au petit-déjeuner et bien vite, tout le monde se met en chemin vers la vallée où s'était déjà déroulée la Fête des Offrandes. Une fois là-bas, je découvre que le lieu a complètement changé tant les décorations et les stands éphémères y sont différents.

Aujourd'hui, la nature et les animaux sont à l'honneur. Les guirlandes en papier représentent des renards, des loups, des oiseaux... Les lanternes sont aux couleurs de la forêt, et de nombreux décors végétaux, couronnes de branchages et fleurs, sont disposés un peu partout.

De petits stands de jeux et d'animations pullulent, il y a en a même un de tir à l'arc ! Les surveillantes nous recommandent de toujours rester en vue de l'une d'entre elles, mais l'ambiance générale est bien plus relâchée qu'à l'autre fête et c'est à peine si elles nous regardent, plaisantant avec des surveillants des Pruniers ou d'autres personnes de la cour.

Les nobles s'exhibent dans leurs tenues resplendissantes. Ils rient avec ostentation, boivent du vin, discutent gaiement, confortablement installés dans de petits pavillons coquettement meublés. J'aperçois Rhanxei, magnifique dans un caftan cerise, qui fait autant sourire que rougir une noble à la tenue assortie. Lorsqu'il croise mon regard, il m'offre un clin d'œil complice auquel je ne sais répondre autre chose qu'un sourire hésitant.

Certaines élèves des Iris ont à peine rejoint les membres de leur famille pour les saluer, que des élèves des Pruniers viennent les chercher pour repartir avec elles. D'autres errent timidement, n'osant se rendre seules sur les stands.

Comme lors de la Fête des des Offrandes, il n'y a pas que des nobles qui participent, il y a aussi des familles de magistrats issus de la bourgeoisie, des domestiques, des suivants... mais cette fois-ci, nous croisons également des élèves de l'académie militaire. Leur entraînement les faisant régulièrement voyager, c'est apparemment rare qu'ils soient à Rhakarande les jours de fête !

Les filles m'ont bien mise en garde : je dois rester le plus possible avec Semkei, et ne surtout pas faire comme ma mère et m'enticher d'un garçon non-noble ! Encore moins d'un militaire ! Leur avenir est trop incertain ! Sauf que : contrairement à elles, je suis incapable d'identifier qui vient d'où...

Bah, peu importe,  je ne suis pas ici pour assurer mon avenir. Ce que j'aimerais le plus trouver, c'est plutôt un fantôme. L'empereur a beau m'avoir rassurée, j'aimerais que la reine revienne le plus vite possible. Ou qu'on en apprenne plus sur les manipulateurs.

- Oh non... c'est Lanrei..., se plaint Daireng alors qu'un jeune homme de quinze ou seize ans, aux cheveux blonds mi-longs et bouclés, avance d'un bon pas vers nous.

Aussitôt je demande :

- Qu'est-ce qu'il y a ? Il est désagréable ?

- Non... mais ses terres sont à Uruzhal ! C'est encore plus perdu que chez moi !

- Et alors... ?

- Et alors : j'ai pas envie qu'il me courtise ! m'explique-t-elle. Je veux pas aller vivre là-bas ! Hors de question ! Je veux rester près de Rhakarande !

- Ah... mais le fait qu'il vienne te voir là, ça n'engage à rien, non ? C'est ce que vous m'avez dit.

- Oui, mais... quand même..., ronchonne-t-elle. Il me fait perdre mon temps. Pendant que je suis avec lui, je suis pas avec d'autres partis plus intéressants !

- Ah.

- Daireng ! tonne gaiement la voix claire du jeune homme.

- Lanrei, le salue poliment Daireng en rougissant.

- Tu veux venir avec moi pour un jeu d'énigmes ? Y'en a qui va commencer, il leur manque juste un couple.

Je suppose qu'elle va refuser mais, bizarrement, elle sourit courtoisement en répondant :

- Bien sûr ! Et après on pourra faire d'autres jeux tous les deux, si tu veux ?

- C'est ce que j'ai prévu !

- À tout à l'heure, les filles ! nous lance-t-elle en s'éloignant, soudain toute guillerette.

Je bats des cils, perplexe. Ishan me chuchote :

- Elle dit ça, mais en vrai, elle l'aime bien...

- Ah !

Je bats encore un peu des cils, demandant :

- ... mais pourquoi on a l'impression que c'est le contraire alors ?

Ishan rit de ma confusion :

- Parce qu'elle est gênée ! Mais ne t'inquiète pas, à lui elle ne lui donne pas la même impression qu'à nous. C'est même tout le contraire !

- Bon. Tant mieux alors.

Les relations amoureuses m'ont l'air déjà assez compliquées ici pour que, quand deux personnes se plaisent, elles n'en rajoutent pas une couche en se cachant leurs sentiments !

- On va se chercher des gâteaux-d'automne tant qu'il n'y a personne ? nous propose Huismei, pointant vers un stand de nourriture d'où s'échappe une bonne odeur de beurre et de pâte de haricots sucrés.

Je suis les filles, mais nous n'avons pas fait trois pas qu'un toussotement familier me fait me retourner. Semkei Hudarem se tient là, bien droit dans son beau caftan pourpre et bronze qui met en valeur son teint hâlé.

- Suirei, bonjour.

- Bonjour Semkei.

Son sourire est hésitant. Il louche vers mes amies avant de me demander brusquement, fronçant les sourcils :

- On y va ?

- Où ça ?

Ma question naïve a déclenché chez mes amies un rire vite étouffé.

- Bah... à la fête, explique Semkei en balayant les lieux de la main. Mais juste tous les deux, ajoute-t-il en faisant aller son index brièvement entre lui et moi.

- Ah ! Oui ! Pardon, je pensais que tu avais un jeu précis en tête !

- Non, on verra bien lequel faire...

- Amusez-vous bien ! nous encouragent mes amies.

Le regard de Semkei, au premier abord hautain mais en réalité inquiet, fait de rapides allers-retour entre chacune des filles de mon dortoir. Jusqu'à ce qu'il lâche, un peu gauche :

- Vous aussi. Si vous y arrivez.

Heureusement qu'à son ton, on comprend qu'il a vraiment tenté de dire une gentillesse. C'est amusant de voir qu'alors qu'il est un pur produit de l'empire, il est encore plus maladroit que moi ici avec les bonnes manières ! Je comprends pourquoi sa sœur trouve qu'on se ressemble lui et moi.

Jihanei nous observe au loin, me faisant des clins d'œil peu discrets.

- Bon, allez, on y va, insiste Semkei en m'offrant son bras.

Je l'accepte, m'adressant à mes amies :

- À tout à l'heure !

Dès que nous sommes seuls, Semkei se racle la gorge puis m'annonce :

- J'ai bien lu ta lettre.

Il marque une pause, si bien que je me sens obligée de répondre :

- Euh... d'accord.

- Mais physiquement..., poursuit-il en penchant la tête, je te plais ? Enfin, je veux dire... (il marque une nouvelle hésitation, sérieux, puis se pointe de la main)... ça va ?

Renfermé derrière son air grave, il me scrute avec appréhension. Dans ma lettre, je lui avais dit que j'acceptais sa demande parce qu'il avait l'air sympathique et que je ne voyais pas de raison de refuser. Mais j'avais précisé que je ne le connaissais pas, n'avais pas vraiment d'avis sur lui, et donc que je ne voulais pas qu'il se fasse d'idées.

Je ne veux toujours pas qu'il se fasse d'idées, mais je ne vois pas de raison de ne pas répondre honnêtement à sa question. J'ai tendance à trouver beaux tous les gens de l'empire. Je ne sais pas si c'est parce qu'ils le sont vraiment, ou si c'est juste parce que leur physique me change de celui auquel je suis habituée. À part pour ceux qui viennent des régions près des montagnes, ils sont généralement plus grands que les kaelis, plus élancés, avec des traits plus dessinés et prononcés. Et il n'y a quasiment personne qui vient des montagnes à la cour...

Semkei ne fait pas exception à la règle, mais je décide de l'observer sincèrement pour répondre avec le plus de franchise possible. Je trouve élégant le tracé net de son nez busqué. Et j'apprécie ses pommettes anguleuses, ses yeux rectangulaires et sombres aux cils épais, ses lèvres fines et équilibrées. Bien sûr, il n'arrive pas à la cheville de l'empereur ! Mais ça, j'imagine que c'est difficile. À la fin de mon examen, j'affirme donc :

- Oui.

- D'accord, souffle-t-il, soulagé.

Un bref moment passe, son soulagement disparaît, le doute revient, puis il demande :

- Oui ça va, ou oui je te plais ?

- Je trouve que tu es très beau, je décide de répondre d'un ton que je crois neutre.

- D'accord. C'est bien.

Est-ce qu'il est déjà en train de faire des plans sur l'avenir ? Ce serait un peu précipité de sa part. Mais dans le doute, je m'empresse de préciser :

- Au cas où, il faut que tu le saches ! Je ne resterai pas à la cour ! Après l'école, je rentrerai chez moi.

Ma remarque paraît le surprendre et il s'exclame :

- Mais... c'est ici chez toi, non ? Les Murcan t'ont adoptée, tu es leur pupille, et ils vivent ici.

- Oui. Mais je préfère retourner là où je vivais avant. Près d'Ikalminki.

Ébahi, il bat des cils avant de lâcher :

- Hein ?! Mais tu vas faire quoi là-bas ? Tu vas vivre comment ?!

- Euh...

- Tu as déjà quelqu'un qui t'y attend? Tu vas l'épouser ? C'est pour ça que tes cousins ont confisqué mes lettres ?

Moi qui me vantais de connaître de mieux en mieux l'empire, j'avais momentanément oublié que les femmes de la noblesse n'étaient pas censées travailler. Elles sont entretenues soit par leur famille, soit par leur époux. Une soi-disante faveur qui les empêche en réalité d'être indépendantes.

- Mes cousins n'ont rien confisqué, c'est juste que ton écriture n'était pas bien lisible.

- Ah bon ?

- Oui. Et je n'ai personne qui m'attend, non. Je ne sais pas comment je ferai à la campagne. Je vivrai sans doute comme ma mère.

Il plisse le nez, déconcerté.

- Mais ta mère était mariée, non ?

- Oui, mais elle a surtout été veuve et elle ne voulait pas retourner dans sa famille. Donc elle a dû se débrouiller seule.

- Comme les pauvres ? me propose-t-il, songeur.

- Oui. Enfin, comme les paysans.

- Et c'est mieux que la vie ici... ? fait-il, dubitatif.

En vérité, je n'en sais rien. Alors plutôt que de continuer à mentir, je réponds avec franchise :

- La vie civile à la cour, ça ne me fait pas très envie.

- Ah ! Oui, je comprends, soupire-t-il.

Il affiche une moue déçue avant de me confier :

- J'aurais voulu entrer à l'académie, comme mes grands frères. Mais la tradition dans ma famille veut qu'on garde toujours un garçon dans la vie civile. Pour être sûr que le nom perdure, et pour gérer le domaine. C'est tombé sur moi parce que j'étais le meilleur en classe... je vais devoir faire une carrière administrative ! déplore-t-il.

- J'aurais bien voulu entrer à l'académie aussi. Je pense que je m'y serais plus plu qu'aux Iris...

- Malheureusement, tu n'es pas assez grande j'imagine ! C'est dommage...

- Oui.

- Mais donc, y a rien qui te retient à Ikalminki ?

- Non.

- D'accord. Donc... si je te plais et que rien te retient : pourquoi je dois pas me faire d'idées ?

Est-ce que tous les hommes de l'empire sont aussi têtus que lui et l'empereur ? C'est un trait culturel ça aussi ?!

- Je te l'ai dit. Parce que je ne compte pas rester ici.

- Le domaine des Hudarem n'est pas à Rhakarande. On y a une villa, mais nos terres sont à Tabrishaz. C'est là où je passerai le plus de temps.

- D'accord, mais j'ai quand même envie de rentrer chez moi.

Je ne peux pas lui donner les détails qui lui permettraient de me comprendre. De son point de vue, mon entêtement doit sembler bizarre. Mais il me surprend en me fournissant une explication logique :

- C'est vrai que que tu viens seulement d'arriver... ça doit te manquer ton ancien chez-toi. En te faisant des amis ici, et en te rapprochant de tes cousins, ça va changer.

- Peut-être, mais ne compte pas trop là-dessus.

- Tes cousins ne t'ont pas faite venir ici pour que tu mènes une vie de paysanne, crois-moi ! De toute façon, je suis pas en train de dire que je compte t'épouser, déclare-t-il en haussant un sourcil. Faut que je voie un peu plus comment t'es. Mais pour l'instant, tu me plais bien, c'est tout. Et si je te plais aussi... c'est plutôt une bonne chose, non ?

- Hum... je suppose.

Je ne vois pas quoi répondre d'autre à ça.

- Bon ! Ça te dit qu'on fasse un jeu d'adresse ? Vu que t'es pas douée en poésie, autant ne pas commencer directement la journée en se ridiculisant.

- Je suis d'accord.

Je dois admettre que pour quelqu'un de l'empire, Semkei est vraiment agréable à fréquenter. Sa franchise me plaît. Et il accepte volontiers, entre deux jeux, d'aller retrouver mes amies pour discuter et passer du temps avec elles et leur partenaire respectif.

Autant Ishan, Daireng, Huismei et Erueng passent le plus de temps comme moi avec le même garçon, autant Kumlei est à chaque fois accompagnée par une nouvelle personne. Elle a beaucoup de succès. Il faut dire que, pas seulement selon moi, c'est la plus belle des sixième année. Voilà certainement comment elle peut être aussi confiante en ses plans de séduction de l'empereur.

Elle ne s'occupe pas de lui aujourd'hui car il est dans un pavillon privé, avec mes cousins et quelques nobles qui ont ses faveurs. Si je suis un peu déçue de ne pouvoir voir Xemtei, je dois dire que ça m'ôte un poids des épaules : je me sens plus libre de passer du temps avec Semkei sans risquer de blesser Kianshei !

À un moment, un garçon qui paraît un peu plus jeune que moi, me propose d'être sa partenaire pour un jeu de poésie. Sa tenue est moins raffinée que les nôtres, mais ses bottes sont étonnamment bien cirées.

Connaissant mon niveau en poésie, Semkei me laisse volontiers partir, me donnant rendez-vous après pour un jeu de lancer. J'apprends que mon nouveau partenaire s'appelle Gurtem, et qu'il est à l'académie militaire. Je le couvre alors de questions, curieuse de savoir comment est la vie là-bas, jusqu'à ce que les poèmes commencent.

Le pauvre n'est pas plus doué que moi et nous finissons avant-derniers, uniquement parce que les autres ont bafouillé. Heureusement, notre échec nous fait rire ! Il me laisse de mauvaise grâce retrouver ensuite Semkei, avant de se diriger vers une autre fille qui l'éconduit, puis vers une autre.

Le voyant faire, je comprends qu'il ne s'embarrasse même pas à aller voir les nobles les plus aisées. Il ne s'adresse qu'à celles de petite noblesse, ou qui ont de la famille parmi les militaires : il a conscience de son statut et, comme Daireng, il évite de perdre inutilement du temps. Je trouve tout ça bien triste...

La matinée s'écoule à toute vitesse. Avec Semkei, nous nous éloignons de plus en plus du cœur de la fête. Non pas que les jeux ne soient pas amusants, mais je préfère déambuler dans un semblant de nature. Heureusement, je suis accompagnée par un bon marcheur !

Parfois, le son d'un instrument d'un des jeux musicaux parvient à nos oreilles, porté par le vent. Luth, cithare, flûte... mais dans l'ensemble, tout est plus calme ici.

Nous ne sommes pas les seuls à profiter ainsi de la journée. Des couples s'éparpillent un peu partout dans la vallée. J'ai du mal à déterminer les limites de la fête tant certains partent s'isoler à l'écart. Les uns discutent à l'abri d'un saule, les autres au bord d'un bassin de nénuphars.

Un couple en contrebas attire mon attention. La femme est allongée sur un ponton de bois qui s'avance sur un lac aux reflets brillants. À ses côtés, l'homme lui vole un de ses peignes décoratifs. Ils se taquinent, font mine de se brouiller, s'enlacent...

L'eau du lac est si bleue, l'herbe si verte, le soleil si éclatant, qu'on ne se croirait plus du tout à l'automne. Et pour cause : ce couple est mort depuis bien longtemps, et c'est un souvenir d'été que je contemple.

Un souvenir que Hiulsuya ne m'avait pas encore montré.

Je ne comprends pas comment il peut m'apparaître ainsi, sans que je n'aie fait appel à mes dons. Mais ce n'est pas ce qui m'inquiète le plus. C'est plutôt le fait que la silhouette du spectre au yeux rouges se superpose soudain à la leur avant que son regard sanglant ne me fixe inexorablement.

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