3. Retour de mission

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- Il n'est pas là non plus aujourd'hui, maugrée Kumlei lorsque les derniers nobles importants prennent place dans la salle.

Les portes du temple se referment effectivement sans que la cloche ne se soit fait entendre.

- C'est plus logique que l'inverse, lui répond posément Ishan en haussant les épaules. Il ne venait presque jamais les autres années.

Cela va faire trois cérémonies que l'empereur ne vient plus. La dernière fois, il a passé tout l'après-midi avec les nobles dans la salle de réception. Et il y a tellement distingué Keisuhan, en lui offrant une luxueuse étole de soie brodée d'or, qu'on n'a plus parlé que de ça à l'école.

Comme elle fait partie d'une famille prestigieuse, personne n'ose vraiment médire sur elle. Même si je vois bien que Tsadei et quelques autres lui jettent régulièrement des regards mauvais.

Huismei a essayé de me taquiner pour savoir si j'étais jalouse. Mais devant mon indifférence, elle en a vite conclu que je n'étais pas si intéressée que ça. Kumlei est bien la seule à considérer les attentions que reçoit Keisuhan d'un air sceptique. Elle estime qu'on pourra se méfier d'elle quand l'empereur cessera de voir sa prêtresse tous les soirs. Mais je ne peux pas lui dire, évidemment, qu'ils ne se voient qu'à cause des fantômes !

À ce sujet, j'aimerais bien savoir ce qui se passe. Rinsheng ne m'en parle plus, me conseillant de m'adresser directement à l'empereur. Hélas, je ne l'ai pas revu depuis l'expérience au pavillon. La prêtresse m'a incitée à utiliser la boîte à éther, mais je n'ai pas envie de le déranger pour si peu. Bah ! Il doit m'expliquer ce dernier secret que personne d'autre ne doit me révéler : il finira bien par revenir ! Autant patienter.

La cérémonie d'aujourd'hui me semble aussi ennuyeuse que celle de la semaine dernière. Surtout depuis que j'ai aperçu Xemtei, là-devant. Cela faisait presque un mois que je ne l'avais pas vu ! Sitôt après notre entrevue il a dû partir en mission diplomatique. Il m'a tellement manqué que je peine à rester sagement assise...

Quand la cérémonie termine, je me rue donc dans la grande salle de réception avec les autres. Je ne m'occupe ni du thé, ni des sucreries. Je guette plutôt chaque nouveau noble qui franchit le seuil de la pièce.

D'une oreille distraite, j'entends Kumlei qui nous fait remarquer que Keisuhan a une nouvelle étole autour des épaules, plus riche encore que la précédente. On vient de la lui faire porter. Voilà qui fait jaser : "sans doute un cadeau de l'empereur" "va-t-il finalement pointer le bout de son nez ?" comme si c'était important...

Dès que je reconnais le visage de Xemtei dans un groupe de nouveaux venus, je lâche un cri de joie et m'élance vers lui.

- Grand frère ! Enfin !

Le sourire qu'il m'adresse est presque étonné. Il m'attrape les mains pour les serrer avec chaleur, s'exclamant :

- Suirei ! Quel accueil ! On croirait presque que je t'ai manqué !

Levant de grands yeux tristes sur lui, je confirme :

- Mais c'est le cas !

- C'est ce qu'on m'a dit, mais je n'osais pas y croire. Eh bien, me voilà rassuré ! rit-il.

Il m'entraîne sur la terrasse extérieure pour que nous soyons à l'abri des oreilles indiscrètes, tandis que je demande, perplexe :

- Evidemment que vous m'avez manqué... vous en doutiez vraiment ou vous plaisantiez ?

Dépité, il arque alors sourcil en répondant :

- En toute honnêteté ? J'en doutais. Il semble que je ne sois pas très apprécié par mes proches ces derniers temps. Ma sœur me déteste, mon meilleur ami me déteste, alors vous, je n'étais plus trop sûr !

Estomaquée, j'articule :

- Pourquoi je vous détesterais... ?

- Pour tous les secrets que je vous ai faits, souffle-t-il morose en s'accoudant à la balustrade. Pour votre situation actuelle qui vous déplaît tant !

J'ai peut-être un peu exagéré la dernière fois que nous nous sommes vus...

- Mais ce n'est pas de votre faute ! Et il m'en faudrait plus pour vous détester !

- Voilà une bonne nouvelle !

- Leireng vous en veut parce qu'elle a appris que vous m'aviez parlé ?

- Oui. Kianshei lui a tout dit le soir-même ! Il a eu raison, il valait mieux ne pas trop attendre sinon ça aurait été pire. Mais elle l'a très mal pris tout de même.

Je m'en doutais. Son absence répétée aux cérémonies ne pouvait pas être anodine. Je souffle :

- C'est pour ça qu'elle m'évite.

- Effectivement ! Mais ça finira par lui passer. Quand elle aura un peu plus foi en vous, qu'elle vous connaîtra mieux !

Affichant une moue dubitative, je marmonne :

- Moui, nous verrons... Et l'empereur ? Qu'il ne soit pas content parce que vous m'avez tout révélé, ça, d'accord. Mais de là à ce qu'il vous déteste, c'est exagéré, non ?

Fronçant les sourcils, Xemtei s'incline vers moi en rétorquant :

- Oh, ce n'est pas pour ça qu'il est en colère après moi ! Non ! Il estime simplement que je suis responsable pour avoir brisé la bonne entente entre vous deux. Il ne me le pardonne pas encore.

Battant plusieurs fois des cils, étouffant un rictus, je demande :

-...pardon ?

- J'ai eu la même réaction ! Apparemment, selon lui, tout allait à merveille, puis je vous ai parlé et maintenant vous ne l'appréciez plus.

- Quoi ?! Mais c'est ridicule !

- Je sais bien ! Ce n'est pas à moi qu'il faut le dire ! Vous en aviez après lui avant même que je ne vous parle ! Je le lui ai répété, mais il n'a rien voulu entendre ! Selon lui, il n'a rien fait de mal donc ça ne peut venir que de moi. La seule chose inhabituelle qu'il aurait faite, ce serait de vous embrasser. C'est vrai ?

Son regard inquisiteur me fait rougir. Je me contente alors de détourner les yeux sans répondre. Ça suffit à me trahir.

- Eh bien ! Vous m'aviez caché ça..., s'étonne-t-il d'une voix amusée.

Je ronchonne :

- On ne peut pas vraiment appeler ça embrasser. C'était juste un baiser que je ne lui ai pas rendu.

- Hum... je peux savoir pourquoi vous aviez omis ce détail dans votre compte-rendu ? Ainsi que les autres du même acabit ? Ce qu'il m'a rapporté de vos nombreux échanges est très différent de ce que vous, vous m'avez raconté.

Je secoue les épaules sans me laisser atteindre par ce ton suspicieux.

- Ça ne peut pas être si différent, je n'ai fait qu'omettre ce qui n'était pas pertinent.

M'examinant avec soin, il souffle d'un ton malicieux :

- Je vois, je vois. Allons à l'essentiel dans ce cas ! Qu'a-t-il fait, ou dit, pour perdre soudain vos faveurs ? Il continuera de m'en vouloir et refusera de croire que je n'y suis pour rien tant que vous ne m'aurez pas dit !

Embarrassée, je mens de mon mieux :

- Rien. Il ne s'est rien passé de particulier. Et il n'a jamais eu mes faveurs.

- Tiens donc ? J'ai du mal à comprendre comment il a pu réussir à vous donner un baiser autrement ! Vous ne lui avez peut-être pas rendu, mais vous n'avez pas cherché non plus à l'éviter. Alors que maintenant, il paraît que vous reculez dès qu'il s'approche un peu trop...

Rougissant à nouveau, je bredouille de mauvaise grâce :

- Je... peut-être, et alors ? Qu'est-ce que ça peut lui faire ? J'ai promis que je l'aiderai, et je le ferai. C'est le plus important ! Alors où est le problème ?

Durant quelques secondes, il me contemple, pantois, avant de chuchoter d'un air perdu :

- Taïmi... ce n'est pourtant pas compliqué à comprendre, si ? Vous lui plaisez. Beaucoup. Suffisamment pour qu'il ne digère pas du tout ce revirement entre vous et lui.

Dans un rictus, je rétorque :

- C'est ridicule ! Je vous ai déjà expliqué qu'il faisait semblant de m'apprécier, pour mieux me manipuler.

Je ne sais pas pourquoi ça gène l'empereur que j'aie repris mes distances. Mais dans tous les cas, ça n'a rien à voir avec ses prétendus sentiments puisqu'ils n'existent pas.

- Ce n'est pas possible, mais vous croyez encore à ces sornettes ?! s'écrie alors Xemtei, sidéré.

Redressant le menton, je déclare :

- Ce ne sont pas des sornettes, c'est un fait. Dès que je lui ai dit que vous m'aviez tout expliqué, il est redevenu normal et a arrêté d'essayer de me séduire. Et contrairement à vous, lui aussi estime que ce mariage va être annulé. Il se cherche même déjà une épouse plus convenable !

J'aurais aussi bien pu raconter qu'un tigre ailé venait d'entrer dans la pièce pour déclamer des poèmes ! Xemtei me dévisage, ahuri. Il entrouvre les lèvres, hésite, déglutit. Puis enfin, il se penche d'un coup à mon oreille pour siffler entre ses dents :

- Taïmi ! Par les ancêtres ! Vous ne pouvez pas être si naïve ?! Il ne se cherche pas une épouse, il veut vous rendre jalouse !

- Pardon...?

- Que vous n'ayez pas confiance en lui, passe encore ! s'écrie-t-il, exaspéré. Mais ayez au moins confiance en moi ! Vous pensez vraiment que j'allais choisir quelqu'un qui ne serait pas susceptible de lui plaire ? C'était bien mal me connaître ! Ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne s'attache à vous ! Je ne sais pas pourquoi vous refusez de l'entendre, mais bien sûr que vous lui plaisez !

Après une bonne inspiration, je me vois dans l'obligation de le contredire :

- Je sais de source sûre que vous vous trompez.

- Il me l'a dit lui-même ! De toute façon, il n'avait pas besoin ! Je ne l'ai jamais vu autant en colère après moi que depuis que vous avez hâte d'annuler le mariage ! C'est pour ça qu'il m'a expédié loin de la capitale ! Il est même tellement énervé qu'il n'est plus capable de s'occuper des spectres !

Hein ?! Fronçant les sourcils, je m'étonne :

- Comment ça ?

- Il ne veut plus travailler sans vous, mais craint de ne pas être assez stable quand vous êtes là pour faire un bon chasseur. Le tout le rend trop irritable pour chasser tout court !

- Mais... il passe toutes ses soirées avec Rinsheng, c'est forcément pour s'occuper des spectres du palais...

À moins qu'ils n'aient repris leur romance ? Mais dans ce cas, les propos de Xemtei tiennent encore moins la route.

- Il a passé tous les soir à geindre auprès de Rinsheng, oui ! peste Xemtei en levant les yeux au ciel. À se lamenter devant votre indifférence ! Même elle, qui est la patience incarnée, n'en peut plus ! Elle s'est plainte auprès de moi dès que j'ai remis le pied au palais, espérant que je règle tout ça ! Et si j'ai pu enfin rentrer à Rhakarande, ce n'est que parce que vous demandiez tous les jours quand est-ce je revenais, et qu'il en a eu assez de vous savoir malheureuse !

- Attendez une minute... rien de tout ça n'a de sens. Il n'a plus besoin de faire semblant de m'apprécier...

- Mais il ne fait pas semblant ! Vous lui plaisez, bon sang !! Allez-vous enfin me croire ?!

Surtout qu'il n'y a rien de plus important ici que les spectres, l'empereur ne peut donc pas avoir passé un mois à ne plus s'en occuper sans un bon motif ! Il ne peut pas avoir fait ça juste pour faire croire à Xemtei et Rinsheng qu'il s'intéresse à moi !

- Hum... quoiqu'il en soit, sa réaction est disproportionnée. J'ai bien le droit de vouloir garder mes distances.

- Bien sûr ! Personne ne dit le contraire ! Mais le fait que cela arrive du jour au lendemain, qu'il ne comprenne pas d'où ça sorte ou ce qu'il a pu faire de mal... comme le fait que vous l'ignoriez complètement... tout cela a un peu de mal à passer.

- C'est lui qui m'ignore. Aux dernières nouvelles, il doit me dire quelque chose et ne le fait toujours pas.

- Mais c'est pas vrai ! Vous êtes deux bourriques, l'un comme l'autre ! s'énerve Xemtei, tapant du poing sur la rambarde de bois. Il n'ose pas revenir vers vous depuis la dernière fois ! Il ne sait pas quoi vous dire, ni comment vous aborder !

- Oh.

Je marmonne, embarrassée :

- Je ne pouvais pas deviner. Il avait dit qu'il me parlerait, alors moi, j'attendais.

- Et depuis tout ce temps, vous ne pouviez pas lui dire quoi que ce soit ?!

- Je n'osais pas le déranger.

Ma réponse lui arrache un rire sardonique.

- Eh bien ! Nous n'étions pas rendus ! Bon ! Promettez-moi, dès que vous le pouvez, d'utiliser la boîte à éther et de le contacter. Peu importe le sujet.

- Oui. Je lui dirai que rien n'est de votre faute.

- Par exemple ! Merci.

Je ne sais plus quoi croire. Mais dans mon intérêt, comme dans celui des autres, je peux bien faire l'effort de prendre contact avec l'empereur ! Peu importe pourquoi il est en colère. Ennuyée, je baisse la tête en m'excusant :

- Je suis désolée d'avoir causé du tort.

- Ce n'est pas de votre faute. Comme vous le disiez, vous ne pouviez pas savoir. Rinsheng préférait ne pas se mêler de ça, aussi elle ne vous a rien dit.

- Je peux comprendre.

- Quant à Kianshei... Perdre l'affection d'une personne à laquelle il tient, c'est quelque chose qu'il ne sait pas gérer. Il... Ce genre de situations, ce n'est pas son fort. Sans compter qu'il ne supporte pas de ne pas comprendre !

Il expire avant de conclure :

- Enfin, ce n'est pas une excuse, il faudra bien qu'il s'y fasse !

Il grimace, peiné, et je baisse les yeux. C'est alors que Rinsheng vient me chercher. Elle lance un regard empli d'espoir à Xemtei. Lorsqu'il hoche la tête vers elle, elle paraît infiniment soulagée.

Après avoir fait mes adieux à Xemtei, je suis la prêtresse jusqu'à la salle d'entraînement de danse. Je lance la conversation sur le fait que l'empereur a boudé son rôle de chasseur d'âmes pendant des semaines mais, une nouvelle fois, elle ne veut pas s'engager sur cette voie-là. Elle me répète de voir ce sujet directement avec lui.

Lorsque je lui réponds que c'est ce que je compte faire après notre séance, elle m'adresse un sourire à la fois triste et apaisé.

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