4. Les lettres disparues

Màu nền
Font chữ
Font size
Chiều cao dòng

Sans doute à cause de ce que je lui ai confié tout à l'heure, Rinsheng me libère bien plus tôt que d'habitude. Aussi, dès qu'elle me laisse dans le hall de l'école, je me dépêche de filer vers mon dortoir.

Aujourd'hui, les filles sont occupées dans une salle commune, à broder des décorations pour la Fête de la Montagne qui aura lieu dans quelques jours. Je devrais donc être tranquille pour sortir le bijou et contacter l'empereur. Mais qui sait pour combien de temps encore avant qu'elles ne me rejoignent ?

Je suis en chemin vers ma chambre, perdue dans mes pensées, quand une voix me lance d'un ton fâché :

- Pourquoi tu l'ignores comme ça ?

Je relève la tête pour découvrir Jihanei, une huitième année. Bras croisés, assise dans l'alcôve de la fenêtre du couloir qui donne sur la porte de mon dortoir, elle m'adresse un mélange d'incompréhension et de reproche. Ce n'est pas possible... elle ne peut pas être elle aussi dans le secret pour l'empereur et moi ?!

Prudemment, je demande :

- De quoi tu parles ?

- Tu sais bien de quoi je parle, répond-elle d'un air sévère. Tu pourrais au moins lui répondre. Rien que pour lui dire de te laisser tranquille, s'il te dérange tant que ça ! Tout ce que tu fais en l'ignorant, c'est lui manquer de respect. Il ne mérite pas d'être méprisé comme ça ! T'avais pas l'air d'être du genre à te croire supérieure pourtant, alors pourquoi tu fais ça ?

Battant des paupières, perdue, je m'exclame :

- Mais de qui et de quoi tu parles ?! Je ne comprends rien...

- De mon frère ! De ses lettres !!

- Quelles lettres ?

Mon expression est si surprise qu'elle m'observe un instant en silence, avant de répliquer :

- Mais celles qu'il t'a envoyées !

Mais de quoi elle parle ?

- Depuis que je suis ici, je n'ai reçu aucun courrier à part celui de mes cousins.

- T'es sûre ?

- Mais oui !

Est-ce que c'est ça qui me valait ces curieux regards de Semkei les dernières fois au temple, puis son air abattu ? Il m'aurait écrit, mais je n'aurais rien reçu ?

- Ça t'ennuie si je vérifie ? me demande-t-elle en indiquant le dortoir d'un coup de menton.

- Euh... je croyais qu'on n'avait pas le droit de faire entrer d'autres élèves dans nos dortoirs ?

Si les surveillantes ont une clé spéciale pour totalement verrouiller nos chambres la nuit, de jour elles ne sont fermées que par un petit loquet. Cela suffit cependant, en théorie, à empêcher d'autres élèves d'y accéder.

Nous le débloquons en appuyant sur certains boutons intégrés à la serrure, dans un ordre précis. Les filles m'ont montré dès le premier jour comment faire, même s'il est rare que l'une d'entre nous regagne son dortoir seule.

- Tu vois une surveillante quelque part ? rétorque Jihanei avec ironie.

- Non...

- De toute façon, pour un truc comme ça, ça ira. C'est pas comme si on allait faire la fête dans ton dortoir ou je ne sais quoi ! Bon, ouvre-moi la porte.

Je n'ai pas envie de me faire encore une nouvelle ennemie. Je lui donne donc aussitôt accès à la chambre.

- Où est ton lit ? demande-t-elle.

- C'est celui-là.

Sans m'attendre, elle se dirige vers le meuble et regarde d'abord sous l'oreiller, puis sous le matelas, en vain.

- Je peux fouiller dans ton meuble de chevet ?

 Je réponds en haussant les épaules.

- Vas-y.

Elle en sort les lettres de Xemtei, mes cahiers et livres de classe, qu'elle ouvre et secoue. Elle remet heureusement ensuite tout en place avant de s'intéresser au coffre. Pensant à la boîte à éther, je déclare d'un ton apeuré :

- Il y a mes vêtements et accessoires de cérémonie là-dedans.

- Je sais ! Ne t'inquiète pas, je n'abîmerai rien ! m'affirme-t-elle en ouvrant la malle.

- Je préfère m'en occuper ! fais-je tout de même en avançant.

J'espère bien arriver à dissimuler la boîte à éther avant qu'elle ne tombe dessus. Je sors donc un à un chaque vêtement, bout de tissu, coffre à peignes et épingles... à chaque fois que je plonge la main dans la malle, j'essaye d'attraper la boîte à éther, en vain. Jihanei esquisse un sourire en voyant passer le pic à cheveux turquoise.

Ce n'est que lorsque je finis par tout étaler sur le lit que je comprends que la boîte à éther n'est tout simplement plus là. C'est impossible, pourtant j'étais sûre de l'avoir mise dans le fond. Après s'être penchée au-dessus du coffre vide, Jihanei secoue la tête.

- De toute façon, tu mens tellement mal que je me doutais bien que tu disais vrai. Mais j'avais promis à mon frère que je ferais de mon mieux, alors j'ai préféré vérifier par moi-même que tu n'avais rien reçu.

Je ne peux m'empêcher de faire remarquer :

- J'aurais très bien pu brûler les lettres.

- Tu mens mal et tu sors toujours des trucs comme ça, qu'il ne faut pas dire ! rit-elle. Tu dis les choses, comme si c'était normal. Je suis sûre que c'est aussi pour ça que Semkei t'aime bien ! Il est un peu pareil...

- Il est honnête, tu veux dire ?

- Haha ! Tu vois ? Encore ! Bon. Tu veux que je t'aide à ranger ? Je touche pas aux tenues de cérémonie, t'en fais pas.

Perplexe, j'opine du chef et nous commençons chacune à plier les vêtements avant de les remettre dans la malle.

- Celle-là, c'est celle qui lui plairait le plus..., me souffle-t-elle avec un clin d'œil en pointant du doigt la tenue aux dominantes turquoise et mauves que je suis en train de ranger. Ce sont ses couleurs préférées.

- Oh... d'accord.

Elle rit puis m'explique :

- Tu sais, même si tu avais brûlé les premières lettres, tu n'aurais pas eu le temps de brûler celle qu'il t'a envoyée aujourd'hui, pendant que tu étais au temple. Une surveillante aurait dû la déposer là, avant que tu ne rentres. Donc je te crois quand tu dis que tu n'as rien reçu.

- Où elles sont passées, alors ?

- T'as eu l'impression que l'attitude de mon frère déplaisait à tes cousins ? Ou pourrait déplaire à quelqu'un d'autre de ta famille ?

À mes "cousins", non, pas du tout. Mais à l'empereur... ce ne serait pas totalement incohérent si je me décide enfin à croire Xemtei.

- Hum... peut-être bien.

- C'est ce que je lui ai dit ! Peut-être qu'elle te répond pas parce que son cousin lui interdit. J'y croyais pas vraiment. Mais c'était pour lui remonter le moral. Je suis contente de voir qu'en fait j'ai tapé dans le mille ! Tes cousins ont dû demander aux surveillantes d'intercepter ton courrier. C'est tout.

De but en blanc je m'écrie :

- Ça m'étonnerait ! Jamais ils ne feraient ça !

Xemtei me l'aurait forcément dit. Et je ne peux pas imaginer l'empereur s'abaisser à un stratagème aussi grossier. J'aurais beaucoup de choses à lui reprocher, mais pas ce genre de manœuvre... enfin, je n'espère pas.

- T'es beaucoup trop pure pour ce monde toi, tu sais ! réplique-t-elle avec amusement. Bon ! Tiens !

Elle sort de son sac une petite enveloppe qu'elle me tend. La calligraphie employée pour y tracer mon nom est si penchée et fine que j'arrive à peine à le déchiffrer.

- Avec ce que je lui ai trouvé comme excuse, il a jugé que ça valait le coup de plutôt passer par moi. Tu me confieras ta lettre pour lui quand tu l'auras écrite, je lui donnerai directement. T'inquiète pas, je la lirai pas !

Ses yeux pétillent de malice si bien que je me demande si elle tiendra parole. Glissant l'enveloppe dans mon sac, je hoche la tête.

- Euh... d'accord.

Décidément, je ne savais pas que tant de gens attendaient de mes nouvelles dernièrement ! Enfin, le plus urgent, ça reste l'empereur. Hélas, comment le contacter si je ne retrouve pas sa boîte à éther ? Pire, que risque-t-il de se passer si elle a échoué entre d'autres mains ?

- Au prochain jour-des-ancêtres, tu mets la turquoise, hein ?

- De quoi ?

- Comme tenue de cérémonie ! Même si mon frère te plaît pas, au moins ça lui fera plaisir.

- Ah ! D'accord, si tu veux.

- Eh bah ! Tu seras la belle-sœur idéale ! s'exclame-t-elle dans un nouveau rire. Tu comptes m'obéir tout le temps comme ça au doigt et à l'œil ?

- Je ne sais pas, ça dépend de ce que tu me demandes.

Voilà qui la fait encore rire de gaieté de cœur.

- Mademoiselle Hudarem, qu'est-ce que vous faites là ? exige brusquement la voix sévère de Dayarun, brisant aussitôt le rire de Jihanei.

Perdant de son assurance effrontée, la jeune fille baisse la tête et répond humblement, brodant calmement son mensonge :

-J'aide Suirei à ranger ses affaires. Pour qu'on puisse plus rapidement aller travailler notre poésie. Pour demain.

La surveillante nous examine tour à tour avant de me demander :

- Vos affaires étaient normalement déjà bien rangées, mademoiselle Fannan. Qu'est-ce qui les a mises soudain en désordre ?

- Je... j'avais perdu quelque chose. Alors j'ai tout sorti.

- Oh ! Qu'avez-vous perdu ? s'inquiète-t-elle, la voix radoucie.

D'habitude sa sollicitude est la bienvenue, mais là... je me dépêche de mentir :

- Un pic à cheveux. Mais j'ai fini par le retrouver.

- Un pic à cheveux ? s'étonne-t-elle, battant des cils. Vous en aviez urgemment besoin ?

- Non, mais je... je ne l'ai pas trouvé tout à l'heure en me préparant pour le temple. Et... et je n'avais pas le temps de bien chercher avant de partir, alors...

- ... vous êtes revenue vérifier maintenant que vous êtes libre. Je vois. Vous devez beaucoup y tenir si ça vous tracassait tant.

Voilà qui paraît l'ennuyer.

- Euh... oui.

- Donc vous ne faisiez que passer, mademoiselle Hudarem ?

- Oui, madame.

- La prochaine fois, demandez à une surveillante la permission avant d'aller dans un autre dortoir que le vôtre, c'est compris ?

- Oui, madame.

- Mademoiselle Fannan, donnez-moi votre carnet puis finissez de ranger vos affaires et suivez-moi. Vous avez enfreint les règles, vous êtes collée. Vous travaillerez votre poésie une autre fois. Mademoiselle Hudarem, vous pouvez nous laisser.

Je suis collée ? Juste pour ça ?! Je pensais éventuellement n'avoir qu'un blâme !

Jihanei me jette un regard embarrassé puis se tourne vers la surveillante.

- Madame, c'est moi qui..., commence-t-elle.

- Je ne veux pas savoir, l'interrompt Dayarun. Ce dortoir est celui de mademoiselle Fannan, la faute lui incombe. Laissez-nous maintenant.

Jihanei s'éclipse tandis que je tends mon carnet à la surveillante qui le remplit en annonçant :

- Ne vous inquiétez pas, ce ne sera pas une colle trop désagréable.

Après m'avoir rendu mon carnet, elle s'attache à m'aider à replier les derniers vêtements pour les déposer dans le coffre.

- Bien. Prenez votre sac et venez avec moi.

Et moi qui avais réussi à ne pas être collée une seule fois en presque un mois, et comme par hasard, il fallait que ça tombe justement aujourd'hui !

Elle m'amène dans une petite salle dont elle ferme la porte, avant de me faire signe de m'asseoir à l'une des tables. Mais au lieu de m'expliquer quelle corvée je dois accomplir, elle prend une chaise et vient s'installer face à moi, croisant les mains.

- Qu'avez-vous fait à Tsadei exactement ? demande-t-elle ensuite d'un ton posé.

Surprise, je balbutie :

- Comment ça ?

Sans se départir de son calme, Dayarun insiste :

- Qu'est-ce qui s'est passé avec Tsadei ? Qu'est-ce que vous avez fait ?

- Rien de spécial dernièrement. Elle m'évite et je fais de même... Pourquoi vous me demandez ça ?

- Que s'est-il passé avec Tsadei ? répète-t-elle encore, durcissant son regard. Il s'est forcément passé quelque chose de grave !

Bon, j'imagine que je n'arriverai à rien si je ne réponds pas. Et j'ai suffisamment perdu de temps pour aujourd'hui ! Elle sait bien ce qui se passe ici, alors j'espère qu'elle me comprendra.

- Je l'ai menacée. Mais c'était il y a plusieurs semaines !

Après une brève inspiration, je lui raconte comment Tsadei et sa bande avaient essayé une nouvelle fois de s'en prendre à moi, et comment j'ai réagi cette fois-ci.

- Et vous me dites que c'était il y a presque un mois ?

- Oui.

- Rien d'autre depuis ?

- Non. Depuis, elles me laissent tranquille.

- Ça, je n'en suis pas aussi certaine que vous, soupire-t-elle.

Décroisant les doigts, elle plonge la main dans une poche de sa robe, avant d'en tirer une chaînette au bout de laquelle pend un petit livre métallique. Je reconnais aussitôt la boîte à éther qu'elle dépose sur la table. Comment ça se fait qu'elle l'a en sa possession ? Ou bien c'en est peut-être une différente ? Dans tous les cas : qu'est-ce que ça a à voir avec Tsadei ?

- Vous êtes sûre que c'est un pic à cheveux que vous cherchiez tout à l'heure ? susurre-t-elle en arquant un sourcil.

Bon. C'est donc bien la mienne. Cependant, je n'ose rien dire: je n'ai pas le droit de posséder ce genre d'objet à l'école. Non seulement parce que c'est un bijou, mais surtout parce que c'est une boîte à éther ! J'ai appris que c'était interdit grâce à certaines élèves très aisées, qui se plaignaient de ne pouvoir s'en servir pour contacter leur famille ou leurs amis quand elles le voulaient.

Face à mon mutisme, Dayarun m'indique :

- Ça ne servira à rien de nier que c'est la vôtre, je l'ai trouvée dans votre malle.

Ah, parce qu'elle a fouillé dans mes affaires ?! Se méprenant sur mon expression, elle ajoute aussitôt :

- Je ne vous dénoncerai pas ! Mais vous ne devez jamais rien laisser qui puisse vous compromettre dans votre dortoir !

D'un air morose, je bougonne :

- Je ne savais pas qu'on allait fouiller mes affaires.

- Et pourtant, nous sommes habilitées à le faire. Notamment quand une élève est dénoncée par une autre.

- Qu'est-ce qu'a dit Tsadei ?!

- Tsadei n'a rien dit. Du moins, pas à nous. Bien que je réprouve votre méthode, il faut croire que vous l'avez réellement intimidée ! Cependant, j'ai entendu plusieurs fois ses amies s'inquiéter du fait que vous cachiez peut-être une arme dans vos affaires. Et ce n'est pas tout...

Je déglutis. J'espère bien que personne n'a découvert que je cachais un couteau sur moi !

-... vous n'êtes pas sans savoir que, malgré les règles et la philosophie de l'école, les surveillantes ici sont loin d'être impartiales. De la même manière, toutes ne sont pas forcément très intègres. Les parents d'élèves le savent parfaitement. Alors ils en soudoient certaines pour qu'elles agissent pour eux. Tant que cela reste discret, bien sûr !

Oui, comme d'habitude. Tous les coups sont permis tant qu'on a les moyens de les réaliser, et qu'on ne se fait pas prendre. Je m'inquiète :

- On vous a soudoyée ?

- Non ! rit-elle en voyant ma mine horrifiée. Non. Bien que je ne sois pas partiale moi non plus, je ne suis pas recommandée pour ce genre de tâches, ma loyauté ne s'achète pas. L'oncle de Tsadei s'est cependant assuré les services d'une autre surveillante, pour qu'elle inspecte vos affaires.

- Oh !

- Oui. Je le soupçonne de chercher quelque chose qui puisse vous incriminer et vous faire renvoyer. Tsadei a peut-être fini par lui rapporter vos menaces ? Quoi qu'il en soit, il a demandé à faire fouiller votre dortoir en début d'après-midi, après le départ des élèves au temple. Heureusement, j'ai récupéré ça juste à temps..., fait-elle en pointant la boîte à éther.

Je souffle avec soulagement :

- Merci. Oh ! Et j'ai aussi du courrier qui ne m'est jamais parvenu.

- Ah bon ? Vous êtes sûre ?

- Oui, apparemment.

- Quel genre de courrier ? De qui ?

- Des lettres de la part du frère de Jihanei, Semkei Hudarem.

- Ah ! s'exclame-t-elle à présent soulagée. Bon, ce n'est rien ça...

Étonnée, je proteste :

- Tout de même !

- Ça n'a certainement rien à voir. Parfois, il arrive que des lettres se perdent ou soient mises de côté quand le destinataire est illisible. Je jetterai un œil si vous le voulez.

Ah. Alors l'écriture de Semkei n'est peut-être pas illisible que pour moi !

- Oui, je veux bien, s'il vous plaît.

Je ne sais pas pourquoi, mais ma demande semble la contrarier.

- Vous aimez bien ce jeune homme ? articule-t-elle, troublée.

- Euh... je ne sais pas, je le connais à peine.

- Et vos cousins, ils sont au courant qu'il vous courtise ?

- Il ne me courtise pas ! On ne s'est parlés qu'une fois.

- Il vous écrit des lettres, Suirei. Un jeune homme n'écrit pas de lettres à une fille qui n'est pas de sa famille, à moins qu'il la courtise.

- Ah. Je ne savais pas...

C'est idiot, comment font les amis pour s'écrire alors ?

- Il vous plaît ? s'inquiète-t-elle à nouveau.

- Non. Enfin, je ne sais pas... pourquoi ? C'est embêtant ?

À la Fête des Offrandes, il y avait de nombreux élèves des Pruniers qui accompagnaient des élèves des Iris. Ça ne semblait pas être quelque chose de surprenant. Elle me contemple en silence avant de hausser les épaules.

- Je suppose que non, concède-t-elle.

- Vous allez conserver la boîte à éther ?

Ça me semble inévitable.

- Ce sont vos cousins qui vous l'ont confiée ? m'interroge-t-elle. Ou un autre membre de votre famille peut-être ?

- Oui.

Enfin, en quelque sorte.

- Alors je vous la rends, à la condition que vous la conserviez toujours sur vous.

J'affiche un tel étonnement que ça la fait sourire.

- Mais... pourtant c'est interdit..., dis-je.

-Oui. Mais ce serait hypocrite de vous confisquer ce bijou alors qu'au moins une autre élève en a un, que toutes les surveillantes le savent, mais que personne ne dit rien tant qu'elle n'a pas été découverte par ses camarades ! Alors reprenez votre boîte à éther, et gardez-la toujours avec vous cette fois-ci.

Stupéfaite, je réponds :

- Merci. Merci beaucoup.

- Et méfiez-vous de Jizem. Cette surveillante est du côté des Melizem.

Ah ! Je me rappelle d'elle ! Elle m'avait puni dès mon premier soir ici.

- D'accord, je ferai attention. Merci encore !

- De rien. Je vous l'ai dit, moi non plus je ne suis pas partiale...

Elle m'adresse un sourire bienveillant que je lui rends. Heureusement qu'il y a une surveillante comme elle pour compenser les autres. Ceci étant dit...

- Et pour ma colle alors, qu'est-ce que je dois faire ?

- Votre colle ?

- Oui. Je suis bien collée, non ?

- Oh ! s'exclame-t-elle. Oui, c'est vrai. Votre colle. Eh bien... vous avez un peu de lecture avec vous ?

- J'ai un livre d'histoire.

Un livre sur les royaumes d'avant la première dynastie. Cela fait plusieurs semaines que je suis dessus, à essayer de guetter tout ce que je peux sur des histoires de manipulateurs ou de Jireshaxin...

Elle se lève de son siège puis s'époussette en proposant :

- Alors, si vous voulez lire tranquillement, allez-y. Ou si vous préférez rêvasser... faites comme ça vous chante ! Je reviendrai vous chercher d'ici une heure, pour le repas. En attendant, personne ne viendra vous déranger.

- Merci.

Elle se lève, me fait un signe de la tête puis sort avant de verrouiller derrière elle. Voilà qui ne pouvait pas mieux tomber ! Non seulement j'ai récupéré la boîte à éther, mais je suis même tranquille pour l'utiliser ! Et si jamais quelqu'un arrive, j'aurais le temps de la dissimuler sitôt que j'entendrai la clé cliqueter dans la serrure.

Jusqu'à présent, j'avais l'impression que les ennuis s'enchaînaient, mais curieusement la roue vient de tourner ! Je m'éloigne le plus possible de la porte. Hélas, mon enthousiasme retombe quand je me rends compte que je ne sais pas vraiment quoi dire à l'empereur.

J'ai du mal à croire qu'il soit réellement en colère après tout le monde, juste parce que j'ai pris mes distances. Ça me semble exagéré ! Mais il y a bel et bien un souci s'il ne peut plus s'occuper des spectres. Et si c'est lié à moi, je me dois d'au moins essayer d'arranger les choses. Plus vite on peut reprendre le travail, plus vite je partirai.

J'ouvre donc le petit livre et insère la clé dans son encoche avant de la tourner. Cette fois-ci, la lumière rosée tourne au bleu bien plus vite que la dernière fois, précédant le souffle anxieux de l'empereur :

- Oui ??

- Euh... bonjour. C'est... c'est moi. C'est Taïmi.

- Oui, j'ai reconnu votre voix, me répond l'empereur. Bonjour. Attendez un instant. Ne partez pas !

Je patiente donc quelques secondes. Je crois entendre des conversations étouffées au loin, puis des bruits de pas et, enfin, une porte qu'on referme.

- Voilà ! Vous allez bien ? Tout va bien ?

- Euh... oui. Et vous ?

- Oui ! Oui. Enfin... non, oui ! Oui.

Je ne sais pas si c'est le fait de communiquer via la boîte à éther, ou autre chose, mais je l'ai rarement entendu parler avec aussi peu d'assurance dans sa voix ! Bon. Je me vois mal le contredire en rétorquant que, selon son meilleur ami, il n'est pas dans son assiette... alors que dire ?

- Euh...

Impossible de trouver avec quoi enchaîner. En plus, j'ai du mal à parler ainsi dans le vide, via un objet. Après un silence maladroit, il me demande :

- Vous me contactez parce que Xemtei vous a demandé de le faire ?

- Oui.

Je ne vais pas lui mentir là-dessus.

- Très bien, je vois. Je vois...

Son ton est si dépité que j'explique alors :

- Je... j'attendais que vous reveniez vers moi. Pour me dire le secret dont vous devez me parler.

- Très bien... je vois...

Nouveau silence. Manifestement, lui non plus ne sait pas trop quoi me dire. Est-ce que ce ne serait pas la preuve que Xemtei se serait trompé ? Puis soudain, il réplique :

- Vous êtes encore avec Rinsheng, là ? Ou vous avez fini ?

- J'ai fini. Je suis à l'école.

- Ah... bon... bon. Rinsheng m'a dit que la reine ne s'était toujours pas réveillée ?

- Non.

- C'est dommage..., souffle-t-il.

- Oui. Et vous, pas de nouvelles des manipulateurs ?

- Non...

Logique : s'il en avait eues, il aurait au moins tenté de se ressaisir pour faire quelque chose. Et à ce propos :

- Xemtei m'a dit que vous ne vous occupiez plus des spectres en ce moment ?

- Oui. En effet. En effet...

- Il m'a dit que c'était à cause de moi.

Encore un silence.

- ... non. C'est à cause de moi, finit-il par répondre.

- Ah !

Je savais bien que ça n'avait rien à voir avec moi !

- C'est lié à vous, mais c'est entièrement de ma faute, précise-t-il.

Oh... bon... dans ce cas :

- Il ne faut pas que vous en vouliez à Xemtei ! Il n'a absolument rien fait ou dit de mal. Si je vous ai - peut-être - paru... bizarre la dernière fois qu'on s'est vus, c'est juste... que j'ai réalisé certaines choses. Mais ça n'a rien à voir avec lui.

- Qu'est-ce que vous avez réalisé ? me demande-t-il immédiatement.

- Je ne souhaite pas en parler. Mais ça n'a rien à voir avec lui.

- Pourquoi vous ne voulez pas me le dire ?

Je me défends aussitôt :

- Je n'ai pas de comptes à vous rendre. Vous non plus vous ne me dites pas tout.

Bougonnant à voix basse, je ne peux m'empêcher d'ajouter :

- ... mais moi, au moins, je ne vous dis pas l'inverse de ce que je pense.

- Je vous demande pardon ?

- Peu importe.

- Taïmi. Je vois bien que vous m'en voulez, même si je ne sais pas ce que j'ai fait et que vous ne voulez pas me le dire ! Alors dites-moi simplement ce que je peux faire pour m'amender.

- Non, ça n'a pas d'importance.

- Ça en a ! Dites-moi ce que je dois faire pour que vous ne m'en vouliez plus.

- Je ne vous en veux pas.

Effectivement, je n'éprouve plus réellement de rancœur envers lui. Plutôt de la déception. Et de la méfiance.

- Taïmi..., proteste-t-il.

- Je vous assure que c'est vrai !

- Alors dans ce cas, dites-moi ce que je dois faire pour que tout redevienne comme avant.

- Vous ne pouvez rien faire.

Il aurait fallu que je n'entende jamais ce que j'ai entendu. À présent, lui ou Xemtei peuvent bien me dire ce qu'ils veulent, j'ai le sentiment que je ne pourrai jamais être sûre de la vérité. Je l'entends qui soupire, ce qui me fait ajouter :

- Mais ce n'est pas grave, tout va bien ! Encore une fois : je ne suis pas votre ennemie, et je vous aiderai, comme promis. Je pensais l'avoir assez répété, alors pourquoi mon attitude vous ennuie tant que ça ?

- Pourquoi ça m'ennuie ? Taïmi ! J'ai perdu votre confiance et le peu d'affection que vous aviez pour moi...

- Et alors ? Mon affection ne vous servira à rien, et je vous fais suffisamment confiance pour travailler à vos côtés, c'est l'essentiel !

Après un bref silence, il souffle tout bas, comme s'il se parlait à lui-même :

- Je vois. Je vois... Au moins, vous ne m'en voulez pas, c'est déjà ça.

- Oui.  Bon ! Je ne sais pas exactement quel est le souci de votre côté, mais si c'est possible, il faut vraiment qu'on ne perde plus de temps avec les spectres.

- Je sais...

Eh bien ! Je l'ai rarement entendu aussi apathique ! Je croyais qu'il était en colère ? On m'a encore raconté n'importe quoi ? Alors que le silence s'éternise pour la énième fois, je me surprends à demander soudain :

- Est-ce que... est-ce que je dois me méfier de l'oncle de Tsadei ? Xemtei m'a dit qu'on pouvait lui faire confiance quand je l'ai croisé à la Fête des Offrandes. Mais il a demandé à une surveillante de fouiller mes affaires. C'est probablement à cause de sa nièce, on ne s'entend pas vraiment bien, mais...

- Quoi ? Comment ça ? m'interrompt-il avec brusquerie. Quand ça ? Comment ça se fait que je ne sois pas au courant ?!

Ah ! Ça, c'est l'empereur que je connais !

- Vous ne pouvez pas être au courant de tout. C'est arrivé en début d'après-midi. Une des surveillantes m'a mise au courant. Elle pense qu'il cherche à me faire incriminer, parce que j'ai fait peur à sa nièce...

Sans me laisser le temps de finir, il demande :

- Vous êtes bientôt occupée ou vous avez un peu de temps devant vous ?

Surprise par ce changement de sujet, je bredouille :

- Euh... j'ai tout mon temps. Je suis collée pour une heure... jusqu'au repas. Pourquoi ?

- Cela vous ennuierait qu'on se voie ? On peut se retrouver au temple. Il vaut mieux qu'on se parle de vive voix.

- On ne peut pas se voir, je suis collée je viens de vous dire.

- Mais est-ce que cela vous ennuierait que l'on se voie ?! insiste-t-il.

- Non, mais...

- Alors à tout de suite ! Je me dépêche !

Je n'ai pas le temps de demander des explications que la lumière redevient rose. La communication est rompue. Comment est-ce que je suis censée sortir d'ici et me rendre au temple ?

Je me dirige vers les fenêtres pour voir si j'aurais moyen de les ouvrir, mais elles sont toutes verrouillées. C'est quand je me demande si je ne pourrais pas en crocheter une que j'entends une clé cliqueter dans la serrure. Je me dépêche alors de ranger la boîte à éther pour regagner ma table.

- Mademoiselle Fannan ? annonce la voix d'Anreng, une surveillante parmi les plus âgées.

- Oui ?

- Vous êtes libérée de votre colle. On vous demande à nouveau au temple.

Déjà ?! Mais... comment est-ce qu'il a fait pour que ça soit aussi rapide ?

- Vous n'avez pas dû assez travailler tout à l'heure, commente-t-elle d'un air revêche. Allez, allez ! Ne faites pas attendre les prêtresses, dépêchez-vous !

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen2U.Pro