XIII : L'imagination et la connaissance

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Chronologie :

2 mai 1998 : Bataille de Poudlard

31 décembre 2001 : Mariage de Ron et Hermione

26 décembre 2003 : Mariage de Harry et Ginny

20 juin 2004 : Election de Ron à la tête de la guilde de l'Artisanat magique

17 juillet 2005 : Naissance de James Sirius Potter

04 janvier 2006 : Naissance de Rose Weasley

25 juin 2006 : Naissance d'Albus Severus Potter

Période couverte par le chapitre : 23 novembre – 24 décembre 2007

Après sa réunion sur les nouveaux procédés d'identification, Harry consacra une partie de ses entraînements du samedi à former ses collègues à leur utilisation. Comme il l'avait supposé le jour de la présentation, il avait désormais deux élèves supplémentaires, Vince Oldrige et Chad Yodel, ce qu'il considérait comme une grande victoire. Il cacha cependant son sentiment de triomphe, sachant qu'il avait encore beaucoup à prouver avant de convaincre complètement les deux sceptiques.

Les premières heures de formation furent délicates : Harry dut exposer les limites des nouveaux moyens mis à leur disposition, comme la difficulté de trouver des empreintes exploitables sur des supports irréguliers, ainsi que les parades possibles : les gants ou le nettoyage.

— Dès que ce procédé deviendra public, tous les délinquants feront attention et masqueront leurs traces, jugea Alicia Spinnet d'une voix déçue.

— Pas forcément, la rassura Harry. Tous les délits ne sont pas prémédités et les criminels agissent parfois de façon stupide. Les Moldus utilisent encore beaucoup cette technique alors même qu'elle est décrite dans des romans grand public depuis un siècle et largement connue de tous.

La propension des signatures magiques issues de sorts faibles à se mêler à celles des sortilèges plus puissants était plus préoccupante. Ils se livrèrent à un certain nombre d'expériences pour évaluer la façon dont les empreintes magiques se masquaient les unes les autres.

À chaque bataille simulée, ils prirent l'habitude de relever la signature magique de ceux qui avaient été touchés pour en déduire quel adversaire avait fait mouche. Ils constatèrent qu'à partir du moment où le sort commençait à être vraiment virulent – les exercices pouvaient être assez coriaces –, la couleur du lanceur de sort se distinguait nettement de celle de la victime.

Ils s'exercèrent également sur les objets. Ceux qui étaient fortement enchantés à la base se laissaient difficilement déchiffrer. Les Accio, Wingardium et autres sorts courants se diluaient dans la magie préimprégnée. Il n'y avait par contre aucun problème de lecture pour les sortilèges de destruction et a fortiori les ensorcellements malins.

Ils découvrirent cependant que l'émanation avait tendance à s'estomper après avoir été récupérée une fois. Il fallait donc ne pas rater son coup et soigneusement noter sur le contenant choisi les caractéristiques de l'objet soumis à la reconnaissance.

— On pourra nous opposer que l'empreinte que nous invoquons n'est pas celle qu'on a retrouvée sur les lieux des délits, fit remarquer Janice.

— Il faudra prendre une photo au moment de la récupération de l'empreinte, proposa Michael Corner. Si on voit la couleur de la boule au moment où elle émane de l'objet, cela prouvera qu'on parle bien tous de la même chose.

— Il va donc falloir toujours être à deux pour exécuter le prélèvement, opposa Primrose Dagworth. Un pour lancer le sort, l'autre pour photographier. Cela ne va pas être évident. Comment fait-on quand on rate la photo ?

— Et si on utilisait nos souvenirs ? intervint timidement Augustin Dolohov. On peut les mettre dans une fiole puis les déchiffrer avec une Pensine.

— Excellente idée, le félicita chaleureusement Harry. On va faire pareil pour les empreintes de doigt et on produira nos souvenirs à l'audience s'il y a le moindre doute.

— C'est compliqué, tout ça, grogna Hobday.

— Si c'était trop facile, on regretterait trop de ne pas l'avoir inventé avant, lui rétorqua philosophiquement Primrose.

Comme il le faisait de temps en temps, Harry invita Janice à déjeuner chez lui après l'entraînement. Comme il n'était pas évident d'entretenir une conversation suivie avec deux enfants à table demandant régulièrement l'attention des adultes, leurs propos furent un peu décousus pendant le repas.

Quand Ginny monta à l'étage pour faire faire leur sieste aux petits, Janice et lui reparlèrent de leur séance du matin.

— Je me demande comment les Impardonnables apparaîtront dans la signature.

— On devrait bien les voir, jugea Harry. Plus les sorts sont puissants, plus ils se démarquent de leur support. De toute manière, on ne va pas en lancer juste par curiosité.

Durant les exercices du samedi matin, Harry utilisait toujours des moyens détournés pour entraîner ses collègues à résister aux Impardonnables : absorption de philtres d'amour pour apprendre à contrer un Imperium, sortilèges de Boucliers et esquives de sorts de Lacération pour lutter contre les Doloris et Avada. La pratique de sortilèges complexes et puissants était aussi une manière de fortifier leur capacité de concentration et augmentait leurs chances de faire face aux maléfices les plus noirs.

— Enfin, on verra quand on en aura l'occasion, estima sagement Janice. Ne soyons pas trop pressés qu'un cas se présente.

*

Depuis quelque temps, la presse faisait état de vols récurrents chez les commerçants du Chemin de Traverse et de Pré-au-Lard. Ron exposa le problème à Harry le premier dimanche de décembre.

— Au début, on pensait que c'était juste la loi des séries, expliqua-t-il. Mais là, on en est à une vingtaine de cambriolages en un mois. On en arrive à regarder tous les clients avec suspicion, et ils nous reprochent de ne pas être aimables.

— Le montant des vols est important ? s'enquit Harry.

— C'est souvent en fin de journée donc c'est la recette du jour, l'informa Ron. Et comme les gens ont commencé à faire leurs courses de Noël, la caisse est bien pleine. On se demande ce que fait la police. Tu ne voudrais pas t'en occuper, toi ?

— Je ne peux pas enquêter sur tout, lui fit remarquer Harry. Et puis les vols, ce n'est pas notre juridiction. Ils ont d'excellents éléments. Tu connais le nom de ceux qui sont chargés de l'affaire ?

— Oui, en tant que maître de guilde, je l'ai même rencontré. Un certain Straton.

— Ce n'est pas Thruston ? s'enquit Harry.

— Si, c'est ça.

— Thruston est vraiment capable, je t'assure.

— On verra, dit Ron d'un ton peu convaincu. En attendant, j'ai conseillé à tous les commerçants d'amener leur recette à la banque midi et soir, plutôt qu'une seule fois par jour.

— C'est une façon de limiter la casse, reconnut Harry.

*

Le jeudi suivant, une robe s'arrêta devant le bureau de Harry en fin de matinée. En relevant la tête, l'Auror rencontra le regard du brigadier Thruston.

— Tiens, Brigadier, quel bon vent vous amène ?

— Si vous aviez un peu de temps, j'aimerais vous soumettre un cas. Au fait, je suis capitaine, maintenant, ajouta-t-il en baissant modestement les yeux.

— Vraiment ? Toutes mes félicitations, s'exclama Harry, sincèrement heureux pour lui. On se voit à midi pour déjeuner, proposa-t-il, se demandant si c'était de la série de cambriolages dont le capitaine voulait l'entretenir.

— Très bien, à tout à l'heure.

Quand ils se retrouvèrent, Harry choisit de manger dans le café où Hannah travaillait, car elle lui trouvait toujours une place tranquille.

— Alors ? demanda l'Auror une fois qu'ils eurent commandé le plat du jour.

— C'est la série de vols dans les commerces du Chemin de Traverse et Pré-au-Lard, commença Thruston, confirmant les soupçons de Harry.

— Mon beau-frère Ron Weasley m'en a parlé. Vous n'avez aucune piste ?

— Hélas non. Cela vous ennuie si je vous résume le dossier ?

— Je vous écoute.

— Alors voilà, cela se passe toujours de la même manière : la caisse du magasin est vidée de ses gallions dans la journée, et ce, pendant les heures d'ouverture.

— Il n'y a pas de mot de passe pour ouvrir la caisse ? s'étonna Harry.

— Si, bien sûr. C'est pour cela que, dans un premier temps, nos soupçons sont allés vers les vendeurs. Mais les commerçants n'ont pas tous des salariés, et ils sont parfois les seuls à le connaître.

— Et ils sont certains de l'avoir surveillée tout le temps ?

— Il est vrai qu'ils doivent effectuer le réassort en rayon et conseiller la clientèle. Mais en règle générale, ils ferment leur caisse quand ils doivent s'en éloigner.

— Sort de Dissimulation ? proposa Harry.

— C'est ce que nous avons pensé, mais cela ne résout pas la question du mot de passe.

— Vu le nombre de vols, on ne peut pas invoquer la distraction, comprit Harry.

— Exactement. Tout le monde fait très attention maintenant, ce qui n'empêche pas les larcins de continuer, fit remarquer le policier d'un ton contrarié.

— Et leur vigilance n'a pas espacé les vols ? s'enquit Harry.

— Si, un peu. Mais il y en a encore eu un en début de semaine, et les commerçants attendent de nous une arrestation. Ils ne peuvent pas rester collés derrière leur comptoir ou payer quelqu'un rien que pour surveiller leur argent ! précisa le policier, répétant sans doute l'argument des marchands en colère.

— Le voleur utilise peut-être une formule qui contourne celle d'ouverture, avança Harry.

— Nous avons également exploré cette piste, indiqua Thruston. Nous avons fait venir un briseur de sorts mais il n'a détecté aucun sortilège de Forcement. Le mot de passe semble bien avoir été prononcé.

— Les commerçants notent-ils leur mot de passe par écrit ? s'enquit Harry en songeant à Neville.

— Aucun ne l'a avoué mais ça ne suffirait pas à expliquer l'ampleur du phénomène. On a eu une quinzaine de boutiques cambriolées en trois semaines.

— Aurait-on pu deviner les mots de passe ?

— La plupart n'étaient pas bien compliqués, c'est vrai : nom du magasin, date de naissance du gamin, nom du hibou ou de leur produit vedette. Mais d'autres étaient moins évidents. L'un d'eux avait choisi Stringo Reversum, par exemple.

Les deux hommes échangèrent un regard amusé : c'était de l'argot sorcier et cela évoquait une étreinte amoureuse un peu particulière.

— Le voleur est une voleuse qui connaît bien les goûts du bonhomme ? suggéra Harry.

— Ce n'est pas à exclure, admit le policier l'œil pétillant. Cependant, on a aussi des codes plus obscurs comme Certains l'aiment chaud.

— Oh, je crois que c'est un vieux film moldu, se souvint Harry après quelques secondes de réflexion.

— On en revient à la question : comment notre voleur fait-il pour récupérer les mots de passe ? C'est à croire qu'il les pêche directement dans la tête des gens.

À ses mots, Harry ouvrit de grands yeux.

— J'en arrive au sujet que je voulais aborder avec vous, enchaîna le brigadier à qui la mimique de l'Auror n'avait pas échappé. Existe-t-il un sortilège qui rende cela possible ?

— Oui, en effet, répondit Harry. Mais il n'est pas très connu, et tout le monde n'est sans doute pas capable de le lancer correctement. Dans notre formation, nous apprenons à nous prémunir contre son utilisation.

— Pourrait-on former les commerçants aussi ? demanda le policier avec espoir.

Harry grimaça :

— Nous n'avons pas vraiment envie de faire savoir l'existence de ce sortilège. Une fois que l'on connaît le principe, ce n'est pas bien difficile de trouver la formule en faisant des recherches. Et il y aura toujours trop de personnes qui auront des capacités pour l'utiliser.

— Avez-vous un moyen de repérer ce sort ? s'enquit le capitaine.

— Quand on fouille dans un crâne pour obtenir une information, le souvenir qui est récupéré remonte à la surface. Je suis certain que toutes vos victimes ont pensé à leur mot de passe sans raison, à un moment ou à un autre avant le vol.

Il vit l'air dubitatif de son vis-à-vis et assura :

— C'est assez particulier comme sensation. Je vais vous montrer.

Il saisit sa baguette et se prépara à jeter le sort de façon informulée. Il vit la physionomie incertaine de sa victime et se dit que sa proposition n'était pas une perspective agréable pour le capitaine. Harry se concentra pour ne pas tomber par erreur sur une scène trop privée. Il se souvint du cours qu'il avait eu sur le sujet quand il était aspirant Auror et s'interrogea sur ce que son vis-à-vis avait pris pour son petit-déjeuner.

Dès qu'il articula silencieusement la formule, il eut la réponse : thé et tartines de marmelade. Le policier était installé à une table, dans une petite cuisine, avec une jolie femme en robe de chambre en face de lui. Il lâcha prise et l'image disparut. Il baissa les yeux pour vérifier que le brigadier portait bien une alliance :

— Mrs Thruston, je présume, fit-il.

L'air abasourdi son vis-à-vis hocha la tête :

— Je comprends que vous ne teniez pas à ce que ce sortilège soit connu, grimaça-t-il.

— Pour s'en prémunir, il faut se raccrocher à un autre souvenir ou vider son esprit, indiqua Harry. Mais cela demande un peu d'entraînement. Je pense qu'il faut que vous acceptiez l'aide des Aurors sur ce coup-là.

— C'est aussi mon sentiment.

— Il faudrait tenter de piéger le voleur, continua Harry. Mais comme on ne peut pas expliquer aux commerçants ce qui se passe vraiment, il faudrait se mettre en planque. Sauf que non, réalisa-t-il, cela ne marcherait pas, le type peut venir chercher le mot de passe plusieurs jours avant de l'utiliser.

— Nous avons recommandé aux marchands d'en changer tous les jours, l'informa Thruston. Mais ça ne va pas être facile de faire en sorte que le voleur ne se méfie pas et s'attaque précisément à la boutique dans laquelle nous opérons.

— Il faudra utiliser du Polynectar et faire des opérations spéciales pour attirer l'attention du bonhomme, proposa Harry. Avec de l'occlumancie, on devrait pouvoir dissimuler le fait qu'on est Auror.

— Oui, ça peut marcher, convint le brigadier. C'est un peu hasardeux mais je suppose que vous n'avez pas réussi dans vos entreprises sans prendre quelques risques.

— Ma femme me supplie toujours de ne révéler à personne combien mes victoires ont dépendu de la chance, commenta Harry.

— Elle a raison, sourit le policier. Je fais partie de ceux qui préfèrent ne pas le savoir.

Ils se concentrèrent un moment sur leur assiette qui commençait à refroidir puis Thruston lança :

— Nous avons eu vent de nouvelles méthodes que vous êtes en train de développer pour identifier des coupables.

Harry, qui allait enfourner une bouchée, interrompit son geste.

— Vous avez de bons informateurs, répondit-il prudemment.

Dans le silence qui suivit, Harry se demanda si les nouveaux procédés pourraient être efficaces dans l'affaire qu'on venait de lui exposer. Si le mot de passe avait été utilisé pour ouvrir les caisses, on ne trouverait pas de signature magique sur elles. Par contre, les traces laissées par les doigts du voleur y seraient peut-être reconnaissables. La legilimancie, elle, devait comporter la signature visible de son auteur, même si sa cible était un sorcier.

Mais encore fallait-il arrêter le coupable pour comparer ses empreintes à celles qui auraient été prélevées.

— Ces techniques ne vous serviraient pas tellement dans cette affaire-là, répondit finalement l'Auror. Et le cas échéant, comme nous allons intervenir, nous pourrons les appliquer.

— Vous ne pouvez pas m'en dire plus ? tenta Thruston.

— Pour être franc, j'aimerais bien, mais je dois avoir la permission de mon chef avant. Sans compter que, pour le moment, c'est toujours au stade expérimental et nous ne nous en sommes pas encore servis pour nos propres enquêtes.

Harry prit une bouchée de son plat puis s'enquit :

— C'est votre commandant qui vous a demandé de vous renseigner à ce sujet ?

— Pas directement. Mais comme ça fait une semaine qu'on a entendu des rumeurs et qu'il sait que je dois vous parler aujourd'hui, je suppose qu'il espère que je vous en touche un mot.

— Eh bien, je transmettrai votre question à mon chef, promit Harry. À mon niveau, je ne peux pas en faire davantage, vous me comprenez ?

— Tout à fait. Je ne veux pas vous mettre dans une situation difficile avec votre supérieur, l'assura le policier.

L'affaire étant entendue, ils terminèrent leur repas en parlant de sujets plus légers. Harry apprit ainsi que le capitaine Thruston était non seulement marié, mais aussi père de deux filles. De son côté, il évoqua sa famille et l'enfant à naître.

Harry se rendit chez son commandant dès son retour au QG. Il commença par exposer le cas des vols.

— Il va falloir intervenir, confirma Faucett. Je vais voir qui est disponible.

Harry continua en signalant que les policiers avaient entendu parler de leurs nouveaux outils et qu'ils étaient très curieux à ce sujet.

— Je veux qu'on les ait mis en œuvre pour de bon avant de les partager, déclara sans ambages son chef. Donc pas un mot à ce sujet tant que je ne t'en ai pas donné le droit.

— Ces sorts nous appartiennent-ils ? s'étonna Harry. Je croyais que seuls ceux qui sont dangereux étaient volontairement peu enseignés.

— Ceux-là, on les a payés, fit remarquer Faucett. Le CRAM ne travaille pas pour rien, et c'est notre budget qui a avancé les gallions.

— Mais enfin, en tant que sorciers, notre intérêt est que la police magique arrête les voleurs. On ne va pas garder pour nous ce qui pourrait les aider à y arriver ! s'indigna Harry.

— Je n'ai pas dit qu'on se les réservait pour toujours, simplement que je désire en avoir l'exclusivité le temps qu'on gagne un ou deux dossiers avec. L'idée de base vient quand même de nous, c'est bon de le faire savoir. Et puis, on n'est pas obligés de partager sans contrepartie.

— On ne va pas leur demander de faire notre sale boulot en échange ! craignit Harry.

— On peut décider qu'ils participeront aux frais la prochaine fois que tu auras un projet, proposa Faucett.

— Pour ce que nous en savons, c'est peut-être eux qui en auront un, remarqua Harry qui ne pensait pas être le seul à cogiter sur le sujet, maintenant que l'idée avait fait son chemin.

— Eh bien, raison de plus pour nous garder une monnaie d'échange, non ?

— On pourrait au contraire faire le premier geste pour les inciter à nous renvoyer l'ascenseur, objecta Harry.

— C'est un peu trop hypothétique comme retour pour moi, lui rétorqua Faucett.

Harry pensait que c'était surtout des années de compétition entre les deux services qui amenaient son chef à éprouver autant de réticence à partager leurs connaissances. Mais il n'était pas commandant et devait accepter la façon de voir de son supérieur.

— Et pour cette enquête sur les vols, on va quand même relever les empreintes ?

— Ceux que j'enverrai dessus pourront éventuellement le faire, convint Faucett. Bon, on verra quand on y sera. Tu n'as pas de boulot cet après-midi ?

Harry ne put que rejoindre son coéquipier, espérant que Thruston recevrait l'assistance dont il avait besoin malgré cette petite guerre entre services. Il dut rapidement quitter le QG. Owen et lui avaient une dizaine de témoins à interroger.

En fin d'après-midi, alors qu'ils revenaient tout juste, Faucett sortit de son bureau et exposa en passant devant Harry :

— Je pars pour rencontrer le commandant Watchover et ton copain Thruston. Ils t'ont mis sur leur petite invitation, alors tu n'as qu'à venir avec moi.

Harry se demanda ce que signifiait cette formulation. Visiblement, Faucett n'était qu'à moitié satisfait que sa présence soit requise. Il faut dire que Harry n'avait manifestement pas la même conception des relations devant exister entre les deux services. Alors pourquoi acceptait-il que Harry soit présent ? Avait-il reçu des instructions en ce sens de plus haut ?

Les deux Aurors n'allèrent pas loin : ils avaient rendez-vous dans une des salles d'interrogatoire que les deux services se partageaient. Les deux policiers parurent satisfaits de le voir arriver avec son chef.

Les quatre hommes s'assirent et Thruston fit un résumé de l'affaire.

— J'en ai parlé à l'Auror Potter pour lui demander si un sort noir pouvait expliquer la façon dont le voleur récupère les mots de passe qui servent à verrouiller les caisses des magasins. Il m'a appris qu'un sortilège permet effectivement d'aller pêcher ce genre d'information dans la tête des gens, et que les Aurors savent comment s'en prémunir.

— Nous proposons donc de réunir nos deux services pour la résolution de cette enquête, conclut Watchover.

— Cela me paraît une mesure appropriée, accepta Faucett. Les Aurors Summers et Muldoon sont de très bons occlumens, ils pourront faire équipe avec vous.

— Merci beaucoup, fit Watchover après un léger instant de silence.

Lui et Thruston faisaient grise mine et Harry savait pourquoi : Muldoon était assez méprisant avec les policiers. Nul doute qu'il exigerait de diriger l'enquête et trouverait à redire sur tout ce que les autres avaient déjà accompli. Watchover ne pouvait cependant pas se permettre de protester contre ces nominations. Le regard désolé de Thruston le décida :

— Je ne pense pas que ce soit le meilleur choix, se risqua-t-il.

— Et pourquoi ? demanda sèchement Faucett.

Manifestement, son chef n'avait pas l'intention de lui faciliter la tâche, mais Harry n'était pas du genre à renoncer en cours de route. Il avala sa salive et composa avec soin la réponse dans sa tête avant de la formuler :

— Muldoon n'est pas le plus apte à travailler en équipe avec la police magique.

— Vraiment, répondit le commandant des Aurors. Et qui proposes-tu, alors ? Je précise qu'il est hors de question que toi et Harper abandonniez votre dossier en cours.

— Je ne connais pas le niveau en occlumancie de tous mes collègues, confessa Harry.

— Je croyais que tu étais chargé de l'entraînement des troupes, le rabroua Faucett.

— Je n'ai pas abordé ce genre d'exercice depuis un moment, avoua Harry.

— Eh bien, il serait temps de t'y remettre, le tança son commandant.

Jamais Faucett n'avait parlé à Harry sur ce ton. D'accord, pensa le jeune Auror. Je me permets de critiquer un collègue devant des tiers, et pour la peine je me fais secouer les ciseburines en public. Dix partout, le souaffle au centre.

— Janice Davenport, dit-il au hasard.

— Elle a autre chose à faire, refusa Faucett. Stroulger et Robins, finit-il par proposer d'un ton plus calme.

Harry hocha la tête en signe d'assentiment. Il ne connaissait pas bien Ed Stroulger, mais Demelza n'était pas du genre à mépriser les autres.

— Nous tenons notre dossier à leur disposition, s'empressa de valider Watchover, visiblement soulagé que l'affrontement se soit conclu à l'avantage de Harry.

*

Le dimanche au Terrier, Harry prit Ron à part :

— Garde ça pour toi, d'accord ? Nous pensons que le voleur se sert de legilimancie pour deviner les mots de passe des caisses.

— Quoi ? Mais ça explique tout, c'est vrai. Mais je croyais que presque personne ne connaissait cette technique.

— Et on veut que cela continue, assura Harry. C'est pour ça qu'on préfère ne pas le faire savoir. Est-ce que tu pourrais convaincre ceux de ta guilde d'assister le capitaine Thruston dans son enquête, même s'il n'a pas encore eu de résultats probants ?

— Il va pouvoir se débrouiller avec ça ? s'inquiéta Ron.

— L'occlumancie et la legilimancie sont du ressort des Aurors. Du coup, une équipe à nous travaille avec les policiers. Tu te souviens de Demelza Robins ?

— La poursuiveuse ?

— C'est ça. Elle a été mise sur l'enquête, assura Harry.

— Espérons qu'elle poursuivra notre voleur avec autant de ténacité que le souaffle, souhaita Ron.

*

En milieu de semaine, il y eut un nouveau vol à Pré-au-Lard. Stroulger et Demelza semblaient furieux en rentrant au QG après cet épisode. Harry n'osa pas s'enquérir de l'avancée de l'enquête. Le soir, Ron lui passa un coup de cheminée pour lui demander des détails sur l'opération de police en cours, et Harry ne put que l'inviter à la patience.

Enfin, le samedi en fin d'après-midi, Ginny qui écoutait la radio apprit une bonne nouvelle à Harry : une arrestation venait d'avoir lieu sur le Chemin de Traverse. Cela fut au cœur des conversations le lendemain au Terrier, mais ni Ron ni Harry n'avaient eu de détails par leurs collègues. L'Auror fut prié de se renseigner au plus vite.

Harry n'eut même pas à demander. Le lundi matin, il tomba sur le capitaine Thruston en sortant de l'ascenseur, au deuxième niveau :

— Il paraît que vous avez réussi, le salua Harry.

— Oui, on l'a coincé samedi soir. C'est une femme nommée Larona Dingle. Elle a tout avoué.

— Bravo, capitaine ! s'exclama Harry. Ça se fête, ajouta-t-il impulsivement. Si vous avez le temps, je vous invite à boire un verre ! Vous me raconterez comment vous vous y êtes pris.

Ils se rendirent dans une gargote du Chemin de Traverse et s'installèrent dans un coin discret.

— Comme aucune boutique n'avait été dévalisée deux fois de suite, commença le capitaine Thruston, on a choisi un établissement qui en avait réchappé jusque-là. Vous connaissez le Bazar Magique ? Il n'y a que le propriétaire qui s'en occupe et ce n'est pas trop compliqué de renseigner la clientèle. On l'a donc contacté, et il a accepté de nous laisser sa place cette semaine. Vos collègues ont pris du Polynectar, comme vous l'aviez conseillé, et les Aurors Stroulger et Robins se sont relayés pour jouer le rôle.

— Le commerce leur a réussi ? demanda Harry pour plaisanter.

— Robins est un as. Sous prétexte de promotion, elle fourguait les articles en série, et ce pratiquement au prix de départ. Stroulger, par contre, a laissé partir certains meubles à un montant que le commerçant n'a pas apprécié.

— J'ai toujours trouvé que c'était trop cher chez lui ! commenta Harry avec un petit rire.

— Oui, mais là, surtout après le vol de mercredi, on commençait à se demander si c'était une bonne idée après tout. Ils avaient beau passer une partie de la journée à déménager la boutique pour laisser la caisse sans surveillance, ils n'avaient toujours pas de visite dans leur tête. On pensait même arrêter l'opération.

Harry hocha la tête avec commisération. Une enquête qui n'avançait pas était toujours difficile à vivre. Surtout quand la presse se faisait l'écho des échecs répétés.

— Donc samedi était notre dernière chance, et j'ai proposé de mettre des objets prétendument en solde sur un éventaire sur le trottoir. Ça a dû attirer l'attention de notre voleuse car, vers seize heures, Robins a enfin lancé la phrase code qui indiquait qu'elle avait pensé à son mot de passe de façon bizarre.

Il ménagea une pause pour boire une gorgée de sa Bièraubeurre.

— J'étais dans l'arrière-boutique avec Stroulger. On s'est donc tenus prêts à intervenir, et j'avais deux hommes en planque près de l'établissement à qui j'ai donné l'ordre de se rapprocher avec mon badge.

Harry hocha la tête, pris par le récit. Il savait que les policiers aussi avaient des Communicants copiés sur les leurs depuis plusieurs années.

— La boutique était vide et Robins a fait semblant de fourrager dans un coin, continua Thruston. Mais je savais qu'elle lançait discrètement les Homenum Revelio en direction de la caisse. Tout à coup, alors qu'on ne voyait personne, ça s'est illuminé, c'était Noël !

Harry sourit à l'image donnée par le policier. Le capitaine, que sa réussite rendait prolixe, enchaîna :

— Votre collègue et moi on s'est précipité dans la boutique et ceux en faction à l'extérieur ont bloqué la sortie. Robins a annulé le sortilège de Désillusion de la voleuse et Stroulger et moi l'avons immobilisée. On l'a ramenée au ministère, et on a tout ce qu'il faut pour l'inculper de vol et d'usage abusif de la magie.

— C'est vraiment bien, fit Harry. Les commerçants vont être soulagés.

— Oui, ça commençait à devenir tendu entre eux et nous. Ils nous reprochaient d'être inefficaces. C'est vrai que cette histoire nous a donné du fil à retordre. Ce n'est pas courant comme manière d'opérer. Je ne m'en plains pas, remarquez ! Ça me fait froid dans le dos l'idée qu'on puisse venir écouter mes pensées.

— Très peu de sorciers en sont capables, assura Harry. J'ai travaillé cette matière pendant des mois sans vraiment de résultats.

— Quand même, vous êtes rentré dans ma tête sans trop de mal l'autre jour, fit remarquer Thruston d'un ton chagrin.

Il avait raison, réalisa Harry. Lorsqu'il avait entraîné ses camarades à l'occlumancie quand il était aspirant, il devait se concentrer énormément et n'y arrivait pas toujours du premier coup.

— Je pense, dit lentement Harry, que je n'aurais pas réussi aussi facilement si vous n'aviez pas été en confiance avec moi. Avec un inconnu, cela n'aurait pas marché aussi bien. D'ailleurs, si j'essayais maintenant que vous êtes sur vos gardes, ce serait sans doute plus difficile.

Le capitaine Thruston le regarda d'un air dubitatif comme s'il se demandait si Harry allait tenter de nouveau de lire ses pensées pour faire la démonstration de son raisonnement. L'Auror lui fit un sourire rassurant :

— Je n'apprécie pas vraiment de me retrouver dans la tête des autres. J'ai assez avec mes propres souvenirs.

— Je suppose oui. Personne n'a jamais essayé de se les approprier ?

— Vu ce qu'on raconte sur moi, je ne pense pas, sourit Harry. Mais cela n'empêche pas certains d'écrire des articles à mon sujet. L'imagination remplace la connaissance.

*

Harry et les siens passèrent le réveillon de Noël à la Chaumière aux Coquillages, où Bill et Fleur les avaient tous conviés. Percy s'y présenta sans cavalière, à la grande déception des dames de la famille. Harry était persuadé que, non seulement le chef de la Coopération internationale tentait de se défendre contre la curiosité sans bornes des marieuses qui l'entouraient, mais se méfiait des plaisanteries de ses frères à son encontre en présence de sa petite amie – si c'était bien ce qu'elle était.

La soirée se passa calmement, à l'exception d'une échauffourée entre les enfants : alors que les adultes faisaient un sort au plateau de fromages que Fleur avait fait venir de France, des cris les firent se lever pour se rendre au salon où se trouvaient la jeune génération qui avait reçu la permission d'aller jouer en attendant le dessert. Les deux enfants de Harry, Freddy, Rose et Louis se tenaient dans un coin de la pièce au milieu de leurs jouets éparpillés et regardaient avec curiosité le trio composé de Teddy, Victoire et Dominique. La benjamine pleurait à chaudes larmes, face aux deux grands. À leurs pieds, gisait un jeu de bavboule pour enfants.

— Qu'est-ce que tu as, ma chérie ? demanda Arthur en se penchant avec sollicitude vers sa petite-fille en pleurs.

— Ils m'ont tapée, pleurnicha Dominique.

L'air coupable des deux autres confirma sa version.

— Teddy ! gronda Andromeda. Demande-lui pardon tout de suite !

À la surprise de tous, l'enfant refusa d'un signe de tête rageur. Fleur intervint alors :

— Dominique, est-ce que tu les as embêtés avant ? demanda-t-elle à sa cadette.

— Oui, répondit celle-ci avec une franchise désarmante, l'air angélique sous ses jolies boucles blondes.

— Elle a renversé toutes nos boules avec son pied ! compléta Victoire furieuse.

— Vous auriez pu jouer avec elle, fit remarquer Molly.

— Mais on lui a proposé et elle n'a pas voulu ! s'indigna Teddy.

— Bon, Dominique, demande pardon à Teddy et Victoire pour les avoir ennuyés, trancha Bill. Et vous deux, excusez-vous pour l'avoir frappée. Je comprends qu'elle vous ait agacés, mais rien ne justifie la violence.

— Surtout le jour de Noël, ajouta Molly.

La tête basse, les trois enfants échangèrent des excuses du bout des lèvres.

— On lui donnerait le Bon Dieu sans confession mais on aurait tort, commenta Hermione sotto voce alors qu'ils revenaient à leur dîner.

— Comme disait mon mari : à trois ans, on en mangerait, et à vingt on regrette de ne pas l'avoir fait, appuya Andromeda un rire dans la voix.

— Mais pourquoi fait-on des enfants ? feignit de se demander Ginny qui marchait désormais en canard pour compenser le déséquilibre causé par le poids du bébé.

— Pour faire plaisir aux grands-parents, affirma Molly d'un ton sans réplique faisant rire les jeunes parents.

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Note : Les enfants, quand ils sont petits, on les mangerait, et quand ils sont grands, on regrette de ne pas l'avoir fait." : C'est une amie qui me l'a appris mais il parait que c'est un proverbe espagnol.


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