XXII : Les prochaines décennies

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Chronologie :

2 mai 1998 : Bataille de Poudlard

26 décembre 2003 : Mariage de Harry et Ginny

20 juin 2004 : Election de Ron à la tête de la guilde de l'Artisanat magique

17 juillet 2005 : Naissance de James Sirius Potter

04 janvier 2006 : Naissance de Rose Weasley

14 juin 2006 : Naissance d'Albus Severus Potter

Période couverte par le chapitre : 21 au 31 décembre 2008

— Une affaire pour vous, leur indiqua Faucett un matin en tendant à Harry un ordre de mission et un rapport avant de continuer sa distribution.

Harry ne put s'empêcher de grimacer en prenant connaissance du compte rendu.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda Owen.

— Le manoir Goyle a brûlé cette nuit.

Harry n'avait pas revu Gregory Goyle depuis qu'il l'avait sauvé avec Malefoy du Feudeymon allumé par Vincent Crabbe. L'idée de retomber sur lui n'était pas très plaisante.

— Criminel, l'incendie ? s'enquit son coéquipier

— C'est possible. Qu'est-ce que tu en penses ?

— Ce nom évoque les Mangemorts, jugea froidement Owen.

— Mais tout le monde sait que Goyle père a été condamné à Azkaban à perpétuité, objecta Harry. Cela ne peut pas être la raison d'une attaque, vu que seuls sa femme et son fils étaient dans la maison.

— Et tous ceux qui étaient à Poudlard pendant l'année des Ténèbres se souviennent que Goyle junior a lancé des Doloris chaque fois que les Carrow avaient besoin qu'on exécute leurs basses œuvres, rappela Owen. Malheureusement, le Magenmagot a pris en compte que c'était sur l'ordre des profs, et il a pu sortir d'Azkaban, précisa-t-il d'une voix qui montrait qu'il n'approuvait pas la mansuétude dont avaient bénéficié les élèves qui avaient collaboré avec les envoyés de Voldemort.

— Ça fait dix ans, le raisonna Harry. Tu penses vraiment que quelqu'un aurait attendu aussi longtemps ?

— Je ne connais pas Mrs Goyle, mais Gregory n'est ni très gentil ni très malin, établit Owen. Il est du genre à offenser mortellement quelqu'un sans même s'en apercevoir. Ont-ils été blessés ?

— Mrs Goyle a été méchamment intoxiquée, mais ses jours ne sont pas en danger, lut Harry sur le parchemin que lui avait confié son chef. Gregory a subi une désartibulation assez grave après avoir transplané en catastrophe.

— Qui a fait les premières constatations ?

— La police magique. C'est eux que Ste-Mangouste a appelés. Mais comme il y a deux blessés qui auraient pu y passer, ils estiment qu'il y a suspicion de tentative de meurtre, et que ce n'est pas leur juridiction.

— Du coup, ils nous ont refilé le bébé, soupira Owen. Bon, je suppose qu'on doit commencer par Ste-Mangouste.

*

Mrs Goyle n'était pas une belle femme. Ni laide d'ailleurs. Elle était sans grâce, comme fanée. Ses yeux d'un bleu délavé passèrent sur Harry sans laisser paraître le moindre intérêt. Harry ne put déterminer si c'était une façon subtile de l'insulter en refusant de le reconnaître comme une célébrité ou s'il la laissait réellement indifférente.

Elle fixa Owen et déclara d'une voix monocorde quand il se présenta « Oui... je connais votre famille », ce qui ne sembla pas enchanter le partenaire du Survivant.

Elle ne se reconnaissait pas d'ennemis : « Nous vivons très isolés depuis... » Elle laissa la phrase interrompue. Depuis la fin de la guerre et l'emprisonnement de son mari sans doute.

— De quoi vivez-vous ? demanda Harry qui savait que les biens des Mangemorts condamnés avaient été confisqués par le ministère et avaient servi à dédommager ceux qui avaient perdu leur maison ou leur soutien de famille.

— Gregory travaille. C'est un bon garçon.

Harry grimaça en entendant ces mots qui auraient pu être énoncés par Molly. Oui, même dans les foyers Mangemorts, on aimait ses parents, ses enfants et son hibou. C'était d'ailleurs une chose que Voldemort n'avait jamais comprise, et il s'était ainsi aliéné certains de ses fidèles. Les moins dingues, du moins.

Gregory Goyle était encore entouré de nombreux bandages, y compris sur le visage. Sa désartibulation avait été sévère et la senteur de l'essence de dictame flottait autour de lui.

Ses yeux s'écarquillèrent quand ils tombèrent sur Harry. Il tenta de bouger mais il était entravé par les pansements. Harry se demanda si ce mouvement spontané était davantage pour fuir ou pour attaquer. Les présentations furent inutiles, les trois hommes ayant fréquenté Poudlard au même moment. Harry rentra donc directement dans le vif du sujet.

Les Aurors eurent du mal à comprendre les réponses données. Pour commencer, l'accidenté ne paraissait pas plus alerte qu'autrefois. Ensuite, les bandelettes qui passaient sous son menton n'aidaient pas son élocution. Il ne rajouta pas grand-chose à ce qu'avait déjà révélé Mrs Goyle. Il dormait lorsque le feu avait pris et n'avait rien vu qui aurait pu les mettre sur la piste des raisons de l'incendie. Quand la fumée l'avait réveillé, il s'était précipité dans la chambre de sa mère et, constatant qu'il n'arrivait pas à la ranimer, avait tenté de transplaner à Ste-Mangouste. Dans sa hâte, il avait failli perdre une oreille, son menton et un pied.

Heureusement pour lui, l'hôpital avait l'habitude de ce genre d'accident et avait réussi à le reconstituer. Harry songea un peu méchamment que si son ancien condisciple avait égaré un bout de cervelle en route, cela ne se serait pas trop vu.

Gregory Goyle gagnait sa vie comme magasinier pour une société qui approvisionnait en parchemin et papier des entreprises de presse ou des magasins qui les vendaient aux particuliers. Son travail consistait à réceptionner les cartons de fournitures et préparer ce qui devait être remis aux livreurs qui en assuraient le transport. C'était sans doute une tâche ingrate, demandant davantage d'endurance magique pour soulever les lourds paquets que de finesse et d'initiative.

Comme sa mère, il affirma ne pas avoir d'ennemis.

— Tu en as démoli pas mal à Poudlard, lui rappela Owen qui ne semblait pas avoir oublié sa rancune en dix ans. Tu ne crois pas qu'ils ont des raisons de t'en vouloir ?

— J'obéissais aux professeurs, répondit Goyle d'un ton bougon.

— Aurais-tu croisé par hasard une de tes anciennes victimes dernièrement ? s'enquit Harry.

— Je travaille et je rentre chez moi pour que Maman ne reste pas trop longtemps toute seule, articula laborieusement leur témoin.

— Tu ne fréquentes personne ? s'étonna Harry. Pas d'amis, pas de petite copine ?

Goyle secoua la tête :

— Mon seul copain, c'était Vincent.

Pour la première fois depuis le début de l'entretien, il fixa Harry dans les yeux. Leurs regards restèrent un moment accrochés l'un à l'autre, unis par leur souvenir commun d'une pièce emplie par les chimères brûlantes. Goyle fut le premier à se détourner et Harry inspira profondément pour chasser ce souvenir désagréable. Owen posa encore quelques questions, puis ils laissèrent leur témoin, jugeant qu'ils n'en tireraient pas davantage.

— Avec un peu de chance, cette famille s'éteindra définitivement avec lui, lança Owen alors qu'ils traversaient le Hall de Ste-Mangouste pour reprendre la cheminée.

— Tu le détestes à ce point ? s'intéressa Harry.

— Ceux qui en veulent aux sang-purs nous assimilent à ce genre de brutes, expliqua Owen d'une voix sèche. Ça ne nous facilite pas la vie.

— Tu crois que certains aimeraient faire disparaître ceux qui leur donnent mauvaise presse ? demanda Harry qui n'avait pas encore envisagé cette piste.

— Je ne pense pas que ce soit à ce point, le détrompa Owen. C'est juste que certaines familles ne font pas partie des alliances que nous recherchons.

— Si je comprends bien, tu n'apprécierais pas qu'il tourne autour de ta sœur, le taquina Harry.

— C'est ça. Mais s'il l'avait fait, je n'aurais pas foutu le feu à sa maison en mettant sa mère en danger. Je lui aurais plutôt lancé un sortilège de Rétrécissement au niveau de l'entrejambe.

— Ce qui aurait réglé le problème de la reproduction, approuva Harry. Bien, si on allait voir son patron ?

Visiblement, Goyle avait réussi à satisfaire son employeur :

— Il est ponctuel et fait ce qu'on lui dit de faire, sans embrouilles. C'est exactement ce dont j'ai besoin pour ce poste-là.

— Rencontre-t-il beaucoup de monde ? demanda Owen.

— Seulement nos livreurs.

Ils n'étaient que deux et travaillaient depuis plusieurs années dans la société. Goyle n'était manifestement pas bavard. Ni son patron ni ses collègues ne savaient grand-chose de sa vie et ils ne semblaient pas s'en soucier. Les deux Aurors repartirent sans avoir l'impression d'avoir avancé dans leur enquête.

Avant de retourner au ministère, ils décidèrent d'aller voir le manoir Goyle. C'était une vieille bâtisse trapue et sans charme. Tout un côté du bâtiment était noirci et ils purent constater que les murs de la partie intacte étaient lépreux et présentaient des fissures.

Harry savait qu'il avait peu de chance de trouver des indices sur place car les policiers n'avaient rien repéré. Il restait effectivement peu à examiner du côté de la partie incendiée, à part un tas de décombres.

Ils inspectèrent les pièces qui avaient échappé au sinistre. Ces dernières étaient meublées du strict minimum et des zones plus foncées sur les murs et au sol témoignaient de la pauvreté de la famille, réduite à vendre tout ce qui avait une valeur quelconque.

— Quel gâchis ! soupira Owen. Dire qu'avant de rejoindre le Seigneur des Ténèbres, c'était une grande famille sorcière.

*

Deux jours plus tard, on était mercredi, jour de sortie d'Alternatives Magiques. Une semaine après son adversaire, c'était au tour de Kingsley d'être interrogé par Lee Jordan. Le journaliste se fit l'écho des arguments de ses détracteurs, ce qui permit au ministre de leur répondre par article interposé.

Kingsley put ainsi assurer qu'il était attentif à ce que les sorciers ne perdent pas leur âme en acceptant la modernité. Il précisa que toutes les nouveautés introduites avaient été produites dans le monde magique, sous la surveillance des guildes.

Je vous rappelle, spécifia-t-il, que ces guildes constituent un pouvoir indépendant du ministère. Leurs membres, en élisant les maîtres, expriment leur position par rapport aux décisions prises par les conseils de guilde les années précédentes. La reconduite d'Alvis Fleury, dont la guilde des Imprimeurs a été à la pointe de l'évolution, montre bien que les sorciers font corps avec les innovations proposées dans ce domaine. Qu'on ne me parle pas de démarche unilatérale émanant du ministère.

Lee aborda ensuite la réforme du système judiciaire en reprenant les accusations de laxisme envers les criminels que soutenait l'opposition :

Contrairement à ce qui est clamé à tort et sans aucun fondement, assura Kingsley, le nombre de crimes, délits et usage de la magie noire est resté stable ces dernières années, et rien n'indique qu'il y ait davantage d'insécurité. Je sais que tout le monde a en tête l'incident du mois passé où des personnes, supposées coupables, ont été mises en liberté pour, selon la rumeur, des raisons purement procédurales. Outre que la réalité est dans cette affaire beaucoup plus nuancée qu'elle n'a été relatée dans la presse, les nouvelles procédures ont, avant tout, amené nos policiers et nos Aurors à approfondir leurs recherches et développer des outils d'investigation bien plus efficaces. Donc, contrairement à ce qui est affirmé, le taux d'élucidation des crimes a augmenté, ce qui est le meilleur moyen de garantir la sécurité de tous et de punir plus sûrement les délinquants.

En réponse à Lee qui lui demandait quel était son programme pour les cinq années à venir, Kingsley répondit :

Continuer à donner davantage de justice et d'égalité à tous, tout en offrant aux sorciers la capacité de vivre avec leur temps.

— Vous croyez que ça suffira ? s'inquiéta Harry lors du déjeuner suivant au Terrier.

— Il est vrai que l'article de la semaine dernière a été très favorable à Bertold Higgs, reconnut Molly. D'après ce que j'ai entendu dans les différentes réunions de bienfaisance auxquelles j'ai participé ces jours-ci, ce qu'il a dit a été jugé très rassurant, même auprès de ceux qui ne sont pas opposés à toute idée de progrès.

— Il faut avouer que l'argumentation de Higgs sur les dangers du progrès et les valeurs sorcières est assez pertinente, commenta Ron en s'attirant les regards surpris de la plupart des membres de la famille.

Interloqué, Harry se tourna vers Hermione, s'attendant à la voir exploser. Celle-ci ne parut cependant pas contrariée par cette affirmation, ni même étonnée. Ce n'était manifestement pas la première fois qu'elle entendait cet avis.

— Que veux-tu dire, Ron ? demanda-t-il ne comprenant pas une telle volte-face.

— J'ai moi-même encouragé certaines innovations et relancé la recherche, précisa Ron. Mais malgré tout, on discute beaucoup au conseil de ce qui est souhaitable ou non de voir apparaître sur le marché. Nous veillons en particulier à ce que les produits aient tous un niveau élevé de qualité et de sécurité.

— Il y a tout un service du ministère qui s'occupe de poursuivre ceux qui échappent au contrôle des guildes et écoulent des objets défectueux ou dangereux, ajouta Arthur.

— Je sais que vous travaillez beaucoup avec la police magique, compléta Harry, mais quel rapport avec les dangers du progrès ?

— C'est la façon de concevoir le commerce, approfondit Ron. Par exemple, les Moldus proposent à la vente une infinité de produits bon marché de piètre qualité, destinés à être rapidement usés puis remplacés. Nous n'acceptons pas ce genre de chose.

— Cela permettrait pourtant aux moins fortunés d'acquérir les objets de première nécessité à bas prix, affirma Audrey.

Percy et sa petite amie n'étaient présents qu'occasionnellement le dimanche, mais il était clair que la jeune femme adorait passer du temps au milieu de la foisonnante tribu. Elle ne perdait pas une miette des discussions et des scènes qui se déroulaient autour d'elle et, quand on pratiquait de la magie, elle avait le sourire émerveillé d'un enfant devant ses cadeaux de Noël. Son intervention dans la conversation attira l'attention de tous, et elle rougit légèrement de se trouver ainsi au centre de l'intérêt général.

— Mais ces produits ne valent rien et n'ont pas d'âme, lui opposa tranquillement Ron.

— Une table doit-elle avoir une âme ? s'étonna la Moldue.

— Pourquoi pas ? rétorqua Ron. Les roses qui sont gravées sur les pieds de celle sur laquelle nous mangeons sont uniques. Je les reconnaîtrais partout.

— Moi, peu m'importe que ma table soit particulière, soutint Harry venant au secours de la jeune femme. Ce dont j'ai besoin, c'est pouvoir poser des objets dessus.

— Et ça t'est égal de retrouver rigoureusement la même table chez tous les gens que tu connais ? l'interrogea Ron.

Harry haussa les épaules, mais Ginny affirma avec conviction :

— Je ne voudrais pas avoir les mêmes meubles ou les mêmes vêtements que tout le monde.

— Moi non plus, renchérit Fleur. La plupart de nos meubles ont été enchantés par mon père, confia-t-elle à Audrey. Ça leur donne beaucoup de personnalité.

Audrey contempla la Française en se demandant manifestement s'il fallait prendre ses propos au pied de la lettre.

— Et il n'y a pas que les tables, poursuivit Ron. Il faut aussi penser à ceux qui les sculptent. Nos artisans sont fiers de ce qu'ils font. Quand on cherche à produire toujours plus en moins de temps, et au coût le plus bas, c'est au détriment du savoir-faire et de la touche personnelle des créateurs.

— Ce serait dommage, commenta Molly en caressant le bois du meuble sur lequel elle avait servi tant de repas.

Voyant la maîtresse de maison écouter la conversation avec intérêt, Hermione prit le relais et alla chercher le plat suivant sur le poêle.

— Si j'avais du mal à joindre les deux bouts, s'entêta Harry, je préférerais avoir la même table que mon voisin, que ne pas en avoir du tout.

— Mais elle ne serait pas de la même qualité et tu devrais la remplacer tous les dix ans, rétorqua Ron. À terme, cela te coûterait plus cher, et tes enfants n'en hériteraient pas.

— Peut-être qu'ils n'en voudront pas, répliqua Harry en regardant James et Albus qui se trouvaient plus loin avec les autres enfants et Lily sur les genoux de sa mère. Et qui te dit que je n'aurais pas envie de changer de modèle tous les dix ans ?

— Si elle est encore en bon état, rien ne t'empêche de la revendre et d'en racheter une autre avec l'argent que tu en tireras, remarqua Molly avec bon sens.

Harry ne trouva rien à répliquer à cet argument.

— Mais si un autre pays décide de vendre en Angleterre des produits moins chers que les vôtres, comment pourrez-vous rester compétitifs ? interrogea Audrey, qui prenait manifestement très au sérieux cette sévère remise en cause de la base de l'économie qu'elle avait toujours considérée comme évidente.

— Eh bien, répondit Ron, le principal travail du département de la Coopération magique internationale est de faire en sorte que cela n'arrive pas, hein Percy !

Ce dernier, qui semblait boire les propos de sa petite amie depuis le début de la conversation, sursauta brutalement. Harry réalisa qu'il ne les écoutait que d'une oreille distraite, trop occupé à admirer la belle Audrey que l'indignation économique rendait particulièrement jolie. Surprendre un Percy éperdu d'amour était assez déroutant. Ron eut une quinte de toux qui devait cacher un éclat de rire. Le chef de département se reprit cependant assez rapidement et exposa :

— Nous faisons des échanges entre les pays, bien entendu, mais il y a des produits interdits, comme les tapis volants, ainsi que des règles fiscales pour réguler la concurrence. Par exemple, le mois dernier, nous avons endigué l'arrivée en masse de balais russes en leur appliquant une taxe.

— Mais... c'est anticoncurrentiel. C'est contraire à l'intérêt des consommateurs, s'indigna Audrey.

— Mais les consommateurs sont aussi des travailleurs, lui rappela George. Du coup, ils s'y retrouvent. Sans compter que l'intérêt des consommateurs est également d'avoir de bons produits.

— Mais quelque part, je ne vois pas pourquoi on n'aurait pas la possibilité d'avoir un tapis volant ou d'acheter un balai de piètre qualité, défendit à son tour Angelina. On est assez grands pour décider ce qui est bon pour nous, non ?

— Le problème c'est que, quand tu fais ton choix, tu n'es pas forcément consciente de tout ce que cela implique, la corrigea George. Si on ouvrait notre marché, nous serions obligés de chambouler complètement nos manières de travailler, et pas en mieux.

— C'est votre opinion, nota Audrey. Peut-être que d'autres sorciers préféreraient un marché plus libre et des produits à meilleurs prix.

— La popularité de Higgs démontre bien que non, répliqua Hermione en souriant.

Une fois de plus, Harry ouvrit de grands yeux. Que ses amis s'en remettent à Higgs pour défendre leurs arguments était pour le moins déstabilisant.

— Mais les gens auraient davantage de biens, s'obstina Audrey.

— Dans un premier temps, les plus démunis pourraient faire davantage d'achats, ce qui est positif, convint Ron. Mais ensuite, alors même que les besoins des gens sont largement comblés, il faut les pousser à acheter encore pour que le système ne s'effondre pas. C'est absurde.

— De toute façon, notre organisation monétaire ne permet pas d'adopter ce genre d'économie, ajouta Bill.

— Comment ça ? s'étonna Audrey.

— À l'heure actuelle, les principaux investisseurs sont les guildes ou des riches sorciers qui s'associent pour lancer un projet précis, lui expliqua Ron. Même si nous le voulions, cela ne suffirait pas pour mettre en place des moyens de fabrication propres à faire baisser significativement le prix des objets de consommation courante.

— Et vos banques ? interrogea la jeune moldue.

— Nous n'en avons qu'une, tenue par les gobelins, exposa Bill. Or, ils n'ont pas tellement de liquidité à prêter.

— S'ils récupèrent toute l'épargne des sorciers, ils doivent avoir à leur disposition des sommes colossales, non ? supposa la jeune femme en fronçant les sourcils.

— Ils ne peuvent pas les investir, car elles restent dans les coffres, expliqua le briseur de sorts.

Il fallut un moment à Audrey pour concevoir cette idée.

— Vous voulez dire que tout votre argent reste stocké dans la banque du Chemin de Traverse ? finit-elle par comprendre. Mais... il doit y avoir des millions de livres dans ce bâtiment. Personne n'a essayé de le cambrioler ?

— Si ! Harry, Ron et Hermione ! répondit Charlie en souriant à ce souvenir.

Audrey posa un regard incrédule sur le trio.

— Merci d'éviter de rappeler cet épisode, grogna Ron. Cela ne facilite pas mes rapports avec les gobelins, et c'est assez gênant quand je représente la guilde.

— On n'était pas là pour voler de l'argent, juste un objet maléfique qu'il fallait absolument détruire, précisa Hermione. Et je peux vous assurer qu'ils savent garder leur or. Il y a plein de systèmes de sécurité magiques, sans compter les dragons.

— L'un d'eux vous a aidé à sortir, rappela Charlie d'une voix qui trahissait son admiration pour cette prouesse.

— Au fait, tu sais ce qu'est devenue cette pauvre bête ? l'interrogea Hermione.

— Elle a un peu semé la panique dans le coin où vous l'avez abandonnée et, comme le ministère avait d'autres fléreurs à fouetter à l'époque, il a demandé aux Roumains de venir nous donner un coup de main pour embarquer l'animal et jeter quelques sorts d'Oubliette. Votre complice est maintenant soignée dans la réserve où j'ai travaillé autrefois.

— C'était notre complice ? feignit de s'étonner Hermione. C'est dommage que personne ne l'ait prévenue. J'ai bien cru qu'elle allait nous rôtir.

— Il faut dire que nous n'avons pas pris le temps de lui expliquer la situation, plaisanta Ron.

— Les choses se sont un peu bousculées, renchérit Harry. Mais bon, on ne peut pas lui reprocher d'avoir fait son boulot.

— Enfin tout ça pour dire que notre argent est en sécurité, conclut Bill.

Cela rappela à Audrey leur sujet de conversation initial :

— Je vois. Je n'avais pas réalisé que votre économie était aussi euh...

— Primitive ? proposa Ron en souriant.

— Eh bien... oui, un peu, admit Audrey avec un sourire d'excuse.

— Et nous avons bien l'intention de le rester, assura Ron qui ne semblait pas vexé par l'adjectif, bien au contraire. Je veux qu'on aille de l'avant mais pas au prix d'un système qui se préoccupe avant tout de créer de l'argent, au détriment des biens ou du travail pour tous. Mon ambition est d'offrir des améliorations aux sorciers et de limiter les tâches difficiles ou pénibles. Mais je ne dois pas oublier que mon devoir fondamental est de préserver les artisans, pas de travailler à leur élimination. Higgs n'a pas tort quand il évoque les mendiants et les pauvres de chez vous. Votre méthode laisse trop de gens sur le carreau.

— Avant la révolution industrielle, il y avait encore davantage de pauvreté, défendit Audrey avec fougue.

— Nous ne sommes pas dans cette situation, lui assura Ron. Quand j'étais jeune, ma famille était considérée comme pauvre, mais nous avons toujours eu un toit sur la tête et de quoi nous remplir le ventre.

Il jeta un regard à ses parents qui hochèrent la tête avec approbation.

— Rien à voir avec la misère noire que l'on peut lire dans Dickens, confirma Hermione. Je pense que la magie, en permettant de suppléer aux besoins les plus urgents, permet aux sorciers de maintenir un niveau de vie acceptable pour tous, avec très peu d'argent en circulation. Il n'y a que la nourriture qui ne puisse être obtenue magiquement. Pour le reste, on peut toujours se bricoler un abri ou rendre des hardes présentables.

— Nous ne laissons personne mourir de faim, revendiqua Molly. Nous nous connaissons tous plus ou moins de vue, et plusieurs cercles de bienfaisance s'efforcent de faire parvenir aux plus démunis de quoi manger et s'habiller.

— À vous entendre, c'est nous qui devrions nous inspirer de vous, fit Audrey d'un ton peu convaincu.

— On ne gère pas quelques dizaines de milliers de personnes comme une population de soixante millions, remarqua diplomatiquement Ron. Nos rapports économiques avec les gouvernements sorciers étrangers sont aussi plus simples à gérer. Nous ne prétendons pas donner de leçons aux Moldus, mais nos différences justifient qu'on ne les copie pas aveuglément.

— Dis-moi, Ron, s'inquiéta Harry, tu ne vas pas voter pour Higgs, quand même ? Toi et Hermione semblez complètement convaincus par ses arguments.

— Nous ne les découvrons pas réellement, assura Hermione. Pour nous, il a toujours été évident que le monde moldu doit être une source d'inspiration et non un modèle à adopter inconditionnellement. Mais nous étions tellement concentrés sur notre volonté de faire accepter l'idée de changement que nous n'avons pas communiqué sur les limites que nous entendions apporter à cette évolution. À ce propos, Audrey, ce que j'ai voulu dire tout à l'heure en évoquant la popularité de Higgs, c'est que le débat politique actuel permet aux arguments d'être échangés et commentés par tous les sorciers.

— À condition d'avoir un support suffisamment responsable pour modérer le débat et le rendre riche, et non uniquement polémique, précisa Ginny en souriant à sa belle-sœur en hommage indirect au lancement d'AlterMag.

— C'était le but de l'opération, reconnut Hermione d'un ton satisfait. En tout cas, si Kingsley passe, il prendra davantage en compte les craintes qu'ont certains de perdre notre âme à trop vouloir évoluer. Il était conscient des enjeux avant, ajouta-t-elle, mais il en parlera davantage.

— Donc tu soutiens toujours King, conclut Harry rasséréné.

— Bien entendu, le rassura Ron. Pour commencer, en dehors de l'aspect économique, la vision que Higgs a du monde sorcier est un peu trop étroite pour nous. Il faut que l'on continue à étendre nos avantages aux exclus du monde magique.

— Exactement appuya Hermione, qui semblait ne pouvoir s'empêcher de réagir avec passion quand ce sujet était abordé. Il ne faut pas oublier que tout le monde ne bénéficie pas de notre actuelle prospérité. Les loups-garous, par exemple, vivent souvent dans une extrême pauvreté car personne ne veut d'eux. Les elfes sont encore une sous-population qui travaille dur pour un salaire inférieur à celui des sorciers, voire pas de salaire du tout. Sans compter ceux qui posent de réels problèmes d'intégration, comme les harpies, que nous avons cantonnées dans une sorte de réserve, ou les vampires dont le sort ressemble à celui des loups-garous, mais pour lesquels je ne vois pas de solution, car ils présentent un danger non négligeable pour nous, et pas uniquement une nuit par mois. Il reste encore beaucoup à faire...

— Au moins ma chérie, tu ne t'ennuieras pas durant les prochaines décennies, la taquina Ron.

*

On était à une semaine de Noël, et la trêve des confiseurs interrompit temporairement la campagne politique. Harry prit quelques jours pour profiter de sa famille et apprécia ces jours de repos.

Avant de partir en congés, il décida avec Owen de clore le dossier Goyle. Ils n'avaient aucun indice appuyant la thèse de l'incendie criminel et aucune piste à suivre. Gregory et sa mère sortirent de l'hôpital la veille de Noël et indiquèrent pouvoir loger chez des lointains cousins qui avaient accepté de les héberger quelque temps.

Le lendemain de Noël, une triste nouvelle parvint au Terrier. La tante Muriel était décédée d'une crise cardiaque. Des voisins l'avaient retrouvée dans sa cuisine et avaient alerté la famille.

— Nous aurions dû l'inviter pour fêter Noël avec nous, sanglota Molly.

— Elle aurait refusé comme les autres fois, lui opposa Arthur. Elle ne sortait plus le soir depuis des années.

— Et puis elle aurait gâché le réveillon, ajouta irrévérencieusement Ginny.

— Ginny ! s'indigna sa mère.

— Tu sais bien que c'est vrai. Je suis désolée pour elle, mais on ne va pas réécrire l'histoire pour autant. Elle adorait nous casser les pieds, c'est un fait.

— Elle est de notre sang, nous lui devons un minimum de respect maintenant qu'elle n'est plus, répliqua sévèrement son père.

Ils l'enterrèrent le 30 décembre avec gravité. Elle n'avait rien fait pour se faire aimer, mais ils avaient suffisamment le sens de la famille pour être peinés par sa disparition. Sachant qu'elle adorait le décorum, ils ne lésinèrent ni sur les fleurs ni sur la pompe de la cérémonie. D'une voix mouillée, Molly rappela qu'elle les avait accueillis pendant la guerre et leur avait ainsi permis de ne pas être arrêtés par le gouvernement des Ténèbres.

Le lendemain, la tribu Weasley se réunit pour le réveillon du Nouvel An.

Alors qu'ils attendaient le moment où l'année en cours allait céder la place à la nouvelle, Charlie leur annonça que, dès le deux janvier, il travaillerait dans une réserve de dragons qui se trouvait en Chine. Ses frères, sœur, beau-frère, belles-sœurs et père se réjouirent pour lui, car ils savaient que Charlie désirait depuis plusieurs années se rendre dans un milieu plus exotique que la glaciale réserve des Hébrides, tout au nord de l'Angleterre. Quand l'excitation fut retombée, le dragonnier alla s'asseoir à côté de sa mère qui était restée figée sur son siège.

— Maman, je ne serai pas si loin. Je te promets de revenir souvent vous voir.

— Ce n'était pas bien où tu étais ?

— Tu sais bien que ce n'était pas ce dont j'avais envie. Tu crois vraiment que le nombre de miles qui vont nous séparer va me faire oublier ma famille ?

— Oh, Charlie, c'est si loin !

Son fils l'embrassa et fouilla dans la poche de sa robe :

— Regarde ! lui dit-il en lui montrant une liasse de parchemins rectangulaires.

— Qu'est-ce que... Oh, mon Charlie !

Le dragonnier avait réservé douze allers-retours en portoloin long-courrier, échelonnés tout au long de l'année. Il promettait ainsi de partager un repas dominical au moins une fois par mois avec sa famille.

— Et ça, c'est pour vous, compléta-t-il en donnant une des feuilles à sa mère. En mars prochain, c'est papa et toi qui viendrez me voir.

Molly versa quelques larmes d'émotion. Une fois qu'elle fût calmée, Percy, la main dans celle d'Audrey, entreprit d'égayer cette fin de soirée :

— Nous avons décidé de nous marier, annonça-t-il d'une voix qui ne dissimulait pas sa satisfaction.

Tout le monde s'empressa d'exprimer sa joie au jeune couple, ce qui leur fit manquer les douze coups de minuit.

— Pour la cérémonie, nous avons un magnifique diadème qui nous vient de notre tante Muriel et qui vous ira comme un gant, affirma Molly à sa future belle-fille.

Un large sourire aux lèvres, Harry félicita les fiancés. Sans pour autant devenir aussi extraverti que ses frères, le troisième rejeton de la famille avait peu à peu perdu cet air compassé qui érigeait une barrière entre lui et les autres, depuis que la jeune femme était entrée dans la vie.

Par son influence positive sur Percy, Audrey avait gagné la reconnaissance de tous les Weasley et bénéficiait de toute l'affection que la tribu n'osait pas manifester ouvertement au plus réservé de ses membres. Harry ne doutait pas que, bien que démunie de pouvoirs magiques, elle saurait trouver sa place dans l'assemblée bruyante et enthousiaste qui se pressait autour d'elle.

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Alvis Fleury : Le prénom a été inventé par Fenice pour son histoire 'Un supplément d'âme'. Alvis veut dire Le sage


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