XXI : Protéger le monde sorcier

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Chronologie :

2 mai 1998 : Bataille de Poudlard

31 décembre 2001 : Mariage de Ron et Hermione

26 décembre 2003 : Mariage de Harry et Ginny

20 juin 2004 : Election de Ron à la tête de la guilde de l'Artisanat magique

17 juillet 2005 : Naissance de James Sirius Potter

04 janvier 2006 : Naissance de Rose Weasley

25 juin 2006 : Naissance d'Albus Severus Potter

16 mai 2008 : Naissance de Lily Luna Potter

28 juin 2008 : Naissance de Hugo Weasley

Période couverte par le chapitre : 29 novembre au 10 décembre 2008

Le mois de décembre fut très politisé chez les sorciers cette année-là. Non seulement les adversaires des nouveautés proposées aux sorciers se faisaient de plus en plus entendre, mais la date de l'élection du ministre de la Magie était prévue trois mois plus tard et un candidat s'était présenté contre Kingsley Shacklebolt : Bertold Higgs.

— Qui est-ce ? Son nom me dit quelque chose, fit Harry quand ils en parlèrent en famille.

— J'avais un Terence Higgs, à Serpentard dans mon année, se souvint Percy qui était venu ce dimanche-là avec Audrey.

— C'est son père, intervint Andromeda, il est un peu plus jeune que moi. Il était dans la classe de ma sœur Narcissa.

Harry s'étonna de l'entendre parler de sa sœur. Elle ne faisait pratiquement jamais référence à la famille dont elle était issue.

— Il me semble qu'il était assez proche de Scrimgeour, compléta Arthur.

— Ah, oui, c'est ça, s'exclama Hermione. McLaggen m'en avait parlé quand je l'ai accompagné au club de Slug. Il paraît que « Bertie », le père de McLaggen et Scrimgeour aimaient chasser ensemble.

Machinalement, Harry regarda du côté de Ron pour voir l'effet que lui faisait l'évocation de cette soirée où Hermione était sortie avec son rival au Quidditch pour le faire réagir. Mais son meilleur ami avait depuis longtemps dépassé ce genre de jalousie. Il ne montra aucun signe de mécontentement, continuant placidement à faire sauter son fils de six mois sur ses genoux.

— Serpentard et sang-pur, c'est ça ? se fit préciser Ginny.

— Cela résume bien les forces en présence, remarqua âprement Percy

Indépendamment de sa relation avec une Moldue, Percy avait beaucoup à perdre si Kingsley n'était pas reconduit. Il était peu probable qu'il reste à la tête du département du Commerce international magique en cas de changement de ministre.

La situation était moins préoccupante pour Arthur. Il prévoyait de s'arrêter prochainement de travailler, pour passer davantage de temps avec ses petits-enfants. Depuis qu'il n'avait plus ses enfants à charge et que sa carrière avait fait un bond, il mettait de l'argent de côté pour ses vieux jours. Il avait été très intéressé par le concept de retraite telle qu'elle existait chez les Moldus. La société sorcière n'avait pas ce genre d'organisation. Les sorciers économisaient ce qu'ils pouvaient pendant leur vie active ou étaient financièrement aidés par leurs enfants quand leurs forces commençaient à décliner.

Ceux qui n'avaient pas la chance d'avoir des descendants généreux et qui n'avaient pu faire les économies nécessaires dépendaient des associations caritatives qui veillaient à ce que tous les sorciers aient de quoi se nourrir et un toit sur la tête. Molly avait toujours donné des produits de son potager et tricoté des pulls en laine pour plus nécessiteux qu'eux, même quand son foyer ne roulait pas sur l'or.

Harry savait que Ron et George prévoyaient de céder des parts de leur société à leurs parents pour que ceux-ci soient ensuite intéressés aux – très bons – bénéfices de leur affaire, et reçoivent ainsi une rente sans avoir l'impression d'être entretenus.

— Quelle sera la position d'Alternatives Magiques ? demanda Percy à Hermione.

— Neutre. Ils feront la biographie des deux candidats et ils seront tous les deux interviewés, du moins s'ils l'acceptent.

— Enfin, ils ne vont quand même pas défendre le programme de Higgs !

— Mais Percy, AlterMag n'a pas pour vocation à dire aux gens ce qui est bien pour eux ! Ils veulent présenter les forces en présence avec le plus d'objectivité possible pour que les guildes et les membres du Magenmagot puissent voter en connaissance de cause.

— De quel côté penchent les guildes, selon toi, Ron ? s'enquit Ginny.

— La plupart des guildes ont apprécié l'aide apportée par le ministère ces dernières années, indiqua Ron, même si certains de leurs membres craignent que trop de nouveauté nuise aux entreprises établies. Un certain nombre de mages du Magot, cependant, ont fait savoir qu'ils approuvaient les idées défendues par Magie, Quidditch et Tradition. Leurs votes iront à Higgs de façon majoritaire.

Il y eut des hochements de tête entendus autour de la table. Le Magenmagot recouvrait plusieurs groupes qui se réunissaient en diverses formations.

Les magistrats étaient nommés par le chef du département de la Justice magique. C'étaient généralement d'anciens avocats, élevés à cette fonction pour leurs compétences judiciaires. Ils avaient pour rôle de juger leurs concitoyens, se basant sur les dossiers instruits par les fonctionnaires du ministère : Aurors, policiers magiques, membres du service des Usages abusifs de la magie ou employés de la commission de l'Éducation. Ils exerçaient leurs fonctions en juge unique ou de manière collégiale – formation de trois magistrats.

Deux groupes étaient en outre membres de droit du Magenmagot : les sept maîtres des guildes et les sorciers qui appartenaient à la Confédération internationale des sorciers – ceux que l'on appelait les Manitous.

Enfin, y siégeaient aussi des personnalités de la communauté magique désignées par le ministre. C'était une charge non héréditaire mais qui était octroyée à vie. Ce corpus ne pouvait dépasser vingt pour cent de la totalité du Magenmagot.

Deux occasions seulement justifiaient les sessions plénières où les quatre groupes se retrouvaient réunis : les jugements extraordinaires – seul le ministre pouvait déclencher cette procédure – et la désignation du ministre de la Magie.

Ceux qui avaient été nommés par un ministre ne représentaient pas un corps homogène, car plusieurs générations ministérielles y coexistaient. Mais la moyenne d'âge était assez élevée, et leurs votes allaient le plus souvent en faveur du ministre le moins innovant. C'est l'immobilisme de cette faction que craignait Ron.

— Ôtez-moi d'un doute, s'écria brusquement Ginny. Lucius Malefoy est-il toujours membre du Magenmagot ?

— Non, la rassura Percy. Cette distinction lui a été retirée avec sa fortune lors de son procès. Le Magenmagot a siégé en plénière pour prononcer sa dégradation.

— Et pourquoi personne de notre famille n'a été appelé à en faire partie ? demanda alors Bill. N'avons-nous pas rendu de services à notre communauté ?

— Je pense que ma nomination et celle de Percy comme chefs de département y ont fait obstruction, expliqua Arthur. Il y avait d'autres personnes à remercier, et les postes de mages nommés sont limités par le quorum. Nous avons donc passé notre tour.

— Et Ron l'a regagné en se faisant élire par la guilde, remarqua Hermione avec satisfaction.

— Exactement, confirma Arthur avec fierté. Comme souvent, revint-il à la conversation initiale, c'est le vote des juges du siège qui est le plus difficile à prévoir. Leurs membres sont assez indépendants et il y a davantage de brassages que chez les nommés.

— Je suppose que tout dépendra de leur opinion sur la nouvelle loi judiciaire, avança Molly.

— Tout à fait, confirma Hermione.

— Alors ! la pressa Ginny. Que pensent-ils de cette loi ? Ils doivent l'apprécier, non ?

— Elle leur a fait acquérir davantage d'indépendance par rapport au ministère, ajouta Harry.

— Certains en sont très satisfaits, admit Hermione. Mais les avocats y ont gagné de l'importance, et cela déplaît à certains juges, surtout ceux qui ne sont pas issus de ce corps. Certains trouvent aussi qu'il y a désormais trop de règles de procédures et s'agacent de devoir motiver leurs jugements.

— Tu veux dire qu'ils pourraient voter contre Kingsley ! s'exclama Harry atterré.

— Ils se prononceront en fonction de leur sensibilité politique, tempéra Hermione. Et ne crains rien, je ferai en sorte que des AlterMag traînent au tribunal pour qu'ils ne fondent pas leur décision seulement sur les articles partiaux de La Gazette.

*

Le quotidien, en effet, se déchaînait contre le ministre sortant et sur les mesures qui avaient été prises durant la décennie passée. Les éditorialistes revinrent même sur la libération des elfes, qui avait été une des premières lois votées après l'abrogation des lois des Ténèbres :

Maintenant que le ministre a constaté qu'il peut nous retirer des droits séculaires et nous appauvrir de façon arbitraire, qu'est-ce qui l'empêchera de recommencer ? Nous prendra-t-il nos manoirs, s'attaquera-t-il aux privilèges que nos familles ont acquis par leurs efforts et leurs sacrifices ? Allons-nous demain devoir céder le pas aux elfes, gobelins et centaures qui semblent plus importants aux yeux du ministre de la Magie que les sorciers eux-mêmes ?

L'encouragement donné aux objets d'inspiration moldue fut également remis en question :

Sommes-nous incapables de nous contenter de ce qui nous a toujours suffi ? Avons-nous besoin de singer ceux qui sont dépourvus de magie et qui essaient désespérément de surmonter leur handicap ? De quel droit cherche-t-on à nous imposer un mode de vie inférieur au nôtre ? Avons-nous envie de voir des mendiants dans les rues et nos enfants perdre leurs valeurs ?

Le refus d'obliger les lycanthropes à se traiter était violemment critiqué :

On peine à comprendre les raisons de la faiblesse incroyable du ministère dans l'affaire des loups-garous ? On lui livre enfin un remède efficace et, au lieu de prendre des mesures en vue d'exterminer le fléau une fois pour toutes, il fait passer la liberté de se transformer en bête sanguinaire avant la protection des sorciers.

Enfin, c'était la procédure judiciaire qui était mise au pilori :

Que dire de cette modification des règles de droit, qui permet aux criminels de s'en tirer par des pirouettes soi-disant juridiques ? Après avoir privé notre prison de ses gardiens, le gouvernement actuel a tout fait pour que nous ne puissions plus y envoyer ceux qui présentent un danger pour les autres. C'est à se demander quand commencera-t-on à libérer les Mangemorts que nous avons eu tant de mal à mettre hors d'état de nuire.

Cette dernière diatribe fut particulièrement commentée au QG des Aurors car deux criminels, arrêtés par la police magique, avaient bénéficié d'un non-lieu alors que tout le monde était convaincu de leur culpabilité. Les deux jugements, selon l'implacable loi des séries, étaient intervenus dans un laps de temps assez court, et les récits de La Gazette du Sorcier, tombant deux semaines consécutives, avaient donné l'impression que ce genre d'évènement arrivait souvent.

Une fois de plus, certains des collègues de Harry – toujours les mêmes – en avaient profité pour dire tout le mal qu'ils pensaient des nouvelles lois. Harry s'était bien gardé d'intervenir et avait remercié silencieusement Primrose et Michael qui étaient montés au créneau pour défendre l'apport moral des dispositions en vigueur.

*

Au début de la seconde semaine de décembre, Harry et Owen étaient en train de faire des recherches dans de vieux dossiers quand Faucett sortit en courant de son bureau :

— Il y a une émeute sur le Chemin de Traverse, leur apprit-il. Vous deux, ordonna-t-il en désignant Belby et Whitby, vous restez ici. Tous les autres avec moi.

Harry grimaça. Il savait que Magie, Quidditch et Tradition avait appelé à manifester pour protester contre les bouleversements apportés à la société sorcière. Si les observateurs de la police magique demandaient du renfort, c'est que les choses avaient mal tourné.

La dizaine d'Aurors qui se trouvait là abandonna ses tâches et suivit leur chef au pas de course vers la sortie. Sur le palier, ils rencontrèrent une escouade de policiers derrière le commandant Watchover. Dédaignant les ascenseurs, ils s'engagèrent dans les escaliers pour rejoindre l'atrium d'où ils pourraient sortir du ministère.

Quand ils atteignirent l'aire de transplanage, Faucett indiqua :

— Devant Fleury et Bott. Vous suivez Potter !

En règle générale, les Aurors travaillaient par équipe de deux à quatre et transplanaient rarement en groupe. Or se déplacer ainsi à plusieurs pouvait être dangereux, car si deux personnes étaient trop proches à l'atterrissage, cela pouvait provoquer des désartibulations. Les policiers magiques, quant à eux, étaient régulièrement appelés pour effectuer des opérations de service d'ordre. Ils pratiquaient ainsi beaucoup plus souvent les déplacements par brigade. Ils avaient donc mis au point une technique leur permettant de limiter les incidents à l'arrivée.

Quand des policiers avaient participé à leurs séances d'entraînement deux ans auparavant, ils l'avaient évoqué et, à la demande de Harry, avaient montré la façon dont ils s'y prenaient. Depuis, l'exercice avait été intégré à ceux qui étaient régulièrement pratiqués par les Aurors le samedi matin. C'est pour cette raison que Faucett avait demandé à Harry de prendre la tête des opérations.

Ce dernier se dépêcha de se poster sur l'aire et ordonna :

— Formation en V.

Les autres se placèrent derrière lui, se décalant pour ne pas se gêner s'ils devaient envoyer des sorts dès leur arrivée, tout en restant dans le champ de vision de ceux qui se trouvaient derrière eux. Harry nota que le délai qu'il leur fallut pour être prêts était tout à fait honorable, mais il dut attendre quelques secondes supplémentaires pour que Faucett qui ne participait pas aux entraînements, ainsi que deux Aurors qui ne daignaient pas se joindre à eux le samedi, puissent eux aussi se ranger à peu près correctement. Quand il fut certain que tous ses collègues avaient soigneusement repéré leurs positions respectives, Harry leva la main puis l'abaissa, donnant le signal du transplanage.

Quand ils émergèrent dans le Chemin de Traverse, les policiers étaient déjà sur place. Harry regarda autour de lui pour évaluer la situation. À quelques pas de là, juste devant le magasin de Madame Guipure, une cinquantaine de personnes se battaient. Certaines lançaient des sorts, mais d'autres s'empoignaient carrément. Harry remarqua que la plupart des participants avaient leurs vêtements en lambeaux.

Faucett et Watchover s'étaient rapidement rapprochés pour conférer à voix basse. Ils revenaient maintenant vers leurs équipes pour donner des ordres :

— On les encercle vers la gauche, signifia le commandant des Aurors. Ensuite, Entrave et Bloque-jambe.

Tout en obéissant aux instructions en partant au petit trot, Harry estima que les sorts prévus étaient à la mesure de la situation. Normalement, les Aurors utilisaient un Stupéfix pour immobiliser leurs adversaires. Mais ce sort avait pour effet de rigidifier complètement la cible, qui très souvent basculait en arrière et atterrissait lourdement sur le sol. En l'occurrence, les manifestants troublaient l'ordre public mais ne semblaient pas très dangereux. Des sorts moins offensifs seraient donc suffisants.

Très vite, les Aurors firent la jonction avec les policiers qui étaient partis vers la droite. Quelques-uns des combattants commencèrent à prendre conscience de l'arrivée des forces de l'ordre. L'un d'eux leva sa baguette vers les Aurors, puis trébucha quand deux sorts l'atteignirent. Les policiers de leur côté fauchèrent deux personnes qui avaient manifesté la velléité de quitter les lieux.

Impédimenta ! cria Faucett en donnant l'exemple.

Les sortilèges fusèrent de toute part et très rapidement, les belligérants s'effondrèrent sur le sol. Il y eut encore deux tentatives de fuite qui se terminèrent prématurément au pied des policiers.

— On les sépare en fonction de leurs vêtements, indiqua Faucett. Potter, va réquisitionner la salle de Fortarôme.

Dans une cacophonie intense due aux protestations hurlées de la foule à terre, Harry observa leurs prisonniers pour comprendre ce que son commandant voulait dire à propos des habits. Il s'aperçut alors qu'il y avait deux sortes de tenues : celles qui étaient scrupuleusement traditionnelles – robes et chapeaux pointus – et celles qui comportaient les accessoires proposés par la mode récente, inspirée par le prêt-à-porter moldu : ceinture, taille ajustée, robes fendues dévoilant des pantalons. Visiblement, les tenants du Progrès avaient tenté de s'opposer à la manifestation prévue par les Traditionalistes et la situation avait dégénéré.

Obéissant aux ordres reçus, Harry demanda aux quelques clients qui étaient encore chez le marchand de glaces de sortir de la salle mais de rester à proximité : il leur faudrait des témoins pour établir ce qui s'était passé. Sous le regard résigné du propriétaire, Sebastian Fortarôme, il déplaça les tables et les chaises avec sa baguette, pour délimiter deux zones de détention.

Ses collègues et les policiers étaient en train de faire léviter les prisonniers vers l'établissement, après leur avoir confisqué leurs baguettes. Malgré les sorts qui les immobilisaient partiellement, les manifestants se démenaient comme des beaux diables et partageaient leur vocifération entre la protestation à l'encontre des forces de l'ordre et les injures envers leurs adversaires politiques qui les côtoyaient durant le chambardement, avant qu'on ne les dispose de part et d'autre de la barricade de fortune que Harry avait érigée. L'Auror se plaqua contre le mur pour ne pas se retrouver dans le chemin. Il croisa le regard du capitaine Thruston, avec qui il échangea un sourire nerveux.

Des tables et des chaises furent placées près de la sortie, destinées à l'interrogatoire des contrevenants.

— On se charge des Progressistes, la police s'occupe des autres, indiqua Faucett à sa troupe après avoir discuté avec Watchover. On prend leurs coordonnées, on leur rend leur baguette après avoir appliqué un Prior Incantatum et on les laisse partir.

— On les relâche ? s'étonna Muldoon.

— Ils gueulent comme des trolls, mais on n'a rien de plus grave que des nez cassés, fit remarquer son commandant. Rien qui ne justifie une détention. Ils comparaîtront libres devant le Magenmagot.

Muldoon grommela dans sa barbe puis prit place à une des tables avec son coéquipier. Harry fut chargé, avec cinq de ses collègues, de trouver des témoins qui n'avaient pas participé à la bagarre et tenter d'établir la chronologie des évènements.

Il y eut diverses versions, mais il semblait que des Progressistes étaient venus en nombre dans le but de dissuader les Traditionalistes de s'en tenir à leur programme. La discussion avait rapidement tourné à l'échange d'insultes, puis des sorts mineurs avaient été jetés de part et d'autre et enfin des empoignades leur avaient succédé dans le but de mettre à mal les vêtements du clan opposé, symbole de leur engagement politique.

Un récit de l'incident s'étala à la Une de La Gazette du Sorcier, le lendemain matin. Les violences verbales et physiques dont les manifestants avaient fait preuve étaient abondamment décrites, donnant l'impression qu'on était, une fois de plus, au bord de la guerre civile.

Hermione passa d'ailleurs voir Harry et Ginny dans la soirée pour en parler avec ses amis.

— Ce fichu article est vraiment excessif, bougonna Harry.

— Il y a quand même eu deux nez cassés, une épaule démise et deux ou trois sortilèges désagréables qui ont requis les soins des médicomages, fit remarquer Hermione qui avait eu en main les rapports officiels remis à son chef de département.

— Est-ce indispensable de présenter notre pays à feu et à sang et laisser entendre que les nouveautés entraînent nécessairement des désordres ?

— Ce n'est pas dit aussi clairement, le corrigea Hermione. Tu aurais préféré qu'ils n'en parlent pas ?

— Ça risque de donner des idées aux autres.

— Mais enfin, Harry, un quotidien d'information comme La Gazette ne peut pas passer sous silence ce genre d'évènement. Ce serait de la désinformation.

— C'est mauvais pour Kingsley, ce type de réaction, non ? s'inquiéta Ginny.

— Au bout de dix ans de pouvoir, c'est plutôt normal que les sorciers fassent le bilan politique de son action et en discutent, tenta de positiver Hermione.

— Ils n'en ont pas tellement discuté, rétorqua Harry. Ils étaient bien trop occupés à s'injurier. Je suis bien placé pour savoir qu'on ne peut pas avoir tout le monde de son côté quand on veut changer les habitudes, mais j'ai entendu des menaces qui dépassaient vraiment la simple expression de ses opinions.

— C'est pour cette raison que nous avons fondé AlterMag. Pour montrer qu'on peut en parler sans s'écharper, leur rappela Hermione. Ce qui s'est passé hier est la preuve que nous avons besoin d'un espace d'expression neutre et raisonnable.

— Il va y avoir un article sur cet incident dans le prochain numéro ? s'inquiéta Harry.

— C'est un magazine qui peut se permettre de se focaliser sur l'analyse et non sur les faits, dit Hermione. Je pense qu'ils vont donner une fois de plus la parole aux deux courants politiques en présence et tenter de comprendre comment les choses ont pu se dégrader à ce point.

— Je doute que les abrutis qu'on a arrêtés hier sachent lire, bougonna Harry, très contrarié par la façon dont la situation s'était envenimée.

— Ils ne représentent que cinquante personnes, tenta de l'apaiser Hermione. Ce qui compte, c'est ce que lisent les autres.

— Mais pourquoi les choses se sont passées ainsi ? insista Ginny. Ceux qui sont opposés à Magie, Quidditch et Tradition croient vraiment qu'ils vont les faire changer d'avis en les attaquant ?

— C'est plus profond que ça. Ceux qui sont pour la modernité sont pour la plupart issus de familles complètement ou à moitié moldues. C'est parce qu'ils connaissent ce qui nous entoure qu'ils en ont moins peur. Or ce sont eux qui ont le plus souffert durant la guerre et de façon consciente ou non, ils associent les conservateurs aux sang-purs qui ont beaucoup moins pâti des actions des Mangemorts. C'est une sorte de revanche a posteriori.

— Mais je croyais que tout était réglé, s'étonna Harry. Montrer que nous sommes à nouveau une nation unie n'était pas le but de la commémoration ?

— Certaines blessures mettent du temps à cicatriser, soupira Hermione. Les cérémonies de réconciliation aident à affirmer la volonté de rapprochement, mais cela ne peut pas tout résoudre et les rancunes peuvent réapparaître sous d'autres formes.

Il y eut un moment de silence, durant lequel les amis se désolèrent de cet état de fait.

— Heureusement qu'on ne peut pas accuser Bertold Higgs d'avoir soutenu les Mangemorts, tenta de se rassurer Harry.

En effet, La Gazette du Sorcier et divers magazines, dont AlterMag, avaient fouillé dans le passé de l'adversaire de Kingsley pour le présenter à la population. Comme de juste dans cette période qui suivait la guerre, le candidat devait se prévaloir d'états de service honorables dans la lutte contre Voldemort. Higgs, bien que sang-pur, avait aidé les sorciers de son hameau poursuivis par le gouvernement des Ténèbres à se cacher aux alentours et avait organisé leur ravitaillement. Il était même allé plaider auprès de Dolores Ombrage la cause d'un de ses voisins qui avait été arrêté du fait de son origine non sorcière. Son sang l'avait préservé des foudres de la terrible directrice de la Commission d'enregistrement des nés-Moldus, mais le risque encouru n'était pas nul, et il y avait ainsi gagné un ordre de Merlin.

Cet acte l'exonérait de toute suspicion de racisme envers les sang-mêlés. Cependant, il rejetait toute évolution dans la vie sorcière et refusait de considérer comme des égales les créatures magiques pensantes.

Il possédait une volière qui dressait les hiboux postaux. Il avait donc vu d'un œil désapprobateur arriver les miroirs communicants. De ce fait, il trouvait écho auprès des petits artisans qui craignaient que leur activité traditionnelle ne pâtisse des nouveautés introduites sur le marché. Fort de cette mouvance, il s'était présenté l'année précédente pour le poste de maître de la Guide des Éleveurs et Équarrisseurs à laquelle il appartenait. Il avait été battu mais le score avait été assez serré pour que le maître élu, Laurentia Fletwok, doive prendre en compte l'opinion de ceux qui n'avaient pas voté pour elle.

C'était donc un candidat sérieux, dont le discours mesuré était susceptible de convaincre ceux qui n'avaient pas d'opinion tranchée.

— D'un côté, je suis contente que ses prises de position passées éloignent le débat des sujets qui fâchent, commenta Hermione. L'inconvénient, c'est que cela en fait un concurrent redoutable contre Kingsley.

*

Conformément à la ligne éditoriale rappelée par Hermione, Alternatives Magiques s'efforçait de traiter les deux candidats avec impartialité.

Le magazine consacra tout un dossier pour présenter Bertold Higgs, qui avait accepté de bonne grâce de répondre à Lee qui l'interrogea sur son programme :

B. Higgs : Tous les sorciers, quelle que soit leur origine, doivent être accueillis dans notre communauté. Mais je ne vois pas pourquoi nous devrions renoncer à notre identité pour adopter celle des nouveaux arrivants. La nature les a faits sorciers, qu'ils l'assument et se conforment aux usages qui vont avec. Nous ne tentons pas d'imposer notre manière de vivre aux Moldus, il n'y a donc aucune raison qu'ils nous envahissent avec la leur.

AlterMag : Il y a toujours eu des emprunts faits aux Moldus dans nos coutumes et productions magiques. Le Poudlard Express, les voitures du ministère, le Magicobus, par exemple. Sans compter les tuyauteries des maisons qui nous évitent de transporter magiquement des seaux d'eau, l'écriture à la plume et bien d'autres choses encore.

B. Higgs : Ces emprunts, comme vous les appelez, sont beaucoup plus limités que vous le laissez entendre. Nos prédécesseurs ont agi avec prudence et modération. Nous sommes loin du raz-de-marée que nous avons connu ces dernières années et que le ministre Shacklebolt a l'intention d'intensifier s'il reste au pouvoir. A-t-il veillé à ce que les guildes mesurent les conséquences des produits qu'elles mettaient en vente ? Non. A-t-il eu une réflexion sur les bouleversements que nos nouvelles habitudes allaient entraîner ? Pas davantage. Quand je suis sur le Chemin de Traverse, je ne reconnais plus rien. Je suis entouré de vêtements impudiques et de couleurs criardes, et les personnes que je connais ne me saluent plus, trop occupées à regarder leurs miroirs.

AlterMag : Vous pensez donc que ce qui vient des Moldus est mauvais pour nous.

B. Higgs : La nouveauté non contrôlée n'est pas toujours appréciable. Ce que je reproche au ministre Shacklebolt, c'est de croire que le Progrès est bon en lui-même, alors que ce n'est pas toujours vrai. C'est à lui de montrer la bonne direction, et il ne le fait pas.

AlterMag : Pensez-vous avoir les qualifications pour le faire ?

B. Higgs : Je sais que certains tentent de faire honte aux sang-purs parce qu'ils n'ont pas souffert autant que d'autres pendant la guerre. Les lois promulguées par le gouvernement des Ténèbres ont été catastrophiques, mais ce n'est pas une raison pour oublier que ce sont les vieilles familles qui ont façonné le monde sorcier et qui l'ont protégé des Moldus durant les siècles où ils connaissaient notre existence et essayaient de nous annihiler. Ce sont ces familles qui ont créé les lieux sorciers, ont entretenu Poudlard pour former nos jeunes, ont mis en place les Repousse-Moldus qui nous permettent aujourd'hui de vivre tranquilles. Au cours de tous ces siècles, ce ne sont pas des droits que les familles ont revendiqués, mais plutôt des devoirs. Ces valeurs nous sont transmises encore de nos jours, avec le désir de protéger le monde sorcier et de le préserver de ses dérives.

AlterMag : Personne n'ignore ce que vous avez fait pendant la guerre, Mr Higgs, mais pensez-vous qu'on puisse prétendre que, durant les trois dernières décennies, les familles sang-pur sont parvenues à maintenir le monde sorcier sur le bon chemin ?

B. Higgs : Vous avez sans doute lu le livre de ce journaliste qui a enquêté sur celui qui se faisait appeler Lord Voldemort. Vous savez donc qu'il était de sang-mêlé et que ce n'est pas un sang-pur qui nous a entraînés dans ces deux guerres fratricides. Il est vrai cependant que trop de vieilles familles sorcières ont été séduites par ce qu'il leur promettait. Mais beaucoup d'autres ont refusé de le suivre, et il a même dû inventer un terme pour qualifier tous ceux qui se sont opposés à ses appels : « les traîtres à leur sang ». Il y a eu assez de « traîtres » pour l'empêcher de prendre facilement le pouvoir lors de la Première Guerre, et d'autres ont combattu à Poudlard pour mettre fin à la seconde.

AlterMag : Étiez-vous présent à la manifestation qui a été organisée la semaine dernière sur le Chemin de Traverse ?

B. Higgs : Évidemment. J'étais donc aux premières loges pour voir les séides du ministère nous attaquer sans sommation. Je trouve regrettable que certains tentent d'empêcher les autres de s'exprimer. En agissant ainsi, ceux qui défendent le changement sans mesure non seulement ne font taire personne, mais ils révèlent leur intransigeance et leur mépris des autres. Je pense que les sorciers sauront en tirer les conséquences.

AlterMag : Et quelle est votre vision pour l'avenir ?

B. Higgs : Pour commencer, je voudrais rappeler que les sorciers ont leur culture et leurs valeurs et qu'ils n'ont pas besoin de copier qui que ce soit pour organiser leur société. Inutile d'aller chercher ailleurs des lois qui ont fait sortir deux coupables de prison le mois dernier. Nulle obligation de se déguiser pour imiter des vêtements ridicules et inconfortables. Il est imprudent de laisser les créatures magiques croire qu'elles peuvent avoir les mêmes droits que les sorciers, alors qu'elles sont incapables de subvenir elles-mêmes à leurs besoins. Je veux restaurer la fierté d'être sorcier, garantir la sécurité de tous et assurer à chaque sorcier la place qui lui revient de droit.

*

Le soir où parut l'article, Harry rentra chez lui assez démoralisé. Il avait trouvé le discours de leur adversaire mesuré et convaincant. Le terme de place qui lui revient de droit cependant le rendait mal à l'aise. On reprend rarement une place sans en chasser quelqu'un d'autre et, d'après Hermione, si l'homme était sans préjugés sur les sorciers de sang-mêlé, les autres créatures magiques, loups-garous compris, devaient, selon lui, se contenter d'une place subalterne.

Malheureusement, ainsi qu'il l'avait souligné en parlant des assaillants de ceux qui avaient voulu manifester en sa faveur, il y avait du côté de Kingsley des extrémistes dont l'intransigeance était un handicap pour ceux de leur camp.

Leur procès n'avait pas encore eu lieu, mais au vu des témoignages relevés le jour de l'incident, l'issue en était évidente : tous les partisans de Magie, Quidditch et Tradition seraient relaxés car ils n'avaient fait que répondre à la provocation, tandis que leurs agresseurs seraient condamnés à une amende.

Harry ressassait ces sombres pensées quand il pénétra dans le salon. L'apercevant, son fils aîné lui sauta dans les bras en criant de ravissement. Il ne put s'empêcher de sourire. James allait maintenant sur ses quatre ans et était désormais capable de tenir une conversation variée. Il racontait chaque soir à son père les évènements marquants de sa journée, au grand dam de Ginny qui tentait de le faire parler, sans succès, quand elle allait le chercher à l'école.

Albus avait presque trois ans. Il n'était pas aussi volubile que James, mais il comprenait tout ce qu'on lui disait. Si l'aîné était toujours très attentif à marquer sa place auprès de ses parents, les deux garçons avaient assez d'intérêts communs pour arriver à jouer ensemble.

De l'avis de Harry, le jardin d'enfants où James passait désormais cinq matinées par semaine lui avait fait beaucoup de bien. Non seulement cela lui permettait de s'ébattre dans un grand espace, mais il s'était rendu compte que certaines règles que peinaient à lui inculquer ses parents étaient également de mise dans d'autres endroits, et il acceptait mieux de les respecter.

Il s'était considérablement assagi et son énergie avait été canalisée par les activités de sa classe. Il allait même jusqu'à les enseigner à son petit frère, ce qui avait bien amélioré les rapports entre les deux enfants. Il restait cependant incapable de marcher. On le voyait sauter, danser, courir, mais jamais avancer tranquillement.

Après l'école, il était tellement content de retrouver sa famille après plusieurs heures de séparation, qu'il avait tendance à se montrer plus accommodant qu'il ne l'avait été auparavant. C'était pour Ginny une bouffée d'air frais après les trois ans durant lesquels l'enfant lui en avait fait voir de toutes les couleurs.

Même si Lily à six mois demandait encore beaucoup d'attention, c'était un bébé calme qui passait beaucoup de temps à babiller toute seule, sans avoir nécessairement besoin qu'on s'occupe d'elle. Albus aussi semblait savoir se distraire tranquillement, sans que l'on puisse déterminer si c'était dans son caractère, ou s'il avait dû s'y résoudre à cause de la place prise par son frère durant ses trois premières années.

Une fois les enfants au lit, Harry voulut aborder avec son épouse le sujet de l'entretien de Higgs par AlterMag. Elle ne lui en laissa pas le temps :

— James est tombé dans l'escalier juste avant de dîner, annonça-t-elle d'un ton excité. Devine ce qui s'est passé !

L'air réjoui de Ginny le mit sur la voie :

— Il a fait de la magie spontanée ?

— Exactement ! Il a fait un vol plané et il a atterri en douceur sur le sol.

— C'est merveilleux !

Il enlaça Ginny, le cœur empli de joie. Dans les yeux de sa femme, il retrouva l'exaltation que lui-même ressentait. Même s'ils n'avaient pas de raison particulière de s'en faire, c'était toujours rassurant pour les parents sorciers de voir leur enfant faire sa première démonstration de magie. Cela leur apportait la certitude qu'il irait à Poudlard et aurait sa place dans la communauté sorcière. Harry savait que si l'un de ses enfants se révélait cracmol, il l'aimerait tout autant et trouverait une solution pour qu'il s'épanouisse malgré ce manque, mais, comme tous les sorciers, il désirait ardemment que son enfant ait les mêmes pouvoirs que lui.

Il eut une pensée émue pour ce pauvre Neville qu'on avait fait tomber par la fenêtre pour l'obliger à dévoiler son don. En ce domaine, le caractère casse-cou de James était un avantage. Il s'était dépêché de rassurer ses parents sans que ceux-ci n'aient à se creuser la tête pour mettre en place des conditions propices pour qu'il montre ce qu'il savait faire.

Poudlard n'avait qu'à bien se tenir !

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Les développements sur la composition du Magenmagot sont en grande partie issus de mon imagination, car les informations que l'on peut tirer des livres sont très parcellaires. L'idée que les magistrats soient d'anciens avocats est inspirée de la pratique courante anglo-saxonne. 

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