2 - Laos

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Tic. Tac. Deux secondes sont passées sur le cadran de ma montre. Deux tours de la trotteuse, rapide, qui court sans s'essouffler sur le terrain circulaire du temps. Pourtant, moi, je reste immobile, assise sur une chaise, à côté d'une personne que je ne connais pas vraiment, même s'il est mon voisin depuis plus d'un mois pendant plusieurs heures tous les jours de la semaine. Ce n'est pas comme si on passait notre temps à discuter, rire, non, nous on écoute, on met occasionnellement en commun des idées sérieuses dont aucun de nous deux n'a vraiment envie de parler.

Alors je ne le connais pas, et j'attends en regardant ma montre que l'heure finisse. Une longue heure de physique, pendant laquelle l'adulte debout devant nous nous conte les milles merveilles de la géométrie des molécules. Si je ne peux pas voir les molécules, alors je ne peux pas voir quelle est leur représentation juste, n'est-ce pas ? Dans ce cas, je ne vois pas pourquoi on doit vraiment passer une heure dessus, ou plus.

Je rabats la manche de mon pull sur mon poignet. C'est pire quand je regarde les secondes passer, c'est comme si elles faisaient exprès de ralentir pour me narguer. Je prends mon crayon de bois, mon taille crayon, et le taille, même s'il est déjà tellement pointu que quand je l'enfonce dans la peau de mon pouce, ça fait relativement mal, juste une piqûre de rien du tout, comme disait ma mère à mon frère quand il était plus jeune.

De ma place au fond de la classe, j'ai une vue privilégiée sur mes trente et un camarades, trente et une personnes qui passent la majorité de leur temps à ne pas me parler, mais préférer les autres, plus normaux, leurs amis. Qui, dans ces trente et une personnes, m'adressera la parole quand je franchirai la porte pour aller dans le couloir ?

Mon regard se dirige vers le garçon, à côté de la fenêtre, qui prend des notes en orange, et uniquement en orange. Je n'ai jamais compris pourquoi il fait ça, et les autres non plus, mais ce n'est pas grave parce que lui, il aime écrire en orange sur ses feuilles de cours. À croire qu'il éprouve une haine inexpliquable pour les autres couleurs, et laisse leur encre sécher dans les bouchons de leur stylo.

C'est sûr pour toutes les trente autres personnes de la classe, Noa est définitivement étrange. Pourtant, il est dans cet espace restreint mon seul ami, le seul sur qui je peux compter quand on fait des travaux de groupe, et le seul avec qui je discute vraiment. Je ne suis pas une personne très sociable, et lui encore moins.

Il y aurait sûrement d'autres personnes qui pourraient s'avérer plus intéressantes qu'un vulgaire ver de terre dans une boîte de surimi, mais mes tentatives ont pour l'instant toutes échouées pour entrer en contact. Les autres, c'est comme des huîtres, au premier abord, ça donne pas envie, et parfois tu te dis que ça passe, et d'autre fois, tu as envie de les vomir dans les premières toilettes que tu trouveras. Du coup, il vaut mieux ne pas en manger, c'est plus sûr, je tiens à ma relation avec mon estomac.

Noa ne me regarde pas, et sa tête brune est concentrée sur le tableau, son stylo orange court sur sa feuille, comme s'il avait envie de se muscler le pouce. Ce n'est pas mon cas, cela fait bien vingt minutes que je me suis enfermée dans ma bulle, et que je n'ai plus écouté le moindre mot de ce que dit le professeur.

Mais heureusement pour moi, il faut bien que la récré arrive, et que j'aie le droit de sortir dans le couloir, où il y a une différence d'au moins quatre degrés qui me fait frissonner aussitôt. Je resserre les pans de ma veste en cuir, et attend, assise contre un mur gris, que Noa daigne sortir à son tour. Des adolescents passent devant moi, des garçons, des filles, des idiots, des pétasses, des gens plus normaux, des gens dont j'ignore le nom. Et enfin, le grand roi de la couleur orange vient vers moi, avec un grand sourire.

-Qu'est-ce qui te fait autant plaisir ? le questionné-je pendant qu'on se met en marche vers notre endroit préféré.

-Tu ne devineras jamais ce que m'ont dit mes parents hier !

-Non, puisque je ne peux pas lire dans tes pensées et que je ne t'ai pas espionné.

Je saisis dans ma paume la rampe des escaliers et nous grimpons à une allure régulière, ni rapide ni lente.

-Je vais aller au Laos ! annonce-t-il fort, et la dizaine de personnes qui sont proches de nous peuvent l'entendre et eux aussi faire la fête, mais ils ne le font pas, la plupart étant concentrés sur leurs téléphones portables ou en direct avec leurs amis.

-C'est vrai ? demandé-je en me tournant vers lui.

-Oui ! s'exclame-t-il. Trois semaines ! Tu te rends compte, c'est génial, on va en profiter pour mener l'enquête sur l'identité de mes parents biologiques !

Son sourire est contagieux, et je ne peux m'empêcher de le lui retourner. Sa quête va pouvoir peut-être avancer, et même s'il m'en parle peu, je peux deviner à quel point il aimerait connaître ses origines, son héritage génétique.

-En trois semaines, tu ne vas faire que ça ? l'interrogé-je.

-Non, je vais aussi en profiter pour regarder le pays, me raconte-t-il des étoiles plein les yeux.

La joie, c'est comme les paillettes, quand on en met partout, c'est long à détacher, mais ça fait naître les sourires. Alors je souris, et Noa, tout enthousiaste, me donne plus de détails sur son voyage. Alors que nous atteignons notre petit coin, il me parle de ses parents, qui, même si eux aussi sont heureux de contribuer à sa quête et qu'ils le comprennent, ont un peu peur de perdre mon ami là-bas, ou que ça se passe mal.

Le Laos est un grand pays, plein de dangers que nous ne connaissons pas, nous qui avons toujours vécu dans un pays riche, dans des familles n'ayant pas de problèmes particuliers.

Assis sur la moquette, nous discutons paisiblement, tous les deux.

-C'est quand ? l'interrogé-je.

-Bientôt, dans seulement deux semaines, souffle-t-il.

Stupéfaite, je me tourne vers lui, et ancre mes yeux dans les siens, noirs comme de l'encre, pour savoir si c'est une blague, si une étincelle de rire s'est glissée dans ses prunelles, mais non, il est sérieux.

-Pas possible, un voyage comme ça, ça se prépare des mois à l'avance, réfuté-je.

-Mes parents ont déjà tout organisé, c'était censé être une surprise, mais ma grand-mère a fait une bourde, donc j'ai fait mon Sherlock, et j'ai fini par faire les faire abdiquer, explique-t-il avec un clin d'oeil, comme pour me prouver qu'il a du talent en tant qu'enquêteur ou pour m'impressionner.

Puis, il continue de me parler, et me raconte ce repas de famille, la veille, où il a découvert son voyage. Ils étaient chez la grand-mère en question, à manger un gâteau, lorsqu'elle a demandé à ses parents adoptifs s'ils avaient fini les préparatifs. Les pauvres ont avalé de travers, et Noa a alors compris qu'il y avait quelque chose qu'il ignorait. Quelques heures plus tard, après des discussions autour du canapé et une supplications à genoux avec usage des "yeux, tu sais comme ceux du chat potté dans Shrek", il a obtenu la vérité.

Donc, nous nous sommes retrouvés, tous les deux, à rire dans ce couloir où personne ne se rend jamais, parce qu'il n'y a rien, juste une fenêtre, de la moquette verte probablement sale. Pourtant, c'est notre lieu préféré, pas seulement à Noa et moi, mais aussi à toute notre bande d'amis.

C'est là où nous nous réunissons, à la lumière du soleil, assis sur la moquette moche mais familière. C'est là où je préfère être, parce que je sais qu'il y aura toujours quelqu'un. Je suppose que c'est là où j'irai toute la journée quand Noa sera parti, car en plus, il part pendant deux semaines de cours, alors pendant ces deux semaines, je vais être seule, terriblement seule.

Je lui ai donné un écouteur, et lui ai fait écouter un nouveau morceau que j'ai découvert hier soir, dans mon lit, quand je lisais. De la batterie, agrémentée d'un violon harmonieux et qui donne un caractère particulier à la musique. Il adore le violon lui aussi.

Quand, au bout d'une demi-heure, nous devons retourner travailler, c'est dans un état d'esprit beaucoup plus serein que j'y vais. Pas besoin de compter le temps, d'être pressée. Je ne veux pas être dans deux semaines.

Assise au fond de la classe de nouveau, à côté de mon voisin qui dessine des dizaines de ronds sur sa feuille à carreaux, je regarde les autres. Les trentes étrangers. Quand Noa sera parti, aucun des trente ne viendra vers moi, parce qu'ils sont trop occupés avec eux-même, avec leurs véritables amis, et je les comprend, je ferais pareil, mais je ne peux m'empêcher de me dire que je vais sûrement beaucoup m'ennuyer.

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