Chapitre 1 - Une Mère Sans Enfant

Màu nền
Font chữ
Font size
Chiều cao dòng

Une mère sans son enfant peut signifier deux choses. Soit la mère ne peut pas s'occuper de son enfant, soit l'enfant n'est pas capable de rester avec sa mère.

Ici, l'enfant ne peut point rester avec la femme qui l'a vu grandir; si ça venait à se produire, la mère serait tuée.

Pas que ce ne fut point arrivé auparavant.

Je marche tranquillement au travers du lieu que Flowey, à présent installé dans ma poche, appelle "ruines", nom qui illustre très bien l'état piteux de l'endroit. Chaque brique semble pouvoir être décrochée de son mur, chaque carreau du sol bouge sous mes pas, chaque pic de chaque piège est recouvert de rouille comme le sol est recouvert d'une quantité de feuilles que je ne pourrais, avec aucun moyen humain, exprimer. En tout cas, pas d'une manière qui aura du sens.

Mais rien n'a plus de sens. Pas ici.

"Et, dis, Flowey, par quel moyen les monstres ont-ils étés tirés de leur repos éternel?"

Sa tige se redresse brusquement (ou autant qu'une fleur peut être brusque) et il prend la moitié d'une seconde seulement pour réfléchir. "Bonne question, tiens. Si tu veux, une fois que Frisk- l'humain est tombé ici, une boucle temporelle s'est mise en place, et chaque altération de cette boucle, il est le seul qui la vit. Les autres sont passagers, plus ou moins. Sans et moi on n'est que passagers si Frisk nous donne une fin pacifique, c'est-à-dire qu'il libère les monstres de l'underground."

"...Et donc?"

"À cause d'une anomalie, Frisk a réussi à briser cette boucle, il en est sorti. Mais on n'était pas censés rester mort, du moins pas tant qu'il restait, donc... le monde a fait le taf de la boucle, et nous a donc ramené."

Je m'arrête deux secondes pour encaisser toutes les informations. Si on y pense, c'est un peu comme dans Groundhog Day, sauf que Frisk n'était pas censé trouver une manière de sortir de la boucle. Et puis on s'étonne qu'il ait tué tout le monde. Le pauvre, cette histoire de boucle a du le faire tourner en bourrique.

Pas que je suis du côté d'un tueur en série, d'un nazi avec plus d'étapes, loin de là.

Des fois, Ben me dit que je devrais faire psychanalyste. Ca serait stylé, c'est vrai, mais c'est un boulot trop gros pour moi. Je préférerais être écrivaine.

Je devrais garder mes pensées un peu plus ordonnées, je pars dans tous les sens.

"À partir d'ici, je te recommande de faire des pas de loup et d'arrêter de respirer. Elle n'est pas loin."

Elle? Qui elle?

J'ose même pas demander, et je m'empresse de ralentir le pas.

Doucement peut autant toucher à la vitesse qu'au volume, donc mon cerveau fait le lien entre la lenteur et le silence, que je le veuille ou non.

D'un pas lent, très lent, je me déplace, en apnée.

Et là, c'est le drame.

Un de ces foutus carreaux instables a décidé de glisser sur la boue sur lequel il se trouvait, et moi je pars avec. Je fais un magnifique vol plané et je gueule de plus belle, et Flowey fait de même, avant que je ne me ramasse lamentablement au sol.

"PUTAIN, IL FALLAIT QU'ON SUBISSE UN DÉSASTRE PAREIL ICI!"

"Et, puisqu'on a atteint le record d'indiscrétion, je voudrais demander qui c'est, 'elle', la femme dont tu parlais tout à l'heure."

"C'est... TORIEL, l'ancienne gardienne des ruines, et encore plus ancienne reine. Elle a perdu la tête en restant seule ici. Elle aurait pu mourir de vieillesse, si seulement moi je n'étais pas mort si jeune. Et puis- elle est déjà morte donc ça ne change rien. Elle ne cessera d'exister."

Je me relève, non sans peine. J'aurai des bleus par dessus mes bleus de la première chute ici. C'est beaucoup d'hématomes, tout d'un coup.

"On peut toujours essayer de se déplacer sans bruit, qui sait, peut-être qu'elle n'a pas entendu."

"Mais, mes enfants... De qui vous cachez-vous donc ainsi?"

Là, je sens sans aucun putain de doute que mon cœur a sauté un battement. Flowey et moi, on se lance un dernier regard, avant de se retourner contre notre gré vers la personne qui a prononcé cette phrase. Phrase qui, en contexte, est la pire menace de mort que je n'ai entendu de toute mon existence lamentable.

Rhaah, je pense trop! J'ai pas le temps!

Sans que je puisse en donner l'ordre à mes jambes, je me mets à foncer en courant, aussi loin de la femme que j'ai à peine vu que je pourrais.

"Plus vite! Plus vite! Elle nos rattrape!"

Je passe la vitesse et je cours plus rapidement que je ne me croyais capable. L'adrénaline fait effet, et pour le coup ça m'aide vraiment. J'ai l'impression que je vais déboîter mes jambes, mais là, je m'en fous; je fonce ou je crève.

Ce qui me fait continuer de courir, tout de même, est la course stable de la personne derrière moi, que j'entends à cause des griffures brèves mais régulières sur les carreaux. Je ne peux pas possiblement courir plus vite que ça, et je crains que la femme ne s'approche.

"PLUS VITE PUTAIN!"

"JE NE PEUX PAS-!"

Je fais de mon mieux pour aller plus vite; mais malgré mes pas plus grands, je ne suis toujours pas assez rapide.

"Si t'es assez maline, on peut la semer!"

Ca serait simple, on est dans un labyrinthe. Seul problème, je n'en ai pas le plan, donc si on la sème, on se sèmera nous.

Mais vaut mieux ça que mourir.

Je tourne violemment dans un petit couloir. Merde, c'est un cul de sac. Sans réfléchir, je fonce droit dans le mur devant moi, et...

...je le traverse?

Je suis dans un petit trou, dont la seule lumière est celle qui vient des couloirs, je sais pas trop comment.

"psst..."

Un petit murmure prend mon attention.

"Je vais vous cacher aussi longtemps que je le peux sous cette forme... elle connaît bien les ruines... elle remarquera... mais pour l'instant vous êtes en sécurité..."

"Ah, Napstablook! Merci à l'Ange de la mort tu es là!" chuchote Flowey en réponse. "J'aurai jamais cru te croiser ici, j'ai cru que t'es retourné à Waterfall après tout ça." Il se tourne vers moi. "Je te présente Napstablook, un fantôme."

Napstablook se rend un peu plus transparent, et on voit Toriel passer rapidement devant notre cul de sac sans réfléchir deux fois, jetant simplement un coup d'œil.

Toriel, c'est un monstre blanc, avec des cornes et des oreilles de chèvre, et une grande robe violet royal. Ce qui me surprend est le fait qu'elle est gigantesque, elle doit faire presque deux mètres, et elle n'a même pas besoin de courir trop vite pour être à la vitesse à laquelle j'allais.

Pourquoi ne court-elle donc pas?

J'expire tout l'air que j'ai gardé en apnée pendant tout ce temps, et Flowey fait de même.

"Donc, comment sort-on d'ici, maintenant?" demandes-je.

"...Je ne... pourrai pas vous aider pour ça..."

"Je peux nous transporter sous terre. On n'aura qu'à espérer qu'on tombera à un endroit où Toriel n'est pas, mais elle ne peut pas être partout, alors on a plus de chances de... euhm, avoir de la chance."

Il n'y a pas d'autre solution de toute manière, alors je hoche la tête.

Flowey ferme ses yeux et des racines jaillissent du sol, m'enveloppant en spirale. "Si j'étais toi, je retiendrais ma respiration."

Je ferme les yeux à mon tour, et respire un grand coup avant que ma tête ne soit recouverte. D'un coup, je me sens descendre avec un grondement, un peu comme celui qu'on imaginerait une foreuse faire au beau milieu de la croûte terrestre.

Soudainement, on arrive à un endroit vide, et ma tête se découvre. Je me vois me faire balancer de racine en racine, à travers des galleries souterraines massives, sous les... galleries souterraines encore plus massives.

"Flowey, c'est toi qui a fait tout ça?"

Il sort d'entre deux racines m'enveloppant. "J'avais tout le temps du monde après ma mort, alors je me suis amusé à transporter des trucs gigantesques avec mes racines sous terre, pour me faciliter les trajets et avoir un endroit où rester quand je veux pas être à l'air."

Je regarde, un sourire aux lèvres, impressionnée.

"Ce sont tes racines, là?"

Il sourit à ma question. "Ouaip. Balaise, non?"

"Absolument."

Je remarque que la plupart des galleries se coupent en angle droits, et certaines mènent à des salles plus ou moins grandes.

"Et... On dirait que t'as fait exprès de faire des angles droits et des salles."

"J'ai essayé de creuser exactement là où sont les salles et les couloirs des ruines."

Sa remarque me fait rire un peu. C'est plutôt ingénieux.

"Retiens ta respiration encore une fois..."

J'inspire un grand coup et des racines me recouvrent de nouveau la tête, et je me fais transporter à travers le sol encore une fois, avant de jaillir du sol.

Et mon cœur s'arrête entièrement de battre quand j'entends des bruits de pas qui ralentissent tout en augmentant de volume.

"Ah, tu es là, mon enfant."

Les racines tombent de moi et je regarde Toriel, pétrifiée, dans ses yeux marron rosé. Ils ont l'air très gris, vides, morts. Vides de tout, sauf de colère.

Au bout de deux secondes, elle se tape un fou rire, de nulle part. Elle pleure, tellement elle rit. Elle se tord en avant, en arrière, et c'est de la torture de la voir rire comme ça alors que je ne peux pas bouger tellement j'ai peur.

J'essaye de regarder autre part que son visage, mais en regardant autre part, mon regard rencontre des entailles profondes, tellement que je me demande où sont son sang et ses organes. Alors je regarde de nouveau son visage.

Elle s'arrête enfin de rire. "Je t'ai enfin retrouvé... M-mon enfant..."

Elle tire une tronche qui est le mélange parfait de mélancolie et de rage, comme les mères savent si bien le faire. "Tu as vu ce que tu m'as fait..?" demande-t-elle en montrant les coupures diverses de son corps.

"C-ce n'e-e-est p-pas moi-"

"Tsk, ne réponds pas! Ne sais-tu donc pas que c'est impoli?" gronde-t-elle.

J'arrive à faire un pas en arrière, et elle en fais deux en avant.

"Tu vas payer pour ce que tu as fait."

Je remarque que ses pupilles sont extrêmement rétractées, et je me demande comment elle arrive à voir clairement.

Si elle me confond avec Frisk, peut être ne voit-elle pas si clairement que ça.

Elle ouvre la paume de sa main, et une flame vive s'installe à l'intérieur, puis un sourire sadique lui monte jusqu'aux oreilles, qui sont très hautes pour le coup.

"Quand comprendras-tu..." dit-elle en hochant sa tête, "... que tes actes ont des conséquences?"

Je sais que je fuis souvent des situations dans lesquelles je me fourre toute seule, mais là, c'est un peu brutal, non?

Elle balance son bras en arrière, et la flame qu'elle tenait part en flèche vers le mur. D'une manière ou d'une autre, ça commence à brûler, et ça se propage plutôt rapidement.

"Amuses toi à fuir du feu."

Elle ricane sadiquement puis recule, disparaissant dans les flammes. Je regarde le rideau brûlant se refermer devant moi, grandissant, se rendant de plus en plus imposant, consumant ce qui reste du lieu.

Je fais un pas en arrière, puis tout d'un coup, me retournes et cours de plus belle. J'arrive pas à respirer à cause de la fumée, mais si je cours pas, je crèverais, alors autant avoir essayé.

Flowey reste silencieux, son corps souffrant de la force cinétique et se faisant tirer en arrière. Et moi je cours. J'ai pas envie de brûler.

"Tourne dans la grande cour, entre dans la maison, descend et sors par la grande porte du sous-sol." énonce enfin Flowey.

En tournant la tête à gauche, je remarque une grande cour avec un arbre noir ébène sans feuilles et une petite maison. Je fais un virage brusque, manquant de tomber si je n'avais pas pris appui sur le sol avec ma main gauche, et cours vers la porte d'entrée de la maison. J'entends le troupeau de flammes me rattraper, mais je ne m'arrête pas pour autant.

Je défonce la porte et j'ai même pas à chercher les escaliers que je descends. J'entends des pas derrière moi, mais je m'en fous, je veux pas crever.

Arrivée en bas des marches, je cours en piquet jusqu'à un endroit où je dois de nouveau tourner à gauche pour accéder à la porte. Je prends le virage et fonce jusqu'à la porte.

Je pousse à bout de bras, mais les portes ne bougent pas.

Je m'appuie contre la porte, utilisant mon poids pour tenter d'ouvrir le chemin, en vain.

J'entends les flammes venir pour ma peau.

Je me mets à pleurer, poussant la porte, à bout de forces. Je la tape, j'essaye de la défoncer, mais tout ce qui change est que j'ai mal à l'épaule, de plus en plus.

J'abandonne. Je me redresse, les yeux inondés, seulement comme obstacle face aux flammes.

Les flammes s'arrêtent face à moi, et Toriel en sort. Son visage est caché par l'ombre, et je ne peux voir que sa bouche, crispée en un sourire enragé.

"Tu es arrivée jusqu'ici. C'est bien, tu te souviens d'où tu m'as trahi."

Ma respiration recouvre le crépitement doux de la rage du feu.

"Je ne suis pas Frisk, encore moins votre enfant."

Elle arrête sa marche, crispe ses mains en poings, serre ses dents encore plus fort, puis relâche tout. Elle tombe à genoux par terre.

"Je... Comprends pas..." des larmes coulent entre la fourrure de ses joues. "...J'ai... tout fait... pour toi..."

Elle renifle, et s'essuie une des joues. "...Je t'ai fait une tarte... je t'ai logé... je t'ai sauvé..." Elle remonte sa tête, me montrant des yeux épuisés. "Tu n'est pas lui, mais... Tu lui ressemble..."

"Tu dois me laisser partir, Toriel."

Un sourire lui fend le visage, mais encore plus d'eau l'inonde. "...Tu dis même ce qu'il m'a dit..."

"Tu dois le laisser partir, lui aussi. Laisse le sortir de tout ça, de toi. Il t'a tué, mais le cours de l'histoire est fait, rien ne pourra changer ce qui s'est produit. A la place de te faire du mal avec ce qui t'es arrivé, apprends-en. Ne te laisse plus être trahie."

Elle se sèche le visage avec ses mains poilues, et se relève. "Tu peux partir, mais fais attention."

Un léger grondement retentit derrière moi et je sursaute. Les portes se sont ouvertes. Toriel me regarde, un sourire aux lèvres, le mur de feu s'effondre derrière elle et après un dernier adieu sans mots, elle fait demi tour.

"Merci, madame. Passez un meilleur futur."

Et sur ces mots, je sors des ruines.

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen2U.Pro